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Full text of "Le soleil"

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LE  SOLEIL 


PARIS.  — IMPRIMERIE  DE  GAUTHIER- VILLARS, 

Quai  des  Augustins,  55. 


LE 


S  0  L  E  1  L 


LE  P.  A.  SECCHI  S.  J 

Directeur  de  rUbservatoire  du  Collège  Romain, 
Currosponiiant  de  l'instllut  de  Franco. 


DEUXIÈVIE    ÉDITION,    REVUE    ET    AUGMENTÉE. 


premii:re  partie. 

TEXTE. 


PARIS, 


GAUTHIER-VILLARS,  IMPRIMEUR- LIBRAIRE 

DU    BUREAU    DES    LONGITUDES,    DE   l'ÉCOLE    POLYTECHNIQUE, 
SUCCESSEUR  DE  IMALLET-BACHELIER, 

Quai  dos  Aupustiris,  55. 

1875 

(Tous  droits  réservés.  ) 


SU 
t.) 


INTRODUCTION  A  LA  PRÉSENTE  ÉDITION. 


L'accueil  favorable  que  cet  Ouvrage  a  reçu  des  savants  m'a 
encouragé  à  le  perfectionner  en  lui  donnant  de  nouveaux  dé- 
veloppements ;  ce  n'est  donc  pas  simplement  une  seconde 
édition  que  nous  offrons  au  puLlic,  c'est  un  ouvrage  complè- 
tement refondu  et  presque  entièrement  nouveau. 

Au  moment  où  parut  la  première  édition,  la  Science,  ré- 
cemment enrichie  d'une  découverte  féconde,  mettait  à  profit 
ses  nouvelles  ressources  pour  faire  des  progrès  rapides  et 
nombreux  :  aussi  notre  Ouvraîje  se  trouva-t-il  bientôt  en 
arrière.  Dans  l'édition  allemande  faite  par  M.  Scliellen,  j'ai 
cherché  à  combler  un  grand  nombre  de  lacunes  ;  mais  les  dé- 
couvertes se  succédaient  si  rapidement,  qu'il  fallut  reléguer 
dans  un  Appendice  celles  qui  s'étaient  faites  pendant  l'im- 
pression de  l'Ouvrage,  A  cette  époque,  un  grand  nombre  de 
faits  intéressants  demeuraient  encore  isolés  les  uns  des  autres, 
sans  lien  commun  qui  servît  à  les  réunir  en  corps  de  doc- 
trine. Les  années  qui  vieiuient  de  s'écouler  ont  (  omble  plu- 
sieurs de  ces  lacunes  :  par  exemple,  la  tliéorie  des  éruptions 


solaires  était  à  peine  ébauchée;  nous  ne  prétendons  pas 
qu'elle  soit  complète  aujourd'hui,  mais  elle  a  certainement 
fait  de  grands  progrès,  et  nous  commençons  à  voir  les  rela- 
tions qui  existent  entre  les  mouvements  éruptifs  et  les  autres 
phénomènes  de  la  Physique  solaire.  Ces  questions  étaient  à 
peine  indiquées  dans  la  première  édition  ;  nous  les  avons 
traitées  dans  celle-ci  avec  tous  les  développements  qu'elles 
comportent. 

Nous  avons  aussi  donné  une  plus  grande  étendue  à  l'his- 
torique de  plusieurs  découvertes,  et  nous  pensons  avoir  ainsi 
satisfait  aux  plaintes  de  certains  savants  qui  nous  repro- 
chaient de  n'avoir  pas  apprécié  leurs  travaux  comme  ils  mé- 
ritaient de  l'être.  Dans  un  ouvrage  de  longue  haleine,  il  est 
bien  difficile  de  rendre  justice  à  tout  le  monde  ;  s'il  nous  est 
arrivé  d'attacher  moins  d'importance  qu'd  ne  faudrait  à  cer- 
tains travaux,  nous  espérons  qu'au  lieu  de  nous  supposer 
quelque  mauvaise  intention  on  voudra  bien  attribuer  ce 
malheur  à  la  difficulté  du  travail.  Du  reste,  quoique  le  com- 
merce littéraire  soit  actuellement  très-actif,  nous  n'hésitons 
pas  à  affirmer  que  les  Italiens  pourraient  adresser  aux  savants 
étrangers  bien  des  réclamations  de  ce  genre.  Cela  tient  à  deux 
causes  :  la  première  est  le  nombre  toujours  croissant  de  ceux 
qui  se  livrent  à  ces  recherches  ;  il  devient  ainsi  bien  difficile 
de  se  tenir  au  courant  de  ces  observations  si  multipliées;  — 
la  seconde  est  la  multitude  de  langues  dans  lesquelles  sont 
publiés  les  travaux  modernes,  ce  qui  augmente  singulière- 
ment la  difficulté  que  présente  leur  étude. 

L'Angleterre  est  représentée  par  un  groupe  exceptionnelle- 


—    VII    — 

ment  nombreux  de  savants  qui  étudient  avec  soin  la  Phvsi(|ne 
solaire;  leur  langue  étant  très-répandue,  il  est  plus  facile  de 
se  tenir  au  courant  des  résultats  auxquels  ils  parviennent  : 
aussi  avons-nous  largement  puisé  dans  leurs  publications, 
afin  de  rendre  justice  à  chacun  d'eux.  Notre  intention  n'a 
cependant  pas  été  de  faire  une  simple  compilation  analogue 
à  quelques  ouvrages  anglais.  Il  y  a  dans  la  Science  deux  bran- 
ches essentielles  et  vitales  :  l'étude  des  faits  et  la  recherche 
des  liens  qui  les  unissent.  Les  faits  doivent  être  coordonnés 
de  manière   à  éviter  les  redites,  les  anachronismes  et  cette 
multitude  de  détails  qui  sont  importants  dans  un  jMémoire 
original,  mais  qui,  dans  un  Ouvrage  d'ensemble,  ne  peuvent 
que  produire  la  confusion  dans  l'esprit  du  lecteur,  par  la  ré- 
pétition d'une  foule  de  circonstances  particulières  qui  se  re- 
trouvent à  peu  près  les  mêmes  dans  toutes  les  observations. 
En  faisant  une  compilation  et  pour  ainsi  dire  un  recueil  de 
Mémoires,  il  est  facile  d'offrir  au  public  de  gros  et  beaux  vo- 
lumes ',  mais  on  n'y  retrouve  point  d'unité  scientifique,  et  le 
développement  des  idées  y  est  à  chaque  instant  interrompu. 
Ces  publications  ont  rendu  de  grands  services  ;  mais  notre 
travail  n'est  pas  devenu  pour  cela  inutile,  car  nous  nous 
proposions  un  but  différent,  celui  de  coordonner  d'une  ma- 
nière logique  l'immense  multitude  de  faits  recueillis  dans  ces 
dernières  années. 

Nous  ne  nous  sommes  pas  contenté  de  réunir  ces  faits  et  ilc 
les  coordonner,  nous  avons  aussi  voulu  les  vérifier  et  en  ac- 
quérir une  connaissance  directe  et  approfondie  en  les  étudiant 
avec  soin.  Nous  avons  donc  cherché  à  rendre  justice  aux  sa- 


—   VIII    — 

vants  en  conservant  à  chacun  ses  droits  de  propriété  ;  mais, 
en  même  temps,  nous  avons  tenu  à  exposer  les  faits  tels  qu'ils 
se  présentent  à  notre  expérience  personnelle;  c'est  ainsi  que 
notre  Ouvrage  a  pris  un  cachet  particuher  et  original.  On  nous 
a  accusé  à  ce  propos  d'avoir  voulu  persuader  à  nos  lecteurs 
que  nous  avons  porté  seul  tout  le  poids  de  la  chaleur  et  du 
jour!  Nous  n'avons  jamais  eu  cette  prétention,  nos  lecteurs 
le  savent  bien  ;  nous  avons  seulement  voulu,  tout  en  citant 
les  découvertes  des  autres,  décrire  les  phénomènes  avec  cette 
sûreté  et  cette  précision  que  l'observation  personnelle  peut 
seule  donner  à  un  écrivain.  L'expérience  nous  a  trop  bien 
appris  qu'un  grand  nombre  de  discussions  naissent  et  se 
compliquent  outre  mesure,  parce  qu'on  n'observe  pas  assez 
les  faits  qui  servent  de  fondement  aux  théories. 

Du  reste,  après  avoir  rendu  à  chacun  ce  qui  lui  appartient, 
nous  ne  devons  pas  nous  oublier  nous-même  ;  on  ne  sera  pas 
surpris,  par  exemple,  si  nous  nous  attribuons  l'honneur  d'a- 
voir complété,  avec  des  soins  si  assidus,  certaines  recherches 
à  peine  indiquées  par  leurs  auteurs,  qui  s'en  étaient  détournés 
pour  se  livrer  à  d'autres  travaux,  plus  brillants  peut-être, 
mais  non  plus  fertiles.  D'ailleurs  il  y  a  tant  de  savants  à  notre 
époque,  presque  tous  armés  de  puissants  instruments,  que 
plusieurs  d'entre  eux  peuvent  bien  se  rencontrer  poursuivant 
les  mêmes  idées  et  découvrant  les  mêmes  faits.  L'étude  de  la 
Physique  solaire  a  donné,  il  y  a  deux  siècles  et  demi,  un 
exemple  frappant  de  ces  coïncidences,  exemple  qui  peut  bien 
se  renouveler  de  nos  jours. 

Avant  de  terminer  cette  Introduction,  il  me  reste  à  rendre 


—    IX    — 

hommage  au  Iradiictciir  et  à  réditciir  (jui  f)nt  conrouni  à 
iioti'c  (riiM'c.  Le  II.  1'.  Larchcr  a  !)icn  voulu  me  Nciiir  eu  aide, 
«rite  lois  ciicoiv,  pour  ivudrr  mes  idées  avec  cette  précision 
et  cette  élégance  (|ui  c.uacteriscut  la  lauj^uc  ri'ancaisc  :  je  le 
prie  d'accepter  ici  tous  mes  romerciments. 

L'éditeur,  M.  Gautliicr-Villars,  a  voulu  faire  un  Ouvrage 
de  premier  ordre  au  point  d<'  vue  typographique.  Aux  diffi- 
cultés inhérentes  à  ce  genre  de  travail  s'ajoutait  encore  la  né- 
cessité de  consulter  souvent  l'auteur,  tant  pour  le  texte  que 
j)0ur  les  figures,  malgré  la  distance  qui  sépare  Rome  de  Paris. 
Pour  meiur  à  bon  termo  une  pareille  entreprise,  il  fallait  un 
dévouement  peu  commun,  et  le  lecteur  reconnaîtra  qu'on  n'a 
rien  négligé  pour  réunir  la  précision  et  la  clarté  du  langage, 
la  beauté  et  l'élégance  de  l'exécution  typographique,  malgré 
les  difficultés  que  présentaient  le  sujet  et  les  circonstances. 
Je  serai  heureux  si  j'ai  })u  répondre  au  dévouement  et  à  l'ha- 
bileté de  mes  deux  amis. 

A.  Secchi. 


YrRODLCTlON  DE   I.\    IMU-MIÈIU-    ÉDITION. 


Qu'est-ce  (jue  le  Soleil?  Quel  <'st  cet  astre  radieux  et  puis- 
sant qui  dissipe  les  ténèbres  de  la  nuit,  apporte  sur  la  Terre 
la  lumière  du  jour,  ([ui  nous  inonde  de  chaleur,  de  lumière 
et  de  vie,  en  même  temps  que  par  son  attrat  tion  mystérieuse 
il  retient  autour  de  lui  le  système  des  planètes,  contribuant 
ainsi  d'une  manière  active  à  maintenir  l'ordre  dans  la  créa- 
tion? Telle  est  la  question  que  se  pose  tout  homme  qui  aime 
k  réfléchir  sur  les  grands  phénomènes  de  la  nature,  au  lieu 
d'imiter  les  êtres  sans  raison  qui  se  nourrissent  des  fruits 
qu'ils  rencontrent  sur  le  sol  sans  jamais  élever  leurs  regards 
vers  l'arbre  qui  les  produit. 

Plusieurs  peuples  de  l'antiquité  adoraient  le  Soleil,  erreur 
moins  humiliante  peut-être  que  beaucouj)  d'autres,  car  cet 
astre  est  l'image  la  plus  parfaite  de  la  Divinité,  l'instrument 
dont  se  sert  le  Créateur  j)()nr  nous  communiquer  presque 
tous  ses  bienfaits  dans  l'ordre  physique.  Bien  qu'à  nos  yeux 
il  ne  soit  plus  qu'une  simple  créature,  son  étude  est  cepen- 
dant l'une  des  plus  relevées  auxquelles  puisse  se  livrer  un 
savant,  et  l'histoire  des  conquêtes  faites  dans  ce  champ  iné- 
puisable sera  toujours  un  des  objets  les  plus  dignes  de  notre 
attention  et  les  plus  capables  de  nous  édifier, 

Malheureusement  la  science  est  loin  d'être  à  la  hauteur  de 


son  sujet.  Ce  ne  sont  ni  les  recherches,  ni  les  spéculations 
qui  font  défaut  ;  les  difficultés  inhérentes  à  la  nature  même 
de  cette  étude  paralysent  nos  efforts,  et,  malgré  l'activité  que 
nous  déployons,  vincit  natiira  lalendi  :  la  nature  veut  encore 
rester  cachée.  Mais  notre  génération,  cpii  a  démenti  ces  pa- 
roles en  découvrant  les  sources  du  Nil,  réussira  peut-être  un 
jour  à  dérober  au  Soleil  ces  secrets  qu'il  cache  si  habilement, 
non  en  les  enveloppant  de  ténèbres,  mais  en  les  éclairant 
d'une  lumière  éblouissante. 

L'histoire  nous  apprend  que  toutes  les  découvertes  de  la 
science,  tous  les  perfectionnements  apportés  aux  méthodes 
d'observation  ont  été  immédiatement  appliqués  à  l'étude  du 
Soleil;  la  Phvsique  solaire  a  fait  un  pas  en  avant  toutes  les 
fois  que  la  Physique  générale  a  fait  une  conquête.  La  décou- 
verte des  lunettes  fit  d'abord  connaître  son  mouvement  de 
rotation,  l'existence,  la  structure,  les  variations  de  ses  taches 
et  la  manière  dont  la  lumière  est  distribuée  à  sa  surface.  Ne 
manquons  pas  de  signaler  l'emploi  des  verres  colorés  qui 
suivit  de  près  la  découverte  du  télescope  ;  c'est  grâce  à  eux 
que  le  P.  Scheiner  put  se  livrer  avec  tant  de  fruit  à  une  étude 
qui  priva  de  la  vue  l'infortuné  Galilée. 

Ces  premiers  moyens  d'observation  eurent  bientôt  produit 
tout  ce  qu'on  pouvait  en  attendre.  Il  en  résulta  un  temps 
d'arrêt  dans  les  progrès  de  nos  connaissances  et  une  indiffé- 
rence profonde  ])our  ce  genre  de  recherches.  On  désespérait 
même  de  cette  branche  de  l'Astronomie  lorsque  "W.  Herschel 
se  mit  à  l'œuvre  avec  les  instruments  qu'il  avait  construits  de 
ses  propres  mains.  L'étude  du  Soleil  fit  avec  lui  de  grands 
progrès,  mais  ses  découvertes  et  ses  méthodes  lui  restèrent 
personnelles  comme  ses  instruments;  il  n'eut  pas  d'imita- 
teurs, et  après  lui  commença  un  second  temps  d'arrêt. 

Cependant  l'Optique  faisait  des  progrès;  les  grands  instru- 


—    XIII 


inciils  devenaient  plus  nombreux  et  préparaient  de  nouvelles 
découvertes;  mais  ils  ne  faisaient  (jnc  les  préparer,  car  ces 
instruments  si  |)erft'etionnés  restèrent  assez  longtemps  in- 
utiles; c'est  seulement  de  nos  jours  qu'on  a  trouvé  des 
métiiodes  permettant  d'employer  à  l'étude  du  Soleil  les  gros- 
sissements énormes  auxquels  se  prêtent  les  plus  grandes  lu- 
nettes. 

INIais  ce  qui  a  fait  surtout  avancer  la  Physique  solaire,  c'est 
le  perfectionnement  de  la  théorie  mathématique  des  mouve- 
ments célestes.  Lorsque,  dans  le  calcul  d'une  éclipse,  on  fut 
parvenu  à  déterminer  d'une  manière  précise  les  lieux  où  de- 
vait passer  la  ligne  centrale  de  la  totalité,  alors  seulement 
les  astronomes  purent  se  réunir  en  grand  nombre  dans  ces 
lieux  privilégiés,  apportant  avec  eux  des  instruments  de  toute 
grandeur  et  de  toute  nature,  ce  qui  leur  a  j^ermis  de  faire 
les  découvertes  les  plus  inattendues. 

La  Photographie  ne  pouvait  manquer  de  venir  en  aide  à 
l'étude  du  Soleil  :  elle  nous  a  fourni  des  dessins  représentant 
avec  la  précision  la  plus  absolue  les  taches  avec  tous  leurs 
détails,  et  les  différentes  phases  des  éclipses;  elle  nous  a 
rendu  d'immenses  services  dans  ces  courts  instants  des  éclipses 
totales  où  l'œil  se  trouve  surpris  et  reste  incertain;  c'est  elle 
qui  nous  a  donné  le  moyen  de  résoudre  en  quelques  instants 
des  questions  agitées  depuis  bien  des  années. 

La  persévérance  avec  laquelle  on  a  observé  les  taches  a 
permis  de  constater  la  périodicité  de  ce  phénomène,  et  dans 
cette  étude  on  a  tiré  un  grand  parti  d'ouvrages  autrefois  dé- 
criés et  tournés  en  ridicule,  mais  qui  contenaient  malgré  cela 
des  documents  précieux.  En  comparant  ces  périodes  des  vi- 
cissitudes solaires  avec  d'autres  phénomènes  qui  n'ont  avec 
elles  aucune  relation  apparente,  on  a  pu  établir  que  le  So- 
leil n'agit  pas  seulement  comme  centre  d'attraction  et  comme 


foyer  de  lumière,  mais  qu'il  exerce  une  action  incontestable 
sur  les  piiénomènes  magnétiques. 

Enfin  l'analyse  spectrale  a  ouvert  une  immense  carrière  que 
nous  aurions  dii  croire  fermée  pour  toujours  :  elle  nous  a 
fait  connaître  la  nature  chimique  des  substances  qui  com- 
posent l'atmosphère  solaire,  et  même  d'une  manière  appro- 
chée la  température  de  cette  atmosphère.  On  a  pu  ainsi  faire 
l'analyse  qualitative  de  l'astre  du  jour,  et  l'on  a  même  appris 
tout  récemment  à  étudier  en  tout  temps  certains  phénomènes 
que  nous  ne  pouvions  autrefois  observer  pendant  les  éclipses 
totales.  C'est  ainsi  que  la  Chimie,  à  son  tour,  est  venue  en 
aide  à  l'Astronomie.  La  belle  découverte  de  la  dissociation 
et  la  Théorie  mécanique  de  la  chaleur  nous  ont  enfin  montré 
en  quoi  consiste  la  puissance  calorifique  du  Soleil,  et  nous 
ont  expliqué  comment  cette  puissance  peut  rester  la  même 
pendant  tant  de  siècles,  malgré  le  rayonnement  continuel  qui 
semble  devoir  l'appauvrir  en  peu  de  temps. 

Dans  l'état  où  se  trouve  actuellement  la  science,  j'ai  cru 
qu'il  était  temps  de  réunir  en  quelques  pages  l'ensemble  de 
ces  merveilleuses  découvertes  qui  font  tant  d'honneur  aux 
savants  de  notre  époque,  et  qui  ont  l'avantage  de  joindre  l'a- 
gréable à  l'utile. 

Afin  de  suivre  l'ordre  des  idées,  j'exposerai  d'abord  les 
travaux  des  anciens,  mais  brièvement,  sans  m'occuper  de 
questions  inutiles,  ni  de  résultats  hypothétiques.  De  plus, 
afin  de  rendre  cet  Ouvrage  accessible  à  un  plus  grand  nombre 
de  personnes,  j'entrerai  quelquefois  dans  des  détails  qui  ne 
seraient  pas  nécessaires  pour  des  savants,  mais  qu'on  me  par- 
donnera en  considération  du  but  que  je  me  suis  proposé. 

La  contemplation  des  œuvres  de  Dieu  est  une  des  plus  no- 
bles occupations  de  l'esprit,  c'est  le  but  principal  de  l'étude 
de  la  nature-,  mais  cette  étude  nous  conduit  souvent  à  des 


résultats  utiles  que  uous  no  saurions  dédaigner.  L'étude  du 
Soleil  ne  parait  pas,  pour  le  moment  du  moins,  nous  pré- 
senter eet  avantage.  Quelles  (pie  .soient  nos  rcclierelies  et  les 
connaissanees  que  nous  pourrons  aequérir,  il  ne  sera  jamais 
en  notre  pouNoir  de  régler  linfluenee  du  Soleil.  Cependant 
l'action  de  cet  astre  est  troj)  inlimenicnt  liée  avec  les  phéno- 
mènes de  la  vie,  de  la  chaleur  et  de  la  lumière,  pour  qu'il 
soit  inutile  de  chercher  a  coiuiaitre  sa  nature.  Et  d'ailleurs, 
qui  sait  s'il  n'v  a  pas  une  relation  intime  entre  certains  phé- 
nomènes solaires  et  quelques  phénomènes  terrestres  qu'il  se- 
rait si  important  pour  nous  de  prévoir  avec  quelque  certi- 
tude! 

Mais  ce  serait  sortir  de  notre  sujet  que  de  l'envisager  ainsi  ; 
les  merveilles  de  la  création  ne  doivent  pas  être  exclusivement 
étudiées  au  misérable  point  de  vue  de  l'utilité  du  moment. 
Nous  savons  par  expérience  que  ce  qui  parait  n'être  aujour- 
d'hui qu'une  spéculation  oiseuse  peut  devenir  demain  une 
source  de  richesse;  après  tout,  l'homme  ne  vit  pas  seulement 
de  pain,  il  doit  encore,  pour  entretenir  la  vie  de  son  âme, 
s'assimiler  les  vérités  abstraites  ou  sensibles  dont  l'ensemble 
constitue  pour  notre  intelligence  la  parole  du  Créateur. 

Nous  allons  donc  aborder  cet  important  sujet  auquel  nous 
avons,  pendant  plusieurs  années,  consacré  tous  nos  soins  et 
toutes  nos  recherches.  Nous  ne  nous  bornerons  pas  à  exposer 
nos  propres  tra\  aux  ;  nous  prendrons  le  vrai  et  le  beau  par- 
tout où  nous  le  trouverons.  ]Mais  nous  n'énoncerons  aucune 
opinion  sans  avoir  vérifié  par  nous-méme  les  faits  sur  lesquels 
elle  repose;  nous  n'exj)oserons  aucune  théorie  sans  l'avoir 
constatée  autant  que  le  comporte  la  nature  même  du  sujet. 

Cet  Ouvrage,  que  nous  publions  aujourd'hui  poiu'  la  pre- 
mière fois,  était  composé  en  italien  depuis  plusieurs  années; 
nous  en  avons  donné  un  s])écimen  dans  une  conférence  faite 


en  1867  aux  élèves  de  l'École  Sainte-Geneviève  et  reproduite 
par  les  Études  religieuses.  A  la  sollicitation  de  plusieurs  de  nos 
amis,  nous  l'avons  écrit  en  français,  en  l'abrégeant  un  peu. 
Le  R.  P.  Larcher,  professeur  de  Physique  à  l'École  Sainte- 
Geneviève,  a  bien  voulu  retoucher  notre  manuscrit,  afin 
que  le  style  ne  laissât  rien  à  désirer  sous  le  rapport  de  la 
correction  et  de  l'élégance;  il  a  traduit  notre  pensée  avec 
la  phis  grande  exactitude,  en  conservant  presque  toujours 
les  expressions  que  nous  avions  nous-même  employées  ;  nous 
ne  saurions  trop  le  remercier  de  la  patience  et  du  dévoue- 
ment dont  il  a  fait  preuve  dans  ce  long  et  pénible  travail. 
Quoique  cette  précaution  ne  fîit  pas  nécessaire,  nous  avons 
re^al  toutes  les  épreuves,  afin  d'éviter  les  erreurs  qui  se 
glissent  si  facilement  dans  les  Ouvrages  ainsi  composés.  L'édi- 
teur et  le  graveur  n'ont  rien  négligé  pour  assurer  la  per- 
fection typographique  et  artistique  :  aussi  avons-nous  lieu 
d'espérer  que  les  lecteurs  seront  satisfaits.  En  publiant  cet 
Ouvrage  en  français,  l'auteur  est  heureux  de  pouvoir  payer  à 
la  France  une  faible  partie  du  tribut  de  reconnaissance  qu'il 
lui  doit  pour  l'accueil  plein  de  sympathie  qu'il  a  reçu  pen- 
dant l'Exposition  universelle. 

Puisse  ce  travail  être  utde  au  lecteur,  en  l'instruisant  et 
en  l'invitant  à  rendre  hommage  à  Celui  qui  a  placé  sa  tente 
dans  le  Soleil  :  in  Sole  posuit  tahernaculum  suum  Altissimus. 


TABLE  DES   MATIÈRES. 


Inthodiction  a  la  présente  édition.. 
Introduction  de  la  première  édition 


PREMIERE  PARTIE 

STRUCTURE  DU  SOLEIL. 


Pagei. 


LIVRE  PREMIER. 

NOTIONS   GÉNÉRALES   DES    PHÉNOMÈNES   SOLAIRES. 
CHAPITRE    PREMIER.    —    ASPECT    GÉNÉRAL    DU   SOLEIL. 

§  I.      —  Dimensions  du  Soleil i 

§11.     -  -  Taches  solaires 2 

§  in.    ---  Découverts  des  taches  solaires 5 

§  W.    —  Moyen  d'observer  les  taches 8 

CHAPITRE  II.  —  LOIS  lONDAMENTALES  DL"  MOUVEMENT  DES  TACHES. 

§  I.      —   Révolution  des  taches 12 

§  II.       -  Changement  de  forme  des  taches i5 

§  III.          Variations  annuelles  dans  le  mouvement  apparent  des  taches 16 

§  I\'.    —  Autres  propriétés  des  taches a'i 

§  V.     —  Coup  dœil   sur  les   hypothèses  émises   relativement  à  la    nature  des 

taches 27 

§  VI.    —  Travaux  d'Herschel 29 

§  ^  II.  —  ,\utres  travau.v  sur  la  nature  des  taches 3o 

CHAPITRE    III.    —    NOUVELLES    MÉTHODES    D 'OBSERVATION. 

§  I.      —  Oculaires  hélioscopiques 32 

§  II.     —  Oculaires  polariscopiques 35 

§  !II.    —  PhotO{jraphies  solaires 38 


—    XVIII    — 

LIVRE    H. 

EXAMEN    DE    LA    SURFACE    DU    SOLEIL. 


Pages . 

Introdcction 4? 

chapitre  premier.  —  aspect  général  de  la  photosphère. 

§  I.       —  Inégalités  de  la  surface  solaire 4^ 

§  II.     —  Explications  des  grains 56 

CHAPITRE    II.    —    DES   TACHES. 

§  I.      —  Circonstances  qui  accompagnent  leur  formation 6o 

§  IL     —  Exemples  de  formations  rapides 6i 

§  III.   —  Dissolution  de  la  matière  lumineuse  dans  les  taches 65 

§  IV.    —  Division  et  multiplication  des  taches 67 

CHAPITRE    III.    —    ÉTUDE   DE    l'iNTÉRIECR    DES   TACHES. 

§  I.      —  Les  taches  sont  des  cavités 70 

§  II.     —  Observations  modernes 74 

§  III.    —  Réponses  à  quelques  objections 77 

CHAPITRE    IV.     —,  STRUCTURE    DES    TACHES. 

§  I.      —  De  la  pénombre 81 

§  II.     —  Phénomènes  observés  dans  les  noyaux 96 

§  III.    —  Toiles  roses  à  l'intérieur  des  taches 101 

§  IV.   —  Ce  qui  se  passe  à  l'extérieur  des  taches  :  facules 109 

§  V.    —  Conclusions  relatives  à  la  structure  des  taches 1 15 

CHAPITRE  V.  —  MOUVEMENTS  GÉNÉRAUX  DES  TACHES.  —  ROTATION  DU  SOLEIL. 

§  I.      —  Importance  et  difficultés  de  la  question 121 

§  II.     —  Méthodes  d'observation 1 33 

§  III.    —  Résultats  obtenus  relativement  à  la  rotation  du  Soleil 127 

§  IV.    —  Résultats  trouvés  par  MM.  Carrington  et  Sporer i3o 

CHAPITRE  VI.  —  MOUVEMENTS  PROPRES  DES  TACHES. 

§  I.      —  Résultats  généraux i4i 

§  II.     —  Conclusions  qui  résultent  des  faits  précédents,  et  questions  diverses..  100 


—   XIX    — 

Pages. 

§  III.    —  Rochorclu'S  théoriques  sur  la  rotation  du  Soleil i58 

§  IV.       '  Du  quelques  irré(;ularités  a|>|iareiitcs  dans  le  mouvement  des  taches..  iG8 

§  V.     —  Ri'sumé  des  mouvenicnls  îles  taches l'ja 

CHAPITHE    VII.       -    VABIATIOMS    StClLAinKS    DES    TACHES. 

§  I.      —  Recherches  historiques i  ■jS 

§  II.        -  Étude  statistique  du  nombre  des  taches  solaires. 1^8 

§  111.   —  Recherches  sur  les  causes  de  la  iiériodicité  des  taches 189 


LIVRE    III. 

DE    l'aT.M0SPI1ÈUE    SOLAIRE. 

lîrrRODCCTioN 1 95 

CUAPITRE    PREMIER.    —    ABSORPTION    DES   RADIATIONS    PAR    l'aTMOSPIIÈRE    SOLAIRE. 

§  I.      —  Recherches  historiques 196 

§  II.     -  -  Absorption  des  rayons  chimiques 200 

§  III.    —  Absorption  des  rayons  calorifiques 2o3 

§  IV .    —  Conséquences  qui  découlent  des  observations  précédentes 309 

CHAPITRE    II.    —    ANALYSE    SPECTRALE    DE    LA    LUMIÈRE    SOLAIRE. 

AVANT-PROPOS 2  1 5 

§  I.      —  Premiers  travaux  sur  l'analyse  de  la  lumière  solaire  par  le  prisme. . . .  217 

§  II.     —  Spectroscopes  ou  instruments  destinés  à  observer  le  spectre  solaire. . .  220 

§  III.    —  Description  du  spectre  solaire 284 

CHAPITRE    III.    —    THÉORIE   GÉNÉRALE   DES   SPECTRES    LIMINELX. 

§  I.      —  Comparaison  de  la  lumière  solaire  avec  les  autres  lumières 244 

§  II.     —  Spectres  d'absorption 254 

§  111.   —  Renversement  des  spectres 269 

CHAPITRE  IV.  —  APPLICATION    DES   PRINCIPES  PRÉCÉDENTS  A  l'ÉTIDE   DE   LA   CONSTITUTION  SOLAIRE. 

§  I.      —  Explication  des  raies  noires  du  spectre  solaire 267 

§  II.     —  Analyse  spectrale  des  taches  solaires 279 

§  III.   —  Conséquences  qui  découlent  des  faits  précédemment  exposés 292 

§  I\'.  —  Réponse  à  une  objection 296 


—     XX  — 

LIVRE  IV. 

LES     ÉCLIPSES. 


CUAPITRE   PREMIER.    —    PHÉNOMÈNES    ODSERVÉS    PENDANT  LES    ÉCLIPSES. 

Pages. 

§  I.       —  Historiqiio 3oi 

§  II.     —  Phénomènes  {jénéraux  qu'on  observe  dans  une  éclipse  totale 3o6 

§  III.    —  Phénomènes  qui   accompagnent  la   disparition    et  la  réapparition  du 

Soleil  dans  les  éclipses  totales 3i3 

§  IV.    —  Phénomènes  physiques  observés  pendant  la  totalité 323 

CHAPITRE    II.    —    DE    LA   COURONNE. 

§  I.      —  Apparences  générales 33o 

§  II.     —  Différentes  régions  dont  se  compose  la  couronne 337 

§  III.   —  Photographies  des  éclipses.  —  Étendue  de  la  couronne 339 

§  IV.    —  Des  aigrettes 3^8 

§  V.     —   Polarisation  de  la  lumière  de  la  couronne 358 

§  VI.    —  Considérations  générales  sur  la  couronne 362 

CHAPITRE    III.     —     DES    PROTL'DÉRANCES    OU    PROÉMINENCES     ROSES    Qu'oN    OBSERVE 
PENDANT    LES    ÉCLIPSES   TOTALES    DU    SOLEIL. 

AVANT-PROPOS 369 

§  1.      —  Premières  observations  des  protubérances 3G9 

§  II.     —  Photographies  obtenues  en  Espagne  pendant  l'éclipsé  de  1860 877 

§  II!.    —  Observations  postérieures  des  protubérances.  —  Leurs  relations  avec  la 

couronne 387 

CHAPITRE    IV.    —    OBSERVATIONS   SPECTRALES    FAITES   PENDANT   LES    ÉCLIPSES. 

§  1.       —  Nature  chimique  des  protubérances 3g2 

§  11.     —  Spectre  des  protubérances  et  du  bord  solaire  dans  les  éclipses  posté- 
rieures de  1870  et  de  1871 397 

§  111.    —  Découvertes  dues  à  l'étude  spectrale  du  bord  solaire 4°° 

§  IV.    —  Conclusions  qui  résultent  des  observations  précédentes 4o4 

§  V.     —  Analyse  spectrale  de  la  couronne l\o~j 

§  VI.    —  Conclusions  générales  relatives  à  la  couronne 4i2 

NOTE. 

Problèmes  relatifs  à  la  rotation  du  Soleil 4 '9 


LE    SOLKI 


J    • 


piU'MiKiu:  l'Miïii:. 

STHUCTIKI-;  Dl'  S(»l.i;il. 

L 1  \  U  K    l>  [{ K  \l  1  !•:  U. 

NOIIONS    CÉNÉKALKS    SIR    LhS    P  II  K  N  O  M  k>  h.  S    SOLAIKF.S. 


ciivi'iTiu:  im;i:mh:i;. 


ASPECT     G  E  N  E  K  A  I.      D  l'     SOLEIL 


^  I .  —    Dimensions  du  Soleil. 


Le  Soleil  se  pi^'seiite  a  nos  veux  connue  un  <lis([U"  rond 
sous-tendaiiL  un  angle  d Cnviron  '52  minutes  et  3  secondes, 
c'est-à-dire  un  peu  plus  d  un  demi-degré  '  .  Si  nous  tenons 
compte  de  la  distance,  ce  diamétic  apparent  suppose  des 
dimensions  énormes,  dont  il  est  ditticilc  de  nous  faire  une 
idée  exacte.  La  distance  moyenne  qui  sépare  le  Soleil  de  la 
Terre  <'st  égale  à  2'3i5o  rayons  terrestres,  c'est-à-dire 
i4^  millions  de  kilomètres.  Le  diamètre  réel  du  Soleil  est 
roH  fois  le  diamètre  de  notre  planète,  soit    i  '^■~'^  [\'j2   \k\\o- 


(')  Ndus  reviendrons  plii>  tard  sur  la  valeur  et  l'exacliliide  de  ces  chiffres;  noirs 
ne  les  citons  en  ce  moment  que  pour  donner  une  première  idée  des  dimensions  appa- 
rentes du  Soleil. 

I.  I 


Q 


mètres;  son  rayon  est  presque  le  double  de  la  distance  de  la 
Lune  à  la  Terre,  et,  par  conséquent,  son  volume  est  à  peine 
inférieur  à  celui  de  huit  sphères  avant  un  ravon  égal  à  la 
distance  (|ui  nous  sépare  de  la  Lune.  Il  est  i  25c)'-\2  fois 
plus  gros  que  la  Terre;  un  arc  d'une  seconde,  vu  de  la  Terre 
au  centre  du  disque  solaire,  est  équivalent  à  ^i5  kilomètres, 
ce  qui  fait  .42900  kilomètres  poiu'  un  arc  d'une  minute:  et 
cejKMidant  nous  verrons  qu'on  observe  fréquemment  des 
lâches  dont  le  diamètre  est  d'une  minute,  et  même  des 
fhunnu^s  avant  une  hauteur  de  trois  minutes ,  c'est-à-dire 
1  2cS  -00  kilomètres.  Les  fils  d'araignée  qu'on  emploie  pour 
les  micromètres  sous-tendent  ini  angle  d'un  tiers  de  seconde 
dans  une  lunette  de  4'",3o  :  ils  couvrent  donc  une  largeur  de 
238  kilomètres.  Ces  exemples  suffisent  pour  faire  comprendre 
que  des  objets  que  nous  pouvons  à  peine  distinguer  ont  en 
réalité  des  dimensions  énormes.  La  Terre  entière,  vue  à  la 
distance  qui  nous  sépare  du  Soleil,  aurait  pour  diamètre  ap- 
parent r'j",82  ;  son  ravon,  qui  est  de  6'5'j'j  kilomètres  à  l'é- 
qualeur,  sous-tendrait  donc  un  angle  de  8",f)i  :  c'est  la  valeur 
de  la  parallaxe  éc[uatoriale  du  Soleil  actuellement  adoptée, 
et  sur  laquelle  reposent  tous  nos  calculs.  Ces  nombres  nous 
serviront  bientôt  pour  apprécier  les  dimensions  des  objets 
que  nous  voyons  sur  le  disque  solaire  et  pour  en  évaluer  les 
momements. 

§  II.  —  Taches  solaires. 

Les  anciens  ne  connaissaient  aucune  des  particularités  re- 
latives à  la  constitution  physique  du  Soleil.  On  avait  bien 
signalé  de  temps  en  temps  quelques  taches  noires  que  l'on 
pouNait  distinguer  à  l'œil  nu  lorsqu'il  était  près  de  l'horizon  ; 
mais  on  les  prenait  pour  des  planètes  en  conjonction  ou  pour 


—  3  — 

(les  |)licn()iii«''n("s  dont  l;i  (•.uisc  (''f;iit  iiicoiimi!'.  Pelles  sont  les 
taches  (jiii  dirent  <)l)sei'\ecs  en  So-,  8'|(),  kx)').  i  *»SS.  Kepler 
lin-nn-nie  ci  ut  ohsei'ver  !<•  |);»ssaj^e  de  Aleicuic  sur  h'  Soleil; 
(■(•tait  une  taclie  (|u  d  a\ail  sous  les  \eu\. 

l.es  Cliinois  nous  ont  de  heaucoup  devances  dans  cette 
(lécoiiN  erlo.  l/()uvraii;e  eneycl()|)e(li(jue  de  Ma-Twaii-Tan  con- 
tient un  tableau  reniar(jual)l(^  de  1  ">  observations  faites  entn^ 
les  ann(M^s  '^o  i  et  i  m)')  de  ICre  \uli:aire,  c'est-à-dire  dans 
un  inter\  dK-  de  ()o/|  ans  l\)nr  donner  une  idée  de  la  irran- 
deur  reiatiN  «^  des  taciies,  les  ol)ser\atenrs  les  compai'ent  à 
tui  (euf .  à  une  datte,  à  une  jji'une,  etc.  Les  observations  se 
prolongent  souvent  pendant  plusieurs  jours;  quehjues-unes 
ont  nu'ine  cté  faites  pendant  dix  jours  eonsc^cutifs.  On  ne 
peut  douter  de  la  realite  et  de  l'exaetitude  de  ees  observa- 
tions, et  cependant  elles  ont  été  inutiles  aux  Kuropéens,  car 
elles  n Ont  été  publiées  (pie  dans  ces  derniei's  temps    '). 

I>es  astronomes  cliinois  ne  nous  ont  |)oint  fait  connaître  la 
méthode  qu'ils  emplovaient  pour  ces  observations;  mais  on 
sait  qu'avec  ini  simple  verre  recou^ert  de  noir  de  fumée  on 
peut  voir  à  l'œil  nu  les  taches  les  plus  considérables.  Avant 
que  les  lunettes  fussent  connues,  on  recevait  les  ravons  so- 
laires dans  la  cliainl)re  obscinv  par  uu  petit  trou  circulaire 
pratirpié  dans  le  volet.  C'est  ainsi  (pie  .lean  l'abricius  réussit, 
en  décembre  i^iio,  à  voir  une  tache  considérable  et  à  étu- 
dier son  mouvement  d'iniL'  manière  îissez  ])récise  j)our  pou- 
voir en  conclure  le  mouvement  de  rotation  du  Soleil.  Alais 
cette  observation  ne  fut  publiée  (pie  plus  tard  ,  alors  (|ue 
d  autres  observateurs,  armés  de  lunette,  avaient  obteini  de 
meilleurs  résultats. 


(')  V.  Williams,    Mo/it/i.  noc.  Astr.  soc,  vol.  XWiil,  p.    (7(1;  :ipril. 


_  4  - 

On  peut  facilement  observer  les  taches  du  Soh'il,  même 
avec  des  lunettes  d'assez  petites  dimensions,  en  ayant  soin  de 
placer  en  avant  de  l'oculaire  un  verre  fortement  coloré.  Elles 
se  présentent  ordinairement  comme  des  points  noirs  de  forme 
roHile;  bien  souvent,  cependant,  elles  sont  groupées  de  ma- 
nière à  former  j)ar  leur  ensemble  des  figures  très-irrégulières. 

Fig.   I. 


La  partie  centrale  est  noire  ;  on  l'appelle  le  noyau  ou  \  ombre  : 
le  contour  est  formé  par  une  demi-teinte  qu'on  appelle  la 
pénombre.  Les  contours  de  l'ombre  et  ceux  de  la  pénombre 
sont  nettement  tranchés,  au  moins  dans  la  pluj)art  des  cas. 
Les  dimensions  des  taches  sont  extrêmement  variables. 
Quelques-unes  se  présentent  comme  de  simj)les  points  noirs, 


-  s  — 

(jtr<)ii  ;i[)|)(ll('  (les  pores;  on  en  voit  frc'qnciniiiciit  qui  soiis- 
Iciulcnt  des  angles  de  /)<>  à  /|0  sccoiulcs.  Les  ^l'andcs  tac  lies 
sont  rares,  et  résultent  ordinairement  de  plusieurs  lac  lies 
juxlaposees.  ()Ma  \  u  des  i;i()n|)('s  scMd)lal)l('S  aUci^naiil  plii- 
sicnis  iiiiiiiitcs  de  diamctic  ;  leur  sui'faee  était  donc  plus 
grande  que  eelle  de  la  Terre,  plus  grandi?  même  que  eellc  dr 
la  planète  Juj)it(r.  Pour  donner  au  leeleur  une  idée  <\v  \a 
structure  et  tie  la  grandeur  relative  des  taches,  nous  repro- 
duisons ici  ijig.  i)  nue  photographie  du  Soleil  obtenue  par 
M.  llutheilurd,  le  22  septembre  iS'jo,  à  c)'' ?.G"' 1 0%  temps  si- 
déral de  Ne\v-\ork. 

Sur  les  bords  tlu  disque,  on  voit  de  petites  taches  blanches 
fjue  les  astronomes  appellent  yîï a/ /c5;  nous  les  étudierons 
bientôt.  Toutes  ces  taches  changent  de  place  et  de  forme, 
d'après  des  lois  que  nous  apprendrons  à  connaître.  Enfin  les 
bords  de  limage  sont  toujours  beaucoup  moins  lumineux 
(juc  le  centre  ;  on  le  reconnaît  facilement  en  employant  un  fort 
grossissement,  et  en  passant  raj)idement  du  bord  au  centre 
du  disque  solaire.  Cette  expérience  réussit  très-bien  par  la 
méthode  des  projections,  que  nous  expliquerons  bicutùr. 

§  m.  —  Découverte  des  taches  solaires. 

La  découverte  des  taches  est  une  de  celles  dont  on  peut 
dire  qu'elles  sont  faites  par  une  époque  et  non  par  un  homme. 
Plusieurs  savants  avant  à  leur  disjiosition  des  lunettes,  ils 
dc\ aient  tôt  ou  tard  les  diiiger  xcrs  le  Soleil.  La  seule  dilll- 
culté  consistait  à  protég«T  les  yeux  de  l'observateur.  Ainsi 
Galilée  montrait  les  taches  aux  littérateurs  de  Rome,  dans  le 
jardin  lîandini,  mais  seulement  lor.sque  h'  Soleil  était  auprès 
de  l'horizon;  à  la  même  époque  (mars  iGii  ,  Scheiner  les 
observait  à  Ingolstadt,  à  l'aide  d'un  verre  bleu  placé  en  avant 


—  G  — 

(le  roculaire  (*).  Pendant  ce  temps,  Fabricius  préparait  en 
secret  rédition  de  son  célèbre  JMémoire  :  il  a  donc  devancé 
tous  ses  contemporains,  mais  ses  découvertes  ne  furent  con- 
nues que  plus  tard.  Si  Galilée  a  précédé  Sclieiner  dans  l'ob- 
servation des  taches,  il  ne  les  étudia  pas  d'une  manière  sui- 
vie, et  il  n'en  comprit  l'importance  (pi'après  la  publication 
des  trois  lettres  pseudonymes  adressées  par  le  jésuite  alle- 
mand à  Marc  ^'elser,  bourgmestre  d'Augsbourg,  sous  la 
date  du  12  décembre  iGii.  Sclieiner  parlait  dans  ces  lettres 
du  nombre  des  taches,  de  la  variation  de  lem^s  formes,  et  de 
leur  mouvement  apparent  sur  le  disque  solaire;  il  parle  éga- 
lement des  pénombres,  des  facules  et  des  moyens  d'observa- 
tion. Mais  il  propose  lUie  explication  malheureuse  en  attri- 
buant ce  phénomène  à  des  planètes  très-voisines  du  Soleil. 
Ces  lettres  excitèrent  vivement  l'attention  de  Galilée  ;  il 
reconnut  aussitôt  l'intérêt ,  mais  aussi  les  difficultés  de  ce 
sujet.  Il  se  mit  donc  à  l'œuvre,  et,  après  quelques  mois  d'ob- 
servations ,  il  fut  en  état  de  donner  la  véritable  théorie.  Il 
reconnut  que  les  taches  sont  adhérentes  au  corps  solaire,  et 
que  leur  translation  apparente  est  due  au  mouvement  de  ro- 
tation de  cet  astre  lui-même.  Il  était  alors  très-difficile  d'ar- 
river à  cette  conclusion,  car  la  lunette  de  Galilée,  la  seule 
connue  à  cette  époque  ,  ne  permet  pas  l'emploi  du  micro- 
mètre; on  ne  pouvait  donc  prendre  les  positions  que  d'une 
manière  fort  inexacte,  et  les  mesures  ne  devinrent  précises 
qu'à  l'époque  où  l'on  commença  à  étudier  les  images  proje- 
tées sur  un  écran  à  l'aide  de  la  lunette ,  ce  que  Scheiner  fit 
le  premier,  et  Castelli  après  lui . 


(')  ^■oir  la  première  lettre  do  Scheiner  à  Velser.  C'est  la  première  publication 
qui  ait  été  faite  sur  ce  sujit.  Elle  est  intitulée  :  Apellis  post  tabulam  latentis  très 
euistolœ  de  macuUs  solaribus  ad  Marciim  Veheruin  (1611). 


Le  lail  nialciicl  de  l:i  (IccdiiNcilc  des  taches  li'clait  (jii'iinc 
(jiicstioii  (le  Iciiijis  cl  (le  liasaid;  mais  il  appartenait  au  L;énie 
(le  (|('("()ii\  lir  la  théorie  \ei-itai)le,  à  la  patience  allenli\eet 
perscNcrantc  d'clndici"  les  |)lien()nienes.  Sons  le  ia|)jtort  du 
génie,  (ialilcc  est  sans  ii\al;  sous  le  rapport  des  obsciva- 
tions,  ScIkmiut  a  hien  mérite  d«'  la  S(  icncc.  I*his  tard  ,  dans 
l'ardeur  (!<'  la  controxcrse,  ou  la  accusé  de  pla«;iat;  mais  U; 
tcuïoi^uage  de  (lalilee  sullit  ahondannncnt  j^our  réj)ondrc  à 
cette  accusation  ('   .  On  doit  à  la  persé\crance  tonte  ^crma- 


(')  L'étonniMiîcnt  et  les  hésitations  de  Galilée  se  manifestent  dès  la  preniicre  ré- 
ponse qu'il  adressa  à  Marc  Velser  ;  il  ne  l'écrivit  cependant  que  trois  mois  aj>rès  avoir 
reçu  ro|tuscule  de  Scheiner.  IVous  lui  devons  cette  justice  de  dire  qu'il  eut  bien  jdus 
de  modération  que  tous  ses  amis.  Ceux-ci  se  laissèrent  enti-ainer  par  leur  admira- 
tion passionnée,  au  point  de  dépasser  toutes  les  limites  des  convenances  :  ils  allèrent 
jusqu'à  déclarer  qu'il  était  impossilde  à  personne  de  faire  de  semblables  découvertes, 
car  les  cieux  étaient  réservés  à  Galilée!  Comment  admettre  qu'il  ait  gardé  un  silence 
aussi  al)solu  et  aussi  prolongé  sur  une  découverte  de  cette  importance,  lui  qui  ap- 
portait un  soin  si  jaloux  à  revendiquer  toutes  celles  qui  lui  appartenaient,  au  point 
de  recourir  aux  anagrammes  et  aux  lojogriphes  pour  en  conserver  la  priorité.  Nous 
le  croyons  cependant  sur  parole,  en  nous  contentant  de  laisser  de  côté  les  exagéra- 
tions calomnieuses  de  ses  amis. 

Scheiner  découvrit  les  taches  en  cherchant  à  mesurer  le  diamètre  solaire  {Rosa 
l'rsina,  p.  -i).  Il  avait  fait  construire  une  lunette  avec  des  lentilles  d'un  verre  forte- 
ment coloré;  il  y  renonça  plus  lard  lorsqu'il  eut  la  pensée  d'adapter  tin  simple  verre 
coloré  à  l'oculaire  d'une  lunette  ordinaire.  Ses  nombreuses  recherches  sont  consi- 
gnées dans  un  Recueil  intitulé  :  Rosa  Ursina,  dédié,  suivant  l'usage  du  temps,  au 
])rincc  Orsini,  qui  avait  fait  les  frais  de  l'impression.  Cet  ouvrage,  tant  décrié  par  les 
contemporains,  contient  sans  doute  bien  des  choses  inutiles  mêlées  à  de  précieuses 
recherches;  mais  que  ne  pardonne-t-on  pas  il  Kepler?  C'était  la  faute  de  l'époque  et 
du  pays.  Du  reste,  la  postérité  a  été  plus  juste.  De  la  Lande  a  écrit  ces  mémorables 
jiaroles  :  «  Quoi  qu'il  en  puisse  être  de  celui  à  qui  le  hasard  a  fait  voir  les  taches  pour 
la  première  fois,  il  est  sûr  que  personne  ne  les  observa  si  bien  et  n'en  donna  la 
théorie  astronomique  d'une  manière  aussi  complète  que  Scheiner.  »  {Àstr.,  t.  III, 
n°  3227.)  —  Hévélius  le  cite  avec  les  plus  grands  éloges  :  «  Inconiparttbilis  et  oniiit- 
geiiœ  eriiditionis  t'irurn.  ...  ut  in  hac  mnteria  omnibus  pahnam  qimsi  piirripitisse  dtci 
possit.  »  {Selenograpfiia,  p.  8-^) 

Il  est  regrettable  que  nous  n'ayons  pas  réussi  à  trouver  ses  manuscrits,  ([ue  nous 
avons  cherchés  à  la  demande  de  M.  "NVolf  de  Zurich. 


nique  de  Scheiner  une  longue  suite  d'observations  pleines  de 
détails  intéressants ,  et  qui  ont  été  dans  ces  derniers  temps 
appréciées  à  leur  juste  valeur.  Il  employa  le  premier  les  verres 
colorés  et  le  svstème  de  projection  par  la  lunette.  Il  perfec- 
tionna ce  procédé  d'après  les  conseils  du  P,  Grienberger  et 
construisit  ainsi  un  appareil  qui  est  la  première  forme  de  l'é- 
quatorial  moderne. 

§  IV.  —  Moyen  d^ observer  les  lâches. 

L'observation  des  taches  par  voie  de  projection  avec  une 
lunette  est  assez  commode  et  assez  exacte  pour  que  nous  en 
donnions  la  description.  Au  volet  d'une  chambre  obscure  on 
fait  une  ouvertin-e  un  peu  plus  grande  que  l'objectif;  on 
place  la  lunette  dans  la  direction  des  ravcns  solaires,  et  l'on 
déplace  l'oculaire  en  l'écartant  de  l'objectif,  jusqu'à  ce  que 
l'image,  projetée  sur  un  écran  blanc,  soit  nettement  termi- 
née sur  ses  bords;  les  taches,  s'il  v  en  a,  ne  tarderont  pas  à 
apparaître  bien  nettes  et  bien  définies. 

Les  images  projetées  par  une  lunette  sont  renversées  par 
rapport  à  l'image  qu'on  verrait  en  observant  directement 
dans  la  limette  elle-même.  Si  donc  on  se  sert  d'une  lunette 
astronomique  dans  laquelle  l'image  est  renversée ,  la  projec- 
tion sera  directe,  c'est-à-dire  que,  sur  l'écran,  le  nord  et  le 
sud,  l'est  et  l'ouest  seront  disposés  comme  dans  le  ciel  :  on 
verra  donc  les  taches  entrer  sur  le  disque  solaire  par  le  bord 
oriental  pour  aller  sortir  du  côté  de  l'ouest.  Le  contraire 
aura  lieu  si  l'on  emploie  une  lunette  de  Galilée  ou  une  lu- 
nette terrestre;  ces  instruments  redressant  l'image  donneront 
par  projection  une  image  renversée,  dans  laquelle  on  verra 
les  taches  décrire  leurs  trajectoires  en  sens  inverse  de  leur 
mouvement  réel. 


-  9  - 

Les  observatoires  emploient  maintenant  pour  ces  projec- 
tions (le  grands  instruments  qui  servent  également  à  photo- 
graphier le  Soleil.  La  fig.  2  représente  l'appareil  employé 

Fie-  2. 


au  Collège  Romain,  ou  chaque  jour  on  observe  les 
lorsque  le  temps  le  permet.  M.  Carrington  a  employé 
(  édé  semblable  à  l'observatoire  de  Redhill.  Voici 
cription  de  la  machine  : 

AB,  lunette  portant,  par  le  moyen  de  la  barre  LR, 


taches , 
luj  pro- 
la  des- 

la  plan- 


-  10  - 

chette  QO,  sur  laquelle  doit  se  faire  la  projection;  EF,  axe 
polaire  incliné  sous  l'angle  de  la  latitude,  portant  deux 
branches  CD,  sur  lesquelles  repose  l'axe  de  la  lunette; 
GUI,  support  de  fonte  sur  lequel  repose  tout  l'appareil,  et 
fixé  sur  un  pilier  en  maçonnerie;  M  et  N  sont  les  cercles  de 
déclinaison  et  d'ascension  droite;  RS  est  une  tige  de  fer  puis- 
sante qui  sert  à  fixer  la  lunette. 

Cet  instrument  est  relié  à  un  puissant  mouvement  d'horlo- 
g(MM'e  qui  communique  au  cercle  horaire  un  mouvement  de 
rotation  uniforme,  calculé  de  manière  à  lui  faire  décrire  une 
circonférence  entière  en  vingt-quatre  heures  '  .  La  lunette, 
entraînée  dans  ce  mouvement,  suit  constamment  le  Soleil, 
et  la  position  des  différents  points  de  l'image  demeure  abso- 
lument fixe  sur  l'écran  ;  les  dessins  se  font  ainsi  plus  facile- 
ment, ])lus  rapidement  et  avec  plus  d'exactitude.  Comme  ces 
instruments  se  trouvent  dans  tous  les  observatoires,  nous 
nous  abstenons  d'en  donner  une  description  plus  détaillée. 

Cet  appareil  étant  solidement  établi,  on  peut  y  adapter 
tous  les  instruments  nécessaires  pour  l'étude  du  Soleil , 
chambres  photographiques,  spectroscopes ,  etc.  Il  est  abrité 
sous  un  dôme  mobile  dont  l'ouverture  est  garnie  de  rideaux 
en  drap  noir,  de  sorte  qu'on  n'y  reçoit  d'autre  lumière  que 
celle  qui  traverse  la  lunette.  Cette  disposition  nous  paraît 
avantageuse,  et  nous  l'employons  avec  succès. 

Lorsque  les  projections  se  font  sur  une  grande  échelle,  et 
qu'elles  sont  destinées  à  des  recherches  de  précision,  il  Aiut 
faire  subir  aux  mesures  une  correction  qui  peut  devenir  im- 
[)ortante.  Les  rayons  sortis  de  l'oculaire  vont  former  une 
image  dont  les  différents  points  se  trouvent  en  réalité  sur  une 


(')  Cette  partie  de  la  machine  n'est  pas  représentée  dans  la  figure. 


Il  — 


siirlacc  s[>li('i'i(|iic  (ihl)     fii:;.    \  ,  ;i\;iiit  son  cciitic  eu  ().  tandis 
<|ii('  If  dessin  se  produit  sur  un    plan   tanj;cnt   nui^  on  plutôt 


Fig.  3. 


sur  le  plan  «/>,  si  l'o»  met  au  point  le  ])ord  du  Soleil,  l^a  dif- 
férence entre  la  corde  ab  et  la  tan«;ente  mn  n'est  pas  négli- 
geable, et  cette  cause  d'erreur  n'avait  pas  échappé  à  Schei- 
ner;  du  reste,  cette  méthode  ne  peut  servir  que  pour  des 
re(  herches  générales;  lorsqu'on  veut  oht(Miir  les  détails  avec 
précision,  il  faut  employer  les  mesures  micrométriques.  Clés 
observations  ne  sont  cependant  pas  faciles  :  nous  explique- 
rons plus  loin  la  disposition  et  l'usage  des  instruments  ((u'on 
enq)loie  dans  cette  étude. 


—  12  — 


CHAPITRE  II. 


LOIS   FONDAMENTALES   DU   MOUVEMENT   DES   TACHES. 


§  I.  —  Révolution  des  taches. 

1°  En  général,  les  taches  se  présentent  sur  le  bord  oriental 
du  Soleil,  traversent  le  disque  en  suivant  des  lignes  obliques 
par  rapport  au  mouvement  diurne  et  au  plan  de  l'écliptique, 
et,  après  quatorze  jours  environ,  elles  disparaissent  au  bord 
occidental.  Il  n'est  pas  rare  de  voir  une  même  tache,  après 
être  restée  invisible  pendant  une  période  de  quatorze  jours, 
apparaître  de  nouveau  au  bord  oriental  pour  faire  une  se- 
conde, quelquefois  une  troisième  et  même  une  cjuatrième 
révolution  ;  mais ,  plus  généralement,  elles  se  déforment  et 
finissent  par  se  dissoudre  avant  de  sortir  du  disque,  ou  pen- 
dant qu'elles  sont  du  côté  opposé. 

2°  Lorsque  sur  le  discjue  solaire  paraissent  simultanément 
plusieurs  taches,  elles  décrivent,  dans  le  même  temps,  des 
trajectoires  semblables  et  sensiblement  parallèles,  quoi- 
cju'elles  soient  à  des  latitudes  très-différentes.  Il  faut  en  con- 
clure qu'elles  ne  sont  pas  indépendantes ,  comme  seraient 
des  satellites,  mais  qu'elles  se  trouvent  sur  la  surface  du  So- 
leil, et  cju'elles  sont  entraînées  par  son  mouvement  de  rota- 
tion; de  plus,  si  les  taches  étaient  des  astres  indépendants, 
il  faudrait  en  dire  autant  des  facules,  cjui  sont  assujetties  au 
même  mouvement  de  translation,   hypothèse  absurde  ;  car, 


13  - 


coninie  le  disait  si  Ijicn  (ialilcc,  on  ne  j)fut  pas  supposer 
qu'il  existe  autour  du  Soleil  des  astres  plus  brillants  que  le 
Soleil  liii-mrtiie. 

3"  Si  I  on  note  cliafjiic  joui"  sur  le  nirtnc  dessin  la  position 
des  taches,  ou  voit  que  leni"  mouvement  aj)parent  est  plus 
rapide  auprès  du  centre  ,  tandis  qu'il  devient  très-lent  au 
bord  du  disque  solaire.  Nous  donnons  dans  la  fi^.  4  les  tra- 


jectoires de  deux  taches  observées  par  Scheiner,   du   i  au 
i4  mars  1627. 

Les  deux  lignes  RR,TX  représentent  la  projection  de  l'c- 
cliptique  sur  le  disque  solaire  au  commencement  et  à  la  fin 
des  observations;  AB  est  le  parallèle  céleste,  CD  le  cercle  de 


—  H  — 

déclinaison.  Nous  devons  avertir  que  Sclieiner  observait  avec 
une  lunette  de  Galilée  donnant  par  projection  des  images 
renversées  :  les  taches  semblent  donc  entrer  à  l'ouest  pour 
wWvv  sortir  du  côté  de  l'est.  Les  endroits  ponctués  indiquent 
des  lacunes  dnes  à  la  présence  des  nuages.  Les  taches  sont 
nettement  terminées,  les  ombres  et  les  pénombres  parfai- 
tement tranchées.  On  peut  juger  de  la  courbure  des  trajec- 
toires par  leurs  cordes.  On  ^  oit  facilement  qu'elles  n'ont  pas 
toujours  décrit  le  même  espace  dans  des  temps  égaux. 

Mais  ces  différences  ne  sont  qu'apparentes,  et  elles  ré- 
sultent de  ce  que  le  mouvement  nous  j^araît  avoir  lieu  sur  un 
[)lan,  tandis  qu'en  réalité  il  a  lieu  sur  un  cercle  parallèle  à 
l'équateur  solaire;  nous  projetons  ce  parallèle,  et  avec  lui 
les  j)ositions  successivement  occupées  par  les  taches,  sur  un 
plan  perpendiculaire  au  rayon  visuel.  Pour  représenter  le 
phénomène,  traçons  une  demi-circonférence,  divisons-la  en 
lui  certain  nombre  de  parties  égales,  et  de  chacune  de  ces 
divisions  abaissons  des  perpendiculaires  sur  le  diamètre  AB 
[Jig.  5  *,   nous  partagerons  ainsi  le  diamètre  en  un  certain 


A  10  987         G        5         4321 


nombre  de  jiarties  inégales,  mais  qui  sont  cependant  les  pro- 
jections d'arcs  égaux  entre  eux,  et  ces  projections  sont  d'au- 
tant plus  petites  que  les  arcs  correspondants  se  rapprochent 
davantage  de  l'extrémité  du  diamètre.  En  employant  une 
construction  semblable,  Galilée  montra   que  les  taches   ne 


Vi  — 


j)eii\fiit  ("'liv  (li's  corps  (Ictachcs  du  Soleil  et  éloignes  de  s.i 
surface,  car  le  rayon  du  jiarallèlo  solaire  satisfaisait  seul  au 
calcul  des  translalioiis  dimiies. 


^  11.  —  CJuiiigement  de  forme  des  taches. 

i"Ix'S  taches,  en  s'approcliant  du  l)ord,  perdent  leiu'  .'oriiie 
arrondie,  dexiennent  ovales,  puis  se  l'étrécissent  au  point  de 
devenir  presipie  linéaires;  on  peut  en  juger  par  l(;s  figures 
amplifiées  cpie  nous  rej^roduisons  ici  [fig.  G). 

Fie-  G. 


Ces  changements  sont  encore  de  simples  apparences  dues 
à  un  effet  de  perspective;  on  les  exj)lif[ue  de  la  même  ma- 
nière cpie  le  ralentissement  apparent.  ^Nlais  ce  phénomène 
prouve  encore  cpie  les  taches  sont  adiiérentes  à  la  surface  du 
Soleil;  car,  dans  l'hypothèse  contraire,  il  faudrait  les  attri- 
buer h  des  corps  ti'ès-aplatis,  ce  qui  serait  contraire  à  tout  ce 
que  nous  connaissons  de  la  forme  propre  aux  corps  céh^stes. 
(îalilée  les  compara  à  des  nuages,  plus  tard  Scheiner  les  re- 
garda comme  des  cavités.  Nous  verrons  hientnt  à  cpioi  il  faut 
s Cn  tenir. 


—  16  - 

2"  Outre  ces  déformations  apparentes,  il  y  en  a  de  réelles. 
La  forme  des  taches  change  quelquefois  d'une  manière  trè*- 
notahle,  non-seulement  d'un  jour  à  l'autre,  mais  dans  l'es- 
pace de  quelques  heures.  En  voici  un  exemple  :  \'à.fig.  7 
représente  les  transformations  d'un  groupe  de  taches  obser- 
vées par  M.  Rutherfurd  du  19  au  26  septembre  1870.  On 
voit  d'abord  une  tache  simple  apparaissant  sur  le  bord  du 
disque;  vingt-quatre  heures  plus  tard,  le  20  septembre, 
elle  paraît  plus  large,  mais  c'est  un  simple  effet  de  perspec- 
tive, et  elle  conserve  toujours  la  forme  polygonale;  le  21,  le 
noyau  se  divise  en  deux  cercles  incomplets  réunis  entre  eux, 
et  la  forme  générale  ressemble  à  celle  d'une  lemniscate;  le 
lendemain ,  les  deux  cercles  sont  presque  complets ,  et  l'un 
d'eux  est  traversé  par  une  bande  lumineuse;  les  jours  sui- 
vants, les  deux  parties  se  séparent  de  plus  en  plus;  le  24,  elles 
se  subdivisent  à  leur  tour,  et  le  26  nous  trouvons  quatre 
novaux  principaiix  entourés  de  plusieurs  autres  plus  petits 
et  moins  distincts. 

Quelquefois,  au  contraire,  plusieurs  taches  se  réunissent 
et  se  confondent  en  une  seule;  les  observations  que  nous 
citerons  dans  la  suite  en  fourniront  des  exemples  nombreux 
et  frappants.  Ces  changements  de  forme  influent  beaucoup 
sur  le  mouvement;  la  régularité  géométrique  indiquée  ci- 
dessus  en  est  profondément  troublée,  et  c'est  ce  qui  empêcha 
les  premiers  observateurs  de  déterminer  avec  précision  la 
durée  de  la  rotation  solaire. 

§  TII.    —    Variations  annuelles  dans  le  mouvement  apparent 

des  taches. 

3'^  Les  trajectoires  décrites  par  les  taches  varient  avec  la 
saison  :  au  mois  de  mars,  ce  sont  des  ellipses  très-allongées 


—  18  - 

tournant  leur  convexité  vers  le  nord,  le  grand  axe  de  l'ellipse 
étant  presque  parallèle  à  récliplique  [fig.  8,  B).  Après  cette 
époque,  la  courbure  des  ellipses  dmiinue  graduellement,  en 
même  temps  (ju'elles  s'inclinent  sur  l'écliptique  comme  dans 
la  fig.  8 ,  C,  en  sort(^  qu'au  mois  de  juin  elles  se  trouvent 
transformées  en  lignes   droites   '\fig.  8,  D),   De  juin  à  sep- 


6  Décembre. 

TV 


/|  Juin. 


Septembre. 


Novembre. 


temîjre,  les  courbes  elliptiques  reparaissent,  mais  leur  po- 
sition est  inverse  de  la  précédente  [^fig.  8,  E);  puis,  en 
suivant  des  phases  inverses ,  elles  repassent  par  la  courbe 
allongée  [^fig.  8,  F),  et  prennent  la  ligne  droite  [^fig.  8,  A), 
pour  revenir  enfin,  au  bout  d'un  an,  à  la  forme  B.  Le  point  N 
est  le  pôle  nord  de  l'écliptique.  Dans  cette  figure,  les  cour- 
bures et  les  inclinaisons  ont  été  un  peu  exagérées,  de  ma- 
nière à  mieux  faire  comprendre  leurs  variations. 

Toutes  ces  formes  des  trajectoires  apparentes  sont  simple- 


-   19  - 

iiitMil  (les  cllcts  (le  pcrspccliNc.  En  réalité,  les  taches  décri- 
\eiit  «les  j)arallèles  à  l'é(|iiat('iir  solaire  :  ce  sont  ers  narallèles 
([lie  nous  j)rojct(nis  à  clia(|iic  iiislaiil  sur  lui  |>l  in  perjxMulicii- 
laire  au  ra\oii  msucI  (jui  passe  par  I dil  de  1  Ohscrxalcur  et 
j)ai'  le  eeulre  du  ^lohe  solaire.  (",es  j)ro|cetions  (loi\(  nt  iiéces- 
sairenient  changer  de  tonne  à  mesure  que  1  observateur  se 
déplace;  t'Iles  nous  apparaissent  sous  des  aspects  différents, 
suivant  la  position  (pie  laTtrre  occupe  par  rapporta  1  équa- 
teur  scalaire  Lorstpi'elie  est  à  l'un  de  ses  iioiids,  c'est-à-dire  à 
I  un  des  points  où  récliptique  coupe  lécpialeur  solaire,  tous 
les  parallèles  se  projettent  suivant  des  iii;nes  droites,  et  les  tra- 
jectoires apparentes  des  taches  sont  rectilignes.  C'est  ce  qui 
arrive  lorsque  la  longitude  du  Soleil  est  de  74*^30'  et  254" 3o', 
c'est-à-dire  le  4  juin  et  le  6  décendjre.  Lorsqu'au  contraire  la 
Terre  se  trouve  au-dessus  ou  au-dessous  de  l'équateur  solaire, 
les  trajectoires  se  projettent  suivant  des  elli])ses,  et  ces  courbes 
sont  d'autant  plus  ])rononcées,  que  nous  sommes  plus  éloignés 
de  ce  j)lan.  Le  maximum  de  courbure  aura  lieu  pour  des  lon- 
gitudes différant  de  90  degrés  de  celles  que  nous  venons  d'in- 
diquer pour  les  nceuds. 

Nous  venons  d'examiner  la  position  des  taches  par  rapport 
à  récli])tique;  nous  pourrions  aussi  examiner  les  relations 
qu'elles  ont  avec  l'équateur  de  la  sphère  céleste.  Connue  ces 
deux  grands  cercles  sont  inclinés  l'un  sur  l'autre  et  inclinés 
sur  l'équateur  solaire,  il  en  résulte  que  la  ligne  qui  repré- 
sente l'équateur  solaire  change  de  direction  d'un  jour  à  l'autre 
d'une  manière  considérable.  On  détermine  toujours  la  posi- 
tion des  points  observés  par  rapport  au  parallèle  du  mouve- 
ment diurne  de  la  sphère  céleste  :  il  est  donc  utile  de  pouvoir 
déterminer  cha([ue  jour  l'angle  que  fait  ce  parallèle  a\ec  le 
grand  axe  de  la  projection  de  l'équateur  solaire.  Pour  faciliter 
cette  recherche,  nous  mettons  sous  les  yeux  du  lecteur  une 


—  20  — 

Table  qui  donne,  avee  une  approximation  suffisante,  la  valeur 
(le  cet  ani^le  pour  tous  les  jours  de  Tannée.  Il  est  compté  en 
partant  du  point  le  plus  boréal  du  disque  solaire  et  en  allant 
vers  Test;  si  l'image  est  renversée,  c'est-à-dire  si  l'on  observe 
directement  dans  une  lunette  astronomique,  ou  bien  si  l'on 
étudie  la  projection  due  à  une  lunette  de  Galilée  ou  à  une 
lunette  terrestre,  on  devra  compter  les  angles  à  partir  du 
point  qui  semble  correspondre  au  sud  en  allant  vers  l'ouest. 
A  la  Table  nous  joignons  une  ligure  [Jig.  9)  qui  donne  la 


FifT.  0. 


valeur  du  même  angle  d'une  manière  approchée,  et  qui  fait 
connaître  la  direction  du  diamètre  équatorial  dans  les  diffé- 
rentes saisons.  On  suppose  que  l'observateur  regarde  la  pro- 
jection en  tournant  le  dos  au  Soleil  :  les  quatre  points  car- 
dinaux sont  donc  disposés  dans  le  même  ordre  que  sur  une 
carte  de  géographie.  Les  dates  ont  été  inscrites  de  5  degrés 


21 


Cil  5  (k'grés  pour  les  parties  est  et   ouest;   il  sei;i  I.k  ilc  (\\ 
sup|)leer  poui"  le  reste  de  l.i  circdiirei'eiiee  [*  j. 


('  La  table  suivante  a  été  calculée  pnur  l'atinee  iS^j;  elle  peut  ce|>eii(laiit  hi'ivir 
pour  les  autres  années  lorsqu'on  ne  tient  pas  à  avoir  une  grande  approximation,  l'er- 
reur due  aux  années  bissextiles  ne  dépassant  jamais  une  IVaction  de  degré  assez  faible. 
Elle  est  toujours  suDisante  |k>ui'  les  eoiislruclions  (;ra])liii[ues. 


22  — 


Table  des  angles  de  position  de  Vcquateur  solaire 


j.vNvir.u. 

FÉVRIER. 

1 

U       1 

91.36 

1 

77.20 

0 

91.07 

0 

77.01 

3 

90.38 

3 

76.07 

4 

90.09 

4 

76. .3 

5 

89.. ^0 

5 

75.51 

6 

89.09 

G 

l'^--^<d 

7 

88. 40 

7 

75.07 

8 

88.11 

8 

74.45 

9 

87-43 

9 

74.23 

10 

87.15 

10 

71-00 

11 

se. 47 

11 

7''-'!9 

12 

8G.18 

12 

73. .8 

13 

85. 5o 

13 

72.58 

14 

85.  r2 

14 

72.38 

15 

84.54 

15 

72.19 

IG 

84. oG 

IG 

72.00 

17 

83.58 

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23 

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25 

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28 

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29 

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30 

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31 

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MAI. 

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2 

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3 

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3 

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3 

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4 

63.39 

4 

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4 

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5 

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5 

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7 

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7 

67.02 

7 

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8 

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8 

63. 41 

8 

67.15 

8 

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66. 3  0 

9 

63.42 

9 

67.29 

9 

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66.18 

10 

63.43 

10 

67.44 

10 

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66.07 

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11 

67.59 

11 

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12 

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12 

63.46 

12 

68.15 

12 

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13 

65.46 

13 

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13 

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13 

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14 

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14 

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14 

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15 

65.28 

15 

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15 

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15 

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16 

65.19 

16 

63.59 

16 

69.2, 

16 

80.52 

17 

65.10 

17 

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17 

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17 

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18 

65.01 

18 

64.08 

18 

69.56 

18 

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19 

64.52 

19 

64.13 

19 

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19 

82.11 

20 

64.44 

20 

64.18 

20 

70.33 

20 

82.3- 

21 

61.36 

21 

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21 

70.52 

21 

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22 

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24 

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24 

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24 

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24 

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25 

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26 

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26 

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29 

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63.47 

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73.55 

30 

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31 

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31 

23  - 


pour 

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nord  vers  l'est. 

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§  TV.    —    Autres  propriétés  des  taches. 

i^  Les  taches  ne  se  montrent  pas  indifféremment  sur  tous 
les  points  du  disque.  Elles  sont  peu  nombreuses  dans  le  voi- 
sinao;e  immédiat  de  l'équateur,  et  très-rares  dans  les  latitudes 
supéj'ieures  à  35  ou  l\o  degrés.  Elles  se  montrent  en  plus 
grande  quantité  dans  deux  zones  symétriques  qu'on  a  ap- 
pelées zones  royales,  comprises  entre  lo  et  3o  degrés  de  la- 
titude héliocentrique. 

2°  Le  nombre  des  taches  est  très-variable.  Quelquefois 
elles  sont  assez  nombreuses  pour  qu'on  puisse,  par  une  seule 
observation,  reconnaître  les  zones  qui  les  contiennent  habi- 
tuellement. Quelquefois,  au  contraire,  elles  sont  si  rares  qu'une 
année  entière  peut  s'écouler  sans  qu'on  en  voie  une  seule. 
On  a  reconnu  une  régularité  remarquable  dans  la  manière 
dont  se  succèdent  ces  périodes,  que  nous  étudierons  dans  la 
suite  de  notre  travail. 

Lorsqu'on  étudie  les  taches,  il  est  utile  et  intéressant  d'en 
évaluer  le  nombre  et  la  grandeur,  mais  il  y  a  dans  cette  ap- 
préciation beaucoup  d'arbitraire.  On  les  distingue  ordinaire- 
ment en  groupes  composés  de  taches  et  de  points  ;  mais  sou- 
vent un  observateur  comptera  plusieurs  groupes  là  ou  un 
autre  n'en  verra  qu'un  seul ,  le  premier  appellera  une  petite 
t;iche  ce  que  l'autre  aura  pris  pour  un  point.  Pour  avoir  une 
idée  exacte  de  la  surface  totale  que  recouvrent  les  taches  à 
un  moment  donné,  il  faut  évaluer  l'aire  de  chacune  d'elles; 
c'est  ce  qu'a  fait  ]M.  W.  de  la  Rue  pour  les  observations  de 
Rew  et  pour  celles  de  M.  Carrington,  mais  c'est  un  travail 
très-long  :  encore  ne  jDeut-on  le  faire  que  sur  des  photogra- 
phies ou  sur  des  dessins  parfaitement  exécutés.  Pour  cette 
mesure,  on  se  sert  d'une  lame  de  verre  sur  laquelle  sont  tracés 


—  2o  — 

des  réseaux  croises  do  lignes  très-fines  et  très-rapprochées, 
disposées  eommr  celles  d'un  papier  quadrillé.  On  compte 
le  nombre  des  petits  carres  contenus  dans  une  tache,  en  éva- 
luant séparément  le  noyau,  lOnibre  et  la  jjenonihrc  ;  puis  on 
évalue  le  rapport  d'un  de  ces  carrés  avec  l'image  du  Soleil, 
et  l'on  en  conclut  la  fraction  de  la  surface  totale  qui  est  recou- 
verte de  taches.  Il  faut  cependant  tenir  compte  de  la  défor- 
mation qui  a  eu  lieu  près  des  bords,  et  cette  correction  dont 
l'importance  dépend  de  la  distance  au  centre  entraîne  des 
calculs  pénibles  ;  mais  tlans  l'état  actuel  de  la  science,  et 
surtout  pour  les  dessins  ordinaires,  on  peut  faire  abstraction 
de  la  forme  sphérique  du  Soleil  et  se  contenter  de  déterminer 
le  rapport  entre  la  surface  des  taclies  et  celle  de  la  projection 
solaire,  en  prenant  les  mesures  au  moment  où  les  taches  sont 
assez  loin  des  bords.  En  pratique,  il  sera  bon  d'employer  dans 
les  descriptions  les  termes  de  convention  qui  abrègent  le  dis- 
coins.  On  appelle  nucléaires  les  taches  rondes  ayant  un 
noyau;  les  grandes,  désignées  par  la  lettre  N,  sont  celles  dont 
le  diamètre  dépasse  3o  secondes  ;  les  petites ,  désignées  par 
la  lettre  n,  sont  celles  inférieures  à  3o  secondes.  Un  as- 
semblage de  jîoints  sera  désigné  par  p  ou  pp^  suivant  leur 
nombre;  si  le  nombre  des  points  est  très-considérable,  on 
emploiera  les  lettres  mp.  Ainsi  un  groupe  composé  d'une 
grande  tache  nuclé;ùre  et  de  plusieurs  points  sera  désigné , 
suivant  les  cas,  par  l'une  des  deux  notations  suivantes  y  npp 
ou  IS  nmp  ('). 

Lorsque  les  taches  ont  la  forme  circulaire,  on  les  mesurera 
très-exactement  avec  une  règle  divisée  en  millimètres  :    on 


(';  P'oir.  pour  plus  de  détails,  le  Dullctin  de  l'Observatoire  du  Collège  Romain,  sep- 
tembre 18^3.  Nous  donnons  quelques  indications  pour  les  amateurs  :  les  astronomes 
n'ont  pas  besoin  de  ces  renseignements. 


—  26  - 

fera  usage  du  verre  quadrillé  pour  les  taches  irrégulières  dont 
la  forme  générale  ne  se  rapproche  d'aucune  figure  géomé- 
trique. Sans  doute,  ces  mesures  ne  sont  qu'approchées,  mais, 
si  l'on  compare  les  résultats  obtenus  avec  la  surface  totale  de 
la  projection  solaire,  on  se  fera  une  idée  assez  exacte  de  la 
grandeur  cpie  l'on  veut  mesurer.  Supposons,  par  exemple, 
que  l'image  du  Soleil  ait  un  rayon  de  1 2i™'",5  ;  sa  surface  sera 
de  4G  3^7  millimètres  carrés,  et,  en  prenant  pour  unité  la 
millionième  partie  de  la  surface  de  projection,  chaque  mil- 
limètre carré  correspondra  à  2i,5G22  parties;  on  pourra 
donc  toujours  calcider  la  grandeur  relative  des  taches  par 
rapport  à  celle  du  Soleil,  en  se  rappelant  que  la  surface  de 
projection  est  le  quart  de  la  surface  spliérique  totale. 

3°  Lorsqu'on  cherche  à  déterminer  la  durée  de  la  rotation 
solaire  par  le  retour  des  taches,  on  trouve  de  grandes  ano- 
malies, dont  l'explication  est  restée  longtemps  inconnue.  On- 
trouve  en  moyenne  qu'une  tache  revient  (du  moins  en  appa- 
rence) à  sa  position  primitive  au  bout  de  vingt-sept  jours  et 
un  tiers  environ  ;  mais  il  y  a  dans  cette  évaluation  une  cause 
d'erreur,  dont  il  faut  tenir  compte.  Pendant  ce  temps,  la 
Terre  n'est  pas  restée  immobile  ;  elle  a  décrit  sur  son  orbite 
un  arc  d'environ  25  degrés,  dans  le  sens  même  de  la  rotation 
solaire.  Au  moment  où  une  tache  achève  sa  rotation  appa- 
rente, elle  a  donc  décrit  un  cercle  complet,  et,  depuis  deux 
jours  à  peu  près,  elle  a  commencé  une  seconde  révolution 
En  effectuant  la  correction  exigée  par  cette  circonstance,  on 
trouvera  pour  durée  véritable  de  la  rotation  solaire  vingt- 
cinq  jours  et  deoîi  environ. 

Mais  ce  n'est  encore  là  qu'une  approximation  regardée 
comme  insuffisante  par  les  savants  :  aussi  emploient-ils  des 
méthodes  plus  rigoureuses  ;  d'ailleurs  le  contour  apparent  du 
Soleil  ne  coupe  pas  toujours  en  deux  parties  égales  le  cercle 


que  décrit  iiiio  tache  :  de  là  une  nouvelle  irrégularité  dans  le 
mouvement  apparent.  De  la  combinaison  de  ces  mouvements 
il  résulte  qu'au  lieu  de  décrire  une  ellipse  simple,  un  point  de 
la  surface  du  Soleil,  observé  de  la  Terre,  décrit  une  ellipse 
dont  les  axes  varient  constamment  de  grandeur  et  de  j)osi- 
tion. 

§  V.    —    Coup   iVœil  sur  les  hypothèses  émises  relalwemenl 
à  la  nalurc  des  taches. 

Scheiner  a\  ait  d'abord  regardé  les  taches  comme  des  satel- 
lites tournant  autour  du  Soleil,  opinion  insoutenable,  bientôt 
al)andonnée  par  son  auteui',  et  qu'on  a  cependant  essayé  de 
faire  revivre.  Après  avoir  longtemps  gardé  lui  silence  pru- 
dent, Galilée  les  attribua  à  des  nuages  ou  à  des  fumées  flot- 
tant dans  l'atmosphère  solaire  :  c'était  la  meilleure  con- 
clusion qu'on  pût  tirer  des  observations  peu  précises  qu'on 
avait  pu  faire.  Cette  opinion  eut  longtemps  l'approbation 
générale  ;  elle  a  même  été  reprise  de  nos  jours  par  des  sa- 
vants très-respectables,  malgré  les  difficultés  sérieuses  qu'elle 
présente.  Dans  les  dernières  années  de  sa  vie,  Scheiner  an- 
nonça que  les  taches  étaient  situées  au-dessous  du  niveau 
général  de  la  surface  solaire,  mais  sans  faire  connaître  avec 
des  détails  suffisants  les  faits  sur  lesquels  reposait  cette  opi- 
nion. 

Quelques  astronomes ,  et  entre  autres  le  célèl.>re  de  la 
Lande,  crurent  au  contraire  cjue  c'étaient  des  montagnes  dont 
les  flancs  plus  ou  moins  escarpés  auraient  produit  le  phéno- 
mène de  la  pénombre  ;  opinion  inconciliable  avec  le  mouve- 
ment propre  que  les  taches  possèdent  quelquefois  d'une 
manière  bien  prononcée.  Derliam  les  attribue  à  des  fiunées 
sorties  des  cratères  volcaniques  du  Soleil ,  opinion  reprise  et 


—  28  — 

soutenue  dans  ces  derniers  temps  par  M.  Chacornac.  Plu- 
sieurs savants,  regardant  le  Soleil  comme  une  masse  liquide 
et  incandescente,  expliquaient  les  taches  par  d'immenses 
scories  flottant  sur  cet  océan  de  feu. 

Un  siècle  s'était  à  peine  écoulé  depuis  le  moment  oii  l'on 
aperçut  les  taches  pour  la  première  fois  ,  qu'un  astronome 
anglais,  Wilson,  faisait  une  découverte  mémorable  :  il  mon- 
trait avec  évidence  que  les  taches  sont  des  cavités,  et  il  don- 
nait uii'^  première  idée  de  la  constitution  véritable  du  Soleil 
en  comparant  à  un  nuage  fortement  éclairé  la  couche  lumi- 
neuse que  nous  appelons  la  pJwtosphère . 

Toutes  les  opinions  admises  sur  la  nature  des  taches  dé- 
pendent de  la  manière  dont  on  se  représente  le  Soleil  lui- 
même,  sa  nature  et  l'état  de  sa  masse  intérieure.  Si  on  le 
compare  à  une  lave  liquide  et  incandescente,  on  est  naturel- 
lement conduit  à  admettre  que  les  taches  sont  formées  par 
des  scories  solides  et  ol)SCures  flottant  à  la  surface;  si  l'on 
suppose  que  la  couche  extérieure  est  gazeuse  et  ccnistituée  à 
peu  près  comme  les  nuages  qui  flottent  dans  notre  atmo- 
sphère, on  ne  pourra  employer  le  nom  de  scorie  que  dans 
un  sens  très-impropre,  car  alors  les  matières  en  question  ne 
seraient  pas  solides  :  ce  seraient  des  gaz  lancés  de  Tintérieur 
du  corps  solaire  qui,  refroidis  par  l'expansion  et  se  déposant 
à  la  surface  extérieure,  produiraient  des  régions  moins  bril- 
lantes qu  un  effet  de  contraste  ferait  paraître  obscures. 

Ce  n'est  pas  le  moment  de  nous  prononcer  pour  l'une  de 
ces  hypothèses.  Ce  choix  serait  prématuré,  car  il  doit  reposer 
sur  l'étude  attentive  et  détaillée  des  faits  qui  nous  ont  été 
révélés  par  l'observation.  Continuons  donc  cette  analyse,  et 
nous  verrons  qu'elle  nous  conduira  naturellement  à  des  idées 
précises  sur  la  constitution  physique  du  Soleil  et  sur  la  na- 
ture des  taches. 


—  â'J  — 

^   \  l.  —  Tiaviluj.-  d'Ilerschel. 

î.;i  (k  roux  ei'tc  de  \Vilsoii  a  été  le  point  de  (l(>|);iit  des 
giauds  travaux  dllcrsclicl.  Nous  en  dirons  ici  (jurlqucs  mots 
s<'ulcm('iit,  car  rc|K)(|ii('  à  laquelle  vivait  cet  astronome  toucli<' 
de  très-près  à  celle  ou  \\  (le\ieiit  impossible  de  sui\re  l'ordre 
chronologique  dans  l'exposé  des  découvertes.  W.  Herschel 
était  un  homme  de  génie,  mais  il  (Hait  par-dessus  tout  ini  oh- 
s('r\at('ur  hors  ligue.  Il  a  vu  tant  de  phénomènes  à  l'aide  des 
j)uissants  instruments  qu'il  avait  construits  de  ses  propres 
mains,  il  a  si  minutieusement  décrit  les  merveilles  qui  lui 
étaient  ainsi  révélées,  qu'il  a  laissé  fort  peu  de  chose  à  faire 
à  ses  successeurs  pour  ce  qui  regarde  la  simple  observation 
télescopique.  Seulement,  ses  instruments  lui  étant  pour  ainsi 
dire  personnels,  il  en  fut  de  même  du  langage  qu'il  dut  créer 
|)Our  s'exprimer;  ce  langage  ne  fut  }5as  toujours  compris,  et 
c'est  maintenant  seulement  qu'à  l'aide  d'instrum(Mits  compa- 
rables aux  siens  nous  pouvons  juger  de  l'étendue  de  ses 
découvertes. 

L'idée  capitale  d'IIerschel  reposait  sur  la  découxcrte  de 
Wilson.  Il  remarqua  avec  raison,  comme  l'avait  fait  cet  astro- 
nome, que  si  les  taches  sont  des  cavités  la  matière  lumineuse 
ne  saurait  être,  à  proprement  parler,  ni  liquide  ni  gazeuse; 
car  alors  elle  se  précipiterait  avec  une  effravante  rapidité  pour 
remplir  le  vide,  ce  qui  rendrait  impossible  la  persistance  des 
taches  que  nous  vovons  quelquefois  durer  pendant  plusieurs 
révolutions.  D'ailleurs  les  mouvements  propres  des  taclu^s 
prouvent  que  la  photosphère  n'est  pas  solide  ;  on  ne  peut 
donc  plus  la  comparer  qu'aux  brouillards  et  aux  luiages,  vl 
elle  doit  être  suspendue  dans  une  atmosphère  semblabh*  à  la 
nôtre  :  telle  est,  selon  lïerscliel,  la  seule  hypothèse^  qui  puisse 


—  30  - 

expliquer  les  rapides  variations  dont  nous  sommes  les  té- 
moins. Nous  verrons  cependant  plus  tard  que  ces  phénomènes 
peuvent  admettre  une  autre  explication. 

Dans  son  second  Mémoire,  Herscliel  poursuit  cette  étude 
avec  une  jjerspicacité  digne  de  son  génie.  Malheureusement 
il  se  laisse  séduire  par  l'idée  de  V habitabilité  du  Soleil.  Il  lui 
fallut  donc  un  noyau  solide  sur  lequel  pussent  reposer  ses 
habitants,  et  un  moyen  quelconque  qui  les  protégeât  contre 
les  radiations  de  la  photosphère.  Pour  cela,  il  suppose,  au- 
dessus  du  novau,  une  couche  de  nuages  toujours  contigue  à 
la  photosphère  qui  l'enveloppe,  et  se  déchirant  en  même 
temps  qu'elle  pour  laisser  apercevoir  le  noyau  :  hypothèses 
arbitraires,  n'ayant  aucun  fondement  dans  l'observation,  et 
conduisant  à  des  explications  qui  sont  en  complet  désaccord 
avec  les  principes  de  la  Physique  moderne. 

Cependant  les  travaux  d'Herschel  contiennent  tant  de 
choses  positives,  tant  d'idées  justes,  qu'ils  ont  fait  faire  de 
très-grands  progrès  à  nos  connaissances  sur  la  véritable  con- 
stitution du  Soleil,  et  nous  le  prendrons  souvent  pour  guide 
dans  l'exposé  que  nous  aurons  à  faire. 


§  VII.  —  Autres  travaux  sur  la  nature  des  taches. 

Nous  n'avons  rien  dit  des  travaux  des  anciens  astronomes, 
Hévélius,  Cassini,  Huyghens,  Messier,  de  la  Lande,  etc.;  leurs 
observations,  quelque  laborieuses  qu'elles  aient  été,  ont 
rendu  peu  de  services  à  la  science  de  la  physique  solaire ,  à 
cause  de  l'imperfection  des  instruments  dont  ils  se  servaient. 
Ils  nous  ont  cependant  transmis  d'importants  détails,  et  sur- 
tout ils  ont  réuni  de  précieux  documents  relatifs  à  la  rotation 
du  Soleil,  au  nombre  et  à  la  position  des  taches,  à  leurs  di- 


-  31  - 

incnsions  et  ;i  leur  dislrihiilion  sur  la  surlucc  du  ^1o1j«'  so- 
laire, etc.  On  doit  aux  soins  de  31.  Wolf,  actuellement  direc- 
teur de  r()l)ser\atoire  de  Zini<  h,  un  recueil  aussi  complet  (jue 
|)ossil)l(' de  tous  les  ti'a\;ui\  publies  justprà  ce  jour  sur  le 
Soleil;  cette  collection,  sous  le  titiv  de  Lilléralare  solaire, 
fait  j)artie  de  ses  Mittheilungen  àber  der  Sonnenflecken  ;  nous 
renvoyons  le  lecteur  à  cet  ouvrage  [)Our  toutes  les  connais- 
sances historicpies  et  bibliograj)liic|ues  relatives  au  sujet  (pii 
nous  occupe. 

Après  avoir  exj)osé  sommairement  les  reclierclics  faites  par 
ceux  qui  nous  ont  ])récédés,  nous  arrivons  aux  travaux  de 
nos  contemporains,  et  là  nous  devons  renoncer  à  suivre 
Tordre  liistoricpie  pour  nous  attacher,  autant  que  possible,  à 
dé\elopper  dans  l'ordre  logique  les  idées  qui  naissent  de  l'é- 
tude des  faits.  Nous  aurons  souvent  à  citer  les  savants  mo- 
dernes :  les  Herschel,  Carrington,  Warren  de  la  Rue,  Faye, 
Sporer,  Zollner,  Wolf,  Schwabe,  Taccliini,  Donati,  Young, 
Respiglii ,  Lockyer,  Huggins,  et  la  jdéiade  de  ces  savants 
zélés  et  patients  qui ,  armés  du  spectroscope ,  ont  fait  des 
découvertes  si  inattendues.  Cont(Mitons-nous  de  citer  ici  les 
noms  que  nous  retrouverons  souvent  dans  le  courant  de  cet 
ouvrage.  Nous  nous  permettrons  de  puiser  largement  dans 
nos  propres  travaux,  toutes  les  fois  surtout  qu'il  s'agira  de 
choses  qui  nous  appartiennent  en  j)ropre,  et  lorsque  nos  re- 
cherches personnelles  nous  mettront  à  même  de  mieux  éclai- 
rer le  lecteur,  en  nous  permettant  de  donner  plus  d'exacti- 
tude à  la  description  des  phénomènes. 


32  — 


CHAPITRE  III. 


NOUVELLES     .METHODES     D   OBS  ER  V  AT  10  N. 


§  I.  —  Oculaires  hélioscopiques . 

La  grande  intensité  de  la  lumière  du  Soleil  a  toujours  été 
la  j)rinripale  difficulté  à  vaincre  dans  l'observation  des  phé- 
nomènes qui  se  passent  à  la  surface  de  cet  astre.  L  emploi 
des  verres  fortement  colorés  est  un  moyeu  pour  les  lunettes 
ordinaires;  mais,  dans  les  grands  instruments,  ils  se  brisent 
ou  se  fondent  avec  la  plus  grande  facilité.  Pour  remédier  à 
cet  inconvénient,  on  a  longtemps  emplové  des  diaphragmes 
destinés  à  réduire  ^•ou^erture  de  l'objectif;  mais  on  perdait 
ainsi  une  partie  des  avantages  que  présentaient  les  grands 
instruments,  et  en  même  temps  on  diminuait  beaucoup  la 
netteté  de  l'image.  Ce  dernier  résultat  tient  à  un  j)hénomène 
de  diffraction,  qui  est  d'autant  plus  sensible  que  l'ouverture 
du  diaphragme  est  plus  étroite.  En  effet,  lorsqu'on  observe 
une  étoile  avec  une  bonne  lunette,  l'image  se  réduit  à  un 
point;  mais  si  l'objectif  v"st  muni  d'un  diaphragme,  les  choses 
se  passent  autrement  :  au  lieu  d'un  point ,  on  aperçoit  un 
petit  cercle  d'autant  plus  grand  que  le  diaphragme  est  plus 
petit.  Dans  les  observations  faites  sur  le  Soleil ,  chaque  point 
se  comporlei\a  de  la  même  manière  et  sera  représenté  par  un 
cercle  d'une  certaine  étendue;  tous  ces  cercles  empiétant 
l'un  sur  l'autre ,  il  en  résultera  une  image  plate  et  confuse , 
dans  laquelle  il  sera  impossible  de  distinguer  les  détails. 


-  33  - 

Herschel  avait  cjjroiivi';  ces  inconvénients  :  aussi  aimait-il 
mieux  employer  des  \ erres  fortement  colorés,  en  conservant 
toute  l'ouverture  (le  son  télescope.  Il  essaya  |)lusieurs  autres 
moyens,  et  en  particulier  des  li(juides  diversement  colorés, 
par  exemple  de  l'eau  mélangée  d'encre;  mais  la  chaleur  pro- 
duisait dans  ces  liquides  des  mouvements  tumidtueux,  et  il 
en  résultait  inie  grande  confusion  dans  les  images.  Son  fds, 
sir  John,  proposa  d'emplover  un  miroir  concave  fait  en  verre 
non  étamé;  on  obtiendrait  ainsi,  vu  le  faible  pouvoir  réflec- 
teur du  verre,  une  image  encore  trop  vive  pour  être  exami- 
née à  l'œil  nu,  assez  faible  cependant  pour  (ju'on  put  l'ob- 
server avec  iHi  verre  coloré,  malgré  l'ouverture  considérable 
de  l'appareil.  JNI.  Chacornac  a  récemment  employé  ce  pro- 
cédé, avec  un  télescope  non  argenté.  Foucault,  au  contraire, 
a  proposé  d'argenter  la  surface  antérieure  des  objectifs  de 
lunettes,  et  de  regarder  le  Soleil  à  travers  cette  mince  couche 
de  métal.  On  assure  que  les  images  sont  très-belles  et  très- 
agréables  à  Vœi\  :  on  serait  ainsi  arrivé  à  une  idée  semblable 
à  celle  de  Scheiner,  qui  proposait  de  faire  une  lunette  avec 
des  verres  colorés;  mais  ces  différents  procédés  exigent  un 
instrument  spécialemciil  destiné  au  Soleil,  et  peu  d'astro- 
nomes se  décideront  sans  doute  à  sacrifier  h'ur  meilleur  ob- 
jectif. De  plus,  ils  ont  l'inconvénient  de  transmettre  toujours 
à  l'œil  de  l'observateur  la  même  quantité  de  lumière  :  en 
pratique,  il  est  utile  qu'on  puisse  faire  varier  l'intensité  lu- 
mineuse afin  de  mieux  étudier  les  détails. 

Il  était  donc  important  de  trouNcr  un  moven  (ju'on  put 
adapter  facilement  à  tous  les  instruments.  T/astronome  an- 
glais Dawes  proposa  de  mettre  le  diaphragme,  non  à  l'objec- 
tif, mais  à  l'oculaire;  pour  cela,  il  recevait  l'image  sur  une 
plaque  d'ivoire  doublée  de  métal,  et  l'egardail  par  un  trou 
trè.s-petit.  .l'ai  souvent  emplové  à  cet  usage  luie  simple  carte 
I.  3 


—  34  — 

de  visite  recouverte  de  céruse  et  percée  d'un  trou  d'épingle; 
loin  de  brûler,  elle  ne  se  noircit  même  pas,  malgré  la  grande 
quantité  de  chaleur  qui  se  concentre  au  fover  d'un  large 
objectif.  Le  seul  inconvénient,  c'est  que  le  champ  de  vision 
devient  très-étroit.  Cet  inconvénient  n'est  pourtant  pas  sans 
quelques  compensations,  car,  la  plus  grande  partie  du  disque 
étant  cachée,  l'œil  est  bien  plus  à  son  aise  pour  étudier  les 
détails. 

Cependant,  même  avec  de  petits  diaphragmes,  il  faut  tou- 
jours emplover  un  verre  coloré.  Les  meilleurs  sont  ceux 
qu'on  appelle  des  verres  gradués,  formés  de  deux  pièces  tail- 
lées en  forme  de  coin  :  lune  est  blanche,  l'autre  bleue;  on 
les  superpose  simplement ,  car  toutes  les  substances  qui 
pourraient  servir  à  les  coller  se  gonflent  par  la  chaleur  et 
forment  des  bulles.  En  mettant  ce  verre  gradué  [fig.  lo)  dans 


Fig.   10. 


une  monture  qui  glisse  devant  l'oculaire ,  on  peut  régler  à 
volonté  l'intensité  de  la  lumière ,  ce  qui  présente  de  grands 
avantages. 

Un  excellent  moyen  a  été  proposé  par  sir  John  Herschel. 
Il  consiste  à  employer  la  lumière  réfléchie.  On  a  essayé  de 
produire  cette  réflexion  à  la  surface  d'une  lame  de  verre 
très-fortement  colorée  ;  on  évitait  ainsi  la  réflexion  sur  la 
seconde  face,  (^t  par  conséquent  on  écartait  une  cause  de 
trouble  dans  la  formation  de  l'imaoe;  mais  alors  les  ravons 
qui  ne  sont  pas  réfléchis  sont  absorbés  ;  le  verre  s'échauffe, 
se  déforme  et  finit  par  se  briser.  Herschel  a  évité  tous  ces  in- 
convénients en  ado|)tant  la  disposition  suivante   :   un  prisme 


Xi  - 


i((  l;iiii;iil;iirc  de  fnsl;il   est   disjiosc  de  iiiaiiK  rc  (|iic  le  i;i\nii 
incidenl  Ul  (Jîg-  i  i  )  Niciiiic  se  n-llct  lue  sur  son  Inpott-iiusc  ; 


lii;.    . 


les  rayons  (|  ni  ixMictrciil  d;ms  le  ci'islal  sortent  pcrixiidicn- 
laircmcnl  a  la  seconde  lace,  suivant  la  diicclion  1/.  et  l'on 
évite  ainsi  les  réflexions  intéricui'es  (jui  seraient  gênantes. 
Le  prisme  est  fixé  dans  une  monture  à  claire-voie  {Jig.  12). 


Fi''.    12. 


afin  d'éviter  l'élévation  de  température  l^u' cette  disj^osilion, 
lappareil  s'échauflé  tres-peu  et  la  lumière  est  tellement  alfai- 
l)lie,  fpi'on  peut  se  contenter  d'un  verre  laihlement  coloré. 

^    Il      -  Oculaires  poUiriscopiques. 

Cependant  !e  Ncrre  coloré  sui>si^te  lon|onrs  et  enipéclie 
tle  voir  le  Soled  a\('c  sa  teuile  xciitaMe.  Cet  inconvénient 
disparaît  dans  l'ocnlan'e  |>olariseur  imaj^nic  |>ar  le  P.  Ca\al- 
leri  de  Mon/a.  Nous  nons  servons  d'nn  de  ( es  lielioseopcs 
construit   à  Alilan    par   MM.    I.on^oni   et    d<'ll     \(|na.    L;i    lu- 

3. 


36  — 


mière  est  d'abord  reçiu^  sur  un  prisme  PP'  semblable  à  celui 
d'Herscliel  ^fig.  i3),  seulement  l'incidence  a  lieu  sous  l'angle 


Fig.   i3. 


de  36  degrés,  sous  lequel  le  verre  polarise  la  lumière.  De 
là  les  rayons  viennent  tomber  sur  un  miroir  de  verre  noir  AB, 
parallèle  au  prisme  :  cette  incidence  a  donc  encore  lieu  sous 
l'angle  de  36  degrés.  Enfin  la  lumière  vient  subir  une  der- 
nière réflexion  en  CD,  toujours  suivant  l'angle  de  polarisa- 
tion. Le  prisme  et  le  premier  miroir  sont  fixés  dans  une  po- 
sition invariable  l'un  par  rapport  à  l'autre  ;  mais  le  miroir  CD 
est  monté  dans  un  tube  qui  toiu'ne  librement  autour  du 
rayon  réfléchi;  de  sorte  qu'on  peut  amener  le  plan  de  ré- 
flexion de  ce  dernier  miroir  à  faire  un  angle  quelconque 
avec  le  plan  de  la  réflexion  précédente,  c'est-à-dire  avec  le 
plan  de  polarisation.  Si  l'on  disj)Ose  l'appareil  de  manière 
que  cet  angle  soit  droit,  on  affaiblit  la  lumière  au  point  que 
l'œil  peut  la  supporter  sans  inconvénient,  même  à  l'époque 
où  le  Soleil  est  à  sa  plus  grande  hauteur.  La  lumière  n'y 
disparaît  pas  complètement,  mais  ce  serait  inutile. 

La  fig.  1 4  représente  cet  oculaire  réduit  à  un  quart  de  sa 
grandeur  naturelle. 

M.  Merz  nous  a  envoyé  un  oculaire  construit  d'après  les 
mêmes  principes  {fig.  1 5),  dans  lequel  l'extinction  de  la  lu- 
mière est  complète,  gi'àcc  à  un  quatrième  réflecteur.  Les  siu-- 
faces  sont  parfaitement  planes,  mais  le  prisme  est  remplacé 
par  un  verre  coloré,  ce  qui  fait  craindre  que  la  chaleur  ne 


—  :{■ 


l<'  hrisr.  (Icttc  disposilinii  a  d  .iillcins  iiii  maiid  .ixnutagc, 
c'est  cjuc  l('  ravoii  soil  parallrlcmciil  à  I  axe  de  la  limette, 
ce  ((iii  est  impossible  dans  Tautie  système.  Ces  apj)areils 
présentent  eepeiulant   un  nieonvcni»!^   :  la  eonrsc  du  porte- 


Fid.  ,/, 


oculaire  est  quelquefois  insuffisante,  parce  que  la  longueur 
du  tube  mobile  est  tout  entière  employée  à  produire  ces  trois 
ou  quatre  réflexions.  Le  P.  Cavalleri ,  pour  remédiera  cet 
inconvénient,  a  placé  en  avant  du  prisme  une  lentilh»  légè- 


ri{j.  i5 


rement  concave  qui  augmente  la  distance  focale  de  l'objectif 
de  la  quantité  dont  elle  se  trouve  diminuée  par  les  zigzags 
que  décrivent  les  rayons. 

Ces  hélioscopes  sont  assez  coûteux,  mais  ils  présentent  bien 


—  38    — 

lies  avantages,  et  en  particulier  celui  tle  pouvoir  modérer  à 
son  gré  l'intensité  de  la  lumière.  Cependant,  malgré  toutes 
les  précautions  qu'on  prend  pour  gai\nitir  la  vue  des  obser- 
vateurs, et  obtenir  de  l)onnes  images,  il  suljsiste  un  inconvé- 
nient qu'on  ne  saurait  éviter,  c'est  réchauffement  des  objec- 
tifs et  celui  de  la  masse  d'air  contenue  dans  les  tubes.  Il  en 
résulte  des  irrégularités  très-sensiljles  dans  les  réfractions  : 
aussi  au  bout  de  quelcpies  minutes  les  images  ne  présentent 
plus  la  même  netteté,  et  l'on  est  obligé  d'interrompre  l'ob- 
servation pendant  cjuelque  temps  pour  (jue  la  température 
puisse  s'abaisser.  M.  Nasmvth  a  proposé  d'employer  des  lu- 
nettes sans  tubes,  comme  celles  de  Iluvghens.  Ce  procédé 
pourrait  réussir  pour  les  grands  réflecteurs;  pour  les  réfrac- 
teurs, on  pourrait  adopter  des  tubes  à  claire-voie  :  l'air  cir- 
culant librement  s'échaufferait  beaucoup  moins. 

Nous  recommandons  aux  observateurs  d'éviter  les  verres 
rouges  et  les  noirs;  ils  laissent  passer  beaucoup  de  chaleur, 
et  leur  couleur  est  fatigante  pour  l'organe  de  la  vue.  Les 
meilleures  teintes  sont  les  vertes,  les  jaunes,  les  bleues  et 
celles  c|u'on  a])peile  neutres. 


§  111.  —  Plioto graphies  solaires. 

La  Photographie  a  rendu  de  très-grands  services,  soit  dans 
les  o])servations  ordinaires  du  Soleil,  soit  dans  les  éclipses. 
On  ojjtient  les  épreuves  pbotographicpies  avec  le  même  ap- 
pareil qui  sert  pour  les  projections;  seuh^ment  on  substitue 
à  la  planche  une  chambre  noire,  et  l'on  met  au  fover  deux 
fils  croisés  cpii  doivent  servir  à  l'orientation  de  l'image. 

La  durée  de  l'exposition  doit  être  tellement  courte,  qu  il 
tant  pour  la  régler  employer  un  appaicil  spé(Mal.  Il  (M)nsiste 


-  ;j'.t  - 

01»  Mlle  |)la(|uc  nic'lallicjiK'  j;lissaiit  dans  imc  laiiiiirc,  et  ixjr- 
taiil  une  Icnic  très-étroite,  dont  on  jx'iit  faire  varier  la  lar- 
geur à  Noionté.  An  niomciil  de  lOpération,  on  làclie  nn(.* 
(lét(M»te;  la  plaque  obéit  a  l'aetion  «l'on  ressort,  et  la  (ente 
])asse  rapidement  à  travers  le  cùne  lumineux. 

La  fig.   iG  représente  l'oculaire  cpie  nous  ada])tons  à  notre 

Fig.    iG. 


équatorial  pour  res  opérations.  Il  est  semblable  à  celui  de 
Kew,  et  nous  l'avons  fait  construire  par  Dallmeyer  à  Londres. 
La  lunette  doit  être  portée  par  un  mouvement  d'horlog(M'ie, 
rpioiqu'à  la  rigueur  on  puisse  la  mouvoir  à  la  main;  de  })lus, 
elle   doit  avoir  un  elierclieur  assez  puissant  pour  s'assurer 


-  40  - 

qu'au  moment  de  l'opération  la  plaque  est  dans  une  position 
convenable. 

,  O  est  l'oculaire  positif,  composé  de  lentilles  achromati- 
ques, destiné  à  former  l'image  ;  P  est  la  ])laque  glissant  verti- 
calement, mimie  d'une  fente  F  et  d'un  diaphragme  circulaire 
dans  la  partie  supérieure;  D  est  une  plaque  glissant  horizon- 

Fig.  17. 


talement,  et  percée  de  deux  trous,  l'un  complètement  libre, 
l'autre  portant  deux  fils  micrométriques  croisés  à  angle  droit; 
V  est  un  ressort  en  caoutchouc  ou  en  spirale  d'acier  pour 
produire  le  mouvement  de  la  plaque  verticale;  C  un  cordon 
destiné  à  la  retenir  jusqu'au  moment  de  l'opération.  A  l'ex- 
trémité O  de  l'oculaire,  on  fixe  une  boite  qui  doit  recevoir  les 


—  i{  - 

châssis  portant  Ic^  verre  dépoli  et  les  plaques  sensibles  :  c'est 
la  chambri'  noire  des  photographes.  Sa  forme  est  indifférente 
et  dépend  (!<■  la  i;raii(l(iii-  de  rimai;!'  ([u'on  veut  obtenir.  I^a 
Jig.  1 7  montre  la  disposition  adoptée  au  Collège  Romain  ; 
cette  chand)re  noire  est  à  la  fois  légère  et  commode;  elle 
s'applique  directement  au  tube  de  la  lunette,  sans  qu'on  ait 
besoin  d'un  appareil  spécial  comme  dans  la  disposition 
adoptée  à  l'Observatoire  de  Rew. 

L'opération  se  fait  i\o  la  manière  suivante  :  la  plaque  P 
étant  disposée  de  manière  que  les  rayons  lumineux  puis- 
sent parvenir  au  veri^e  dépoli,  on  met  au  point  conmie  à  l'or- 
dinaire; puis  on  soulève  la  plaque  jusqu'à  ce  que  la  fente  F 
soit  tout  entière  au-dessus  du  cône  lumineux,  et  on  la  retient 
dans  cette  position  à  l'aide  du  fd  C.  Lorsque  la  glace  sensibi- 
lisée a  été  mise  à  la  place  du  verre  dépoli,  on  coupe  le  fil;  la 
fente  F  passe  rapidement  dans  le  cône  lumineux,  l'impression 
est  produite.  On  révèle  ensuite  l'image,  et  on  la  fixe  par  les 
procédés  ortlinaires. 

On  évalue  à  un  centième  de  seconde  au  plus  le  temps  né- 
cessaire pour  o])tenir  une  bonne  épreuve  ;  mais  cela  dépend 
de  plusieurs  circonstances.  Si  l'exposition  a  été  trop  pro- 
longée^ les  taches  disparaissent  et  les  bords  manquent  de  net- 
teté. Le  diamètre  de  l'image  dépend  lui-même  de  la  durée  de 
l'exposition;  si  le  temps  est  trop  court,  les  bords  sont  mal 
tracés,  on  reconnaît  avec  évidence  la  forme  sphérique  du  So- 
leil, et  l'on  peut  juger  de  la  forte  absorption  qu'exerce  son 
atmosphère.  \.^fig.  i8  a  été  obtenue  dans  de  semblables  cir- 
constances par  M.  Selvyn,  en  octobre  1860.  (Voir  aussiy?^.  i 
de  lUillierfurd.) 

Pour  obtenir  des  épreuves  parfaites,  on  doit  prendre  les 
précautions  suivantes  :  i*'  la  surface  du  châssis  doit  être  par- 
faitement noircie  ou  recouverte  de  velours  noir  afin  d'éviter 


-  42  - 

les  réflexions  (jiii  cnvcrrajc^nt de  la  lumière  sur  la  plaque  sen- 
sible; 2"  pour  é\  it(n'  la  réllexioii  sur  la  seconde  face  du  verre, 
on  doit  placer  le  coté  recouvert  de  collodion,  non  ])as  vers 
l'objectif,  mais  vers  le  fond  du  châssis  :  pour  cela,  il  faut  une 
disposition  particulièn^  pour  retenir  le  verre  en  place,  et  les 
plaques  doivenl  être  parfaitement  exemptes  de  défauts. 

Fig.   18. 


Dans  les  observatoires  où  l'on  peut  sacrifier  une  liuiette  à 
ce  travail,  on  adopte  naturellement  des  dispositions  qui  ren- 
dent le  travail  plus  facile  :  par  exempl(%  on  peut  renfermer  l'o- 
culaire et  la  pla([ue  dans  une  chambre  noire  placée  sur  le 
prolongement  de  la  lunette  et  liiisant  corps  avec  elle  :  telle 
est  la  disposition  adoptée  à  Rew,  à  Lisbonne  et  ailleurs. 

Toutes  les  remarques  que  nous  avons  faites  en  parlant  des 
projections  obtenues  au  moyen  d'un  oculaire  s'appliquent 
également  aux  photographies.  L'image  jirojetée  subit  toujours 
une  déformation,  et  surtout,  la  surface  focale  n'étant  jamais 
parfaitement  plane,  les  différentes  parties  de  l'objet  ne  peu- 
vent pas  se  trouver  au  ])()int  en  même  temps.  Si  l'on  voit  le 


-  iA  - 

cciili'c  ;»\('c  lU'ItcU-,  le  Itord  sera  conliis,  cl  rcciprociucniciil 
(  )ii  l'cincdic  a  (•<'!  iiicoiiNciiiciil  en  siinni'imaiil  l'oculaire  cl  en 
opéraiil  a\ec  un  ()l>)c('lil  à  lonj^  Ionci".  M.  Porro  a  ohicnn  de 
très-grandes  images  avec  sa  lunette  de  lo  mètres.  l*our  l'é- 
('lij)se  de  18-70,  les  astronomes  américains  avaient  disjiosé  une 
lunette  ayant  i  2-7  millimètres  de  diamètre  et  i4  mètres  de  dis- 
tanee  focale  :  ils  obtenaient  ainsi  des  images  très-grandes  et 
très-nettes;  mais  on  n'a  pas  toujours  entre  les  mains  des  in- 
struments d'aussi  grandes  dimensions. 

Le  tube  étant  trop  long  pour  qu'on  puisse  le  rendre  mobile, 
on  le  fixe  soit  liorizontalement,  soit  dans  la  direction  de  l'axe 
du  monde;  puis  on  dirige  la  lumière  solaire  sur  l'objectif  à 
l'aide  tl'un  liéliostat  dont  le  miroir  est  en  verre  non  argenté, 
parfaitement  plan.  La  lumière  est  ainsi  affaiblie  et  les  images 
sont  admirables.  On  peut  alors  me.surer  avec  facilité  le  temj)s 
pendant  lequel  la  plaque  .sensible  est  exposée  à  l'action  de  la 
lumière.  Pour  cela  on  donne  au  diapbragme  qui  porte  la 
fente  la  forme  d'un  secteur  suspendu  en  son  centre,  et 
pouvant  o.sciller  comuK»  un  pendule.  En  laissant  tomber  ce 
secteur  de  manière  (ju'il  exécute  une  oscillation,  on  \)e\- 
mettra  à  la  lumière  de  traverser  l'appareil  pour  aller  im- 
pressionner le  coUodion.  Connaissant  la  largeur  de  la  fente  et 
la  durée  d'oscillation  du  secteur,  on  pourra  calculer  la  durée 
de  l'exposition.  Il  est  important  que  l'endroit  où  l'on  opère 
.soit  protégé  par  un  rideau  en  étoffe  noire  et  épaisse  afin  d'é- 
viter l'action  de  la  lumière  diffu.se. 

Dans  les  objectifs  achromatiques  ordinaires,  le  foyer  chi- 
mique ne  coïncide  jamais  avec  le  foyer  optique,  car  on  les 
dispose  de  manière  à  achromatiser  les  rayons  auxquels  \\vi\ 
est  plus  s(Misible,  1<^  rouge  et  vert;  aussi  faut-il  chercher  par 
tâtonnement  la  position  où  l'action  de  la  lumière  protluit  une 
iniiige  aussi  nette  que  possible.    La   différence  peut  aller  à 


—  u  — 

12  millimètres  dans  une  lunette  de  2'",5o,  et  à  22  millimètres 
dans  iiiic  lunette  de  4"N3o,  et,  même  dans  ce  plan  focal,  la 
précision  n'est  jamais  telle  qu'on  puisse  employer  de  forts 
grossissements.  Pour  éviter  tous  ces  inconvénients,  M.  Ru- 
therfinxl  a  fait  construire  un  objectif  dont  les  surfaces  ont  été 
corrigées  spécialement  pour  les  rayons  chimiques  ;  mais  cet 
instrument  ne  peut  servir  que  pour  la  photographie,  il  est 
absolument  impropre  aux  observations  optiques.  M.  de  la  Rue 
remplace  les  lentilles  achromatiques  par  des  réflecteurs  para- 
boliques qui  ont  l'avantage  de  donner  le  même  fover  pour  les 
rayons  de  couleur  et  de  nature  différentes. 

D'après  une  découverte  importante  que  vient  de  faire 
M.  Cornu,  il  est  facile  de  transformer  un  objectif  ordinaire 
en  objectif  photographique  :  il  suffit  de  séparer  les  deux 
verres  qui  composent  la  lentille  achromatique  et  de  laisser 
entre  eux  une  distance  à  peu  près  égale  à  la  différence  trou- 
vée entre  le  foyer  optique  et  le  foyer  chimique.  La  distance 
focale  se  trouve  un  peu  diminuée,  mais  les  images  photogra- 
phiques sont  aussi  parfaites  que  les  images  optiques. 

En  employant  un  grossissement  considérable,  on  peut  ob- 
tenir les  images  des  taches,  mais  on  est  loin  d'obtenir  la  net- 
teté à  laquelle  on  arrive  par  l'observation  directe. 

Outre  les  difficultés  dont  nous  venons  de  parler,  il  en  existe 
une  autre  qui  est  d'autant  plus  grave  qu'il  nous  est  impossible 
de  l'éviter  :  c'est  l'agitation  de  l'air  atmosphérique  qui,  en 
produisant  des  déviations  accitlentelles  des  rayons  lumineux, 
enlève  aux  images  la  perfection  de  détails  qui  est  absolument 
nécessaire  dans  une  méthode  de  recherches.  Aussi,  la  Photo- 
graphie étant  insuffisante ,  on  est  forcé  de  recourir  aux  des- 
sins faits  à  la  main. 


-  4:j  — 


§  IV .  —   Dessins. 

Lt's  dessins  des  taelies  sont  très-difficiles  à  faire,  lorsqu'elles 
ont  une  forme  eompliquée;  et  eejx'udant  on  ne  saurait  s'en 
dispenser,  car  c'est  le  seul  moyen  d'obtenir  avec  exactitude 
certains  détails  que  la  Photographie  reproduit  difficilement. 
Ces  détails  sont  tellement  changeants,  qu'il  faut  quelquefois 
les  saisir,  pour  ainsi  dire,  au  vol. 

Il  serait  donc  important  d'avoii'  un  moven  qui  |)ermît  aux 
observateurs  de  fixer  ces  souvenirs,  sans  qu'ils  fussent  des  ar- 
tistes accomplis.  Il  va  peu  d'astronomes  de  profession  qui 
soient  en  même  temps  d'habiles  dessinateurs  ;  nous  pouvons 
cilci'  Î\I.  Tacchini  de  Palerme,  dont  les  dessins  sont  admi- 
rables; mais  tout  le  monde  ne  réussit  pas  aussi  bien  et,  le  plus 
souvent,  ce  travail  demande  beaucoup  de  temps.  Comme  mé- 
thode générale,  on  doit  dessiner  sur  une  grande  échelle  et 
réduire  ensuite  par  la  Photographie  :  les  imperfections  du 
dessin  disparaissent  dans  la  rédnelion  et  les  épreuves  présen- 
t'Mit  une  image  assez  fidèle  de  ce  (ju'on  a  din^ctement  observé. 
T.e  dessin  à  la  mine  de  pjonil)  deniaiide  beaucoup  de  temps 
et  d'habileté;  anssi,  ponr  opéi'er  rapidement  <'t  imiter  le 
mieux  possible  la  structure  du  Soleil,  nous  tromons  (jiie  la 
medleure  méthode  consiste  à  jxindre  sur  du  papier  noir  a\('c 
du  blanc  de  plomb;  le  blane  (pie  nous  emj)l()VOMs,  connu 
dans  le  commerce  sous  le  nom  de /;r///A//v/,  est  en  pains  très- 
petits,  portant  le  titre  de  hldiic  d' argent.  En  emplovant  des 
pinceaux  assez  fins,  nous  pai'venons  à  rejjrodnire  les  plus 
j)elits  détails.  Vowv  cela,  nous  commençons  par  prendre,  avec 
la  lunette,  wnv  projection  très-agrandie  de  la  tache;  deux  lils 
d'araignée,  dont  on  a  déterminé  la  distance  angulaire,  pro- 
jettent en  même  temps  leur  image  sur  l'écran,  ce  qui  sert  de 


—  46  - 

points  de  repère  pour  les  mesures  à  effectuer;  ensuite  nous 
terminons  cette  esquisse  à  la  lunette.  C'est  par  ce  procédé 
que  nous  avons  exécuté  la  plupart  des  dessins  que  nous  con- 
servons à  l'Observatoire. 

Ces  figures  terminées,  comme  on  les  a  faites  à  dessein  sur 
une  grande  échelle,  on  les  réduit  par  la  Photographie.  C'est 
ainsi  que  nous  avons  fait  les  figures  reproduites  dans  ce  Livre, 
et  surtout  celles  qui  représentent  les  détails  des  pénombres. 
Les  gravures  elles-mêmes  ont  été  faites  d'après  les  réductions 
photographiques . 

Pour  que  la  reproduction  des  dessins  soit  aussi  parfaite  et 
aussi  fidèle  que  possible,  on  pourrait  employer  les  procédés 
de  la  Photolilho graphie;  malheureusement  cet  art  est  encore 
trop  peu  perfectionné  pour  qu'on  puisse  avec  économie  l'em- 
ployer sur  une  grande  échelle. 


-   i7  - 


ijvui':  II. 

liXAMliN    1)1.    L.\    SI  lU  ACE    DU    SOLlilL. 


IINTIVOI)  UCT  ION, 


Les  lâches  qu'on  observe  sur  l;i  surface  du  Soleil  sont  en 
réalité  des  plienoiuciies  complexes.  L'attention  des  observa- 
teurs s'est  fixée  «labord  sur  la  région  noire  qui  frappe  davan- 
tage les  yeux,  mais  ce  n'est  là  qu'une  partie  du  phénomène. 
Chaque  tache  est  d'abord  composée  d'un  noyau  et  d'une  pé- 
nombre ;  mais,  de  j)lus,  on  doit  regarder  comme  l'un  de  ses 
éléments  constitutifs  les  facules  i[u'on  trouve  toujours  autour 
d'elle  et  qui  s'étendent  parfois  à  mm  distance  considérable. 
Ne  pouvant  tout  discuter  à  la  fois,  nous  conmiencerons  par 
étudier  l'aspect  général  que  pré.sente  la  photosphère  ;  ensuite 
nous  parlerons  de  ce  cpii  se  passe  à  l'intérieur  des  taches  ;  nous 
terminerons  en  examinant  ce  qui  se  pa.sse  à  l'extérieur,  c'est- 
à-dire  les  facules.  Nous  devons  nous  borner  ici  à  ce  que  nous 
observons  directement  dans  les  lunettes,  réservant  pour  un 
chapitre  spécial  les  détails  bien  |)lus  décisifs  que  nous  révèle 
h'  spectroscope. 


—  48  — 


CHAPITRE  PREMIER. 


ASPECT     GE.NEUAL     DE     LA     PHOTOSPHERE, 


§  I.    —  Inégalités  de  la  surface  solaire. 

Lorsqu'on  examine  le  Soleil  avec  des  instruments  ayant  une 
grande  ouverture  et  un  fort  pouvoir  grossissant,  on  voit  que 
sa  surface,  loin  d'élre  lisse  et  uniforme,  présente  une  ajjpa- 
rence  irrégulière  et  ondulée,  comme  une  mer  agitée  par  la 
tempête  Lorsqu'on  la  projette  sur  un  écran  blanc,  à  l'aide 
d'un  puissant  oculaire,  on  lui  trouve  l'aspect  représenté  dans 

Pic-    19- 


la  //^.  ig,  caractérisé  par  une  multitude  do  rides  et  d'anfrac- 
tuosités  impossibles  à  détailler. 


-  49  - 

Quelquefois,  surtout  auprès  du  bord  et  dans  lo  voisinage 
des  taches,  on  aperçoit  <;à  et  là  des  niasses  plus  lumineuses 
qui  forment  de  vcritahles  facules.  Elles  occupent  souvent 
\n\  espace  assez  considérable;  mais  alors  il  est  lare  qu'elles 
soient  très-\ives  et  isolées.  \.:\  Jig.  20  représente  une  faculc 
remar(|uable  observée  au  Collège  Romain.  Il  est  généralement 
difficile  d'observer  C(^  phénomène  dans  une  lunette;  on  réussit 


Fig.  50. 


mieux  en  opérant  j)ar  projection  ;  mais  pour  cela  il  est  indis- 
pensable que  l'observateur  soit  parfaitement  à  l'abri  de  toute 
lumière  diffuse  :  on  doit  donc  se  placer  dans  inie  chambre 
complètement  obscure  ou  sous  un  dôme  dont  l'ouvertiu'e  est 
protégée  par  des  rideaux  noirs  très-épais.  On  aperçoit  alors 
les  marbrures  générales  dans  le  centre  du  disque;  on  peut 
même  déterminer  nettement  les  régions  où  elles  sont  plus 
vives.  Cette  marbrure  présente  un  aspect  très-vaiiable,  et  la 
iH'tteté  avec  laquelle  on  la  voit  dépend  beaucoup  de  l'état  de 
notre  atmosphère,  car  elle  devient  invisible  lorsque  l'air  est 
I.  4 


-  50  - 

agité;  mais  ces  variations  apparentes  dépendent  aussi  des 
\ariations  réelles  de  la  photosphère,  comme  l'indiquent  les 
observations  faites  par  les  temps  les  plus  calmes. 

C'est  pour  n'avoir  pas  pris  toutes  les  '  précautions  que 
nous  venons  d  indiquer  qu'on  a  échoué  pendant  long- 
temps dans  l'étude  générale  de  la  photosphère,  et  qu'on  a 
fmi  par  l'abandonner.  Scheiner  avait  cependant  signalé  les  ap- 
parences que  nous  venons  de  décrire  :  il  caractérisait  l'aspect 
que  présente  la  surface  solaire  par  l'adjectif  cm/7«  et  complé- 
tait sa  pensée  par  la  comparaison  d'une  mer  agitée  par  la 
tempête  ('). 

Granulations.  —  Si  1  on  veut  connaître  cette  structure 
d'une*  manière  plus  précise,  il  faut  renoncer  aux  projections, 
et  examiner  directement  le  Soleil  avec  un  oculaire  puissant, 
dans  un  moment  où  l'atmosphère  est  parfaitement  calme, 
et  avant  que  l'objectif  commence  à  s'échauffer,  Alors  on  voit 
que  la  surface  est  recouverte  d'une  multitude  de  petits  grains, 
ayant  presque  tous  les  mêmes  dimensions ,  mais  des  formes 
très-différentes,  parmi  lesquelles  l'ovale  semble  dominer.  Les 
interstices  très -déliés  qui  séparent  ces  grains  forment  un 
réseau  sombre  sans  être  complètement  noir.  Dans  la  Jig.  21 , 
nous  avons  essavé  de  faire  une  esquisse  qui  représentât  l'as- 
pect caractéristique  de  la  surface,  car  les  détails  sont  impos- 
sibles à  reproduire.  Tl  nous  semble  difficile  de  trouver  un 
objet  connu  qui  rappelle  cette  structure;  on  obtient  quelque 
chose  d'analogue  en  regardant  au  microscope  du  lait  un 
peu  desséché,  dont  les  globules  ont  perdu  la  régularité  de 
leur  forme,  l^a/îg.  21  représente  ces  grains  et  les  interstices 
qui  les  séparent,  tels  qu'on  les  voit  avec  un  grossissement 


(')  Rosa  Ursula,  p.  Co.'i,  col.  i  :  «  Solis  superficies  leiiiter  criapa.  » 


-  ."1  - 

considérai)!»'  dans  des  (arcoiistamcs  alniosphcriqiics  cxccj)- 
tionnellrment  avantageuses.  Le  j)liis  souvent  ,  en  faisant 
usage  de  faillies  «:;rossisseiH('nts ,  on  aperçoit  une  multitude 
de  jM'tits  points  hlanes  sur  un  réseau  noii",  ( onnne  on  le 
voit  sur  le  fond  <pii  cmn  lionne  les  taches  dans  l<'s  yTg.  :>.(') 
et  •?.'j.  Cette  structure  est  ti  es-appareiite  dans  les  j)reniiers 
moments  de  l'ol^servation  ;  mais  elle  ne  tarde  pas  à  deNcnir 
moins  distincte,  ])arce  (pie    Tceil  se  tatij^ue,  en   niéine  temps 

rig.  51. 


(pie  l'objectif  s'échauffe,  ainsi  que  l'air  cpii  est  contenu  dans 
le  tube. 

Quelquefois  l'aspect  est  un  p(ni  différent,  et  aux  points 
blancs  et  brillants  se  trouvent  mêlés  de  petits  trous  noirs. 
lia  yTg".  2  2  représente  la  surface  du  vSoleil ,  dessinée  ])ai' 
M.  Tacchini  le  12  novembre  18'ji;  l'observation  se  faisait 
avec  la  lunette  de  Cauchoix  à  l'ol^servatoire  du  Collège  Ro- 
main. La  comparaison  des  différents  dessins  que  nous  l'e- 
produisons  peut  faire  apprécier  les  différences  d'aspect  que 
présente  la  photosphère,  suixant  les  époques  où  on  l'observe, 


-  52 


vl  peut-être  suivant  les  observateurs  et  les  moyens  qu'ils 
emploient.  Les  grains  ])araissent  comme  suspendus  dans  un 


Y'i?..    22. 


réseau  noir,  et  entremêlés  de  nœuds  plus  ou  moins  som- 


bres,  plus  ou  moins  larges.  Ces  grains  se  réunissent  quelque- 
fois en  petits  groupes  et  forment  alors  une  masse  plus  bril- 
lante {Jig.  23). 


-  53  - 

Feuilles  de  saule  de  M.  Nasmyth.  —  I.os  grains  présentent 
<|UL'lc|ii('f()is  une  forme  très-allongée,  surtout  dans  le  voi- 
sinag<'  des  taches,  ee  (jui  les  a  fait  appeler  grains  de  riz. 
AI.  Nasniyth  les  a  eoniparés  à  des  feuilles  de  saule  et  en 
a  donné  un  dessin  cpie  nous  leproduisons  dans  la  /tg.   '?.l\. 


Fif;. 


Quelques  autres  oljservateurs  les  ont  comparés  à  des  points 
d'exclamation  (!),  et,  dans  ces  derniers  temps,  nous  avons 
eu  l'occasion  de  vérifier  l'exactitude  de  cette  comparaison. 
On  a  beaucoup  parlé  de  ces  feuilles  de  saule,  lorsque  M,  Nas- 
mytli  les  signala  et  les  décrivit  pour  la  première  fois;  mais  il 
ne  semble  pas  que  ces  apparences  se  présentent  aussi  sou- 
vent et  aussi  régulièrement  qu'on  l'affirmait.  Peut-être  même 
y  a-t-il  là  quelque  chose   de    purement  physiologique,  dé- 


-  54  - 

pendant  (1(*  l'organe  de  chaque  observateur.  Nous  verrons 
([ue  CCS  feuilles  de  saule  existent  réellement,  mais  qu'elles 
sont  composées  de  masses  bien  plus  considérables  et  de 
(oiines  bien  plus  variées  que  ne  l'indiquait  l'astronome  an- 
glais. 

Tïatons-nous  de  dire  cpie  cette  structure  de  grains  ou  de 
feuilles  ne  peut  être  observée  qu'avec  des  instruments  à  large 
ouverture,  car,  les  grains  avant  de  très-faibles  dimensions,  la 
diffraction,  en  les  amplifiant  et  les  faisant  empiéter  les  uns 
sur  les  autres,  produit  nécessairement  une  confusion  géné- 
rale. Les  dimensions  réelles  de  ces  grains  ne  sont  pas  faciles 
à  déterminer,  à  cause  de  la  difficulté  de  les  fixer  indiNiduel- 
lement  sous  le  fil  du  micromètre.  On  ne  peut  v  réussir  qu'en 
comparant  leurs  diamètres  à  ceux  des  fils  micrométriques, 
et  on  les  évalue  à  j  ou  ~  de  seconde.  M.  Langlev,  astronome 
américain,  vient  de  s'occuper  de  celte  étude  avec  un  objectif 
de  i8  pouces;  il  s'accorde  avec  nous  pour  la  limite  de  cette 
grandeur.  Seulement,  il  lui  paraît  que  quelquefois  ces  grains 
sont  composés  d'autres  grains  encore  plus  petits,  ce  qui  est 
très-vraisemblaljle,  comme  nous  le  verrons  bientôt. 

On  peut  mesurer  directement  le  diamètre  des  grains  lors- 
qu'ils se  pressent  aux  en^  irons  des  pores  ou  des  taches  de 
très-petites  dimensions;  mais  alors  ils  sont  grossis  et  ont 
perdu  leur  forme  ronde,  pour  s'allonger  et  devenir  sem- 
])lables  à  de  petites  feuilles  ayant  leur  grand  axe  dirigé  vers 
le  centre  de  l'ouverture.  Tel  est  le  cas  de  la  petite  tache  de 
la  Jig.  23,  observée  le  lo  août  i8G5.  Cette  tache  était  presque 
ronde;  elle  avait  un  diamètre  de  G ",38;  son  périmètre  conte- 
nait de  24  à  32  de  ces  petites  feuilles  ;  il  était  difficile  de  les 
compter  d'une  manière  plus  précise  :  leur  largeur  était  donc, 
en  moyenne,  de  o",G  à  o",8;  et  si  nous  tenons  compte  de 
l'espace  qui  les  séparait  les  unes  des  autres,  espace  qui  est 


l)ion  égal  au  tiers  de  cliaeiine  d'elles,  il  reste  pour  leur  lar- 
geur ^  de  seeoude,  ou  .',-  seeoude. 

Ces  dimensions  sont  certainement  exagérées,  ear  les  giains 
([u'on  observe  au  milieu  du  (lis([U(^  sont  toujours  plus  petits 
que  les  feuilles  (pii  gainissent  le  contour  des  taches,  et  le 
diamèti'e  des  premiers  est  toujours  amjjlifié  j)ar  la  diffraction. 
(;haque  point  lumineux  produit  ici  un  pliénomène  ana- 
logue à  celui  cjue  présentent  les  étoiles;  l'angle  qu'elles  sous- 
tcndent  est  réellement  nul,  et  jiar  conséquent  elles  devraient 
se  présenter  à  nous  comme  de  sinq)les  points;  et  cependant 
les  meilleures  lunettes  nous  les  montrent  comme  de  petits 
cercles  dont  les  dimensions  sont  très-appréciables.  T>'instru- 
ment  que  nous  employons  leur  donne  un  diamètre  apparent 
que  nous  évaluons  à  ^  de  seconde;  mais  ce  nombre  |)eut  être 
exagéré,  et  c'est  pour  cela  que  M.  Langley,  qui  observe  avec 
une  plus  grande  lunette,  les  estime  plus  petits  que  nous. 
Notre  estimation  repose  sur  ce  fait  qu'il  nous  est  impossible 
de  distinguer  les  deux  composantes  d'une  étoile  double  lors- 
que leur  distance  est  plus  petite  que  ^  de  seconde  :  on 
n'obtient  alors  qu'une  seule  image  ayant  une  forme  ovale. 
Ces  grains ,  que  nous  pouvons  à  peine  mesurer  à  cause  de 
leur  petitesse,  ont  donc  un  diamètre  de  200  à  3oo  kilomètres 
au  moins.  Or  des  masses  d'une  telle  étendue  ne  peuvent 
a^oir  une  lumière  uniforme  :  elles  doivent  être  irrégulières 
et  mamelonnées.  Si  donc  on  les  observe  avec  des  instruments 
])lus  puissants,  on  devra  reconnaître  qu'elles  sont  compo- 
sées de  points  distincts  qui  se  confondent  lorsqu'on  emploie 
un  grossissement  insuffisant,  mais  qu'un  grossissement  j)lus 
considérable  j)ar\  ient  à  séparer  les  uns  des  autres. 

Nous  avons  observé  un  grand  nondjre  de  pores  de  petites 
dimensions,  et  nous  les  avons  toujours  trouvés  entourés  de 
feuilles  semblables  à  celles  que  nous  venons  de  décrire;  il 


-  56  — 

faut  donc  se  mettre  en  garde  contre  les  auteurs  qui  repré- 
sentent ces  pores  comme  de  simples  trous  ronds  :  leur  struc- 
ture est  en  réalité  très-compliquée. 

Les  grains  sont  animés  de  mouvements  sensibles,  mais 
très-difficiles  à  déterminer  au  milieu  de  la  masse  brillante  de 
la  photosphère.  C'est  auprès  des  pores  qu'on  peut  le  constater 
le  plus  commodément.  Sur  le  bord  de  ces  ouvertures,  on  les 
voit  s'allonger,  se  mouvoir,  et  en  modifier  complètement  le 
contour.  ^Vinsi,  au  bout  d'une  demi-heure,  le  trou  circulaire 
représenté  dans  \a.  Jig.  23  se  trouva  à  moitié  envahi;  six 
grains  occupèrent  presque  la  moitié  de  sa  surface,  se  dispo- 
sant perpendiculairement  à  un  diamètre  passant  parle  centre. 
Au  bout  d'une  heure,  la  caAité  a^ait  complètement  disparu. 

§  II.  —  Explication  des  grains. 

Pour  expliquer  l'existence  des  grains,  on  a  eu  recours  aux 
théories  les  plus  étranges  ;  on  a  été  jusqu'à  les  regarder  comme 
des  éléments  sui  generis.  Nous  allons  donner  une  explication 
qui  nous  paraît  bien  simple ,  et  qui  s'accorde  en  partie  avec 
celle  de  W.  Herschel.  Ce  savant  avait  observé  les  granula- 
tions, seulement  il  leur  donnait  le  nom  de  corrugations  ou 
licles,  expression  moins  exacte  peut-être ,  mais  par  laquelle, 
comme  ses  descriptions  le  montrent  avec  évidence ,  il  dési- 
gnait le  même  phénomène  dont  nous  parlons.  Il  avait  aussi 
remarqué  le  réseau  sombre  qui  sépare  les  grains  ,  et  il  le 
désignait  par  le  mot  inclentation.  Il  tnit  bientôt  formé  une 
théorie  pour  expliquer  ces  apparences.  Pour  lui ,  les  points 
brillants  a  (  fig.  2d  )  étaient  les  sommets  des  cônes  de 
flammes  dont  le  Soleil  serait  couvert ,  tandis  que  le  demi- 
jour  b  du  réseau  obscur  s'expliquerait  par  les  nuages  plané- 


-  r;7  - 

taircs  dont  il  admettait  rcxistcmc  ;  c  vsl  1<'  ii()\au  solaire 
ol)sciir.  I.a  figure  est  eelle  qu'il  a  donnée  dans  les  Philoso- 
phical  Transactions  (1802),  j)our  expliquer  son  idée. 

()ii  jx'iit  admettre  la  première  partie  de  cette  explication, 
car  elle  s'accorde  parfaitement  .ivec  les  faits,  sauf  cependant 
(pi'elle  paraît  supposer  une  régularité  que  nous  n'axons  |)as 
toujours  observée  i  '  . 

D'al)ord  l(>s  grains  sont  de  véritables  proéminences  (pii  s'é- 
lèvent au-dessus  <K'  la  surface  générale,  car  cette  structure 
est  bien  plus  nette  et  plus  prononcée  au  centre  du  disque 

Fig.  05. 


que  sur  les  bords  :  c'est  que,  dans  cette  dernière  région,  ils  se 
couvrent  <'ii  partie  les  uns  les  autres,  ainsi  que  l'a  fait  remar- 
quer Hersciiel. 

T.'idée  de  flammes  satisferait  à  ces  apparences;  mais,  pour 
ceux  qui  regardent  la  composition  de  la  pliotospliérc  connue 
analogue  a  celle  des  nuages,  il  est  bien  naturel  d'admettre 
que  les  grains  sont  les  sommets  des  mamelons  arrontlis 
terminant  ces  masses  vaporeuses  qui  flottent,   comme  nos 


(')  A  en  juger  par  des  étuilcs  stellaircs  très-soignoes,  noire  réfraclcur  a  une  puis- 
sance pénétrante  au  moins  égale  à  celle  tlu  miroir  de  Hersciiel,  et  les  oculaires  que 
nous  employons  sont  bien  plus  parfaits  que  les  siens. 


ciwmli,  dans  l'atmosphère  solaire.  Rien  n'est  plus  commun, 
même  sur  la  Terre,  que  de  voir,  du  sommet  d'une  mon- 
tagne, des  brouillards  et  des  nuages  produire  un  effet  sem- 
blable. Les  dimensions  énormes  de  ces  corps  solaires,  pré- 
sentant une  étendue  de  plusieurs  centaines  de  kilomètres,  ne 
peu^ent  que  rendre  cette  explication  plus  plausible. 

Nous  parlerons  dans  la  suite  d'un  moyen  d'observation 
plus  efficace  que  ceux  dont  nous  avons  parlé  jusqu'à  pré- 
sent :  le  spectroscope  nous  montrera  que  le  Soleil  est  habi- 
tuellement recouvert  d'une  multitude  de  petits  jets  enflam- 
més, et  ces  observations  nous  feront  admettre  que,  plus 
probablement,  les  grains  doivent  être  regardés  comme  étant 
les  sommets  de  ces  proéminences  qui  recouvrent  la  surface 
solaire. 

Nous  avons  dit  que  les  grains  s'allongent  dans  le  voisinage 
des  pores.  Ce  phénomène  est-il  réel  ou  bien  n'est-ce  qu'une 
apparence  ?  On  peut  soutenir  chacune  de  ces  deux  hypothèses  ; 
peut-être  que  ces  grains,  pressés  par  ceux  qui  les  environnent, 
tendent  à  s'allonger  réellement  pour  remplir  l'espace  laissé 
vide,  comme  nous  l'observons  quelquefois  pour  les  nuages 
qui  flottent  dans  notre  atmosphère;  peut-être  aussi  les  cônes 
lumineux  s'inclinent-Os  simplement  vers  l'ouverture  voisine, 
sans  s'allonger  réellement.  Nous  reviendrons  bientôt  sur  cette 
question  pour  la  traiter  avec  de  nouveaux  détails. 

La  surface  du  Soleil  est  quelquefois  tellement  recouverte 
de  ces  granulations,  le  réseau  est  tellement  prononcé,  qu'on 
serait  tenté  de  voir  partout  des  pores  et  des  rudiments  de 
taches.  jVLais  cet  aspect  n'est  pas  constant,  et  il  en  faut  cher- 
cher la  cause  non-seulement  dans  les  variations  de  notre  at- 
mosphère qui  rendent  quelquefois  les  observations  difficiles, 
mais  aussi  dans  les  modifications  qu'éprouve  le  Soleil.  Du 
reste,   il  ftiut  le  reconnaître,    ces  petites  granulations  sont 


-  m  - 

les  particularités  les  plus  tlilfuilrs  à  observer,  à  cause  de  l'é- 
cliaulfement  assez  rapide  de  l'objectif  et  du  tube.  M.  Nas- 
niUli  assure  (|u'eii  sup|)riiiiaiit  le  tnlx'  de  sa  lunette  il  (Hstin- 
guait  lieaucoup  de  détails  (jui  lui  écliappaient  sans  cette 
précaution . 

De  cette  discussioji  il  faut  conclure  que  la  photosplière  ne 
se  compose  pas  d'uu  fond  biillant  recouvert  de  points  noirs  : 
elle  résulte  au  contraire  d'une  multitude  de  points  lumineux 
disséminés  sur  une  espèce  de  réseau  plus  sombre  ;  les  nœuds  de 
ce  réseau  s'élargissent  quelquefois  au  point  de  former  des 
pores;  les  pores,  en  s'élargissant  davantage,  finissent  par 
donner  naissance  à  luic  tache.  Tel  est  l'ordre  dans  lequel  se 
succèdent  ordinairement  ces  phénomènes. 


-  60  - 


CHAPITRE   IL 

DES    TACHES. 


§  I.    —   Circonstances  qui  accompagnent  leur  formation. 

Le  temps  nécessaire  à  la  formation  d'une  tache  est  extrê- 
mement varialjle,  et  il  est  impossible  d'y  découvrir  aucune 
loi  :  quelques-unes  se  forment  très-lentement  par  la  dilatation 
des  pores,  d'autres  apparaissent  presque  subitement.  Cepen- 
dant, si  l'on  observe  le  Soleil  tous  les  jours  avec  beaucoup  de 
soin,  on  reconnaît  que  cette  formation  n'est  jamais  complète- 
ment instantanée,  quelque  rapide  qu'elle  puisse  être.  Le  phé- 
nomène est  toujours  annoncé  quelques  jours  d'avance;  on 
aperçoit  dans  la  photosphère  une  grande  agitation  qui  se  ma- 
nifeste souvent  par  des  facules  très-brillantes  donnant  nais- 
sance à  lui  ou  plusieurs  pores.  Bien  souvent  encore  on  voit 
apparaître  des  groupes  de  petits  points  noirs,  comme  si  la 
couche  lumineuse  devenait  ])lus  mince,  de  manière  à  dispa- 
raître peu  à  peu  pour  laisser  à  découvert  un  noyau  obscur  ('  ;. 
Ces  pores  se  déplacent  d'abord  avec  rapidité,  disparaissent 
pour  se  reproduire,  puis  l'un  d'entre  eux  semble  prendre  le 
dessus  et  se  transforme  en  une  large  ouverture.  Aux  premiers 


(')  Kous  sommes  obligés  d'employer  ici  le  langage  le  plus  habituellement  reçu. 
INous  verrons  plus  tard  comment  il  faut  expliquer  ces  apparences,  et  quelle  est  la 
véritable  nature  des  phénomènes  physiques  dont  elles  sont  de  simples  manifestations. 


-  Gl   - 

instants  (le  la  formation,  il  n'y  a  j)oint  de  pénonil)re  n(>tt('mcnl 
tléfinic;  elle  se  développe  pro<j;ressivenient  et  devient  régu- 
lière à  mesure  f[ue  la  tache  elle-même  prend  une  forme  ar- 
rondie, comme  on  le  voit  dans  \^  fig.  26. 

Cette  formation  tran((nille  et  paisible  ne  se  réalise  (|n'à  des 
éj)oques  où  le  calme  sendjle  régner  dans  l'atmosphènî  so- 
laire; en  général,  le  développement  est  plus  tumultueux  et 
plus  complexe.  Donnons-en  quel({ues  exemples  seulement, 


car  nous  pourrions  les  multiplier  à  l'infini,  et  les  observateurs 
qui  voudront  s'adonner  à  ce  genre  de  recherches  ne  tarderont 
pas  à  en  trouver  eux-mêmes  ini  très-grand  nombre,  tous  très- 
capricieux  et  très-différents  les  uns  des  autres. 

§  11.    —   Exemples  de  formations  rapides. 


Nous  choisirons,  pour  premier  exemple,  la  taclu»  qui  parut 
le  3o  juillet  i8G5  'yfig.  27). 

Le  28  juillet,  on  n'apercevait  en  cet  endroit  rien  d'extraor- 


-  G2  - 

(liiiaire,  ni  pores,  ni  facules.  Le  29,  il  y  avait  sim])lement 
trois  points  noirs.  Le  3o,  à  io''3o™,  nous  fûmes  bien  surpris 
tle  trouver  une  tache  énorme  corresj)ondant  à  peu  près  au 
centre  du  disque.  Le  diamètre  moven  de  la  partie  troublée 
était  de  76  secondes,  c'est-à-dii"e  quatre  fois  et  demie  environ 
le  diamètre  de  la  Terre.  Au  centre,  nous  apercevions  une 
masse  de  matière  lumineuse  qui  semblait  tourbillonner,  et 
autour  de  laquelle  s'étaient  produites  de  nombreuses  déchi- 


riires.  Au  milieu  de  ce  chaos,  on  pouvait  distinguer  quatre 
centres  principaux  de  mouvement.  A  gauche,  en  a,  se  présen- 
tait une  vaste  ouverture  ;  autour  d'elle  des  langues  de  feu 
tournoyaient  en  différents  sens,  et  au  milieu  de  ces  langues 
on  distinguait  nettement  des  voiles  à  moitié  lumineux  qui  en- 
vironnaient une  cavité  plus  nou'e. 

Au-dessus,  en  6,  se  trou\ait  lui  second  centime,  plus  petit 
que  le  premier,  dont  le  bord  supérieur  était  nettement 
tranché,  mais  ayant  à  sa  partie  inférieure  un  grand  nombre  de 
petites  langues  de  feu  analogues  aux  précédentes.  A  droite,  en 


-  63  - 

c,  une  large  fonte  j)reseMl;ul  •;r()ssièrement  la  forme  d'une  S: 
elle  était  j)arsenu'e  de  langues  de  feu  et  de  traits  lumineux 
détachés.  Enfui,  à  la  partie  inférieure,  au  ui\<'au  tlu  point  d, 
(III  NON  ait  une  aiitif  rente  allongée  et  recourhée,  offrant  à  l'ieil 
un  desordre  (jiii  défie  toute  deseriptioii.  Iliitre  c<  s  (juatre  ea- 
vités,  il  \  aNail  un  amas  de  faeules  et  de  matièic  lumineuse 
])résentant  rasj)eel  ifune  masse  en  ('O)ullition. 

Tout  cet  ensemble  était  animé  de  mouNemeiils  liiiiiiilUieii\ 

ri.;,  .s. 


et  extrêmement  rapides.  On  fit  le  d(>ssiu  le  plus  prouiptement 
possible,  mais  il  n'était  pas  encore  terminé  que  la  première 
partie  avait  déjà  complètement  changé  de  forme.  Le  soir,  ou 
lit  un  .s(>coiid  dessin,  mais  il  ne  ressemblait  au  précédent  que 
par  le  caractère  fondamental  ;  au  centre,  une  matière  photo- 
sphèricjue  très-agitée;  autoui',  une  couronne  de  gouffres 
béants,  dont  h^s  (piatre  princij)aux  subsistaient  encore,  oc- 
cupant sensiblement  la  même  place. 

Le    lendemain,    l'aspect   était   complètement   changé.    La 
ftg.  28  donne  une  idée  de  la  nouvelle  disposition.  On  reconnaît 


-  64   - 

encore  les  quatre  centres  principaux,  mais  ils  sont  comme 
alignés  deux  à  deux,  et  rejoints  par  des  crevasses  sinueuses. 
La  cavité  b  est  déjà  bien  marquée,  et  séparée  de  la  grande 
fente  par  un  isthme  composé  de  matière  pliotosphérique  à 
l'état  normal.  Les  deux  points  inférieurs,  a  et  cl,  sont  encore 
l'éunis,  mais  mieux  dessinés;  la  masse  intermédiaire  est  comme 
étirée,  et  son  aspect  rappelle  celui  d'une  boule  de  coton 
cardé  qu'on  allongerait  en  tirant  les  deux  cotés.  Cette  com- 
j)araison  est  la  seule  qui  puisse  exprimer  les  apparences  que 
nous  avons  essayé  de  reproduire  dans  le  dessin.  En  vingt- 
quatre  heures,  les  dimensions  s'étaient  considérablement  mo- 
difiées ;  la  longueur  avait  presque  doublé  :  elle  était  de 
147  secondes.  Les  jours  suivants,  la  masse  qui  séparait  les 
(piatre  ouvertures  se  transforma  à  peu  près  en  une  pénombre 
sur  laquelle  étaient  dispersés  des  grains  lumineux. 

Nous  regrettons  de  ne  pouvoir  donner  ici  la  série  complète 
des  dessins  que  nous  avons  exécutés  chaque  jour  avec  beau- 
coup de  soins,  mais  nous  reviendrons  plus  tard  sur  quelques 
détails  intéressants  et  très-instructifs.  Deux  mots  seulement 
pour  terminer  l'histoire  de  cette  tache.  ^  Les  centres  s'isolè- 
rent et  se  prononcèrent  de  plus  en  plus;  l'intervalle  qui  les 
séparait  resta  couvert  de  petites  taches  isolées.  Le  27  août, 
c'est-à-dire  après  une  rotation  complète  du  Soleil,  la  grande 
ouverture  en  forme  d'S  subsistait  encore  au  point  c  ;  les  cen- 
tres aetb  étaient  encore  nettement  dessinés  à  la  partie  anté- 
rieiH'e.  Ce  jour-là,  il  semble  qu'il  y  ait  eu  une  recrudescence 
dans  la  perturbation;  entre  les  centres  a  et  b,  et  les  deux 
autres  c  et  d,  il  y  avait  une  distance  de  plusieurs  minutes.  Le 
17  septembre,  après  une  nouvelle  rotation,  on  voyait  sim- 
plement des  pores  et  des  facules.  Enfin,  après  une  troisième 
rotation,  il  ne  restait  plus  de  trace  de  cette  immense  pertur- 
bation qui  avait  agité  l'atmosphère  du  Soleil. 


-  65 


§  IIÏ.  —   Dissolution  de  la  nuilitre  hunineuse  dans  les  lâches. 

Nous  venons  do  voir  que  la  malirrc  himiiicuso  qui  sépare 
les  tarlips  voisines  l'une  de  l'autre  se  trouve  eoniplélement 
déeliirée  et  niodiliée.  L'ohservalion  prouve  même  (ju'elle  subit 
une  dissolution  eomj)lète  lorscpie  plusunu's  eentres  obseurs 
se  sont  lornies  autour  d'iuie  masse  brillante  isolée,  (".itons-en 
un  exemple  frappant.  T.e  2()  mai   uSC)"),  nous  observions  une 


taebe  tlont  les  «.limeiisions  n'avaient  rien   d'extraordinaire  : 
elle  mesurait  environ  5o  secondes  {^g.  29). 

Illle  présentait,  rangés  autour  d'une  masse  centrale,  un 
tjrand  nombre  d'orifices  séparés  les  uns  des  autres  par  des 
filets  lumineux,  dont  la  disposition  ressemblait  à  celle  des 
ravons  d'une  roue  qui,  j)arLant  de  Taxe,  se  dirigent  vers  la 
circonférence.  Ces  noyaux  étaient  parsemés  de  voiles  et  de 
petits  grains  détacbés  dont  quelques-uns  étaient  disposés  en 
sj)irale.  Le  soir  quekjues  rayons  axaient  dis])aru,  «-t  la  sj)irale 
était  dirigée  en  sens  contraire.  Le  3o  [/ig.  3o),  il  ne  restait 
que  trois  rayons.  Le  3i  [Jig.  3i  ),  il  n'y  avait  plus  au  centre 
de  matière  j)liotospliéri(jue  ;  il  en  restait  seulement  ([uelques 
bandes  recourbées  en  forme  danses,  ne  se  rejoignant  pas  au 
I.  5 


-  Ofi 


centre.  T.es  jours  suiNants  la  masse  se  divisa,  et  le  3  juin  il 
s'était  (léfiniti\ement  formé  deux  taches  isolées,  ayant  des 
formes  arrondies,  mais  peu  régulières. 

Ces  phénomènes  sont  très-intéressants,   mais   ils  ne  sont 


Fi(j.  3o. 


[)as  rares.  Nous  avons  souvent  constaté  que  des  masses  très- 


brillantes  qui  se  trouvent  enfermées  dans  des  groupes  de 
taches  disparaissent  complètement  en  vingt-quatre  heures.  11 
résulte  de  ces  dissolutions  de  masses  lumineuses  que  les 
taches  tendent  à  s'arrondir,  et  la  forme  ronde  est,  pour  ainsi 
dire,  la  forme  normale  à  laquelle  parviennent  toutes  les  taches 
lorsqu'elles  sont  complètement  dévelop]:)ées. 


-  67 


5:5  l\.  Division  et  ninltiplication  des  tacJies. 

(  )n  \(»it  souMMit  |)lilsicms  t. K  lies  se  loiidl'c  en  IIIIC  seule 
j);ii-  l.i  dissolution  de  la  iiiatinc  itniiiiiciisc  ([iii  les  sépare. 
Le  (oiitiMirc  arii\('  (|ii('l(|ii(  lois  :  une  tache  eomplétenieiit 
lorniéo  et  de\emie  ronde  sedixiseen  plnsieui's  autres.  Ce  ré- 
sultat peut  se  produire  de  plusieurs  manières.  Quel<[uerois 
l'est  par  un  espèce  de;  liouri^eonuenient  :  lui  petit  novau  se 
forme  à  côté  du  jjjrand  ilans  la  penond)re  elle-même;  il  se 
(lévelopj)e,  se  sépare  cl  iiiiit  par  constituer  une  taelie  indé- 
peiulaute.  Le  plus  souvent,  cependant,  le  phénomène  de  mul- 
tiplication résulte  d  un  iVactionnement  du  novau  pi'imitil; 
on  voit  paraître  ties  arcs  brillants,  connus  sous  le  nom  de 
ponts,  qui  traversent  les  taches  et  les  séparent  en  plusi(nn's 
parties.  hAjig.  32  montre  un  groupe  de  ces  grandes  taches 
qui,  après  avoir  acquis  la  forme  circulaire,  commencent  à 
être  envahies  par  des  ponts.  Cet  envahissement  se  fait  quel- 
([uetois  dinu^  manière  si  subite  qu'il  semble  que  le  no\  au  se 
brise.  Hallev  en  fut  un  jour  témoin,  et  la  transformation  fut 
si  instantanée  qu'il  crut  assister  à  la  fracture  d'une  large 
scorie  brisée  connne  un  morceau  de  glace  atteint  jiar  un  coup 
de  j)ierre.  Les  ponts  brillent  ordinairement  d  un  éclat  aussi 
\ir  (jue  (('lui  des  parties  les  plus  lumineuses  de  la  photo- 
sphère. Quelquefois  même  on  dirait  rpiils  sont  encore  plus 
bi'illanls  et  rpi'ils  sont  réellement  susj)endus  au-dessus  des 
abimes  qu  ils  traversent.  Ces  phénomènes  sont  trop  com- 
plexes pour  que  nous  puissions  en  ce  moment  nous  pnv 
noneer  sur  leur  nature;  «[u  d  nous  sulfise  tle  les  avoir  indi- 
ques et  réser\ons-nous  de  les  étudier  plus  tai'd  en  d(4ad. 

Les  phénomènes  décrits  jusfju'à  présent  nous  montrent 
que  les  taches  ne  sont  pas  des  apparences  purement  superfi- 


-  G8  - 

cielles  ;  elles  ont  leur  siège  dans  les  profondeurs  de  la  masse 
solaire,  et  elles  sont  produites  par  des  causes  encore  in- 
connues, qui  la  remuent  et  la  bouleversent  dans  une  étendue 
quelquefois  très-considérable. 

11  est  rare  que  les  taches  soient  isolées  :  elles  sont  ordinai- 

FifT.  32. 


rement  réunies  en  groupes  très-complexes,  comme  on  le  voit 
dans  l'observation  du  if\  avnl  1869  i/^b-  ^-^)-  ^^^  remarque 
dans  ce  groupe  une  grande  tache  divisée  en  deux  par  un  pont 
très-compUqué.  On  voit  trois  autres  taches  qui  tendent  à 
devenir  rondes;  puis  il  y  e»  a  une  multitude  de  petites  dis- 
séminées de  toutes  parts.  Il  en  résulte  une  immense  difficulté 
dans  la  distinction  et  dans  la  classification  de  ces  phéno- 
mènes. L'étendue  de  ces  groupes  est  considérable  ;  l'agita- 
tion manifestée  dans  la  mass3  par  les  facules  qui  les  envi- 
ronnent est  si   grande   que   l'ensemble   peut    acquérir  une 


-  G9  - 

longucnii"  égale  au  (jiiai't  du  (lianictrc  solaire.  Saus  doute  toutes 
les  pertur])atious  ne  se  font  pas  seniir  sur  une  aussi  vaste 
étendue,  mais  le  fait  important,  c'est  l'existence  habituelle  de 
ces  groupes  plus  ou  moins  compliqués,  plus  ou  moins  grands. 
Les  lâches  ne  sont  donc  que  les  conséquences  d'une  forte 

Fie.  :i3. 


agitation  dans  la  matière  (jui  compose  le  Soleil,  et  cette  agi- 
tation s'étend  Ijien  au  delà  des  limites  de  la  région  sombre. 
Tous  ces  mouvements  supposent  qu'il  se  produit  dans  la 
masse  solaire  des  crises  bien  considérables,  et,  si  nous  vou- 
lons en  trouver  la  cause,  il  faut  commencer  par  étudier  le 
phénomène  lui-juéme,  et  les  lois  qui  président  à  ses  manifes- 
tations. 


70 


CHAPITRE  III. 


ETUDE  DE  L  INTERIEUR  DES  TACHES, 


§  I.  —  Les  taches  sont  des  cavités. 

Il  V  a  environ  un  siècle  que  Wilson,  par  des  observations 
Lien  dirigées  et  bien  interprétées,  fit  connaître  la  véritable 
structure  de  certaines  taches,  en  montrant  qu'elles  sont  dues 
à  des  cavités  dont  il  put  même  mesurer  la  profondeur.  Il 
rendit  compte  de  ces  observations  dans  les  Transactions  phi- 
losophiques de  Londres,  t.  LXIV,  année  1774- 

Le  22  novembre  17(39,  le  docteur  Wilson  observa  sur  le 
disque  solaire  une  belle  tache  ronde  environnée  d'une  pé- 
nombre également  circidaire,  concentrique  au  noyau.  Il  sui- 
vit cette  tache  jusqu'à  sa  disparition,  et  il  remarqua  bientôt 
que  la  pénombre  cessait  d  être  svmétrique  ;  la  partie  tournée 
vers  le  centre  du  Soleil  devint  de  moins  en  moins  large,  et 
finit  par  disparaître  complètement,  tandis  que  la  partie  op- 
posée conservait  à  peu  près  les  mêmes  dimensions.  Ainsi,  dans 
\^Jig.  34,  supposons  que  A  représente  une  tache  placée  au 
centre  du  disque,  et  avant  une  pénombre  symétrique  par  rap- 
port au  contour  du  novau  ;  lorsqu'elle  sera  arrivée  vers  le 
milieu  du  rayon,  elle  se  présentera  comme  en  B  ;  plus  tard,  la 
pénombre  disparaîtra  complètement  du  coté  gauche,  comme 
on  le  voit  en  C;  au  point  D,  le  noyau  lui-même  sera  entamé; 
enfin,  tout  près  du  bord,  en  E,  il  ne  restera  plus  qu'un  mince 


-  71   - 

filet  (1(^  prii()nil)r('  :  le  ii()\;m  auia  ( omplctcmont  disparu. 
Tel  est  If  ])lu'iH)mt'ii('  ohscrNc  par  \\  ilsoii,  <•!  souxciit  cliidic 
tiepiiis. 

A  la  riguour,  ces  elwin^^cMucnts  poiis  aient  nrtre  f|iM'  <1<'S  ap- 
parences ;  les  taches  sont  si  c^apricieiises  dans  Icuis  \anali(jns 
(pi'oii  ne  peut  fonder  aucune  théorie  sur  un  fait  isolé.  (Cepen- 
dant Wilson  avait  soupçonné  là  quelque  grande  loi  de  la  na- 
ture, et,  pour  n'être  pas  induit  en  erreur,  il  attendit  le  retour 
de  la  même  tache  (jui,  en  ellet,  reparut  au  bout  de  quatorze 

Fi.T.  3.',. 


é 


jours  sur  le  bord  oriental.  Alors  il  observa  de  nouveau  le 
même  phénomène;  les  mêmes  phases  se  reproduisirent  dans 
le  même  ordre,  et  la  j)éuombre,  qui  était  rétrécic  vers  le 
centre  du  disque  lorsque  la  tache  était  près  du  bord,  se 
montra  de  nouveau  symétrique  par  rap[)ort  au  contour  du 
noyau,  lorsqu'elle  arriva  au  milieu. 

Désormais  le  doute  n'était  j)lus  possible  ;  la  tache  avait  sen- 
siblement conservé  la  même  forme  dans  son  mouvement,  et  les 
changements  observés  étaient  de  j)ures  apparences  résultant 
d'un  effet  de  perspective  très-facile  à  explif[uer.  Soit  abcd 
{Jig.  35)  une  cavité  avant  la  forme  d'un  tronc  de  cône,  ad  vt 
hc  étant  les  diamètres  des  deux  bases.  Vue  dans  une  direction 


perpendiculaire  à  ad^  cette  cavité  présentera  un  contour  sy- 
métrique A;  mais  si  on  la  regarde  obliquement,  comme  en  B, 
le  coté  ah  se  rétrécira  dans  la  projection,  le  coté  cd  s'élargis- 
sant  un  peu,  ou  restant  sensiljlement  constant  si  la  cavité  est 
})('ii  profonde.  Enfin,  Foljliquité  augmentant,  le  bord  ah  se 
projettera  sur  le  fond  hc  comme  on  le  voit  en  C;  il  pourra 
même  le  recou\  rir  complètement. 


Fiiï.  35. 


Ces  différentes  phases  seront  d'autant  plus  sensibles  que  la 
cavité  sera  plus  profonde;  mais,  si  elle  est  très-superficielle, 
le  fond  ne  disparaîtra  que  pour  une  très-grande  obliquité,  ce 
qui,  dans  le  Soleil,  n'aura  lieu  qu'auprès  du  bord  ;  alors  l'ob- 
servation sera  très-difficile  et  exigera  de  très-bons  instru- 
ments. On  comprend  cependant  qu'elle  soit  possible,  et,  si 
elle  est  bien  faite,  elle  pourra  servir  à  déterminer  la  profon- 
deur de  ces  cavités  d'après  les  dimensions  relatives  de  la  pé- 
nombre et  le  moment  où  elle  touche  le  novau. 


-  73  - 

Soient  CS  ^fig.  3G)  le  rayon  visuel  dirige  vers  le  centre  du 
Soleil;  Oah  le  rayon  qui  rase  à  la  fois  le  bord  de  la  cavité  et 
celui  du  noyau,  au  moment  où  lapénondjre  va  disparaître  ;  CZ 
une  di"oit<'  passant  par  le  centre  du  Soleil  et  par  le  bord  extc- 
rieui-  (le  la  priiombrc.  On  jx-ut  toujours  coiuiaître  l'angle 
SCZ,  et  de  là  déduire  la  valeur  de  l'angle  hae  qui  en  est  le 
complém(>nt.  Si  l'on  a  mesuré  la  largeur  de  la  pénombr<>  ae^ 
le  petit  triangle  ahe  fera  connaître  la  profondeur  he  d<'  la 
tache.  Wilson  trouva  ainsi  que  cette  profondeur  était  en- 
viron le  tiers  du  rayon  terrestre. 


La  théorie  de  Wilson  ne  fut  })as  reçue  sans  contestations; 
elle  fut  combattue  par  plusieurs  astronomes  et  en  particulier 
par  de  la  Lande  qui  formula  les  deux  objections  suivantes  : 
1°  dans  plusieurs  observations,  la  loi  de  ^Vilson  ne  s'est  pas 
vérifiée;  2*'  ([uelquefois  même  on  a  pu  constater  des  appa- 
rences tout  à  fait  opposées.  De  la  I^ande  était  partisan  de  la 
fixité  des  taches  qu'il  regardait  comme  des  montagnes;  il  de- 
vait donc  nécessairement  repousser  les  idées  de  l'astronome 
anglais.  Du  reste,  il  est  parfaitement  exact  que  les  aj)parcnces 
décrites  j);u'  Wilson  ne  se  présentent  pas  toujours,  surtout  aux 
époques  de  grande  agitation  ;  on  ne  doit  pas  en  être  surpris, 
et  nous  en  donnerons  bientôt  la  raison.  Mais,  pour  apprécier 


-  74  — 

la  valeur  de  ces  objections  et  pour  connaître  ce  qui  concerne 
les  faits  eux-mêmes,  nous  allons  d'abord  étudier  les  obser- 
vations faites  par  les  astronomes  modernes. 

§  II.  —  Observations  modernes. 

Tous  les  astronomes  postérieurs  à  Wilson  ont  vérifié  ses 
observations  avec  d'excellents  instruments  et  sur  un  très- 
grand  nombre  de  taches.  Herschel  en  parle  souvent,  et  nous 
a^ons  eu,  ainsi  que  beaucoup  d'astronomes  encore  vivants, 
l'occasion  de  confirmer  cette  découverte  par  nos  propres  tra- 
vaux. Les  résultats  numériques  que  nous  avons  trouvés  (*), 
ainsi  que  ceux  de  ]M.  Taccliini,  différent  à  peine  de  ceux  de 
Wilson.  jM.  Warren  de  la  Rue,  astronome  anglais,  discutant  les 
observations  astronomiques  faites  à  Kew,  a  trouvé  que,  sur 
89  taches  régulières,  72  donnent  des  résultats  conformes  aux 
idées  de  Wilson,  tandis  que  les  ly  autres  présentent  un  as- 
pect différent.  Cette  proportion  n'a  rien  de  surprenant  lors- 
qu'on songe  aux  variations  considérables  que  les  taches  subis- 
sent en  réalité  dans  leurs  formes. 

]M.  de  la  Rue  a  imaginé  un  moyen  bien  simple  de  montrer 
que  les  taches  sont  des  cavités.  On  prend  deux  photographies 
du  Soleil  faites  à  un  jour  d'intervalle,  chaque  point  de  sa  sur- 
face s'étant  déplacé  pendant  ce  temps  d'environ  lo  degrés;  on 
les  place  dans  un  stéréoscope  et  l'on  voit  parfaitement  la  ca- 
vité intérieure  dont  les  bords  paraissent  rele^  es  au-dessus  de  la 
photosphère.  Il  est  donc  impossible  de  conserver  le  moindre 
doute  sur  cette  vérité;   les  taches  sont  des  cavités  creusées 


(')  Voir  Astron.    IVach.    et  Mémoires  de  l'Observatoire  du  Collège  Romain,  p.  9 
1859. 


-  73  - 

dans  répaissciir  de  la  coiiclic  hi'illaiitc  fjiii  ('iiv('l()|)|)('  (]r  toutes 
i)arts  le  ^lolx'  solaire. 

S'il  est  vrai  qu'une  laehe  soit  ainsi  lorniée  par  une  ca\ilé, 
l()rs(|u'elle  arrive  au  Ijord  du  disque  solaire,  on  devrait  aper- 
cevoir une  e(  lianerure  daulaiil  plus  facile  à  ol)server  que  la 
<a\ilé  est  plus  \aste  et  j)lus  profonde.  Cette  observation  a  été 
réellement  faite  depuis  longtemps.  Cassini  (')  rapporte  que, 
vers  la  fin  de  déeend)re  1719,  il  parut  une  tarlie  si  vaste  que, 
(piand  elle  aj)j)roeha  du  hord,  elle  produisit  une  échancrure, 
contrairement  à  ce  qui  arrive  d'ordinaire  pour  les  taches  plus 
petites,  qui  présentent  souvent  un  bourrelet  à  cause  des  facules 
([ui  les  emironnent.  Vy'.  Ilerscliel  et  ^ï.  Warren  delà  Rue 
ont  souN  (  iir  ohservé  le  même  phénomène. 

I.oisque  lii  tache  du  3o  juillet,  dont  nous  avons  déjà  parlé, 
lut  arrivée  prés  du  bord,  noushi  surveillâmes  avec  soin  ;  mais 
la  première  partie  disparut  le  5  août  au  soir,  et  l'air  était 
alors  si  agité  qu  il  nous  fuL  impossible  de  rien  observer.  Le 
lendemain,  l'air  était  calme  et  le  ciel  parfaitement  pur;  la 
tache  fut  dessinée  simultanément  par  trois  observateurs. 
M.  Tacchini,  de  Païenne,  était  alors  à  notre  Observatoire  et 
il  fit  lui-même  le  dessin  que  nous  reproduisons  {^/ig.  ^'J  A). 
il  était  9  heures;  l'un  des  cratères  était  près  du  bord  et  l'on 
voyait  nettement  son  contour  former  une  j)roéminence  au- 
dessus  du  disque  solaire  en  laissant  une  échancrure  de  part 
et  d'autre.  Sur  le  cùté,  on  vovait  une  vaste  facule  rnn.  Cette 
partie  du  contour  était  déprimée  au-dessous  de  la  surface  gé- 
nérale du  Soleil,  dans  une  région  où,  peu  de  temps  aupara- 
vant, on  distinguait  une  vaste  pénondjre. 

A     10'' 20'"    le     cratère     était     considérablement     rétréci 


(')  Mémoires  de  V Académie  des  Sciences;   1720. 


—  7G  - 

[fig.  37  B),  et  présentait  plusieurs  pointes  très-aiguës;  on  en 
distinguait  une  en  «,  qui  fut  remarquée  par  tous  les  observa- 
teurs, à  cause  de  ses  dimensions  et  de  sa  forme  recourbée. 
A  i  o^  32™  l'intérieur  du  cratère  ne  présentait  plus  qu'une 
ligne  noire  très-mince  qui  disparut  à  1 1  heures  ;  le  contour 

Fig.  37. 


du  Soleil  conservait  encore  sa  structure  dentelée  [fig.  Sy  C). 

Nous  avons  faitune  observation  semblable  le  8  juillet  1873  ; 
il  s'agissait  également  d'une  tache  très-vaste  qui  produisit  sur 
le  contour  du  Soleil  une  dépression  de  8  secondes. 

Nous  ne  voulons  pas  quitter  ce  sujet  sans  faire  remarquer 
la  forme  curieuse  de  l'arc  brillant  op  [fig-  3^  A),  sur  lequel 
on  remarqua  ensuite  la  pointe  a  [fig-  3 7  B  et  C).  Ne  croi- 
rait-on pas  voir  un  pont   suspendu  au-dessus  d'un  abîme? 


-  77  - 

Nous  avons  clcrniùrcniciit  observé  quelque  chose  de  seni- 
l)lal)le.  Le  9  juillet  iB-j/î,  il  v  avnit  une  tache  traversée  par 
un  pont  magnifique;  le  10,  la  tache  s'étant  rapprochée  du 
bord  du  discpie,  le  pont  parut  excentrique  par  rapport  au 
noyau;  il  se  projetait  sur  le  coté  de  la  tache  opposé  au  centre 
du  Soleil.  Le  II,  son  excentricité  s'était  accrue;  il  se  pro- 
jetait sur  la  pénombre.  Ces  changements  peuvent  sans  doute 
être  réels,  mais,  comme  il  y  avait  d'ailleurs  une  grande  con- 
stance dans  la  forme  de  ce  groupe,  nous  sommes  très-dis- 
posé à  croire  (pi'il  n'v  avait  là  ([ue  des  apparences  dues  à 
un  effet  de  perspective  :  ce  pont  était  un  arc  lumineux  plus 
élevé  que  les  régions  voisines,  et  qui,  suivant  les  différents 
aspects  sous  lesquels  il  se  présentait  à  nos  regards,  se  pro- 
jetait sur  des  parties  différentes  de  la  cavité  située  au-dessous 
de  lui. 

§  HT.    —   Réponses  à  quelques  objections. 

Il  est  impossible  d'observer  cette  dépression  dans  toutes  les 
taches  ;  car,  à  moins  qu'elles  n'aient  des  dimensions  exception- 
nelles, la  cavité  intérieure  est  cachée  parle  bord,  ainsi  qu'on 
l'observe  pour  les  cratères  de  la  Lune.  De  plus,  les  facules  qui 
les  environnent  forment  souvent  lui  bourrelet  proéminent 
qui  masque  encore  davantage  la  cavité.  Pour  produire  une 
échancrure  de  i  seconde,  il  faudrait  une  tache  ayant  3  de- 
grés de  diamètre,  et  une  semblable  dépression  serait  impos- 
sible à  observer  à  cause  de  sa  petitesse  et  des  oscillations  de 
l'atmosphère.  En  partant  de  ces  données,  on  jieut  calculer 
l'étendue  que  devrait  avoir  luie  tache  pour  produire  une  dé- 
pression sensible  et  facile  à  observer.  Pour  arriver  à  une 
échancrure  de  5  secondes,  il  faudrait  une  tache  qui,  vue 
du  centre  du  Soleil,  occu[)àt  une  étendue  de  11  à  12  degrés, 


ce  qui  fait  pour  nous  3'  20";  or,  toutes  les  fois  qu'un  cratère 
a  atteint  ces  dimensions,  on  a  toujours  remarqué  qu'en  ar- 
rivant près  du  bord  il  produisait  une  dépression  manifeste. 
Ces  observations  confirment  donc  avec  évidence  la  découverte 
de  Wilson,  et  nous  obligent  à  la  considérer  comme  un  fait 
acquis  à  la  science.  Sans  doute  il  y  a  des  exceptions,  comme 
l'ont  fait  remarquer  de  la  Lande  et  plusieurs  autres;  mais  elles 
ne  s'appliquent  qu'à  des  taches  irrégulières  et  agitées,  dans 
lesquelles  les  mouvements  réels  peuvent  masquer  ces  effets 
de  perspective. 

On  a  encore  ol)jecté  que  cette  dépression  apparente  pour- 
rait bien  être  une  illusion  due  à  ce  que,  dans  la  région  oc- 
cupée par  une  tache,  la  lumière  possède  un  éclat  moins 
considérable;  mais  il  n'y  a  rien,  dans  cette  objection,  qui  soit 
contraire  à  la  théorie  que  nous  défendons.  Nous  ne  préten- 
dons pas  que  la  cavité  soit  vide  de  toute  matière;  lorsque 
nous  parlons  de  cavité^  nous  voulons  seulement  dire  que,  dans 
l'intérieur  des  taches,  le  niveau  de  la  partie  brillante  est  plus 
bas  que  dans  la  photosphère,  et  l'absence  de  lumière  qu'on 
observe  au  bord  échancré  du  disque  ne  prouve  pas  autre 
chose  ;  ces  dépressions  peuvent  d'ailleurs  être  remplies  de 
matières  plus  obscures,  qui  servent  à  maintenir  l'équilibre 
général  en  arrêtant  les  masses  fluides,  qui  ne  manqueraient 
pas  de  se  précipiter  pour  remplir  le  noyau  s'il  était  absolu- 
ment vide.  La  théorie  de  Wilson  est  vérifiée  du  moment  que 
l'intensité  lumineuse  parait  considérablement  déprimée  lors- 
qu'ime  grande  tache  arrive  auprès  du  l^ord,  car  il  faut  en 
conclure  que  le  niveau  de  h»  partie  brillante  y  est  abaissé; 
et  c'est  précisément  là  ce  qui  résulte  du  fait  constaté  par 
Wilson. 

Tout  ce  que  nous  venons  de  dire  restera  encore  vrai  si  l'on 
admet  que  les  taches  sont  des  nuages  plus  sombres  que  la 


-  79  - 

niatirrc  (jiii  les  ciixiroimc;  mais  aloi's  il  faudra  admettre  que, 
an  lieu  d'être  siispeiidiis  au-dessus  de  la  partie  éclairante 
(lu  Soleil,  romme  le  disait  C.alilcM'  et  dernièrement  encore 
M.  Kirchlioff,  ces  nuap;es  flottent  dans  la  photosphère  elle- 
même,  s  y  <'nfoncent,  du  moins  en  partie,  et  remplissent  ainsi 
de  véritables  bassins  concaves  creusés  dans  la  couche  bril- 
lante. C'est  là  ce  qui  a  fait  donner  aux  taches  le  nom  de  cra- 
lêre;  mais  il  ne  faut  pas  attacher  beaucoup  d'importance  à 
cette  dénomination. 

Après  avoir  établi  ([ue  les  taches  sont  en  général  des  ca- 
vités, en  entendant  ce  mot  dans  le  sens  que  nous  venons 
tl'expliquer,  V.  il  son  supposa  que  la  pénombre  qui  en\  ironne 
le  noyau  est  formée  par  le  talus  qui  relie  cette  cavité  à  la 
surface  générale  de  la  photosphère.  Il  supposait  la  matière 
photosphérique  analogue  à  celle  qui  compose  les  nuages,  mais 
(Tune  densité  plus  considérable,  et  elle  devait,  d'après  lui, 
couler  vers  ces  gouffres  demeurés  vides,  de  manière  à  former 
tout  autour  un  plan  incliné  moins  lumineux  que  le  reste  de 
la  surface,  et  moins  sombre  que  le  noyau  lui-même.  Poui' 
confirmer  son  interprétation,  il  rappelait  le  fait  suivant  :  le 
contour  de  la  pénombre  est  généralement  parallèle  à  celui  du 
noyau;  (|iielqiiefois  cependant  il  présente  à  l'intérieur  des 
angles  rentrants  qui  correspondent  à  des  angles  saillants  du 
contour  extérieiu',  comme  si  nu  éboulement  du  talus  avait 
fait  tomber  dans  le  gouffre  mie  partie  de  la  matière  lumi- 
neuse. Cette  disposition  des  noyaux  est  reproduite  dans  plu- 
sieurs de  nos  dessins,  et  <'n  particulier  dans  \esjig.  38  et  3r). 

Cette  observation  délicate  de  Wilson  est  exacte,  et  l'on  a 
souvent  l'occasion  de  la  vérifier  ;  mais  on  ne  peut  admettre 
que  la  seule  inclinaison  du  talus  suffise  pour  expliquer  la  pé- 
nondjre.  L'intensité  lumineuse  de  la  pénombre  est  à  peu 
près  la  moitié  de  celle  qu'on  obser\  e  sur  le  reste  du  disque  ; 


-  80  - 

le  simple  fait  de  rincliiiaisoii  de  la  surface  suffirait  à  peine 
pour  expliquer  cette  différence  s'il  s'agissait  d'un  corps  éclairé 
par  une  lumière  étrangère  ;  à  plus  forte  raison  cette  explica- 
tion est-elle  insuffisante  pour  un  corps  lumineux  par  lui- 
même.  Nous  verrons  bientôt  que,  en  ce  point,  il  manquait 
cpielque  chose  à  la  théorie  de  Wilson,  et  nous  la  compléterons 
alors.  Il  lui  fut  impossible  d'étudier  en  détail  la  structure 
de  la  pénombre,  ses  instruments  n'étant  pas  assez  puissants, 
et  c'est  de  là  que  dépendait  la  solution  du  problème. 


-  81  - 


CHAPITRE  IV. 


s  T  u  u  c  T  u  n  i:    u  e  s     r  a  c  ii  e  s. 


§  1.  —  De  la  pénombre. 

Nous  avons  vu  que  les  taches  ont  des  formes  très-varial>les. 
Elles  finissent  généralement  par  devenir  rondes;  mais  c'est 
là,  pour  ainsi  dire,  une  forme  limite  qu'elles  n'atteignent 
qu'assez  tard  et  qu'elle  ne  conservent  pas  longtemps.  Bien- 
tôt elles  se  rétrécissent,  reprennent  ra])j)arence  de  pores  et 
finissent  par  se  fermer  complètement.  Quelquefois  elles  se  di- 
visent avant  de  disparaître,  et  alors  on  remarque  le  plus  sou- 
Aent  une  recrudescence  d'action,  qui  élargit  l'ouverture  ou 
en  forme  (]U(^lque  autre  dans  le  voisinage.  Entrons  dans  l'exa- 
men détaillé  de  ces  phénomènes,  et,  pour  en  comprendre  le 
mécanisme,  étudions  d'abord  la  structure  intérieure. 

Commençons  par  la  période  de  tranquillité;  les  taches  j)ré- 
sentent  alors  la  foinie  ronde  ou  ovale  que  nous  avons  déjà 
indiquée,  et  dont  nous  donnons  un  exemple  dans  Xajîg.  38  : 
cette  tache,  observée  le  20  avril  18GG,  représente  un  type  qui 
se  reproduit  très-souvent. 

Nous  ferons  ici  plusieurs  remarques  :  i*'  la  pénombre  a  une 
largeur  à  peu  jirès  égale  au  tiers  tle  la  tache  considérée  dans 
toute  son  étendue;  mais  elle  est  loin  d'être  uniforme  dans  sa 
structure  et  d'avoir  son  contour  extérieur  parallèle  à  celui  du 
noyau,  comme  le  montrent  les  dessins  qui  se  trouvent  dans  la 

I.  G 


—  S-1  — 


plupart  des  livres.  Cette  péiiomLre  est  toute  rayonnée,  mais 
les  rayons  qui  la  composent  ont  des  formes  irrégulières;  quel- 
ques-uns r(\ssemblent  à  des  courants  sinueux  qui  ^  ont  en  se 
rétrécissant  à  mesure  qu'ils  s'éloignent  du  bord,  leur  éclat  lu- 
mineux croissant  lui-même  à  mesure  qu'ils  se  rétrécissent 
davantage.  Ces  courants  sont  formés  de  masses  ovales,  sem- 
Ijlables  à  des  nœuds  allongés  placés  bout  à  bout,  de  manière 

FiV.  38. 


à  simuler  un  courant  presque  continu.  Cette  structure  ravon- 
nante  de  la  pénombre  n'est  pas  difficile  à  constater;  elle  a 
déjà  été  remarquée  par  Capocci,  Pastorff,  J.  Ilerscliel,  etc. 

2°  Ces  courants  sont  moins  condensés,  moins  lumineux, 
moins  nettement  trancbés  à  l'extérieur  de  la  pénombre,  là  oîi  ils 
se  détachent  delà  photosphère,  tandis  que,  près  du  noyau,  ils 
se  pressent,  se  condensent  et  deviennent  plus  brillants.  Il  arrive 
ainsi  quelquefois  que  le  bord  de  la  pénombre,  contigu  au 
noyau,  acquiert  un  éclat  plus  vif,  presque  égal  à  celui  de 
la  photosphère;  la  tache  paraît  alors  composée  de  deux  an- 


—  83  - 

iiciiiix  hnllaiils  ((hicciiIikiiics.  ('.<■  nCst  n.is  là  mic  illusion 
(liu*  à  un  cllct  (le  contraste,  c'csl  un  m('(  roissomcnt  réel  de 
lumirii"  (lu  à  un("  condensation  de  matière  lumineuse  dans 
le  \()isinai;e  du  no\aii.  ('e  fait  est  tres-imj)oi'taut  et  on  ne 
l'a  pas  assez  remarcpie.  (|noi(jue  les  observateurs  l'aient  repré- 
sente a\ec  soin   dans  Icuis  dessins.  ]\()us  en  donnons  un  se- 


cond  (exemple  dans  Va  fig.  3r),  (|ui  représente  une  tache  oh- 
servéele  i  G  juillet  186G. 

DcUis  ces  derniers  temps,  ^I.  Faye  a  révoqué  en  doute  le 
fait  (pie  nous  venons  do  signaler;  mais  nos  observations  p(M'- 
sonnelles  nous  oblij^cnt  d'assui'er  (Uie  ce  fait  est  bien  souvCMit 
incontestaljje,  et  1  illustre  astronome  n'en  douterait  |)as  plus 
(pie  nous  s'il  a\ail  pu  l'obserNcr  connue  nous  a\ec  des  in- 
struments suffisammcnl  parfaits. 


84 


3°  Dans  l.i  fig.  89,  011  voit  que  les  extrémités  intérieures 
des  courants  se  terminent  par  des  grains  brillants  projetés  sur 
le  fond  noir  du  noyau .  On  voit  ce  phénomène  reproduit  d'une 


Fig.  .',0. 


J^ 

m 

m^ 

^^^^^^^^ 

^^^^i 

'^'^^^w^^ 

1!^^"^ 

H 

w^^^s 

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^V^  1^  r^^^^^l 

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^P|raS 

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1^ 

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r^^^^^^H^ 

*" 

"jfc-rj  .-A'f  > 

^^^^ 

^m 

^^-_ 

manière  plus  frappante  dans  la^/o-   40  ;  toute  la  pénombre 

Fis-  41. 


semble  formée  d'un  voile  lumineux,  d'un  éclat  uniforme,  sur 
lequel  sont  projetés  ces  grains  brillants. 

Dans  les  taches  de  grandes  dimensions  et  de  formes  irréiru- 


-  85  - 

licrcs,  oïl  \i)\\  CCS  grains  .illoiigi's  (Mifilés  l'un  apivs  l'autre 
toniiiK"  ceux  d'un  chapelet;  le  tout  i-essonible  à  un  fil  sur 
lequel  on  aurait  fait  iu)e  chaîne  de  lueuds  {/ig.  40-  l^i^i'oi*^ 
les  chaînes  traversent  la  tache  de  part  en  part  comme  des 
ponts  {/ig.  4 2,  i4  avril  i«S()f));  elles  constituent  alors  des 
courants  ix)ntinus,  mais  remplis  d  inégalités  et  de  renflements. 
Dans  la  tache  du  1 4  a\ril,  li  \<'ill('du  j()ui'ous<' forma  !<' j)oiit 


(pi'on  voit  dans  \^y  Jig-  4^,  les  feuilles  étaient  comme  implan- 
tées les  unes  sin-  les  autres,  et  l'ensemble  présentait  l'aspect  de 
la  plante  connue  sous  le  nom  de  Cactus  (Jig.  4^\  Au  premier 
abord,  on  aurait  dit  une  cristallisation  analogue  à  celle  du 
(  hlorhvdrate  d'ammoniaque  vue  au  microscope,  et  c'est  là 
peut-être  ce  qui  a  suggéré  à  INI.  Chacornac  l'idée  des  cris- 
tallisations solaires.  Mais  l'aspect  arrondi  des  grains,  leurs 
contours  vagues  et  mal  définis,  montraient  parfaitement  que 
nous  avions  sous  les  yeux  des  flocons  de  matière  suspendus 
dans  un  milieu  fluide,  à  peu  près  comme  les  cumuli  dans  l'îit- 


-  8G  - 

iiiosplière  terrestre.  ]\ï.  Langley  a  dernièrement  vérifié  notre 
observation  avec  son  puissant  instrument. 

Les  feuilles  ressemljlent  quelquefois  à  des  triangles  al- 
longés; on  dirait  un  assemblage  de  points  d'exclamation  (!) 
Nous  avons  tout  récemment  constaté  cette  structure  dans 
une  taclie  du  mois  de  juin  i8'j4-  L<?s  courants  ne  sont  cepen- 
dant pas    toujours    composés   de    parties   discontinue:-»,   du 

Fis-  43. 


moins  autant  que  nous  en  pouvons  juger  ;  on  croirait  voir  un 
fluide  visqueux  couler  dans  un  milieu  de  nature  différente; 
cet  aspect  rappelle  plutôt  encore  celui  de  la  fumée  qui  s'é- 
chappe d'une  cliandelle  de  suif  mal  éteinte  et  qui  se  répand 
dans  l'air  en  formant  des  filets  nettement  tranchés. 

If  Les  courants  composés  de  grains  ou  de  feuilles  qui  en- 
vahissent le  noyau  ne  tardent  pas  à  se  dissoudre  :  il  suffit  de 
quelques  heures  ou  même  de  quelques  minutes.  Aussi,  mal- 
gré ce  flux  de  matière  lumineuse,  le  noyau  reste  constamment 
noir  et  persiste  très-longtemj^s.   Les  fig.  38  et  44  montrent 


-  87  - 

une  (lo  CCS  feuilles  détachée  et  à  demi  dissoiilc;  ce  j)li('ii()iii(''n(' 
est  assez  fréquent,  et  nous  pourrions  en  donner  de  nombreux 
exemples;  il  a  été  également  constaté  par  M.  Loekver.  Du 
reste,  ce  fait  n'est  pas  particulier  aux  feuilles  qui  composent 
les  courants;  on  le  voit  quelquefois  se  rcj)roduire  pour  des 
portions  considérables  de  la  photosphère.  Nous  avons  déjà  dit 
que,  dans  la  taclie  du  2()  mai  i8Gj  {Jig-  3i),  les  masses  plio- 
tosphériques  emprisonnées  dans  le  novau  avaient  fini  par  se 
dissoudre.  D'ailleurs,  on  trouve  dans  les  dessins 'de 'M.  Cha- 
cornac  ties  exemples  semblables  à  ceux  que  nous  avons  tirés 
de  nos  propres  observations;  on  y  reconnaît  des  courants, 
ou  mcnic  (les  masses  de  matières  lumineuses,  semblables  aux 
courants  et  aux  masses  détachées,  dont  nous  venons  de 
donner  la  description. 

Il  est  donc  certain  qu'il  v  a  au  centre  des  taches  une 
espèce  d'aspiration  qui  attire  la  matière  environnante  et  dé- 
termine son  écoulement  vers  le  noyau,  et  ce  cjui  prouve 
bien  ce  pouvoir  d'attraction  exercé  par  les  taches,  c'est  l'ab- 
sorption des  petites  par  les  grandes.  Elles  se  rapproclient 
])eu  à  peu  de  la  cavité  principale  dans  laquelle  on  les  voit 
bientôt  disparaître.  Ce  phénomène  se  rapportant  à  celui 
du  mouvement  propre  des  taches,  nous  en  parlerons  plus 
tard. 

5°  On  olxservo  quelc[uefois,  à  l'intérieur  des  cratères,  lui 
mouvement  de  rotation  très-sensible.  On  en  voit  un  exemple 
au  point  a,  dans  la  tache  du  3o  juillet  i8G5  {/ig-  27).  Nous 
donnons  ici  {/ig.  44)  i"^  dessin  qui  montre  admirablement 
jusqu'à  quel  point  peut  être  portée  cette  structure  tourbil- 
lonnante. Cette  tache  a  été  observée  à  Rome  le  5  mai  i854; 
au  même  moment  ]M.  rearnely  l'obserNait  à  Christiania,  et 
les  deux  dessins  s'accordent  parfaitement.  On  voyait  im 
grand  nombre   de  flammes  enroulées  en   .spirales  tournoyer 


—  88 


dans  le  novaii  ;  au  bout  de  deux  heures,  elles  étaient  complè- 
tement dissoutes. 

Fis-  h'\. 


Nous  reproduisons  dans  la^^-.  45  une  autre  tache  observée 

Fig.  45. 


:>r.^^!' 


m 


^f 

% 


\i'  25  septembre  i86G,  dans  laquelle  les  courants  montrent, 


-  80  - 

par  leur  disposition,  (juils  sont  animôs  d'un  niouvcnient  ro- 
tatoiro  très-prononcé,  mais  seulement  dans  la  partie  gau(ii<' 
de  la  pénond)rc;  car,  dans  toute  la  partie  cjui  est  à  droite,  les 
courants  sont  dirijjés,  coinnieà  ! Oi'diiiaire,  de  manière  à  cou- 
verger  vers  le  centre.  j']n  réalité,  on  n'observe  ces  tourhillnns 
(pi'à  l'épotpie  de  la  formation,  comme  nous  l'avons  déjà  fait 
remar(|uer  à  propos  de  la  tache  du  '3o  juillet  iHGj;  ils  se  ]iré- 
sentent  souvent  tlans  les  moments  de  recrudescence  et  lors- 
(ju'une  tache  est  sur  le  point  de  disparaître.  On  a  souvent  cru 
\()ir  des  tourbillons  dans  des  piiénomènes  qui  ne  sont  que 
de  sim|iles  changements  de  forme,  sans  aucun  mouvement 
de  rotation. 

Quelques  astronomes,  M.  Faye  en  particulier,  sont  partis 
de  là  pour  établir  une  théorie  d'après  laquelle  les  taches  ne 
seraient  autre  chose  que  des  cyclones.  Cette  théorie  ne  nous 
paraît  pas  admissible.  Si  le  mouvement  tourljillonnant  existait 
dans  toutes  les  taches,  les  ravons  qui  constituent  la  pénom])re 
devraient  toujours  être  recourbés  :  or  il  n\'\\  est  rien.  Si  cela 
arrive  quelquefois,  c'est  assez  rare,  car,  sur  trois  cents  taches 
et  plus  qu'on  observe  dans  le  cours  d'une  année,  il  y  en  a  sept 
on  huit  seulement  qui  présentent  d'une  manière  bien  tranchée 
la  structure  spirale  qui  devrait  caractériser  l(»s  tourbillons.  On 
ne  l'obsers'e  donc  pas  toujours,  ce  qui  devrait  avoir  lieu  dans 
la  théorie  de  M.  Faye.  Nous  pouvons  même  ajouter  (pie  les 
mouvements  en  spirale  constituent  une  exception  assez  rare; 
ce  sont  des  cas  particuliers  dont  nous  chercheronsl'explication, 
mais  qui  ne  peuvent  pas  servir  eux-mêmes  à  expliquer  un  phé- 
nomène Ijien  plus  général.  Ajoutons  une  dernière  observation  : 
non-seulement  les  taches  ne  présentent  pas  toutes  la  forme  de 
tourbillons,  mais,  de  plus,  cette  forme,  lorsqu'elle  existe,  ne 
persiste  pas  plus  d'un  jour  ou  deux,  tandis  que  les  taches 
elles-mêmes  peuvent  subsister  longtemps  encore  après  avoir 


-  90  - 

perdu  la  forme  spirale.  Quelquefois  même  le  mouvement 
tourbillonnant,  après  s'être  graduellement  ralenti,  se  repro- 
duit de  nouveau,  mais  en  sens  contraire  du  précédent.  Con- 
cluons donc  que  cette  structure,  quoique  très-intéressante, 
est  purement  accidentelle.  En  nous  réservant  de  l'étudier  plus 
tard,  nous  devons  dire  dès  maintenant  qu'on  ne  saurait  la 
prendre  pour  base  d'une  théorie  ayant  la  prétention  de  faire 
connaître  d'une  manière  générale  la  nature  des  taches  so- 
laires. 

6^  La  fig,  45  nous  intéresse  encore  à  un  autre  point  de 
vue;  nous  v  retrouvons  la  structure  que  l'astronome  Dawes 
a  caractérisée  par  le  mot  thatchedslraws,  couverture  de  paille , 

Fis.  46. 


à  cause  des  faisceaux  de  filets  parallèh^s  qui  représentent  assez 
bien  un  toit  de  chaume.  Cette  comparaison  n'est  pas  heu- 
reuse ;  cependant  elle  exprime  d'une  manière  ingénieuse  la 
disposition  des  filets  telle  que  nous  l'avons  décrite  précédem- 
ment. Ces  filets,  si  on  les  examine  avec  attention,  ne  peuvent 
être  comparés  à  des  brins  de  paille  ;  ils  sont  généralement 
un  ]oeu  tortueux,  renflés  à  une  extrémité  en  forme  de  massue, 
ou  plutôt  comme  des  courants  de  lave  retardés  dans  leur  mou- 
vement par  la  résistance  du  milieu  qui  les  environne.  Leur 
forme  générale  est  indiquée  parla^^-.  /|G.  Nous  avons  cherché 
à  déterminer  leur  épaisseur,  et  nous  avons  trouvé  que  l'ex- 
trémité renflée  a  une  largeur  \  ou  \  de  seconde,  ce  qui  fait 
200  ou  3oo  kilomètres.  Le  reste  de  la  tige  peut  avoir  de  100  à 
200  kilomètres  de  largeur. 


-  91  - 


•j"  Les  taches  possèdent  soiiNciit  une  espèce  de  queue  eoni- 
posé(»  de  taches  ])his  petites  ;  ces  appendices  se  trouvent  ordi- 
nairement dans  ce  que  nous  appellerons  la  partie  postérieun^ 
de  la  tache,  c'e^st-à-dire  dans  la  partie  opj)osée  à  celle  vers 
laquelle  se  dirii;ent  les  dillerenls  points  du  Soleil  dans  son 
niouxenieiiL  de  rotation,  (ielte  rotation,  j)our  1  hémisphère 
([ue  nous  voyons  de  la  ['«-rre,  ayant  lieu  de  l'est  a  l'ouest, 
les  (pieues  S(>  trouvent   donc  à  la  partie  orientale  des  taches, 

Fig.  /,7. 


et  dans  inie    lunette  ([ui    donne   des  images  renversées   on 
les  verra  du  cote  oppose,  c'est-à-dire  à  l'onest. 

La  tache  représentée  dans  la  fig.  45  nous  présente  une 
([ueue  composée  d'une  foide  de  petites  taches  irrégulières 
entremêlées  de  matière  lumineuse,  et  dispersées  sans  ordre 
dans  la  pénombre.  Cette  disposition  est  fréquente,  et  nous  en 
donnoiis  un  autre  exemple  dans  \a  Jig.  /jy;  c'est  une  tache 
vue  le  i6  janvier  i8G6,  à  i''  'jS'"  :  on  en  observe  souvent  de 
semlilables.  Son  noyau  se  prolonge  dans  la  partie  postérieure 
d'une  nianièn^  n^manjuahle  et  exceptionnelle.  Ordinnirement 


—  92  — 

le  noyau  principal  est  rond  et  isolé,  tandis  qu'en  arrière  on 
voit  inie  queue  comj)osée  de  petites  taches  séparées  les  unes 
des  autres,  ou  quelquefois  de  facules  brillantes.  Nous  ferons  re- 
marquer que,  dans  cette  Jtg.  47»  1<3S  courants  de  la  pénombre 
sont  recourbés  à  l'extrémité  qui  touche  le  noyau,  comme  s'ils 
rencontraient  une  résistance,  ou  comme  s'ils  se  soulevaient  de 
bas  en  haut. 

8"  Dans  la  période  de  tranquillité,  lorsque  les  taches  sont 

Fis-  48. 


rondes,  les  courants  sont  presque  toujours  dirigés  vers  le 
centre  de  figure;  mais,  dans  les  taches  irrégulières,  ils  sont 
généralement  groupés  par  faisceaux  parallèles  dirigés  per- 
pendiculairement aux  bords.  On  peut  déjà  remarquer  cette 
disposition  dans  la  Jig.  45;  mais  on  en  voit  un  exemple 
])lus  remarquable  dans  une  tache  observée  le  9  avril  1870 
(Jig.  48).  On  voit  au  point  a  deux  systèmes  de  courants 
superposés  l'un  à  l'autre  et  se  croisant  à  angle  droit,  ce  qui 
suppose  une  différence  considérable  de  niveau. 


-  93  - 

cf  ISous  avons  déjà  vu  qu'il  existe  prohahleincnt  aussi  des 
différences  de  niveau  poiu'  ces  filets  lumineux  (ju'on  désigne 
sous  le  nom  i\c  ponts,  et  (|ui  sont  en  réalité  des  courants  en 
forme  d'arcs-boulants  suspendus  et  flottant  dans  un  mi- 
lieu aériforme.  Telle  est  du  moins  l'impression  qu'on  éprouve 
à  première  vue,  impression  qui  est  parfaitement  confirmée 
par  l'étude  des  dessins,  en  particulier  par  l'étude  des  appa- 
rences que  présenta  la  tache  du  3o  juillet  i8Gj  (Jfg-  27 
et  28),  lorsqu'elle  arriva  auprès  du  bord.  Il  est  difficile  de 
se  rendre  compte  de  ces  aies  si  brillants  qui  sont  dirigés 
obliquement  par  rapport  aux  coinçants  inférieurs,  si  on  ne  les 
suppose  pas  suspendus  à  une  grande  liauteur. 

I,a  tache  représentée  dans  lajlg.  4^  nous  montre  que  les 
courants  ordinaires  se  croisent  en  se  superposant,  ce  qui 
montre  qu'ils  se  trouvent  dans  des  plans  différents.  On  voit  de 
plus  qu'ils  sont  loin  d'être  transparents,  puisque  ceux  qui 
sont  plus  élevés  empêchent  de  voir  les  autres. 

10°  Il  ne  faudrait  cependant  pas  supposer  que  toutes  les 
taches  qui  paraissent  rondes  lorsqu'on  les  examine  avec 
un  faible  grossissement  aient  toujours  une  structure  aussi 
simple  que  celle  dont  nous  venons  de  parler,  hàjig.  49  ï'^"- 
présente  une  partie  de  la  grande  tache  du  3o  juillet,  telle 
(ju'on  la  voyait  le  23  août  i8G5.  On  y  remarque  deux  cavités 
([ui  paraissent  rondes  toutes  les  deux,  mais  dont  les  struc- 
tures sont  bien  différentes  :  dans  l'une,  la  pénombre  est 
remplie  de  filets  recourbés;  dans  l'autre,  elle  est  remplacée 
du  côté  gauche  par  une  énorme  facule.  Ajoutons  cependant 
cjue  cette  phase  appartient  à  l'époque  où  la  tache  était  sur  le 
point  de  disparaître,  et  l'on  sait  que  dans  cette  dernière  pé- 
riode le  phénomène  ne  présente  plus  la  même  régularité. 

Notre  longue  expérience  nous  a  appris  que,  dans  l'exi- 
stence d'une  tache,  il  faut  distinguer  trois  périodes  :  la  pé- 


-  94  — 

riode  de  formation,  celle  de  calme  et  celle  de  dissolution. 
Lorsqu'une  tache  est  sur  le  point  de  se  fermer,  la  matière 
lumineuse  qu'elle  attire  n'est  plus  régulièrement  dirigée  vers 
le  centre  :  il  semble  que  les  masses  photosphériques,  ne  trou- 
\  ant  plus  de  résistance  à  vaincre,  se  précipitent  péle-mèle 
comme  poiu'  combler  une  cavité.  Il  est  impossible  de  décrire 
en  détail  les  phases  que  présentent  les  taches  irrégulières, 
mais  on  peut  toujours  y  remarquer  deux  choses  :    i"  l'exi- 


stence  des  filets  lumineux  qui  caractérisent  leur  structure  ; 
2"  la  convergence  de  ces  filets  vers  un  ou  plusieurs  centres. 
Lorsque  plusieurs  taches  sont  réunies  de  manière  à  former 
un  seul  groupe,  on  voit  les  noyaux  qui  les  composent  se  sé- 
parer l'un  de  l'autre  d'une  manière  bien  nette  :  puis,  après  un 
jour  ou  deux,  ils  se  rapprochent  pour  se  réunir  et  se  con- 
fondre. Les  masses  photosphériques  se  dissolvent  pour  repa- 
raître et  se  dissoudre  de  nouveau  dans  un  intervalle  de  temps 
quelquefois  très-court.  Le  lecteur  pourra  se  faire  une  idée  de 
ces  bouleversements  par  la  photographie  de  M.  Rutherfurd, 


—  O'i  — 

([lie  nous  avons  rcproiliiitc  dans  \i\.  Jig.  ■- ;  on  y  voit  un 
i^ronpc  roniposé  tle  quatre  novaiix  distincts  séparés  par  des 
liandes  limuncnsos.  Ces  pluMioincnes  très-complexes  ne  sont 
sujets  à  aucune  loi  précise;  la  seule  chose  que  l'on  j)nisse 
dire  d'une  luanière  j;én(M"ale,  c'est  que  les  réj^ions  où  se 
trouvent  les  taches  sont  !<*  siéi,M'  d'inHn<'nses  niou\(Mnents 
dans  lesquels  la  matière  parcourt  des  milliers  tle  kilomètres 
en  quelques  secondc^s. 

Nous  Ihiirons  en  énonçant  (pielques  conclusions  aux- 
([Ueiles  nous  sommes  conduits  par  tout  ce  que  nous  avons 
exposé  dans  ce  paragraphe.  T'  (^es  phénomènes  ne  peuvent 
avoir  pour  siège  un  corps  solide  :  ils  se  produisent  dans  une 
masse  fluide  et  dont  la  fluidité  est  analogue  à  celle  des  2;az; 
la  constitution  de  ce  milieu  doit  donc  être  comparée  à  celle 
des  flammes  ou  des  nuages.  2"  Les  détails  ([ue  nous  avons 
lionnes  sur  la  constitution  de  la  pénombre  et  sur  les  piiéno- 
mènes  qui  s'y  produisent  nous  montrent  avec  é\  idence  que  ce 
n'est  pas  la  masse  obscure  qui  envahit  la  matière  lumineuse, 
mais  que  c'est  au  contraire  la  matière  lumineuse  qui  se  prcci- 
j)ite  dans  les  régions  obscures  :  souvent  même  la  masse  bril- 
lante semble  surnager  an-dessus  des  masses  plus  sombres  qui 
constituent  le  novau.  3"  Les  apparences  que  présente  la 
pénombre  peuvent  être  j^roduites  de  deux  manières  :  par  des 
coiu\ants  isolés  ou  par  des  voiles  It'gers  et  continus.  Ces  deux 
éléments  se  trouvent  d'ordinaire  réunis  ensemble.  Les  phé- 
nomènes que  nous  allons  étudier  ne  feront  que  confirmer  ces 
conclusions. 


-  96  - 


§  II.  —  Phénomènes  observés  dans  les  noyaux, 

1°  Les  novaiix  ne  sont  pas  absolument  noirs,  comme  on 
pomTait  le  croire  au  premier  abord;  ils  présentent  même  une 
grande  diversité  dans  la  teinte  plus  ou  moins  obscure  qui  les 
caractérise.  Si  l'on  compare  le  noyau  d'une  tache  avec  le 
disque  d'une  planète,  Mercure  par  exemple,  au  moment  de 
son  passage  sur  le  Soleil,  on  trouve  une  très-grande  diffé- 
rence. Le  noyau  n'est  donc  pas  absolument  noir;  par  consé- 
quent il  doit  émettre  une  certaine  quantité  de  lumière  qui 
n'est  insensible  qu'à  cause  du  contraste  produit  par  l'éclat 
de  la  photosphère .  C'est  ainsi  que  les  satellites  de  Jupiter, 
lorsqu'ils  traversent  le  disque  de  la  planète,  s'y  détachent 
comme  des  points  noirs,  bien  qu'ils  soient  éclairés  par  le 
Soleil,  parce  que  leur  éclat  est  trop  faible  pour  supporter  la 
comparaison. 

Ceux  qui  regardent  les  taches  comme  des  scories  solides, 
n'ayant  point  d'éclat  par  elles-mêmes,  doivent  trouver  là  une 
difficulté  sérieuse;  pour  répondre  à  cette  objection,  ils  disent 
que  sur  le  fond  noir  des  taches  nous  projetons  le  faible  éclat 
de  l'atmosphère  solaire  ;  la  planète  Mercure  se  trouvant  en 
dehors  de  cette  atmosphère  doit  paraître  plus  noire  que  les 
noyaux,  bien  qu'en  réalité  les  uns  soient,  par  eux-mêmes, 
aussi  obscurs  que  les  autres.  Cette  solution  peut  paraître  in- 
génieuse au  premier  abord,  mais  nous  ferons  remarquer  que 
la  lumière  diffuse  de  l'atmosphère  solaire  est  presque  com- 
plètement arrêtée  par  les  liélioscopes  que  nous  employons. 
D'ailleurs,  sans  attendre  le  passage  d'une  planète,  nous  pou- 
vons répondre  par  une  observation  facile  à  faire  en  tous 
temps.  Qu'on  examine  le  fond  du  ciel,  aussi  près  que  pos- 


—  97  - 

sil)Ie  (lu  (lis([ii(' sol.iii'o,  ;i  une  distaiuM'  assez,  jx-titc  noui"  rrii- 
roiilnM'  (•(M'tainciucnt  ralmosplièrc  du  Soleil  et  la  lumière  qui 
lui  a|)particiit,  ou  rccoiuiaitra  saus  jx'iuc  <|U(',  même  dans  ces 
conditions,  le  fond  ainsi  observé  paraît  plus  noir  que  les 
novaux.  Galilée  avait  tlonc  bien  raison  lorsqu'il  disait  que  le 
noyau  d'une  tache,  vu  dans  les  ténèbres,  nous  éclairerait  plus 
que  les  autres  astn's,  cl  (|u  il  nous  j)roduirait  un  effet  com- 
parable à  celui  d'une  partie  égale  de  la  photosphère.  Nous 
renconti'erons  ])lus  tard  une  confirnuition  éclatante  et  inat- 
tendue de  cette  pensée  du  savant  astronome. 

2"  Le  noyau  d'une  tache  n'est  pas  toujours  également  et 
iniiformément  obscur  dans  toute  son  étendue;  on  y  observe 
souvent  des  parti(>s  Ijeaucoup  plus  noires  qui  ressemblent  à 
des  trous.  Cette  observation  est  due  à  l'astronome  anglais 
Dawes,  qui  a  étudié  ce  phénomène  avec  soin.  L.es/ig.  44 5  47 
et  4^  nous  montrent  ainsi,  dans  l'intérieur  d'un  novau  plus 
large,  des  régions  à  peu  près  rondes  qui  sont  d'un  noir  plus 
foncé  que  les  parties  voisines.  Nous  devons  en  conclure  que 
toute  cette  surface  est  recouverte  de  voiles  et  tic  nuages  de 
différentes  densités. 

3**  Les  noyaux  ne  sont  pas  plus  invarial)les  que  les  pé- 
nombres; les  ch.angements  qu'ils  éprouv(Mit  sont  quelquefois 
très-rapides,  ce  qui  paraît  bien  difficile  à  concilier  avec  l'o- 
pinion qui  les  regarde  comme  des  corps  solides.  L'obser- 
vation attentive  faite  avec  de  puissants  instruments  nous  a 
prouvé  que  toutes  leurs  variations  sont  produites  par  les 
masses  photosphériques  (jui  les  envahissent  de  différentes 
manières  et  par  les  courants  partis  de  la  pénombre  qui  vien- 
nent à  chaque  instant  modifier  leurs  formes  et  leur  aspect. 
Les  taches  circulaires  présentent  généralement  plus  de  calme  : 
elles  conservent  hnirs  formes  pendant  plus  longtemps;  mais 
dans  le  cours  de  leur  durée  elles  subissent  cependant  des 

I.  7 


-98- 

modifications  qui,  pour  (-tre  Ijcaucoiip  plus  lentes,  n'en  sont 
ni  moins  sensibles  ni  moins  évidentes. 

4^  Les  plus  anciens  observateurs  avaient  déjà  remarqué 
que  les  taches  qui  se  forment  assez  vite  disparaissent  en  fort 
peu  de  temps.  Quelques-unes  ont  probablement  une  cause 
toute  superficielle,  tandis  cpie  d'autres  sont  dues  à  des  mou- 
vements provenant  des  profondeurs  du  Soleil.  Ces  dernières 
durent  plus  longtemps,  mais  elles  sont  sujettes  à  de  grandes 
variations,  et  l'on  peut  reconnaître  des  moments  de  recru- 
descence dans  l'action  qui  les  produit.  En  1866,  nous  avons 
observé  plusieurs  taches  qui  ont  fait  jusqu'à  trois  et  quatre 
révolutions,  et  plusieurs  fois,  au  moment  où  elles  étaient  sur 
le  point  de  disparaître,  nous  avons  constaté  cette  recrudes- 
cence de  la  manière  la  plus  évidente.  Presque  toujours  ce 
phénomène  est  accompagné  d'un  changement  de  position. 
Ce  mouvement  a  généralement  lieu  dans  le  sens  de  la  rota- 
tion du  Soleil.  Il  y  a  là  quelque  chose  d'analogue  à  la  posi- 
tion des  taches  par  rapport  aux  queues  qui  les  suivent  ('). 
Cassini  cite  des  taches  qui  ont  subsisté  pendant  quatre  ou 
cinq  révolutions  consécutives,  mais  les  observateurs  n'ont 
pas  remarqué  si  leurs  dimensions  restaient  les  mêmes  et  si 
elles  occupaient  toujours  la  même  position.  Des  mesures  que 
nous  avons  prises,  et  que  nous  reproduirons  plus  tard,  il  ré- 
sulte que  dans  ces  longues  périodes  les  taches  sont  sujettes 
à  de  fréquentes  transformations.  Quelquefois  encore,  nous 
avons  vu,  ainsi  que  d'autres  astronomes,  une  tache  se  former 
à  l'endroit  où  la  précédente  avait  disparu  quelque  temps  au- 
paravant. De  la  Lande  en  a  cité  un  grand  nombre  d'exemples; 
Cassini  a  fait  des  observations  semblables,  et  M.  Carrington 


C)  Voir  §  I,  70,  p.  91. 


-    09  - 

a,  coimwc  nous,  coiiilniié  ces  lails  en  ajoulanl  de  iiomhrciiscs 
observations  à  celles  de  de  la  l^ande  et  de  Cassini. 

5"*  Assez  son\('nl  les  taches  s('iid)lent  se  dixiser.  ([(-[tedi- 
\ision  peni  n'èlre  ([u'appai'enle,  nn  nouveau  no\au  se  lor- 
nianl  jucs  de  1  ancien  et  s'en  séparant  de  plus  en  plus  par  un 
niouveinent  ra|)ide  vers  la  j)artie  antérieure.  Mais  souvent 
aussi  la  di\  ision  est  réelle,  et  alors  ell(^  se  fait  par  ini  méca- 
nisme bien  simple  :  la  matière  lumineuse  se  précipite  des 
bords,  en\ahil  I  intérieur,  forme  des  ponts  et  partage  le 
noyau  en  plusieurs  parties,  (les  pojits  ont  un  éclat  très-Nif 
et  comparable  à  celui  de  la  photosphère,  c(^  qui  prouve  qu'au 
lieu  de  s'enfoncer  dans  les  profondeurs  de  la  partie  obsciu'e 
ils  sont  comme  suspendus  dans  les  hautes  régions  d'où  ils 
semblent  dominer  les  abÙTies  ou  les  masses  sombres  qui  sont 
au-dessous  d'eux.  La  tache  du  25  septembre  {Jig.  4-)) 
montre  une  de  ces  lignes  lumineuses,  qui  la  sépare  en  deux 
parties  :  l'une  est  composée  d'une  foule  de  petits  noyaux, 
l'autre  forme  une  seule  masse  noire  sans  division.  Deux  jours 
après,  cette  ligne  était  plus  grosse,  les  petites  taches  étaient 
dissoutes,  il  y  avait  alors  deux  noyaux.  Quatre  jours  plus 
tard,  le  j)ont  disparut,  les  deux  novaux  se  confondirent, 
et  il  ne  resta  cju'une  tache  simple. 

].a  Jig-.  jo  montre  d'une  manière  assez  claire  le  méca- 
nisme de  la  division  par  l'apparition  des  langues  de  f(>u  qui 
envahissent  le  noyau  de  tous  cotes. 

Les  anciens  attribuaient  ce  phénomène  à  la  lupture  des 
croûtes  solides  qui,  d'après  eux,  formaient  les  taches  :  cette 
théorie  est  inconciliable  avec  la  véritable  structure  de  la 
photosphère  et  celle  des  parties  intérieures  des  taches. 

Dans  ces  derniers  temps,  on  a  voulu  expliqu(M'  le  ])héno- 
mène  dont  nous  parlons  en  le  comparant  avec  ce  (jui  a  lieu 
dans  notre  atmosphère  lorsqu'un  vaste  tourbillon  se  divise 

7* 


-  100  - 

en  plusieurs  autres;  mais  la  comparaison  ne  nous  paraît  pas 
justifiée  par  les  faits.  Les  langues  brillantes  qui  envahissent 
les  taches  et  finissent  par  les  subdiviser  ne  présentent  rien 
clans  leur  développement  qui  ressemble  aux  phases  qu'on  ob- 
serve dans  la  rupture  d'un  tourbillon.  Quelquefois,  d'ailleurs, 
la  division  d'une  tache  n'est  qu'apparente  :  cette  illusion  est 
due  à  la  production  d'une  seconde  tache  qui  se  forme  à  coté 
de  l'ancienne;  elles  se  séparent  quelquefois  de  plus  en  plus; 

FifT.  5o. 


dans  d'autres  circonstances,  elles  se  rapprochent  davantage  et 
finissent  par  se  fondre  en  une  seule  après  avoir  été  séparées 
pendant  quelques  jours. 

La  division  des  novaux  précède  ordinairement  leur  disso- 
lution et  leur  disparition.  De  même,  lorsque  les  taches  sont 
sur  le  point  de  disparaître,  on  voit  souvent  diminuer  leurs 
dimensions  :  les  noyaux  deviennent  de  plus  en  plus  petits; 
bientôt  ils  se  réduisent  à  des  points  et  finissent  par  devenir 
invisibles.  Il  arrive  bien  quelquefois  que  les  tourbillons  qui 
se  forment  dans  un  fluide  se  subdivisent  ou  se  fondent  en- 


-   101  — 

semble;  mais  leurs  subilixisions  uepeiivenl  être  j)r()(luites  par 
(les  lignes  roiclcs  :  elles  résultent  toujours  de  segmentations 
circulaires. 

Nous  venons  de  dire  que  les  taches  disparaissent  souvent 
en  se  rétrécissant  :  c'est  prccisémt'ut  le  contraire  de  ce  qui 
arrive  pour  les  cvclones  qui,  en  s'élargissant,  dimimient  d'in- 
tensité et  fnnssent  par  disparaître  en  se  confondant  avec  la 
niasse  d'air  tianquille  cpii  les  entoure.  Il  est  donc  impos- 
sible d'établir  une  comparaison  entre  ces  deux  ordres  de 
phénomènes. 


^  HT.  —  Voiles  roses  à  l intérieur  des  taches. 

Outre  la  division  proprement  dite,  due  à  des  j)onts  dont  la 
matière  possède  un  éclat  comparable  à  celui  de  la  photo- 
sphère, il  se  présente  souvent  un  autre  phénomène  que  nous 
avons  eu  l'occasion  de  remarquer  déjà,  et  qui  demande  une 
étude  spéciale.  Nous  voulons  parler  des  voiles  très-minces, 
de  couleur  rose,  cju'on  voit  souvent  dans  l'intérieur  des 
taches,  et  dont  nous  avons  un  exemple  dans  \a  Jig.  5i. 
Ilerschel  avait  déjà  constaté  l'existence  de  ces  voiles,  il  les 
regardait  même  comme  constituant  la  pénoml.>re;  il  est  pro- 
bable en  effet  qu'ils  sont  constamment  mêlés  aux  courants  et 
aux  feuilles.  Plus  tard,  Dawes  a])erçut  ce  phénomène  d'une 
manière  beaucoup  plus  nette  en  mettant  à  l'oculaire  de  sa 
hmettc  un  diaphragme  percé  d'un  très-p<'tit  trou;  il  \it,  <'n 
observant  de  grandes  taches,  que  dans  le  no\au  il  v  a  des 
parties  plus  noires,  d'autres  moins  obscures,  d'autres  qui 
sont  recouvertes  de  voiles  très-minces.  Nous-mêmes,  nous 
avons  vérifié  plus  d'une  fois  l'exactitude  des  observations  de 
Dawes;  mais  surtout  nous  avons  •  onstaté  que  les  voiles  sont, 


—  102  — 

non  pas  toujours,  mais  bien  souvent  colorés  en  rouge.  Ils  sont 
du  reste  assez  fréquents,  et  si  les  observateurs  qui  nous  ont 
précédé  ne  les  ont  pas  remarqués,  cela  tient  aux  verres  co- 
lorés qu'ils  employaient,  et  qui  masquaient  complètement  la 
couleur  des  objets;  mais,  avec  un  hélioscope  polariseur,  nous 
avons  presque  toujours  pu  constater  leur  existence  dans  les 
grandes  taclies,  surtout  dans  leur  période  de  formation.  On  a 
objecté  aussi  que  cette  coloration  pourrait  être  due  à  un  dé- 

Fi<T.  3t. 


faut  d'achromatisme.  Cette  confusion,  possible  peut-être 
pour  les  anciens  astronomes,  est  absolument  impossible  pour 
nous  ;  les  nuages  rouges  que  nous  observons  présentent  des 
formes  si  nettement  tranchées,  si  différentes  des  colorations 
vagues  que  produit  l'aberration  de  réfrangibilité,  qu'il  suffit 
de  les  avoir  observées  pour  être  fixé  à  cet  égard,  et  le  fond 
noir  du  noyau  sur  lequel  ils  se  projettent  contribue  singu- 
lièrement à  rendre  toute  confusion  impossible. 

L'orio^ine  de  ces  voiles  rouges  et  la  manière  dont  ils  se  déve- 
loppent  montrent  encore  avec  évidence  qu'ils  existent  réelle- 


-  103  - 

nuMit  et  fjuo  nous  no  sommes  pas  trompés  par  niic  illu- 
sion tr()pti([U('.  Au  mois  (le  février  18GG,  apparut  une  tache 
énorme  (pie  nous  a\ons  suivie  avec  beaucoup  de  soin.  Un 
trouble  considéraljle  s(^  manifesta  {ral)or(l  dans  une  vaste 
région,  occupant  en  loiiuitude  les  t^  ,  c'est-à-dire  un  j)eu 
moins  du  quart  du  diamètre  solaire  •  aussi  le  phénomène 
élait-il  xisibleà  \iv[\  nu.  On  aurait  dit  une  immcMise  crevasse 
j)résentant  les  formes  les  plus  bizarres,  parmi  lesquelles  sem- 


blait  donnner  une  courbe  en  forme  de  S.  Au  milieu  de  ce 
chaos,  nous  remarquâmes  mie  région  dans  laquelle  appa- 
raissaient de  grandes  niasses  de  voiles  roug(\s,  comme  le  re- 
présente \^Jlg-  5i . 

La  partie  la  plusremarqual)le  était  un  pont  en  forme  d'aiv 
ou  de  fer  à  clie\al,  formé  d'une  inalière  extrêmement  bril- 
lante, et  à  l'intérieur  une  espèce  de  promontoire  lumineux 
semblable  à  une  facule. 

Le  lendemain  i-j  [fig.  S?.),  nous  trouvâmes  l'arc  brisé;  le 
tronçon  était  terminé  en  pointe  mince  et  effilée;  la  partie  dis- 


-   104  - 

parue  était  remplacée  par  un  voile  rouge;  d'autres  voiles, 
rouges  et  blancs,  coua  raient  le  reste  de  la  tache.  De  l'autre 
coté  du  noyau,  le  grand  courant  qui  existait  la  veille  avait 
presque  complètement  disparu  :  il  était  remplacé  par  une 
traînée  rouge.  Nous  avions  à  peine  fini  le  dessin,  que  le 
crochet  qui  se  trouve  à  gauche  s'était  évanoui;  la  base  seule 


était  encore  visible,  et  le  reste  était  remplacé  par  un  voile  de 
teinte  rose. 

Une  question  se  présentait  alors  d'elle-même.  Y  a-t-il  dans 
ces  phénomènes  une  transformation  réelle  d'arcs  brillants  en 

Fiîj.  54. 


voiles  rouges,  ou  bien  faut-il  y  voir  une  superposition  pure- 
ment accidentelle?  Pour  résoudre  cette  importante  question, 
nous  avons  pendant  longtemps,  et  avec  beaucoup  de  soin, 
surveillé  et  étudié  les  taches,  et  nous  avons  pu  nous  assurer 
que  les  courants  lumineux  se  transforment  quelquefois  en 
voiles  roses. 

Le  23  janvier   18GG,  nous  examinions  une  tache  en  forme 


—   tOo  — 

(.le  X  ;  deux  jets  tic  l;inj;iu's  JjrilUiiilcs  s'elaiiraiciit  de  j)art  <  l 
d'autre,  et  paraissaient  devoir  la  diviser  par  un  pont. 

\Ai/ig.  53  représente  ruiu'  de  ces  gerbes  de  flammes  vue  à 
ioVi5"\  Cinquante  niimitcs  plus  tard,  les  langues  de  feu  s'é- 
taient effilées  à  leur  extrémité;  elles  présentaient  la  forme 
indiquée  danslay?^.  5/|. 

Fi;:.  :.5. 


Au  bout  de  dix  minutes,  en  remettant  l'œil  à  la  lunette,  on 
les  vit  transformées  en  voiles  {Jig.  55; .  Enfin  les  voiles  se  dis- 
sipèrent, et  à  1^45™  il  ne  restait  qu'une  gerbe  de  flammes  plus 
courtes  qu'au  commencement  {Jig.  5G). 


Fig.  5G. 


On  ne  saurait  donc  doute  r  de  la  réalité  de  cette  transfor- 
mation. Un  phénomène  de  cette  nature  ne  peut  s'expliquer 
par  de  prétendues  illusions  que  produiraient  les  hélioscopes, 
car  nous  devons  ces  découvertes  aux  hélioscopes  polariseurs 
([ui  ne  sauraient  colorer  une  partie  du  champ  sans  le  co- 
lorer tout  entier.  De  plus,  il  faudrait  être  bien  mauvais 
observateur  pour  confondre,  comme  on  a  prétendu  que 
nous  le  faisions,  les  couleurs  que  présentent  les  voiles  avec 


-  106  — 

les  apparences  qui  résulteraient  d'un  défaut  d'achromatisme 
dans  la  lunette. 

Terminons  en  citant  une  dernière  observation.  Le  23  sep- 
t(Mnl)re  1866,  le  Soleil,  se  trouvant  dans  une  période  de  tran- 
([uillité,  présentait  une  des  plus  belles  taches  nucléaires 
(pie  nous  ayons  jamais  vues.  Son  noyau,  vu  avec  un  faible 
grossissement,  ressemblait  à  un  ovale,  ou  plutôt  à  un  losange 
dont  les  angles  seraient  émoussés   J^aJ/g.  5 7  la  représente  vue 


■dvec  un  grossissement  plus  considérable.  On  y  reconnaît  la 
structure  ravonnée  que  possède  ordinairement  la  pénombre; 
le  milieu  est  tout  rempli  de  voiles  roses  et  blancs,  qui  s'entre- 
croisent dans  toutes  les  directions.  Si  la  coloration  était  due 
à  un  défaut  de  l'appareil,  comment  expliquer  qu'elle  soit 
visible  dans  la  partie  centrale,  où  les  teintes  sont  plus  faibles, 
et  non  dans  les  endroits  où  la  lumière  est  plus  vive  (i)? 


(')  Dans  ce  dessin,   les  voiles  intérieurs  sont  seuls  représentés  avec  précision;  les 
détails  de  la  pénombre  ne  sont  qu'ébauchés. 


—  107  — 

D(']">uis  (•cite  (^|)C)([ii('  nous  ;i\ons  sounciiI  lr(>ii\(''  ces  masses 
ronces  dans  rinlcricnr  des  taclu's,  et  nous  en  axons  constaté 
la  nature  chimique,  pai-  des  piocédrs  ([uc  nous  ferons  con- 
naître plus  tard. 

]Nous  arrivons  donc  à  celte  conséqu<'Uce,  que  dans  les 
taches  du  Soleil  il  y  a  des  amas  de  voiles  roses  (|ui  parais- 
senl  analogues;»  ces  flammes  qu'on  aperçoit  autour  (hi  disque 
de  la  Lune  pendant  les  éclipses  solaires,  et  que  l'on  connait 
sous  le  nom  iX^,  protubérances  rouges.  De  plus,  ces  voiles  nous 
paraiss(Mit  analogues  aux  cirri,  ou  plutôt  à  de  légers  Ijrouil- 
lards,  tandis  (pie  les  grains  penvcnt  être  comparés  à  des  cu- 
muli.  Rien  ne  nons  pronve  qne  ces  cirri  forment  une  couche 
continue  plus  hasse  (jue  les  cumuli ;  nous  voyons  ces  masses 
enlremèlées  les  unes  avec  les  autres,  et  il  est  bien  difficile  d<' 
déterminer  leur  position  relative.  Nous  pouvons  seulement 
affirmer  que  les  pénomljres  ne  sont  pas  exclusi\ement  com- 
posées des  voiles  comme  le  supposait  W.  Ilerscliel,  mais 
qu'elles  contiennent  encore  des  grains  et  des  courants  qui 
paraissent  superposés  aux  voiles. 

Toutes  ces  particularités  se  trouvent  bien  souvent  réunies 
dans  une  seule  et  même  tache.  La//^.  58,  que  nous  avons 
déjà  étudiée  à  d'antres  points  de  vue,  nous  en  montre  un 
échantillon  qui  nous  lait  bien  voir  jusqu'à  quel  point  la  struc- 
ture d'une  tache  peut  être  compliquée.  Dans  cette  observa- 
tion, fiite  le  1 1  avril  1869  à  10  lieures,  le  noyau  principal 
était  traversé  ])ar  un  pont  composé  d'une  doidjle  ligne  de 
langues  dont  l'ensemble  forme  une  courbe  sinueuse;  l'inté- 
rieur de  ce  noyau  est  plein  de  a  oiles,  et  l'on  y  remarque  un 
trou  plus  noir.  Un  peu  plus  bas,  du  coté  gauclie,  on  voit  une 
espèce  de  tourbillon  dont  les  fdets,  de  part  et  d'autre,  se  di- 
rigent vers  la  partie  supérieure  en  suivant  les  lignes  courbes 
(  onvergentes.  Plus  bas  encore,  nous  remarquons  une  cou- 


-  108  - 

roiine  elliptique  dont  la  partie  supérieure  semble  laiieer  de 
nombreux  filets,  tandis  que  la  partie  inférieure  est  remplie  de 
plaques  noires.  A  droite  de  cette  partie  principale  et  très- 
compliquée,  nous  trouvons  deux  autres  régions  qui  parais- 
sent tendre  vers  la  forme  circulaire;  leurs  pénombres  sont 
remplies  de  courants  qui  convergent  vers  le  centre,  et  la 
gi'ande  plaque  qui  se  trouve  plus  bas  présente  un  singulier 

Fifr.  58. 


coinçant  angulaire  qui  revient  siu'  lui-même  en  rebroussant 
chemin  et  qui  parait  suspendu  au-dessus  du  novau.  Tout  le 
contour  de  la  tache  est  bordé  d'une  lumière  assez  vive,  et  de 
facules  faciles  à  saisir.  Le  diamètre  total  est  de  i'  3-",  celui 
des  deux  cavités  principales  est  de  l'^o". 

Rappelons-nous  que  ces  formes  ne  sont  que  transitoires  . 
la  veille  il  n'y  avait  rien  qui  ressemblât  à  notre  dessin; 
le  lendemain  c'était  à  peine  si  Ton  aurait  pu  reconnaître 
quelque  chose  de  ce  qu'on  avait  observé  vingt-quatre  heures 
plus  tôt.  Cela  posé,  des  formes  si  bizarres,  des  variations  sira- 


—  109  - 

|)i(l('s  j)('U\<Mit-('II('s  romciiii'  à  des  scoi'ics  solides  ii;ii;(';iiil  sur 
une  lave  litjuide  et  incandescente?  Ceux  (|in  ont  soutenu  cette 
livpotlièse  n'ont  é\  ideiuineut  j)as  eu  l'occasion  d'ol)ser\er 
inie  tache  seinblaMo  avec  un  l)on  instrument;  une  seide  oh- 
servation  aurait  suffi  pour  les  convaincre. 

Il  est,  au  contraire,  très-facile  de  tout  ex|)Ii(|uer,  et  surtout 
la  suspension  apparente  des  ponts  dont  nous  avons  parlé 
préccdennnent,  si  Ton  admet  que  le  Soleil  est  composé  d'une 
masse  possédant  une  fluidité  analogue  à  celle  des  gaz,  des  va- 
peurs ou  des  images.  H  ne  faut  pas  même  admettre,  avec 
W.  Ilerscliel,  que  les  voiles  forment  à  la  surface  du  Soleil 
lUîe  couche  continue  qui  s'ouvre  toujours  parallèlement 
aux  novaiix  ;  car  nous  avons  vu  souvent  des  langues  de  feu 
se  projeter  ])ien  au  delà  des  voiles,  lors  même  que  ceux-ci 
forment  le  fond  de  la  pénombre.  Tout  en  regardant  comme 
certaine  l'existence  d(»  deux  espèces  de  nuages,  nous  ne  pou- 
vons donc  pas  admettre  l'existence  de  deux  couches  distinctes 
et  continues. 

Sans  doute  l'exphcation  de  toutes  ces  apparences  n'est  pas 
facile,  <^t  nous  ne  l'aborderons  pas  ici;  les  obsei'vations  spec- 
trales nous  fourniront  des  données  nouvelles,  et  nous  pour- 
rons alors  dire  toute  notre  pensée;  qu'il  nous  suffise,  jioiir  le 
moment,  d'avoir  montré  la  singulière  constitution  de  la  pho- 
tosphère solaire,  et  d'avoir  conclu  de  ses  mouvements  si 
vastes,  si  rapides  et  si  complexes,  qu'aucune  substance  so- 
lide ne  peut  expliquer  les  phénomènes  qui  se  produisent  à  la 
surface  du  Soleil,  et  en  particulier  celui  des  taches. 

§  W .    —   Ce  qui  se  passe  à  l'extérieur  des  tacites  :  facules. 

Les  taches  sont  habituellement  environnées  de  régions  plus 
brillantes  que  \o  reste  de   la   photosphère,   auxquelles    on 


-  MO  — 

donne  le  nom  defaciiles.  En  général  on  fait  peu  d'attention 
à  ce  phénomène  qui  paraît  purement  accessoire  ;  c'est  bien 
à  tort,  car  nous  ne  tarderons  pas  à  voir  combien  il  est  impor- 
tant d'en  tenir  compte  pour  arriver  à  comprendre  la  véritable 
nature  des  taches.  jMalheureusement,  il  est  difficile  d  étudier 
les  facules  avec  quelque  précision,  si  ce  n'est  à  une  petite  dis- 
tance du  bord,  car  au  centre  et  tout  près  du  bord  on  les 
aperçoit  difficilement.  On  peut  cependant  les  suivre  j usqu'au 
centre  du  disque,  en  observant  l'image  du  Soleil  projetée  sur 
un  carton  blanc,  dans  une  chambre  parfaitement  obscure, 
dans  laquelle  ne  pénètrent  que  les  rayons  destinés  à  produire 
l'image. 

Une  tache  est  toujours  environnée  d'une  couronne  plus  ou 
moins  large  de  facules  ;  leurs  formes  et  leur  disposition  va- 
rient beaucoup,  non-seulement  d'un  jour  à  l'autre,  mais  sou- 
^ent  en  quelques  minutes.  Cette  région  est  donc  le  siège  d'une 
agitation  considérable  et  dont  l'étendue  est  beaucoup  plus 
grande  que  celle  de  la  tache  proprement  dite. 

Il  est  difficile  de  donner  quelques  règles  générales  pour  ce 
phénomène  bizaiTe  et  capricieux.  Il  faut  distinguer  entre  les 
taches  irrégulières  et  les  taches  cratériformes.  Dans  celles-ci, 
les  facules  se  détachent  du  contour  de  la  pénombre  comme 
des  ramifications  ayant  le  noyau  pour  centre,  et  elles  s'é- 
panouissent dans  une  région  trois  ou  quatre  fois  plus  gi^ande 
t[ue  la  tache  elle-même.  Elles  forment  une  espèce  d'anneau 
Ijrillant  autour  des  taches  circulaires  qui  sont  parvenues  à  la 
période  de  tranquillité.  Quelques-unes  d'entre  elles,  plus 
brillantes  que  les  autres,  sont  isolées  et  percées  d'un  trou 
noir  en  leur  milieu,  trou  qui  se  développe  souvent  de  ma- 
nière à  produire  une  véritable  tache.  Autour  des  taches  irré- 
gulières, elles  sont  distribuées  au  hasard;  on  les  voit  même 
flotter  dans  les  no  vaux,   comme  des  nuages  floconneux  ou 


-  m  - 

cominc  (l«'s   rraij,in(')its   de    inalirrc    |)Iiotospli('ii(|ii('    l)iill;»iit 
(lim  \\\  éclat. 

J.cs  raniifit  atioïis  foriiiécs  par  les  faculcs  ne  se  distingiiciif 
bien  iietlcmeiit  qu'à  l'époque  où  le  cratère  (ju'elles  euNirou- 
nont  se  trouve  daus  la  j)osition  la  plus  favorable,  c'est-à-dire 
à  une  distance  convenable  du  bord.  C'est  ce  que  nous  vovons 
dans  \Ajig.  Sq,  représentant  une  de  cestacbes  rondes  observée 
par  ]M.  Taccbini,  le  3  décembre  i8Gj.  Elle  est  entourée  d'une 

rii;.  59. 


belle  facule  de  laquelle  ravonnent  des  ramifications  ciu'vi- 
lignes  (|ui  se  divisent  en  brandies  trés-irrégulières.  Lorsque, 
le  lendemain,  le  cratère  fut  arrivé  plus  près  du  bord,  on  re- 
marqua une  proéminence  sur  le  contour  lui-même,  à  l'endroit 
oii  il  était  traversé  par  la  facule  [fig.  (Jo  .  Le  29  juin  18GG, 
lions  asoiis  fiit  une  observation  semblable,  et  M.  Taccliini 
en  a  dessiné  un  grand  nombre  d'autres.  Dans  un  de  nos  des- 
sins, exécuté  le  i4  mars  18GG,  deux  brandies,  plus  brillantes 
que  les  autres,  renfermaient  entre  elles  un  espace  plus  sombre 
j^résentant  presque  les  rudiments  d'un  second  cratère. 

Il  nCst  ])as  rare  de  voir  des  facules  très-vives,  isolées  de 
toute  taclie,    produire   sur  le   bord  du  disque  une  j^roémi- 


-   112  — 

ncnce   seiisil)le  ;   souvent    alors    le  spectroscope  fait   savoir 
qu'il  y  a  une  éruption  en  ce  point. 

Nous  venons  de  dire  que  les  facvdes  sont  plus  facilement 
\isil)les  près  du  bord  que  vers  le  centre  du  disque;  pour  ex- 
])liquer  ce  phénomène,  on  peut  admettre  deux  hypothèses  . 
I  °  que  la  facule  est  en  réalité  plus  élevée  que  le  reste  de  la 
photosphère,  ou  bien  i^  supposer  que  c'est  une  illusion  pro- 
duite par  un  éclat  plus  considérable  de  sa  matière  lumineuse. 
La  première   explication  est  plus    simple,  et  elle  s'accorde 

Fiff.  60. 


parfaitement  avec  les  observations  spectrales.  Dans  ce  cas,  il 
n'est  pas  nécessaire  de  supposer  que  la  région  des  facules  est 
])lus  lumineuse  que  les  autres  points  de  la  photosphère  ;  on 
comprend  facilement  comment  le  relief  des  facules  peut  les 
faire  paraître  plus  brillantes^  car,  en  s'élevant  au-dessus  du 
niveau  général,  elles  diminuent  l'épaisseur  de  l'atmosphère 
absorbante  qui  les  recouvre,  et  parviennent  ainsi  à  lancer 
dans  l'espace  une  quantité  de  lumière  plus  considérable.  Il 
n'est  pas  nécessaire  qu'elles  s'élèvent  beaucoup  au-dessus  du 
niveau  général  pour  se  trouver  au-dessus  de  la  couche  absor- 
bante, car  nous  verrons  bientôt  que  cette  couche  est  assez 
mince.  Cette  explication  ne  peut  cependant  pas  s'appliquer 
à  tous  les  cas;  il  est  des  circonstances  où  l'on  doit  admettre 
qu'il  y  a  réellement  une  plus  grande  intensité  lumineuse  ;  nous 


-  113  - 

(Il  Ncrroiis  la  prciixc  l()rs(|iM'  hdiis  pailci'oiis  «les  <l(''t"OUN<'rl('S 
(lues  au  sjx'i'trostoj»'. 

Les  laciilcs  soiil  iiilinicmciit  li(MS  avec  les  laclics.  I.ors- 
(InCIlcs  sont  Isolées.  (Iles  fiiiissciit  soiivciil  par  >(■  percer  en 
leiii'  centre  d  ini  poic  noii'.  I.lles  j)i-ece(lenl  lial)iliiellein('nt 
la  lormatioii  des  tailx's,  et  alois  elles  sont  ('XtrèiiK'inonl  bril- 
lantes; souNcnt  aussi  elles  restent  pendant  quelque  temps  sur 
remplacement  d'une  tache  disj)arne. 

l'.lles  sont  quelquefois  disposé<'s  de  manière  à  former  de 
véritables  queues  à  la  suite  des  taches.  ]\1 .  de  la  Hue  a  exa- 
miné i  i'5'j  taciies  photographiées  à  l'Observatoire  de  Ke\\  : 
584  présentaient  ces  facules  à  gauche,  c'est-à-dire  tlans  la 
partie  postérieure;  5o8  avaient  une  disposition  régulière  et 
svmétrique;  4J  seulement  avaient  ime  espèce  de  queue  à 
droite,  c'est-à-dire  dans  la  partie  antérieure. 

Cette  disposition  est  une  conséquence  de  la  position  qu'oc- 
cupent, jiar  rappcjrt  aux  taches,  les  queues  proprement  dites 
dont  nous  avons  parlé  précédemment;  les  facules  se  trouvent 
plus  abondamment  répandues  dans  la  région  la  plus  boule- 
\er.sée,  ce  qui  confirme  l'opinion  qu'elles  correspondent  aux 
j)arties  saillantes  de  la  photosphère,  car  là  où  l'agitation  est 
si  considérable  il  doit  v  axoir  de  grandes  différences  de  ni- 
veau. 

On  N  oit  quelquefois  des  facules  disposées  en  forme  de  cou- 
ronne circulaire,  environnées  de  ramifications  divergentes, 
absolument  comme  celles  dont  nous  a\ons  donné  le  dessin 
d'après  M.  Tacchini,  sans  cependant  (pi  il  v  ait  aucime  tache 
à  l'intérieur.  Cela  prouve  tpie  la  masse  noire  qui  constitue 
le  noyau  n'est  qu'accidentelle;  l(  s  cratères  peuvent  se  déve- 
lopper sans  avoir  à  leur  intérieur  cette  masse  noire  qu'on  re- 
marque davantage.  Nous  devons  dire  que  cette  jiarticularité 
se  présente  rarement. 

I.  8 


—  114  — 

Les  faoules  ne  l^rillcnt  pas  criin  éclat  uniforme  tout  autour 
des  taches;  dans  la  partie  antérieure  elles  sont  plus  petites, 
mais  plus  vives;  dans  la  partie  postérieure,  elles  sont  plus 
nombreuses,  plus  étendues,  mais  moins  brillantes.  Elles  sont 
quelquefois  indépendantes  des  taches,  et  alors  leurs  dimen- 
sions peuvent  devenir  très-considérables;  nous  en  avons  vu 
qui  s'étendaient  comme  une  vague  lumineuse  sur  la  moitié 
du  disque,  mais  en  général  elles  sont  beaucoup  plus  petites. 
Leurs  formes  sont  très-variables  et  jamais  il  ne  nous  est  arrivé 
de  les  retrouver  au  bout  de  vingt-quatre  heures  identiques  à 
elles-mêmes. 

Les  zones  occupées  par  les  facules  sont  plus  étendues  que 
celles  où  l'on  observe  les  taches  ;  on  en  rencontre  quelquefois 
jusque  près  des  pôles,  mais  en  général  elles  ne  vont  pas  au 
delà  de  Go  degrés,  et  c'est  dans  la  zone  des  taclies  qu'elles 
sont  plus  nombreuses.  Aux  époques  de  grande  agitation, 
on  remarque  près  des  pôles  des  calottes  plus  obscures, 
bordées  de  granulations  plus  vives  qui  tracent  quelque  chose 
d'analogue  à  des  zones  polaires;  ces  granulations  sont  de  vé- 
ritables facules,  mais  assez  faibles.  Elles  sont  quelquefois 
nettes  et  bien  tranchées;  mais,  dans  les  époques  de  calme,  il  ne 
reste  que  des  groupes  isolés,  peu  lumineux,  difficiles  à  dis- 
tinguer. 

Avant  de  formuler  une  hvpothèse  définitive  })our  relier  et 
expliquer  les  faits  que  nous  venons  d'exposer,  nous  allons  sus- 
pendre un  instant  l'examen  des  phénomènes  physiques  que 
présentent  les  taches  pour  étudier  leurs  mouvements.  Avant 
de  commencer  cette  nouvelle  étude,  nous  allons  résumer 
dans  un  dernier  paragraphe  ce  que  nous  venons  de  discuter 
assez  longuement. 


-  iVi  - 

§  y.    —    Conclusions  relatives  à  Ici  structure  des  taches. 

J>('S  J)Ih'ih»iii('I1cs  ([iH'  nous  Nciioiis  (I  ctiidicr  eu  détail  nous 
conduiscnl  aux  conclusions  suivantes  : 

i"  Les  tailles  sont  le  résultat  de  i^rands  IjoulcNcrsenients 
qui  s'accomplissent  dans  la  niasse  dont  le  Soleil  se  compose. 
De  ces  bouleversements  il  résulte  |)our  la  surface  extérieure 
(le  grantles  dillérences  de  niveau,  des  soulèvements  et  des 
dépressions;  ces  dépressions  forment  dans  la  ])liotosplière  des 
cavités  plus  ou  moins  régulières  environnées  d'ini  bourrelet 
vif  et  saillant.  La  profondeur  de  ces  cavités  n Cst  j)as  tres- 
considérahle  .  les  mesures  de  Wilson  et  les  nôtres  montrent 
f[u'elle  est  a  j)eine  égale  au  tiers  du  ravon  terrestre,  c'est-à- 
dire  212G  kilomètres;  en  tous  cas,  elle  ne  dépasse  jamais  un 
ravon  terrestre,  c'est-à-dire  63 7 y  kilomètres.  Quelle  que  soit 
l'incertitude  de  ces  résultats  numériques,  si  nous  avons  égard 
aux  dimensions  du  globe  solaire,  nousde\ons  dire  que  ce  sont 
des  pliénomènes  purement  siq)erficiels. 

2°  Ces  cavités  ne  sont  pas  vides;  la  résistance  qu'elles  oj)- 
posent  à  la  marclie  des  courants  lumineux  prouve  qu'elles 
sont  remplies  de  vapeurs  plus  ou  moins  transparentes,  et 
nous  l'cncontrerons  encore  d'autres  preuves  de  cette  vérité. 
On  regartlait  autrefois  la  profondeur  des  taclies  comme  mesu- 
rant l'épaisseur  de  la  couclie  pliotosj)bérique  au-dessous  de 
laquelle  on  plaçait  un  novau  obscur.  Il  est  im[)ossible  mainte- 
nant de  soutenir  cette  opinion  :  la  jirfjfondeur  des  taclies  me- 
sure simplement  l'épaisseur  de  la  couche  absorbante  c[ui  ar- 
l'ète  les  ravons  de  la  photosphère  située  au-dessous.  Rien  ne 
prouve,  en  effet,  que  la  couche  lumineuse  soit  si  mince  et 
qu'elle  soit  complètement  déchirée  là  où  se  trouve  mie 
tache.  L'existence  d'un  novau  solide  et  obscur  au  centre  du 

8. 


-  116  - 

Soleil  n'est  qu'une  hypothèse  ;  aucun  fait  positif,  aucune  ob- 
servation directe  n'en  prouve  l'existence.  On  est  porté  à  faire 
celte  hypothèse  parce  que,  involontairement  et  sans  s'en 
rendre  compte,  on  assimile  le  Soleil  à  notre  globe  terrestre, 
où  nous  voyons  une  masse  solide  environnée  d'une  atmo- 
sphère gazeuse;  mais  cette  assimilation  est  loin  d'être  légi- 
time :  elle  ne  justifie  nullement  l'hypothèse  absolument  gra- 
tuite du  noyau  solaire.  Nous  l'avons  déjà  dit,  les  apparences 
que  présentent  les  taches  peuvent  s'expliquer  par  la  simple 
interposition  d'une  masse  vaporeuse  entre  la  photosphère  et 
l'observateur.  La  couche  lumineuse  peut  donc  exister  au- 
dessous  des  taches,  et  il  nous  est  impossible  de  dire  jusqu'à 
(juelle  profondeur  elle  s'étend. 

3"  Lorsque  nous  parlons  de  cavités  dans  la  photosphère, 
nous  voulons  dire  qu'il  v  a  mie  dépression  dans  la  surface 
éclairante,  d'où  d  iTsulte  une  sorte  de  cratère  rempli  de  va- 
peurs sombres  qui  s'enfoncent  plus  ou  moins  dans  la  masse 
lumineuse,  et  arrêtent,  par  leur  pouvoir  absorbant,  les  rayons 
émis  par  les  couches  inférieures.  Les  grains  et  les  courants 
qui  composent  la  pénombre,  les  ponts  qui  traversent  les 
taches,  sont  des  masses  de  matière  pliotosphérique  dont  les 
unes  plongent  en  partie  dans  la  matière  obscure  des  novaux 
pour  s'v  dissoudre,  les  autres  flottent  suspendues  à  des  hau- 
teurs plus  considérables.  On  comprend  maintenant  comment 
Ilerschel  a  pu  être  conduit  à  formuler  sa  théorie  :  observa- 
teur très-attentif,  il  avait  aperçu  que  c'était  la  masse  bril- 
laate  qui  envahissait  la  région  obscure;  de  là  il  fut  conduit  à 
admettre  que  le  Soleil  est  composé  d'un  novau  central  obscur 
recouvert  d'enveloppes  brillantes  dont  les  solutions  de  con- 
tinuité formeraient  les  taches  en  laissant  voir  la  masse  ob- 
scure qui  est  au-dessous  d'elles.  Cette  théorie  n'est  pas  ab- 
solument fausse  ;  l'erreur  consiste  à  supposer  que  la  couche 


—  Il"  — 

noire  enveloppe  roinplélenieiit  le  Soleil,  lln'v  a,  au  contraire, 
(|u'un  p«'tit  nonihro  de  Iragnients  détaelics  et  isolés  de  nia- 
linc  ohseure,  j)longés  dans  les  cavités  de  la  photosphèi'e,  (pii 
cliei'c  lie  à  les  en\aliii"  et  ii  les  r<'c<)UMir  complètement,  (les 
masses  non  éclairantes  (|ni  lo]"ni<'nt  les  noNaux  des  taches 
pourraient  être  appelées  des  nuages  si  l'on  ne  craignait  pas  de 
faire  naître  des  écpiivorpies  et  de  susciter  des  malentendus  en 
confondant  la  théorie  (jue  nous  venons  d'exposer  avec  celle 
des  anciens  astronomes.  Ceux-ci  rci^ardaient  les  taches  comme 
des  nuages  suspendus  au-dessus  de  la  j)liotosphère,  ce  qui  est 
incompatihle  avec  les  découvertes  de  Wilson  et  avec  tous  les 
ti'avaux  des  astronomes  contemporains.  Evitons  donc  ce  mot, 
ou  bien,  si  nous  l'emplovons  quelquefois,  rappelons-nous  le 
sens  précis  qu'il  ftiut  y  attacher. 

4*^  Les  faits  ([ue  nous  avons  exposés  jusqu'à  présent  ne 
nous  éclairent  pas  beaucoup  sur  l'origine  de  ces  masses  ob- 
scures; mais,  en  attendant  c[uc  des  observations  d'un  antre 
genre  nous  permettent  d'aller  plus  loin,  nous  pouvons  af- 
firmer dès  maintenant  qu'elles  doivent  être  le  résultat  de 
crises  violentes  qui  ont  lieu  dans  l'intérieur  du  globe  solaire. 
Ces  crises  s'étendent  à  ime  grande  distance.  Quelquefois 
elles  sont  soudaines;  d'autres  fois  elles  s'accomplissent  lente- 
ment, leur  action  se  renouvelle  de  temps  en  temps,  et  l'état 
de  trouble,  dont  elles  ne  sont  que  les  manifestations  exté- 
rieures, persévère  pendant  ime  longue  période, 

5°  On  reconnaît,  en  effet,  dans  ini  grand  nondjre  de  cir- 
constances, un  mouvement  incontestable  allant  do  l'intérieur 
à  l'extérieur,  mouvement  (|ui  se  manifeste  par  le  soulèvement 
et  p<u'  la  projection  de  la  matière  lumineuse  sous  forme  de 
facule.  En  général,  si  l'on  étudie  avec  soin  le  mouvement  des 
masses  lumineuses  qui  se  trouvent  dans  les  taches,  on  trou\  e 
(ju  il  est  comparable  à  celui  d'une  matière  vaporeuse  sus- 


-  H8  - 

pendue  dans  un  milieu  transparent.  Les  courants  et  les  grains 
de  la  pliotosplière  sont  aspirés  vers  le  centre  des  taches,  où 
ils  vont  se  dissoudre  et  cesser  d'être  lumineux  ;  ils  ne  sont 
pas  transparents,  comme  on  le  reconnaît  lorsqu'ils  se  croi- 
sent. On  nn^onnait  souvent  ([u'ils  sont  suspendus  à  des  hau- 
teurs différentes  et,  à  leurs  points  d(^  croisement,  les  plus 
élevés  empêchent  de  voir  les  autres. 

Après  cet  exposé,  on  doit  réduire  à  deux  les  hvpothèses 
l'ciatiNes  à  la  constitution  de  la  photosphère  :  i°  on  peut  ad- 
mettre cpi'elle  est  composée  de  flammes  proprement  dites, 
c"est-à-ilire  d'une  matière  gazeuse  incandescente  ;  2°  on  peut 
la  regarder  comme  composée  d'un  brouillard  lumineux,  ou 
d'une  vapeur  condensée,  suspendue  dans  une  atmosphère  ga- 
zeuse et  transparente.  C'est  ainsi  que  sont  suspendus  dans 
tiotre  atmosphère  les  nuages  dus  à  une  condensation  partielle 
(le  la  vapeur  d'eau  ;  seulement  les  nuages  lumineux  de  la 
pliotosplière  sont  composés  d'une  matière  beaucoup  moins 
\  olatile  et  dont  la  température  est  très-élevée. 

Si  nous  imaginons  la  photosphère  ainsi  composée,  son  as- 
pect extérieur  ressemblera,  par  ses  inégalités  et  ses  varia- 
tions, à  celui  que  présenterait  notre  atmosphère  vue  de  la 
Lune.  La  Terre,  entièrement  enveloppée  de  nuages,  offrirait 
à  un  spectateur  placé  en  dehors  d'elle  une  structure  mame- 
lonnée analogue  à  celle  du  Soleil,  et  souvent  on  observe 
([uelque  chose  de  semblable  du  sommet  des  montagnes.  Dans 
beaucoup  de  circonstances,  mais  surtout  pendant  les  orages, 
lorsqu'on  se  trouv(^  à  une  hauteur  considérable,  on  voit, 
comme  dans  le  Soleil,  des  nuages  en  forme  de  ciimulis'dl- 
longer  Ncrlicalement  ou  s'étendre  horizontalement,  suivant  la 
direction  îles  forces  qui  agissent  sur  eux.  Souvent  même  ils 
subissent  une  dissolution  partielle  qui  les  transforme  en  cirri 
ou  voiles  vaporeux,  et  c'est  là  ce  qui  complète  l'analogie. 


-     119  - 

Celte  lliéori(M'xj)liqu<',  sans  (jiril  soit  iiércssairc  do  rccoii- 
lii'  à  (les  vitesses  fal)iileuses,  la  rapidité  a\ec  lafjnelle  s'<'\e(ii- 
Iciit  certains  eliaiijjeiiieiits  de  foi'uies  dans  les  taches.  I,e  dé- 
placement apparent  d  un  nna^^c  pent  s'e\pli(pier  sans  sMj)p()ser 
(pM-  1.1  nialière  (pii  le  coinjJosL'  a  réellement  jjirconi'n  le 
même  espace  (pie  le  contouf  du  nna^e  lui-même  :  il  suffit 
pour  cela  d'un  clian|4enient  de  température  produisant  d'une 
part  la  condensation,  d'autre  part  la  dissolution  de  la  \apeur 
sur  une  surface  tres-étendue.  C'est  ainsi  (pie  par  un  temp>> 
calme  nous  nonous  le  ciel  se  cou\rii'  de  nuages  j)res(pie  in- 
stantanément, ou  l)ien  s'eclaircir  axcc  la  même  i-apidite,  les 
courants  dair  axant  une\itesse  pi'es(pie  nulle  et  incompara- 
hlenient  plus  faible  ([ue  celle  du  mouvement  apparent  des 
nuages.  Un  nuage  peut,  au  contraire,  paraitn^  innnobile  mal- 
gré un  vent  violent  (pii  devrait  l'emportt^r  et  (pii  emj)()rte  réel- 
lement avec  une  grande  rapidité  la  vapeur  d'eau  (pii  le  com- 
pose ;  nous  en  vovons  un  exemple  dans  ce  (piOn  appelle  les 
nuages  parasites  de  nos  montagnes  :  l'air  trav(M'sant  unerc^gion 
trè.s-froide,  sa  vapeur  s"\  condense  pour  se  vaporiser  un  peu 
plus  loin,  de  sorte  cpie  le  même  espace  est  toujours  remj)li 
d'un  brouillard  qui  se  renouvelle  à  mesure  (pi  il  disparait.  De 
même,  de  la  stal)ilité  de  rpiekpies  taches  on  ne  serait  pas  en 
droit  de  conclure  a  linmiobilité  de  la  matière  solaire. 

Les  idées  théoriques  (pie  nous  xcikjiis  (re\pos(M'  s'accor- 
dent parfaitement  avec  les  apparences  (extérieures  et  iivec  les 
phénomènes  observés;  mais  cet  accord  pourrait  paraitiv^  in- 
sulflsant,  et  nous  ne  nouKmis  pas  encore  en  tir(M'  des  conclu- 
sions (pi'on  regarderait  peiit-êlic  comme  j)rématuiTes;  nous 
n'adoplenjus  une  solution  (léfiniti\e  (jti  après  a\oir  expos(* 
les  résultats  des  recherches  spectrales. 

(hielles  (pie  soient  les  idées  (pi'on  adopte  sur  la  constitution 
du  Soleil,   il  semble  nécessaire,  dés  maintenant,  de  regarder 


—  120  — 

la  photosphère  comme  composée  d'un  fluide  élastique  ana- 
logue à  nos  gaz  et  nous  en  trouvons  une  nouvelle  preuve  dans 
les  mouvements  spiraux  qui  donnent  souvent  aux  taches  une 
grande  ressemblance  avec  nos  cyclones.  Ces  tourbillons  sont 
plus  fréquents  dans  la  période  de  formation  ;  les  mouvements 
qui  les  produisent  ne  tardent  pas  à  se  régulariser  pour  donner 
naissance  à  des  courants  qui  convergent  vers  le  centre  du 
novau. 

Tels  sont  les  principaux  faits  que  nous  révèle  la  simple 
étude  optique  du  Soleil.  Ces  observations  ne  nous  disent'rien 
sur  l'origine  des  phénomènes  que  nous  avons  exposés,  de 
sorte  que  l'imagination  trouve  absolument  libre  le  vaste 
champ  des  hypothèses;  aussi  devons-nous  attendre  de  nou- 
velles informations  qui  nous  seront  fournies  par  le  spectro- 
scope,  pour  ne  pas  nous  exposer  à  faire  fausse  route.  Pour  le 
moment,  lorsque  nous  examinons  une  tache  parvenue  à  sa 
période  de  tranquillité,  tout  ce  que  nous  pouvons  dire  avec 
certitude  se  résume  en  quelques  mots  :  le  noyau  est  composé 
d'une  masse  obscure  environnée  d'une  matière  photosplié- 
rique  à  l'état  gazeux  qui  cherche  à  l'envahir  et  à  la  recouvrir. 
Cette  masse  noire  est-elle  solide  ou  gazeuse? 

Pour  nous,  la  question  est  tranchée  dans  le  dernier  sens; 
cependant,  respectant  des  opinions  différentes,  nous  atten- 
drons encore  de  nouvelles  recherches  pour  persuader  nos 
adversaires. 


-  121  - 


Cil  APURE  y. 


MOUVEMENTS   f.ENERAlX    DES   TACHES.    —    ROTATION    D  f   SOLEIL. 


§  I.  —  Importance  et  difficultés  de  la  question. 

A  la  lin  (lu  ('.ha|)iln'  piiH-cdciit,  nous  avons  indiqué  plu- 
sieurs questions  ([u  il  est  impossible  île  résoudre  sans  savoir 
si  les  taches  sont  fixes  sur  le  corps  solaire  ou  si  elles  pos- 
sèdent un  mouvement  propre  de  translation.  Il  est  facile  de 
reconnaître  qu'elles  ne  sont  pas  absolument  fixes,  à  en  juger 
par  leurs  transformations  et  par  la  manière  dont  elles  se  .sub- 
divisent en  plusieurs  parties;  mais  il  s'agit  de  .savoir  si,  outre 
ces  mouvements  accidentels,  il  n'y  aurait  pas  ini  mouvement 
d'ensemble,  les  entraînant  toutes  dans  une  direction  con- 
stante. Cette  translation,  si  elle  existe,  se  combine  avec  la  ro- 
tation du  .Soleil,  et,  comme  cette  rotation  ne  peut  elle-même 
être  étudiée  que  par  le  mouvement  des  taches,  on  comprend 
que  la  question  qui  nous  occupe  présente  ime  difficulté  toute 
particulière. 

I>es  premiers  observateurs  constatèrent  des  inégalités  dans 
le  mouvement  des  taches ,  car  ils  reconnurent  bien  vite 
qu'elles  ne  mettent  pas  toutes  le  même  temps  à  décrire  une 
révolution  entiêic.  Scheiner  trouva  <pie  la  durée  de  cette  ré- 
volution variait  tic  vini;t-cin({  à  vingt-sept  et  même  vingt-huit 
jours,  (lalilée,  persuadé  que  les  observations  de  Scheini-r 
étaient  mal  faites,  voulut  les  reprendre  et  déterminer  d'une 
manière  précise    le    temps    qu'emploie    le   Soleil    à   tourner 


* ^yy  

autour  de  son  axe;  mais  il  ne  réussit  pas  mieux  lui-même;  il 
lixa  cette  durée  à  un  mois  lunaire,  ce  qui  est  une  évaluation 
bien  grossière,  et,  de  plus,  il  ne  reconnut  pas  l'inclinaison  de 
l'équateur  solaire  sur  l'écliptique. 

Pour  éliminer  Tinfluence  du  mouvement  propre,  on  ne 
[M'ut  emplover  qu'un  seul  moyen,  qui  consiste  à  déterminer 
la  durée  de  rotation  solaire  en  prenant  la  moyenne  des  durées 
de  rotation  d'un  très-grand  nombre  de  taches.  Si  l'on  n'em- 
ploie qu'une  seule  observation,  on  commettra  évidemment 
ime  erreur  égale  au  mouvement  propre^  lui-même;  si  l'on  em- 
ploie un  tiès-petit  nombre  d'observations,  il  n'y  a  pas  cer- 
titude ni  même  grande  probabilité  de  faire  disparaître  les  er- 
reurs; elles  ne  se  compenseront  suffisamment  les  unes  les 
autres  que  dans  une  grande  série.  jMème  en  employant  cette 
méthode,  on  ne  connaîtra  que  la  rotation  moyenne  de  la  sur- 
face, et  non  celle  de  la  masse  intérieure;  si  par  hasard  il  y  a 
un(^  différence,  il  nous  sera  impossible  de  le  reconnaître  par 
la  seule  obser^  ation  des  taches  ;  il  faudi'a  pour  cela  recourir 
à  d'autres  procédés. 

Au  siècle  dernier,  les  géomètres  se  sont  beaucoup  occupés 
de  déterminer  la  rotation  solaire  d'après  trois  observations 
il'une  même  tache;  mais  leurs  solutions,  élégantes  et  ingé- 
nieuses au  point  de  vue  géométrique,  n'ont  pu  être  d'aucune 
utilité  pour  résoudre  une  question  aussi  complexe.  C'est  ce 
qui  a  fait  dire  à  Delambre  que  ce  problème  est  plus  curieux 
qu'utile,  et  qu'un  astronome  doit  s'en  occuper  tout  au  plus 
une  fois  dans  sa  vie,  afin  de  voir  si  cette  rotation  demeure 
constante  [Astronomie,  t.  III,  p.  59).  Heureusement  son 
conseil  n'a  pas  été  suivi  ;  dans  ces  derniers  temps,  des  sa- 
vants habiles  ont  repris  le  problème  d'une  manière  plus  ra- 
tionnelle, et  ils  sont  arrivés  à  un  résultat  satisfaisant. 

Une  des  difficultés  les  plus  sérieuses  résulte  des  change- 


-  123  - 

mcnfs  (le  loi-mc  (|iré|)roii\('iit  1rs  taclios;  Kmh-  rontoiii-  \;i- 
ri;m(  d'im  jour  à  r.uifi'c.  nu  n'est  jamais  sur  de  \  iscr  l(Hi)()iii's 
le  mrmc  point  dans  les  ()l)scr\ ations  siicressivos.  (  )n  (''\ito  en 
i;rantl('  partie  cet  nieoiiNenient  en  étudiant  de  prefei'eneo 
des  ta(  lies  rondes,  ro^uli«''ros  et  cratérifornics  ;  l'expéiàeneo 
|)roiivo  (juollos  \ariont  peu  et  ([u'olles  font  souvent  j)lusiours 
révolutions  su<("Ossi\('s.  (lepc^ndant,  mémo  avec  eetto  pré- 
caution, il  \  a  toujoui's  (|uel(iues  doutes  sur  ce  point,  et  les 
résultats  sont  toujours  tivs-diseordants. 

l'onr  se  faire  une  idée  de  la  précision  ([u  il  consiendrait 
d'apportcM"  dans  ces  ()I)s(>r\ ations,  il  suffit  de  rappeler  tpi  un 
espace  qui,  vu  au  centre  du  disque,  sous-tend  pour  nous  lui 
an<il("  d'une  seconde,  correspond  à  un  angle  liéliocentricpie 
de  V'iy  .  cL  cette  \aleur  s'accroit  à  mesure  c[u'on  s'éloigne 
du  centre,  si  hien  ([u'auprès  du  bord  un  arc  d'une  seconde 
cori*esj)ond  à  '3  degrés  en \ii'on. 


4^  II.   —  Méthodes  d'ohseivation. 

On  peut  ol)ser\ei"  les  taciies,  comme  les  autres  corps  cé- 
lestes, avec  la  lunette  méridienne  ou  bien  avec  l'équatorial, 
en  déterminant  leur  position  par  rapport  ;uix  bords  (\y\ 
disque.  Soient  t  et  /'  les  époques  des  passages  des  deux  bords: 

t  —  i' 
le  passage  Au  eenti"e  aura  lieu  a  I  epotpie  t=  :  soit  6  l'é- 

poipie  du  j)assage  de  la  taclie  :  j'cMi  (h^luis  la  différence  de 
son  asc<Mision  droite  (pu  est  Aa  =  i  ")  t  —  5)  (H)s  o,  u  étant 
la  déclinaison  du  .Soleil.  Ou  détermine  ensuite  a\<'c  un 
cercle  \ertical  ou  avec  m»  é([uatorial  la  tlistance  polaire  des 
bords  du  disque  et  de  la  taclie,  et  l'on  en  déduit  la  différence 
de  déclinaison  du   centn^  et    île   la    tache  elle-même.    Celte 


—  124  — 

méthode  est  lons^iie,  mais  il  est  quelquefois  indispensable  de 
l'employer. 

En  pratique,  la  meilleure  méthode  consiste  à  mesurer  di- 
rectement la  distance  de  la  tache  au  bord  du  disque,  et,  en 
second  lieu  ,  l'angle  de  position  ,  c'est-à-dire  Fangle  que 
forme  le  ravon  du  disque  passant  par  le  point  observé  avec 
le  cercle  horaire  qui  passe  par  le  centre  du  disque  lui-même. 

Soit  C  le  centre  du  disque  ' fig.  6i  ),  Ci  la  direction  de  la 

Fig.  6i. 


lâche,  NCS  le  cercle  horaire  passant  par  le  centime  du  Soleil  : 
l'angle  de  position  sera  NC/.  Lorsqu'on  connaît  cet  angle  et 
la  distance  C/,  on  peut  calculer  la  longitude  et  la  latitude 
héliographiques  de  la  tache,  c'est-à-dire  fixer  sa  position 
absolue,  comme  on  la  verrait  du  centre  du  Soleil.  Cela  se 
fait  par  des  formules  connues    *  ) . 

Comme  il  est  impossible  de  prendre  exactement  la  direc- 
tion du  centre ,  on  dispose  le  micromètre  de  manière  que 
l'un  de  ses  fils  soit  perpendiculaire,  l'autre  tangent  au  bord  ; 
il  vaut  mieux  que  le  second  fil  empiète  un  peu  sm'  le  disque, 
comme  on  voit  en  rtin-.  on  jugera,  par  l'égalité  des  deux  seg- 


(')  Voir  la  ?>ote  l  à  la  fin  de  ce  volume. 


-  i23  - 

iiu'riK  m  <•(  /i,  (jiic  le  l'ctn  ulr  est  (oiiNriiahlcnicnl  dispose.  On 
<)l)ti(Mil  liiiM  (les  icsiilt.its  ('xc'i'lh'iits  ;  mais  il  laut  ccjinciiir 
(|ii('  (•<'llc  MK'tliodc  est  lahoriciisc,  et  qnCllc  se  |)r("'t('  mal  a 
une  longue  série  (l'ohsei'Nalions.  la  méthode  des  projeelions 
est  préférable,  mais  elle  ii'esl  j).is  >iiflisammeiit  exacte  et  il  est 
nécessaire  tle  faire  les  correetioiis  (jue  nous  asoiis  imlifjiiées 
dans  le  Chapitre  1".  On  peut  les  éviter  en  projetant,  comme 
font  M.  Spurer  et  M.  Ileis,  un  réseau  de  traits  rectangulaires 
placé  au   fo\er  même  de  l'objectif  :  de  cette  manière  les  dé- 

Fig.  6a. 


formations  sont  les  mêmes  pour  l'image  du  Soleil   et  pour 
(elle  tlu  réticule. 

AI.  Carrington  a  employé  une  autre  mcthotle  dans  sa  grande 
série  d'observations.  Dans  le  plan  focal  de  l'objectif,  il  plaça 
(i(^\\yi  fils  d'or,  ou,  mieux,  tleux  fiK  d'araignée  AA.',  BB' 
{ fig.  62  ,  rectangulaires  entre  eux  et  inclinés  de  45  degrés  sur 
le  cercle  horaire;  puis  il  projetait  ce  réticule  sur  un  écran, 
et  observait  les  instants  où  le  l)ord  du  Soleil  et  les  taches 
\enaient  successivement  traverser  les  projections  des  fils.  Ces 
observations  faites,  il  pouvait  calculer  facilement  la  distance 
au  centre  du  disque  et  l'angle  de  position.  Cependant  . 
lorsque  les  taches  sont  prés  du  bord,  cette  méthode  est  dif- 
li(  ile  à  emplover,   et  elle  ne  donne  pas  des  résultats  très- 


—  J26  — 

précis,  car  une  petite  erreur  dans  la  détermination  du  temps 
(Ml  ])roduitune  très-grande  dans  la  position. 

Dans  une  série  d'observations  très-délicates  dont  nous 
parlerons  bientôt,  nous  a\ons  employé  simplement  la  mé- 
tlioch^  micrométrique;  mais  nous  avons  trouvé  que  les  des- 
sins exécutés  sur  les  projections,  lorsqu'on  leur  fait  subir  les 
corrections  convenables,  fournissent  des  données  suffisantes 
pour  les  calculs  ordinaires,  et  Ton  peut  parfaitement  les  em- 
ployer pour  la  plupart  des  recherches  qui  restent  encore  à 
faire. 

Quel  que  soit  le  moven  qu'on  emploie,  il  faudra  toujours 
combiner  un  grand  nombre  d'observations  pour  rendre  les 
résultats  indépendants  des  causes  d'erreur  que  nous  avons 
signalées,  ce  qui  constitue  un  travail  très-considérable. 

Les  séries  d'observations  modernes  les  plus  remarquables 
sont  celles  de  IMjM.  Carrington  et  Spôrer ,  et  celles  qui  ont 
été  faites  à  Rew  sous  la  direction  de  M.  de  la  Rue.  Le  grand 
recueil  deM.  Carrington  porte  le  titre  suivant  :  Observations  of 
the  spots  of  the  Sun,  from  november  9  1 8 53  /o  marcli  24  1 86 1 , 
made  at  Redhill  by  R.  C.  Carrington  F.  R.  S.,  iUustrated  by 
116  plates  (Williams  and  Norgate.  London,  in-4).  Ce  grand 
Ouvrage  renferme  les  résultats  des  observations,  avec  les 
figures  et  les  formules  nécessaires  pour  les  calculs. 

La  série  de  J\L  Spurer  se  continue  encore;  les  Astrono- 
mische  Nachiichten  de  Altona  en  publient  les  résultats  à  mesure 
que  les  réductions  sont  faites  par  l'infatigable  astronome. 
Quant  à  la  grande  série  d'observations  photographiques  de 
Rew,  elle  a  été  étudiée  à  d'autres  points  de  vue  :  mais  on  n'a 
pas  encore  cherché  à  en  déduire  les  lois  de  la  rotation  so- 
laire. De  1 858  jusqu'à  l'époque  actuelle,  nous  avons  dessiné 
un  grand  nombre  de  taches;  ces  dessins,  sans  prétendre  à 
la  précision  que  possèdent  les  photographies,   peuvent  ce- 


-   127   - 

pciulaiit  fournir  «rexccllciils  icsiillats,  et  nous  puisoroiis 
souvent  ilans  notre  coUeelion. 

Notre  j)ensée  n'est  pas  de  rejeter  eoniplétement  les  sci-ies 
anei<'nnes;  nous  verrons  au  eontrairc  <|n On  jxiil  les  utiliser 
et  (|u  ('Iles  sont  niaintenanl  plus  précieuses  ([u On  ne  le  |)en- 
sait  autrefois.  Les  obsci"\ allons  l'éeentes  sont  \enucs  en  i-e- 
lever  le  prix  en  (onfirniant  leur  exaetitucle. 

M.  Carrington  ,  après  lui  examen  eonseieneieux  de  sa 
i^rande  série  dObservations,  rpii  fut  en  grande  partie  cal- 
culée et  imprimée  aux  frais  du  CiouNcrnement  anglais,  con- 
clut que,  pour  faire  axancer  nos  connaissances  plus  (jn'il 
ne  l'a  fait  dans  son  Ouvrage,  il  faudrait  une  dépense  d'an 
moins  jooo  livres  sterling  i2jooo  francs).  Ce  jioint  de  vue 
purement  financier  pourra  paraître  convenable  à  un  mar- 
chand plutôt  qu'à  un  savant;  mais  il  est  certain,  et  nos  lec- 
teurs en  seront  bientôt  convaincus,  que,  vu  le  travail  et  l'as- 
siduité qu'elles  exigent,  les  recherches  relatixes  au  Soleil  ne 
sauraient  être  l'anivre  d'un  amateur,  ni  même  d'un  sa\ant 
isolé. 

>^  III.  —  Rcsidtats  ohteiiiis  relatwemenl  à  la  rotation  du  Soleil. 

La  détermination  de  la  rotation  solaire  renferme  trois  élé- 
ments :  1*"  la  durée  de  la  révolution;  2"  la  position  des  nœuds 
de  l'équatinu'  solaire  par  rapport  à  la  ligne  des  équinoxes; 
3°  l'inclinaison  de  l'équateur  solaire  sur  le  plan  de  l'éclip- 
tique. 

Les  anciens  astronomes  déterminaient  séparément  chacun 
de  ces  éléments,  en  choisissant  des  observations  faites  dans 
des  circonstances  convenables.  Pour  évaluer  la  duiée  de  la 
révolution,  on  mesurait  le  temps  (pi'emploNait  une  tache  à 
revenir  au   même   [)oint  du  disque,   par  exemple  au   méri- 


—  128  - 

(lion  central.  Cette  méthode,  on  le  conçoit  facilement,  n'est 
applicable  que  dans  un  très-petit  nombre  de  cas.  On  ne  peut 
pas  se  contenter  d'observer  le  temps  qu'une  tache  met  à 
passer  devant  le  disque,  parce  que  sa  trajectoire  est  partagée 
en  parties  inégales  par  le  contour  apparent  du  Soleil,  qu'on 
aj)pelle  souvent  Vhorizon  des  taches.  A  la  suite  d'une  étude 
longue  et  minutieuse,  Scheiner  put  évaluer  à  vingt-sept  jours 
la  durée  de  la  résolution  synodique  (c'est  ainsi  cju'on  ap- 
pelle la  révolution  apparente,  dans  laquelle  la  tache  revient 
au  même  point  du  disque  par  rapport  à  l'observateur).  On 
en  déduit  vingt-cinq  jours  et  un  tiers  pour  la  durée  de  la  ré- 
volution sidérale,  c'est-à-dire  pour  le  temps  employé  par  vm 
point  du  Soleil  à  décrire  un  cercle  tout  entier  par  rapport  à 
la  sphère  céleste. 

On  déterminait  la  position  du  nœud  <'n  observant  l'é- 
poque à  laquelle  les  taches  semblent  décrire  des  lignes 
droites,  l'observateur  se  trouvant  alors  dans  le  plan  même 
dans  lequel  se  meuvent  les  taches.  Scheiner  trouva  pour  sa 
longitude  69  ou  70  degrés. 

Enfin  on  déduisait  l'inclinaison  de  la  grandeur  du  petit 
axe  de  l'ellipse  que  décrivent  les  taches  à  l'époque  du 
maximum  de  courbure.  Scheiner,  avant  toujours  trouvé  ses 
résultats  compris  entre  6  et  8  degrés,  adopta  7^,5  pour  va- 
leur approchée. 

Cassini  donna  des  résultats  peu  différents  de  ceux  de 
Scheiner,  et  déduits  également  d'un  grand  nombre  d'obser- 
vations. Ces  résultats  présentent  un  grand  intérêt,  et  nous  les 
rappelons  afin  de  reconnaître  l'étendue  des  variations  que 
ces  éléments  ont  pu  subir.  De  la  Lande  a  résumé  dans  deux 
longs  IMémoires  '  *  )  les  travaux  de  ses  prédécesseurs  les  plus 

(')  De  la  Lande,  Mémoires  de  l'Académie  royale  des  Sciences;  1776,  1778. 


-  lâ'J  - 

estimes.  Il  déterminn  les  éléments  de  l.'i  rot.ition  avec  une 
précision  (|u'il  eroyait  très-j^rande,  mais  on  ne  tarda  pis  à 
reconnailn»  cpie  son  travail  était  défectueux,  lîianclii  reprit  le 
problème  en  1820,  en  employant  des  méthodes  plus  exactes 
et  en  réunissant  un  grand  nombre  d'observations  par  la  mé- 
thode des  moindres  carrés  :  il  lui  fut  cependant  impossible 
de  trouver  des  résultats  satisfaisants.  Plusieurs  astronomes 
eurent  l'idée  malheureuse  de  n'employer  qu'un  petit  nombre 
d'observations,  et  alors  les  anomalies  se  manifestèrent  d'une 
manière  très-saillante,  comme  on  peut  s'en  convaincre  j)ar  le 
tableau  suivant  : 


ASTRONOMES. 

DURÉE 

de  la  rotation 

en  jonrs  solaires 

moyens. 

IXtLINAISOS 
(le  l'équaleur 

solaire 
sur  l'écliplique. 

LOXGITLDE 
dii  nœud 
ascendant. 

IvPOOLES. 

Schcinei' 

25,33 
2j,58 

25,  V- 
25,01 
25,32 

25,34 
II 

25,52 

25,09 

II 
25,23'( 

7030' 

7.30 

7.20 

7- '9 

7-''l 

7-  9 

6.5i 

G.  57 

0.38 

7.15 

(i.57 

de  69° à  70° 
70 . 1 0' 

7S 

8  ).  17 
70.3:> 
75.  8 
73.29 

76.I7 
76.38 
73. '10 
7',.3G 

1G75 
1G78 
1776 
1775 

1820 

i8',o 
1 8 1 1 
i833 
\%\x 
1 85o 
18Û6 

De  la  Lande 

Delambrc 

Bianchi 

Laiigier 

Petcrsen   

Carringlon 

Sporer 

Il  y  a  entre  tous  ces  résultats  une  discordance  frappante. 
M.  Carrington  la  remarqua,  et  c'est  ce  cjui  le  détermina  à 
faire  une  série  continue  d'observations  d'après  la  méthode 
que  nous  avons  indiquée. 

Avant  d'exposer  les  résultats  auxquels  il  est  parvenu, 
faisons  remarquer  qu'on  ne  constate  aucune  variation  con- 
sidérable dans  la  longitude  du  nœud  de  l'équateur  solaire, 
I.  9 


—  130  - 

Scheiner  donnait  comme  position  du  nœud  ascendant  69 
ou  70  degrés,  ce  qui  fait  actuellement  'y2'^55',  en  tenant 
com])te  de  la  précession  des  équinoxes.  Ce  résultat  concorde 
d'une  manière  suffisante  avec  celui  de  M.  Carrington,  vu  le 
})eu  de  précision  des  observations  anciennes. 

Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  connaitre  l'angle  que  forme, 
d'après  les  recherches  de  Cassini  (  '  ),  l'équateur  solaire  avec 
les  orbites  des  autres  planètes  : 

Mercure 3 .  i  o 

Vénus, . 4  •   ^ 

Mars 6.5o 

Jupiter 6.  ?.?, 

Saturne 5.55 


§  IV.  —  Résultais  trouvés  par  MM.  Carrington  et  Spùrer. 

Le  travail  de  M.  Carrington,  commencé  en  novembre  i853, 
s'est  continué  jusqu'en  mars  1861.  Les  données  de  l'obser- 
vation ont  été  discutées  par  une  analyse  savante  et  minu- 
tieuse qui  lui  donne  une  très-grande  importance.  Dans  sa 
discussion,  il  prenait  comme  point  de  départ  la  valeur  pré- 
sumée la  plus  exacte  des  éléments  de  la  rotation  solaire,  et  il 
s'en  servait  pour  calculer  d'avance  les  positions  que  devait 
successivement  occuper  une  même  tache.  Il  déterminait  en- 
suite les  différences  entre  les  positions  calculées  et  les  posi- 
tions observées,  et  ces  différences  servaient  à  calculer  les 
corrections  destinées  à  rectifier  les  nombres  primitivement 
adoptés.  Cette  méthode  est  très  laborieuse,  mais  très-sùre; 


(')  Cassini,   Mémuires  de  l'Accidcinic  rojiile  des  Hciences ;   173/|. 


-  131  - 

il  y  aurait  lieu  do  l'appliquer  aux  observations  anciennes  et 
à  celles  qui  ont  été  faites  depuis  le  travail  de  M.  Carrington. 
Nous  comparerons  les  résultais  ainsi  obtenus  avec  ceux  de 
M.  Sporer  d'Anclani,  puis  avec  ceux  que  M.  ZoUner  et 
M.  Hornstein  ont  obtenus  par  des  moy(3ns  tout  à  lait  diffé- 
rents. La  méthode  de  réduction  de  M.  Carrington  a  le  grand 
avantage  de  mettre  en  évidence  les  mouvements  propres  des 
taches,  en  faisant  voir  la  différence  qui  existe  entre  les  ré- 
sultats moyens  et  les  observations  particulières. 

1°  La  première  loi  signalée  par  les  observateurs  est  la  con- 
hrmation  d'un  fait  déjà  remarqué  par  les  anciens  :  c'est  que 
les  taches  sont  très-rares  au  delà  de  3o  degrés  de  latitude 
héliocentrique.  De  la  Lande  en  cite  une  qui  fut  observée  à 
4o  degrés.  Au  mois  de  juin  1846,  M.  Peters,  à  Naples,  en 
observa  une  autre  dont  les  coordonnées  étaient  34"  20'  de 
longitude  et  5o  degrés  de  latitude  nord.  Cette  tache  est  la 
plus  éloignée  de  l'équateur  qu'on  ait  jamais  observée  d'une 
manière  certaine,  car  on  regarde  comme  douteuse  celle  dont 
parle  Lahire,  et  qui  aurait  eu  pour  latitude  70  degrés  nord. 

La  tache  observée  par  M.  Peters  possédait  un  mouvement 
propre  très-prononcé,  mais  en  sens  inverse  de  la  rotation 
solaire;  dans  ce  mouvement  elle  parcourait  chaque  jour 
—  64' en  longitude  et  -}-  11'  en  latitude. 

On  a  remarqué  aussi  que  les  taches  sont  rares  sur  l'équa- 
teur et  qu'elles  se  montrent  en  plus  grand  nombre  dans  deux 
zones  situées  symétriquement,  au  nord  et  au  sud,  entre  10 
et  3o  degrés  de  latitude 

Les  taches  ne  sont  pas  également  réparties  dans  les  deux 
hémisphères,  de  même  que  leurs  limites  extrêmes  ne  sont 
pas  les  mêmes  de  chaque  côté  de  l'équateur;  mais  il  y  ji 
compensation  dans  les  longues  périodes,  et  si  l'on  prend  la 
moNcniie  poui'  un  grand  nombre  d'aimées,  on  trouvera  peu 

9' 


-  132  - 

de  différence.  Il  en  est  de  même  pour  la  latitude  à  laquelle 
correspond  ce  maximum  ;  elle  est  variable,  mais  sa  position 
moyenne  est  d'environ  ±:  17  degrés.  Enfin  M.  de  la  Rue 
vient  de  trouver  que  les  maxima  semblent  passer  d'un  hémi- 
sphère à  l'autre  et  que  les  lieux  où  se  produisent  les  grandes 
taches  affectent  des  positions  diamétralement  opposées. 

2^  La  seconde  loi,  plus  importante  que  la  première,  peut 
s'énoncer  ainsi  :  La  rotation  solaire  na  pas  la  même  durée  sur 
tous  les  parallèles;  la  vitesse  angulaire  est  maximum  ci  l'équa- 
teur,  et  elle  diminue  à  mesure  que  la  latitude  augmente  :  c'est 
donc  à  Véquateur  que  V arc  parcouru  en  un  jour  correspond  à 
un  plus  grand  nombre  de  degrés.  On  a  cherché  à  exprimer 
d'une  manière  empirique  cette  rotation  diurne.  Nous  don- 
nons ici  trois  formules  qui  sont  dues,  la  première  à  M.  Car- 
rington,  la  seconde  à  M.  Faye,  la  troisième  à  M.  Sporer 
(I  rcjjrésente  la  rotation  diurne  et  X  la  latitude)  (') 

?  =  i4°25'  —  i65'  sin"^)., 

?=  14°  22'  —  i86'sin-A, 

|=i6°,8475  — 3°,  38i2sin(>.  4-4i°i3'). 

Il  est  donc  certain  que  la  vitesse  angulaire  n'est  pas  la 
même  sur  tous  les  parallèles.  Nous  ne  connaissons  pas  la 
vitesse  de  rotation  près  des  pôles,  et  c'est  seulement  par  ana- 
logie que  nous  pouvons  généraliser  la  loi.  Au  delà  du  5o*^  pa- 
rallèle, on  n'a  jamais  observé  de  taches,  et  par  conséquent 


(')  On  a  encore  proposé  plusieurs  formules,  mais  elles  conduisent  toutes  aux  mômes 
résultats.  Nous  en  citerons  seulement  trois  :  les  deux  premières  sont  des  modifications 
de  celle  de  M.  Faye;  la  troisième  est  due  à  M.  Sporer. 

ç  =  120, 82-t-  i",55  cos  1).. 

I  =:  I2°,982 -+- 1°,  3l  I  C0S2^. 
f  =  I  2°,  92 -r  I  30,  74  cos  2  .J. 


—   I.Ti  - 

oïl  lie  pcMl  pns  ('■IiidicrlM  niniiicrc  dont  s'cxrciilc  la  rnlalion 
noiir  les  l'étions  plus  cloii^nccs  de  r('(|natciii'.  T.c  seul  plii'- 
nonu'iio  (|ui  puisse  scjaip  de  hase  à  (cttc  ctiidc  est  celui  des 
facules;  mais  elles  sont  si  variables  dans  leurs  formes  qu'on 
ne  peut  avoir  aucune  confiance  dans  les  résultats  qu'on  ob- 
tiendrait par  ce  procédé.  Nous  avons  étudié  les  changements 
que  présentent  les  zones  des  gramdations  polaires,  aussi  bien 
que  les  protubérances  (jue  nous  avons  observées  près  des 
pôles,  mais  leur  durée  n'a  jamais  été  assez  considérable  pour 
qu'on  puisse  l(Hir  voir  décrire  une  révolution  entière.  En 
mesurant  la  portion  de  la  circonférence  qu'elles  ont  par- 
courue et  la  durée  de  leur  mouvement,  nous  arriverions  à 
une  révolution  d'environ  vingt-cinq  jours,  et  de  plus  ces  zones 
seraient  très-excentriques  par  rapport  aux  pôles. 

Pour  donner  au  lecteur  une  idée  des  mouvements  que  pos- 
sèdent les  taches  sur  chaque  parallèle,  nous  empruntons  les 
deux  tableaux  sui\ants  à  l'Ouvrage  de  M.  Carrington.  Le  pre- 
mier (A)  résume  les  tra%  aux  relatifs  aux  mouvements  propres, 
en  nous  montrant,  pour  les  différentes  latitudes  où  les  taches 
ont  été  observées,  la  quantité  dont  varient  en  un  jour  leur 
longitude  et  leur  latitutle.  T.a  première  colonne  indique, 
pour  chaque  hémisphère,  la  latitude  solaire  moyenne  des 
groupes  de  taches  dont  les  mouvements  sont  enregistrés  dans 
les  deux  colonnes  suivantes.  La  deuxième  et  la  troisième  con- 
tiennent la  moveinic  des  mouvements  diurnes  en  longitude  et 
en  latitude,  ces  deux  coordonnées  étant  exprimées  en  mi- 
nutes de  degré  solaire.  On  a  supposé  que  la  révolution  du 
Soleil  dure  2r>J,38o,  et  que,  par  conséquent,  l'arc  décrit  en 
un  jour  est  de  iV'i  i'.  Les  signes  ■+-  ou  —  placés  devant  les 
longitutles  indicjiient  <pie  le  moii\cment  diurne  o])servé  a 
dépas.sé  ou  ([u  il  n'a  pas  atteint  celte  \aleur  moyenne.  Les 
mêmes  signes  -h  ou  — ,  placés  devant  les  latitudes,  indi(pient 


-   134  - 

dans  chaque  liéniisphùro  un  accroissement  ou  une  diniinu- 
lioii  (le  la  latitude,  c'est-à-dire  un  mouvement  vers  les  pôles 
ou  vers  l'équateur.  La  quatrième^  colonne  contient  le  nombre 
des  taches  qui  ont  fourni  les  éléments  précédents  :  ce  nombre 
permet  de  juger  l'importance  qu'il  convient  d'attribuer  aux 
différents  résultats;  il  fait  également  connaître  les  zones  dans 
lesquelles  les  taches  se  rencontrent  en  plus  grand  nombre. 


-  i:{r;  - 

Tmii.i  \I,     \. 

r>ii   inotuTinrnt  pn>prc  tliitrni'  (/<■<;   tdclicx  dri/idl  ih'<i   nhsrn'ntiom 
tic   ('(inin'j^lon. 


MlUVr.MF.NT  DU  RNE 

MorVEME.NT  IllinM; 

latiudi-, 
M)i;i). 

„ 

II 

NOMBRE 

(lus 
loches. 

L.VTITI  DE 
SUD. 

c 

n 

NOMllKE 

(les 
tai'lics. 

lnn;ltu(l(<. 

lalKude. 

lim;'l(u(lu. 

latitude. 

o 

, 

0 

, 

-f-    JO 

-  G', 

-+     1 1 

I 
II 

—    'l' 
II 

—    f)2 

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33 

-  33 

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—   10 

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32 

-  3() 

2 

32 

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—     5 

2 

3i 

-  21 

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3i 

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12 

29 

-  36 

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29 

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28 

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28 

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—  12 

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•'1 

23 

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23 

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7 

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—    12 

—       1 

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22 

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—   •'( 

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21 

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19 

—   i3 

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18 

18 

-  -     (i 

—       I 

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18 

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1 2 

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0 

97 

1 1 

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—      0 

38 

1 1 

^     G 

I 

18 

10 

^-       2 

—       I 

22 

lu 

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-1-        I 

22 

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-     8 

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-1-   12 

-^        1 

43 

K 

-+-    Kl 

—     0 

V 

8 

-,-     G 

-1-     3 

38 

7 

—     8 

—      1 

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-1-     (. 

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2 

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1 1 

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0 

4-  10 

—     Li 

I 

-  136  - 
Tableau  B. 


LATITUDE 

nOTATlUN    DIIRNE 

POIDS, 

MOUVEMENTS 

des 

en  arc. 

d'après  le  nombre 

en  latilnde. 

taches. 

des  observations. 

-4-    .10   N. 

787' 

I 

35 

806 

iS 

-^    II  .0 

3o 

824 

■''9 

-1-     3.5 

25 

83i 

116 

-t-     2.8 

840 

-+-       I.O 

20 

IDI 

i5 

85 1 

127 

-h     0.2 
-     1.0 

10 

859 

142 

5 

863 

85 

—      2-4 

-^    3.3 

Equateur. 

8G7 

5 

—     1.6 

—     5  S. 

865 

?>i 

-H       I  .0 
/ 

10 

856 

218 

—      0.4 

i5 

845 

98 

-+-     0.8 

20 

839 

200 

H-      3.0 

25 

827 

7J 

-t-     1.2 

3o 

8i4 

^'7 

-     5.3 

35 

8o5 

19 

/,5 

7 '9 

2 

Le  second  tableau  est  facile  à  com]:>renclre  et  résume  d'une 
manière  plus  claire  les  résultats  du  précédent.  La  première 
colonne  contient  les  latitudes  liéliograpliiques  des  taches  ;  la 
seconde  montre  la  manière  dont  varie  la  rotation. 

M.  Fave  a  comparé  cette  rotation  avec  celle  qui  résulte  de 
la  formule  de  Sptirer,  et  il  trouve  que  les  durées  de  révolu- 
tion de  Carrington  sont  plus  faibles  en  moyenne  de  0^,16  ou 
de  3^' 8'".  Cette  différence  est  considérable,  et  l'on  ne  saurait 
l'attribuer  à  des  erreurs  d'observation.  Peut-être  cela  tient-il 
à  ce  que  les  observations  ne  se  rapportent  pas  à  la  même 
époque,  celle  de  Carrington  appartenant  à  la  date  moyenne 
de  i856,7,  et  celle  de  Sporer  à  i8()2,5.  D'après  les  dernières 
recherches  de  M.  Sporer,  la  valeur  de  |  ne  serait  pas  même 
constante  :  elle  varierait  avec  le  temps  d'après  une  loi  qui 


-    137  - 

n'est  pas  onroro  dôtonri in ('•<>.  (le  fait  constitue  nn  des  plus 
siui^juliiM's  jiliénnmènos  de  l'histoire  du  Soleil  ;  on  en  trou- 
vera peut-èlre  l'explication  dans  cet  autre  fait,  que  les  taches 
s{^  présentent  en  plus  grand  nombre  à  des  latitudes  qui  va- 
rient avec  le  temps.  H  y  a  là  une  question  importante  qu'on 
ne  pourra  résoudre  qu'en  appliquant  la  même  méthode  de 
calcul  aux  deux  séries  d'observations.  Si  alors  la  différence 
.subsistait  encore,  ce  serait  im  fait  d'une  portée  immense, 
car  il  en  faudrait  conclure  que  la  durée  de  la  rotation  so- 
laire varie  avec  le  temps,  ce  qui  ne  peut  pas  avoir  lieu  dans 
un  corps  solide.  Dans  un  corps  fluide,  cette  variation  ne  se- 
rait pas  impossible;  mais  elle  supposerait  des  réactions  inté- 
rieures bien  extraordinaires.  Il  faut  donc  attendre  de  nou- 
velles observations  avant  de  nous  livrer  à  des  spéculations 
qui  actuellement  ne  reposeraient  pas  sur  un  fondement  suffi- 
sant. 

Nous  avons  voulu  examiner  jusqu'à  quel  point  les  o])ser- 
vations  anciennes  étaient  représentées  par  les  éléments  de 
Carrington.  Nous  avons  choisi  pour  cela  un  grand  nombre 
d'observations  réduites  par  Lalande  dans  les  Mémoires  de 
l'Académie  des  Sciences  de  Paris,  pour  les  années  177G  et 
1778,  et  par  Bianchi  dans  la  Correspondance  du  Baron  de 
Zach,  année  1820  ;  en  séparant  les  taches  selon  les  différents 
parallèles,  nous  avons  trouvé  que  ces  observations  sont  re- 
présentées avec  le  même  degré  de  précision  que  celles  de 
Carrington  lui-mém(\ 

La  durée  de  rotation  {"ixéo.  par  de  la  Lande,  Bianchi,  etc., 
est  donc  exacte  si  l'on  s'en  tient  aux  latitudes  héliogra- 
phiques  des  taches  ([ui  ont  servi  à  les  déterminer. 

Ainsi  disparaissent  les  difficultés  ([ni  ont  tant  tourmenté 
les  asti'onomes  relativement  à  la  rotation  solaire  :  Le  Soleil 
ne  tourne j)as  d'après  les  lois  f/iic  dcMait  présenter  le momcment 


—  138  — 

d'un  corps  solide;  d'où  résulte  que,  du  moins  dans  la  couche 
qui  est  accessible  à  nos  observations,  nous  devons  le  regarder 
comme  composé  d'une  masse  fluide . 

La  troisième  colonne  contient  une  évaluation  numérique 
de  l'importance  qu'on  peut  attacher  aux  résultats,  vu  le 
nombre  des  taches  qui  ont  servi  à  les  calculer  :  c'est  ce  que 
nous  exprimons  par  le  mot  poids.  Cette  colonne  met  en  évi- 
dence les  zones  où  se  produisent  les  maxima  des  taches.  Si 
l'on  pouvait  s'appuyer  sur  un  nombre  aussi  limité  d'années, 
on  pourrait  dire  qu'il  y  a  quatre  zones  de  maxima  corres- 
pondant aux  latitudes  : 

+  20,      -h  10,      —  10,     —  20, 

auxquelles  les  maxima  observés  sont 

i5i,     142,     218,     200. 

On  peut  aisément  remarquer  que  ces  positions  correspon- 
dent à  peu  près  à  celles  où  les  mouvements  en  latitude  chan- 
gent de  signe.  Cette  coïncidence  est  importante,  car  elle 
semble  indiquer  une  relation  entre  les  mouvements  en  lati- 
tude et  les  arcs  qui  servent  de  limites  aux  différentes  zones 
où  se  produisent  les  taches.  Nous  verrons  cependant  que 
cette  coïncidence  est  accidentelle  -,  on  ne  l'observe  que  dans 
la  période  étudiée  par  M.  Carrington,  car  les  zones  chan- 
gent de  position  dans  les  autres  séries. 

3^  On  peut  encore  remarquer  que  les  mouvements  en  la- 
titude des  taches  sont  également  variables,  mais  la  loi  n'est 
pas  aussi  simple  que  pour  les  longitudes.  La  dernière  colonne 
du  tableau  précédent,  extraite  d'un  tableau  plus  détaillé  de 
M.  Carrington,  montre  que  la  loi  est  un  peu  confuse,  le 
nombre  des  observations  étant  sans  doute  insuffisant.  Ce- 


—  r.v.)  — 

pondant  co  tablonu,  (piclqnr  iniparliul  (pTil  soil.  nnns  iicnnot 
(Ir  faire  les  rcniarcjucs  suivantes  : 

a.  De  5  à  20  degrés  N.,  et  de  10  à  1 5  degrés  S.,  le  mou- 
vement est  négatif,  c'est-à-dire  dirigé  vers  l'équateur; 

/j.  De  20  à  35  degrés  N.,  et  de  i  ^)  à  3()  degrés  S.,  le  mou- 
vement est  dirigé  vers  les  pùles  :  pour  les  points  plus  éloi- 
gnés, il  est  impossible  d'étaljlir  une  loi;  les  taches  sont  trop 
peu  nombreuses  et  les  résultats  trop  discordants  pour  qu'on 
puisse  en  tirer  aucune  conclusion. 

c.  Les  changements  de  signe  les  plus  prononcés  corres- 
pondent H  des  points  voisins  de  ceux  où  le  nombre  des 
taches  passe  par  un  maximum  ou  par  un  minimum  ;  mais  on 
ne  voit  pas  qu'il  v  ait,  comme  dans  nos  ouragans,  une  ten- 
dance nettement  prononcée  vers  les  pôles. 

d.  En  comparant  les  mouvements  en  longitude  et  en  la- 
titude, on  voit  que  l'équateur  ne  divise  pas  les  zones  des 
taches  et  leurs  trajectoires  en  deux  parties  égales;  la  ligne  de 
démarcation  semble  coïncider  avec  le  parallèle  de  5  degrés 
nord.  Ce  fait  est  important,  et  nous  le  rappellerons  dans  l'un 
des  Chapitres  suivants,  lorsque  nous  reconnaîtrons  que  l'é- 
quateur thermique  n(;  coïncide  pas  non  plus  avec  l'équateur 
astronomique  et  que  les  protubérances  solaires  présentent 
aussi  une  pareille  excentricité. 

Les  lois  que  nous  venons  d'exposer  résultent  de  la  dis- 
cussion des  moyennes  ;  mais  dans  les  cas  particuliers  il  v  a  de 
très-grandes  divergences.  Nous  avons  discuté  par  manière 
d'essai  les  trajectoires  de  toutes  les  taches  qui  ont  paru  de- 
puis le  i*"' janvier  jusqu'à  la  fin  de  juillet  18GG;  voici  les 
conclusions  auxquelles  nous  sommes  arrivé  : 

Les  éléments  déterminés  par  M.  Carrington,  comparés  avec 
nos  observations,  laissent  à  désirer;  ils  donn<'iit  des  diffé- 
rences systématiques  (pii   démontrent  l'existence  de  varia- 


-no- 
tions réelles.  M.  Sporer  a  combiné  nos  observations  avec  les 
siennes,  et  elles  lui  ont  donné  des  résultats  que  nous  inscri- 
vons ci-dessous  en  regard  des  éléments  donnés  par  M.  Car- 
rington  ;  tous  les  nombres  sont  ramenés  à  la  même  époque, 
1869  : 


ÉLÉMENTS. 

CAHRINCTON. 

SrOBER. 

Nœud 

Inclinaison 

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73037' 

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i'|0i6' 

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Rotation  diurne 

Durée  de  la  rotation 

Ces  deux  séries  de  résultats  doivent  être  regardées  comme 
préférables  à  toutes  celles  qu'on  a  données  jusqu'à  présent. 

Leur  différence  est  assez  sensible,  mais  elle  ne  doit  pas  être 
attribuée  à  des  défauts  dans  les  observations .  Lorsqu'on  les 
emploie  à  calculer  la  position  des  taclies,  on  trouve  toute 
une  série  de  taches  cpii  diffèrent  des  positions  théoriques  par 
excès,  tandis  que  d'autres  en  diffèrent  par  défaut;  on  en  doit 
conclure  que  nous  sommes  en  présence  de  mouvements  réels; 
mais,  pour  démêler  ceux-ci,  il  faudra  un  travail  très-long  et 
très-soutenu.  Nous  allons  exposer  les  travaux  f  lits  à  ce  sujet. 


lil  - 


CilAriTUE    V. 


MOUVEMENTS     l'  Il  0  I'  U  E  S     DES    TACHES, 


§  T.    —  Résultats  généraux. 

\:a  recherche  du  mouvement  propre  des  taches  est  un  tra- 
vail immense;  nous  aurions  bien  voulu  nous  en  occuper, 
mais,  après  l'avoir  essayé,  nous  l'avons  trouvé  au-dessus  de 
nos  forces.  Nous  exposerons  cependant  les  résultats  obtenus 
par  nous  et  par  d'îuitres  observateurs. 

En  examinant  un  grand  nombre  de  taches  observées  au 
micromètre  pendant  l'année  1866,  et  calculées  avec  la  plus 
grande  rigueur,  nous  sonmies  arrivé  aux  conclusions  sui- 
vantes, qui  se  trouvent  également  vérifiées  dans  la  grande 
série  de  M.  Carrington,  ainsi  que  nous  l'avons  reconnu  de- 
puis : 

1°  Toutes  les  fois  ([uune  tache  se  divise,  ou  qu'elle  subit 
un  changement  considéraljle  dans  sa  forme,  on  observe  tou- 
jours un  mouvement  brusque,  une  espèce  de  saut  qui  se  fait 
invariablement  vers  la  partie  antérieure,  c'est-à-dire  dans  le 
sens  où  croissent  les  longitudes. 

2^  Les  grandes  taches,  même  lorsqu'elles  ont  une  longue 
durée,  ne  sont  pas  exemptes  de  ces  mouvements  brusques, 
et  l'on  remarque  de  temps  en  temps  des  recrudescences  d'ac- 
tivité dans  la  force  ou  dans  le  mouvement  ([ui  les  produit. 
(Exemple  :  tache  du  i4  au  2G  mars,  du  12  au  2*3  avril,  du  i^'" 
au  12  juin,  du  28  juin  au  ()  juillet.) 


—  142  — 

3*^  Les  taches  rondes  cratériformes  montrent  une  stabilité 
plus  grande  que  les  taches  dont  les  bords  sont  déchiquetés, 
les  noyaux  multiples  et  irréguliers-,  elles  font  souvent  plu- 
sieurs rotations. 

If  Les  taches  petites  et  superficielles  ont  des  mouvements 
très-irréguliers.  Il  en  est  de  même  des  grandes  taches,  soit  à 
l'époque  de  leur  formation,  soit  au  moment  où  elles  sont  sur 
le  point  de  disparaître. 

5"  Toutes  les  fois  qu'une  tache  change  de  forme,  ou  qu'il 
s'en  produit  une  autre  dans  son  voisinage,  on  remarque  une 
perturbation  ou  un  déplacement. 

6"  Les  grandes  taches,  après  s'être  dissoutes,  reparaissent 
souvent  à  une  petite  distance  de  leur  position  primitive,  mais 
toujours  vers  la  partie  précédente.  Ainsi  la  tache  n*^  43,  après 
avoir  disparu,  se  reproduisit  une  trentaine  de  degrés  plus 
loin,  sous  la  même  latitude.  Ces  changements  nous  empêchent 
d'affirmer  avec  certitude  que  la  seconde  tache  soit  réellement 
due  à  la  même  cause  qui  avait  produit  la  première  :  il  ne  faut 
donc  pas  avoir  une  confiance  absolue  et  sans  réserve  aux 
coïncidences  à  longue  période  signalées  par  les  anciens  ob- 
servateurs. 

Pour  donner  au  lecteur  une  idée  de  ces  mouvements,  nous 
apporterons  ici  quelques  exemples  de  taches  qui  ont  duré 
plusieurs  rotations,  et  qui  ont  été  calculées  sur  des  mesures 
micrométriques  faites  au  grand  équatorial  du  Collège  Ro- 
main, d'après  le  système  de  formules  de  M.  Carrington. 

Ces  phénomènes  montrent  qu'il  est  impossible  de  ne  pas 
reconnaître  aux  taches  des  mouvements  propres  de  transport 
sur  la  surface  du  Soleil 


-  143  - 


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cecececc  c^cecevccocccoccce  - 

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c^r~-r;criC2cri::riC500  o  o      o  q 

:     :     :     :  :     ;     :     :     :     :  :  :  S  t^ 

—  n     fo     •^—  n-^       c-oo       C50  —  CTrof^ 
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«5 


-  117     - 

Un  simple  coiij)  d'cril  jeté  sur  les  taljloaiix  prérrcloiils  nous 
pcrmcltra  de  Taire  {[iiel([iies  remarques  intéressantes. 

I.a  taelie  n"  32  parut  le  8  mai;  ses  coordonnées  étaient 
3'*4^'  <l<'  latitude,  i()j°,2'|  de  longitude.  Au  houl  de  deux 
jours,  elle  était  divisée  en  deux  parties  ayant  pour  coordon- 
nées, l'une  7° 9'  de  latitude  et  ()7",  yS  de  longitude,  l'autre 
6°22'  de  latitude  et  91",  i/i  de  longitude.  T.a  longitude  du 
prenn'er  noyau  va  en  augmentant,  tandis  cpi'elle  reste  station- 
naire  j)()ur  le  .second;  quant  aux  latitudes,  on  ne  reconnaît 
pas  de  mouNcment  i"(''gulier. 

Cette  tache  reparait  le  i'''juin  (n°36);  le  second  novau  a 
disparu,  il  ne  reste  que  le  premier.  La  latitude  va  en  dimi- 
luiant  progressivement  pendant  que  la  longitude  augmente. 
Au  !*"'■  juin,  le  diamètre  était  de  3"  5'  ;  le  9,  il  est  réduit  à  i°'5c)'. 
Le  4  jiiiii,  il  y  ^  évidemment  un  saut  brusque  de  i  degré  et 
une  grantle  diniimition  dans  l'étendue. 

Nous  avons  inscrit  sous  le  n"  40  la  troisième  rotation  de  la 
même  tache  (32  et  36).  Nous  y  trouvons  une  latitude  o.scil- 
lante  tandis  que  la  longitude  va  toujours  en  croissant.  Le 
diamètre  décroit  jusqu'au  5  juillet,  puis  il  augmente  de  nou- 
veau en  faisant  des  mouvements  brusques  qui  annoncent  sa 
dissolution  prochaine  :  en  effet,  cette  tache  n'a  [)lus  reparu. 

Sous  les  n°*  39  et  43  se  trouvent  deux  rotations  d'une  autre 
tache.  Du  20  au  2G  juin  sa  latitude  diminue,  tandis  que  sa 
longitude  va  en  croissant.  Pendant  sa  .seconde  rotation, 
elle  possècU'  lui  mouvement  en  latitude  très-prononcé,  tandis 
que  sa  longitude  est  très-stable  et  son  diamètre  constant. 

Les  variations  de  ce  geiu'c  ne  sont  pas  des  nouveautés  :  on 
en  retrouve  de  semblables  dans  toutes  les  discussions  de 
taches  anciennes.  Si  nous  nous  appuyons  ici  sur  nos  observa- 
tions personnell(»s,  c'est  pour  convaincre  le  lecteur  que  les 
variations  signalées  par  les  anciens  ne  résulUMit  pas  d'erreurs 


-  148  - 

dans  leurs  mesures,  ou  de  défauts  dans  leurs  instruments 
comme  on  l'a  cru  pendant  longtemps.  Ces  variations  sont 
bien  réelles,  car  nous  pouvons  garantir  et  l'exactitude  de  nos 
appareils  et  le  soin  avec  lequel  nous  avons  pris  les  mesures. 

En  partant  de  ces  données,  on  trouve  que  les  déplace- 
ments des  taches  sont  très-considérables  et  qu'ils  s'exécutent 
avec  une  très-grande  rapidité.  M.  Laugier  a  trouvé  qu'elles 
doivent  parcourir  jusqu'à  1 1 1  mètres  par  seconde  dans  des 
cas  qui  ne  sont  pas  très-extraordinaires  (  '  ). 

]N~ous  ne  parlons  pas  seulement  des  variations  de  la  lon- 
gitude; le  mouvement  en  latitude  peut  aussi  être  très-consi- 
dérable et  très-rapide.  Ainsi  Bianclii  a  observé  une  tache 
dont  la  latitude  a  pris  successivement  les  valeurs  suivantes  : 


Première  révolution 

..        6"o3' 

Deuxième  révolution  .  .    . 

8'^?.?' 

Troisième  révolution  .... 

..       8"i8' 

Quatrième  révolution  .  .  . 

..     io"55' 

Cinquième  révolution.  .    .  . 

..      .4^5:' 

Des  changements  aussi  considérables  doivent  paraître  sus- 
pects, car  il  peut  arriver  qu'on  ait  affaire  à  des  taches  nou- 
velles. On  explique  ainsi  plusieurs  anomalies  contenues  dans 
les  résultats  de  Cassini  et  de  la  Lande.  Cette  explication  n'est 
cependant  pas  toujours  suffisante  ;  ainsi  il  n'est  pas  rare  de 
remarquer  des  variations  en  latitude  de  deux  ou  trois  degrés 
dans  la  demi-rotation  qui  s'exécute  sur  l'hémisphère  visible 
du  Soleil,  et  la  continuité  des  observations  montre  cependant 
avec  certitude  que  ces  différentes  positions  appartiennent  bien 
à  la  même  tache. 

Nous  pourrions  multiplier  ces  exemples;  mais  l'essai  que 

('  )  Comptes  rendus  des  séances  de  l'académie  des  Sciences,  t.  XV,  p.  /[Q!. 


—  liO  — 

nous  v(Mîons  de  iaire  siiKîra  pour  iiiontror  au  lecteur  quelles 
sont  les  (liffieultés  que  |)réseute  la  théorie  de  ces  mou\e- 
nients.  Il  n'y  a  peut-c'trc  aucune  t  iche  dont  la  révolution  re- 
prés(Mite  avec  exactitude  la  rotation  solaire;  comme  nous 
ne  savons  pas  (pielles  sont  celles  (pii  s'en  r;ipj)roclient  le 
|)lus,  nous  devons  nous  servir  des  données  les  plus  dispa- 
rates :  aussi  la  correction  définitive  ne  peut  être  que  le  fruit 
d'un  travail  très-lonii;  et  très-pénihle  ^1.  Favc  a  cependant 
réussi  à  trouver  quelques  règles  très-intéressantes.  En  discu- 
t  uit  les  ojjscrvations  de  Carrington  et  celles  des  nôtres  qui 
se  rapportent  à  des  taches  plus  persistantes,  il  est  parvenu 
aux  conclusions  suivantes  : 

Lorsque  les  taches  persistent  pendant  ])lusieurs  rotations 
successives,  elles  présentent^  non  pas  un  mouvement  progres- 
sif, mais  des  mouvements  oscillatoires  dont  l'amjilitude  est  de 
plusieurs  degrés  et  dont  la  durée  dépasse  de  beaucoup  celle 
<le  la  rotation  du  Soleil;  c'est  donc  une  simple  oscillation  pé- 
riodirpie  donnant  naissance  à  des  courbes  sinusoïdales  très- 
alloniïées. 

Les  longitudes  j)résentent  une  oscillation  j)ériodiqu(,'  de 
même  durée. 

La  combinaison  de  ces  deux  mouvements  fait  décrire  à  la 
tache,  autour  de  sa  position  moyenne  et  dans  le  sens  de  la 
rotation  solain^  une  ellipse  dont  le  grand  axe  est  dirigé  vers 
les  pôles. 

Les  dimensions  de  ces  ellipses  et  les  durées  de  révolution 
varient  d'une  tache  à  l'autre,  et  de  plus  ces  phénomènes  ne 
se  manifestent  d'iuie  manière  évidente  que  pour  les  taches 
qui  persistent  pendant  plusieurs  révolutions  ('). 

Nous  regrettons  vivement  que  ]\L  Fave  n'ait  pas  donné 


(.')  Comptes  rendus  des  séances  de  l'Académie  des  Sciences,  l.  LXFI,  p.3GS. 


—  150  - 

plus  d'étendue  à  ses  recherclies.  Dans  les  questions  de  ce 
genre,  on  ne  p(nit  pas  attacher  iine  grande  importance  à 
quelques  faits  particuliers;  aucune  conclusion  ne  peut  être 
certaine  que  si  l'on  a  vu  se  reproduire  un  grand  nombre  de 
fois  le  phénomène  sur  lequel  repose  le  raisonnement. 

§  II.    —    Conclusions  qui  résultent  des  faits  précédents 
et  questions  di^'erses. 

Le  lecteur  aura  sans  doute  remarqué  a^  ec  surprise  le  peu 
de  concordance  qui  existe  entre  les  différents  résultats  que 
nous  venons  d'exposer,  et  il  en  aura  déjà  tiré  cette  conclu- 
sion que  nos  observations  ne  portent  point  sur  la  partie  so- 
lide du  Soleil,  mais  seulement  sur  son  atmosphère  fluide. 
En  effet,  lorsqu'un  corps  solide  est  animé  d'ini  mouvement 
de  rotation,  il  est  évident  que  tous  ses  points  doivent  pos- 
séder la  même  vitesse  angulaire  et  qu'ils  doivent  mettre  le 
même  temps  à  exécuter  une  révolution  entière.  Nous  avions 
donc  raison  de  dire,  en  nous  appuyant  sur  les  changements 
de  formes  des  taches  et  sur  les  mouvements  dont  elles  sont  le 
siège,  que  la  couche  photosphérique,  dans  laquelle  se  passent 
tous  ces  phénomènes,  est  mobile  comme  les  nuages  qui  flot- 
tent dans  notre  atmosphère. 

Plusieurs  questions  se  présentent  maintenant  à  nous  : 
1°  Quelle  est  l'épaisseur  de  cette  couche  mobile?  "2°  Cette  flui- 
dité est-elle  particulière  à  la  couche  photosphérique,  ou  bien 
s'étend-elle  au  corps  solaire  tout  entier  ?  3"  En  d'autres  termes, 
existe-t-il  dans  l'intérieur  du  Soleil  un  noyau  solide?  l\°  Ce 
noyau  n'est-il  pas  le  siège  d'actions  physiques  dont  les  taches 
ne  seraient  que  des  manifestations?  Toutes  ces  questions  sont 
importantes,  mais  les  astronomes  sont  loin  d'être  d'accord  sur 
la  solution  qu'il  convient  d'y  apporter.  Il  nous  est  impossible 


—  I.'il  - 

(le  les  rcsoiuliH'  des  nj;iiiil('ii;iiil  :  nous  exposerons  seulement 
les  (liff(M*entes  ojiinions;  nons  1<s  disenterons  sommairement, 
nous  réser\ant  de  dii-e.  d.ins  une  autre  partie  de  cet  Ouvrage, 
(juelle  est  la  solution  «jui  nous  pai'ait  ressoi'tir  de  l'c^xamen 
(les  faits 

1*^'  \ous  avons  (K'^jà  dit  f|uo  les  anciens  astronomes  regar- 
daient la  profondeur  d(\s  taches  comme  mesurant  lépaisseur 
de  la  couche  photosph(''ri(pie.  Cette  opinifju  pouvait  (ïtre  ad- 
mise lorsfpi'on  ne  se  préoccupait  pas  de  la  nature  de  la  cha- 
leui".  l()rsf[u'on  pon\ait  sup|)oser  cprinie  couche  trc's-minee  lût 
capahle  de  produire,  ou  plutôt  d'émettre,  en  la  tirant  du 
Jieant,  rimmense  quantité  de  cliahun'  (pie  le  Soleil  perd  par 
le  ravonnement.  Otte  hyp()thès(;  est  eu  contradiction  for- 
melle avec  les  idées  admises  aujourd'hui  par  les  physiciens; 
le  corps  entier  du  Soleil  doit  prendre  part  à  cette  émission 
de  chaleur,  ce  qui  ne  permet  plus  d'admettre  l'existence  d'un 
noyau  obscur,  solide  et  d'une  température  peu  élevée,  situé 
a  luie  faible  distance  de  la  surface  extérieure,  comme  l'indi- 
querait la  profondeur  des  taches. 

On  se  rappelle  que,  d'après  les  recherches  de  Carrington, 
la  \  itesse  de  rotation  n'est  pas  la  même  sur  les  différents  pa- 
rallèles; jM.  Z(")llner  a  voulu  expliquer  ce  fait  en  j)artant  de 
l'hypothèse  d'un  noyau  solide^  recouvert  d'une  couche  fluide 
peu  éj)aisse  exerçant  un  frottement  contiN'  la  surface  du 
noyau.  Il  est  arrivé  ainsi  à  la  fcjrmule  suivante  : 

A  —  B  sin^  X 


COS  A 


A  l'aide  des  observations  de  Carrington,  il  a  fixé  connue  il 
suit  la  valeur  des  coefficients  : 

Pour  lliemisplicrc  nord A  :^  863',  8,     B  :-^  Gi3',  ?.. 

Pour  riic'inisplièrc  sud B  -^^  63i',  i. 


-  1d2  — 

Cette  formule  ne  s'applique  pas  aux  pùles  :  elle  manque 
donc  de  continuité,  et  elle  ne  représente  pas  les  mouvements 
observés  a^cc  la  même  exactitude  que  les  formules  empi- 
riques; aussi  l'hvpothèse  sur  laquelle  elle  repose  ne  paraît 
pas  acceptable, 

2"  De  plus,  les  mouvements  propres  des  taches  ]:>rouvent 
que  ces  phénomènes  sont  le  résultat  d'une  agitation  profonde, 
qui  s'étend  à  une  couche  d'une  grande  épaisseur  et  remue 
avec  une  majestueuse  lenteur  une  masse  extrêmement  consi- 
dérable. Il  nous  est  impossible  de  sonder  les  profondeurs  de 
la  couche  fluide  qui  participe  à  ce  mouvement,  mais  tout 
nous  montre  qu'elle  est  loin  d'être  aussi  mince  qu'on  l'a  quel- 
quefois supposé. 

Nous  pouvons  donc  nous  demander  si  la  vitesse  angu- 
laire de  rotation  est  la  même  pour  tous  les  points  de  la  masse 
solaire;  si  la  vitesse  que  nous  observons  à  la  surface  n'est 
pas  absolument  différente  de  celle  de  l'intérieur;  si  la  couche 
superficielle  que  nous  étudions  n'est  pas  entraînée,  même 
à  léquateur,  par  un  mouvement  général  différent  de  celui 
qui  existe  dans  les  parties  voisines  du  centre.  Les  arguments 
directs  nous  font  défaut,  puisque  les  régions  intérieures  sont 
cachées  à  nos  regards;  mais  nous  pouvons  recourir  à  une 
preuve  indirecte  qui  n'est  pas  sans  valeur,  quoique,  au  pre- 
mier abord,  on  puisse  la  trouver  un  peu  singuhère. 

M.  Hornstein,  discutant  les  observations  magnétiques  de 
Prague,  a  trouvé  dans  le  mouvement  de  l'aiguille  aimantée 
une  variation  dont  la  période  est  de  aG*,  33  (  '  ).  En  s'appuyant 
sur  des  raisons  que  nous  apprécierons  plus  tard,  il  a  attribué 
cette  variation  à  l'influence  magnétique  du  Soleil  ;  si  l'on  admet 
que  la  durée  de  cette  période  est  la  même  que  celle  de  la  ro- 

(')    Proceedings  of  the  roj-al  Societj  of  London,  vol.  XX,  p.  21. 


tation  SMi()(li(|U(',  on  trouve  (juc  la  rotation  vraie  s'exécute 
en  9/\K^yy.  Le  niai;nétisine  nous  revc'lerait  donc  une  dni'ee  de 
i-otalioii  ti'ès-dilférente  d«'  eellf  (|ii<'  nous  in(li(|ue  I  ctiidr  de 
la  surlaee  iienerale.  ni;iis  idenli(|ur  ;i  |mii  près  à  celle  de  la 
région  e(|uatoiiale. 

Si  nous  nous  rappelons  la  constitution  primitive  du  Soleil, 
nous  trouverons  cpie  ce  résultat  n'a  rien  (jue  de  \raiseni- 
hlahle.  (  )n  admet  (pie  la  mas>e  de  matière  cpii  comj)ose 
aujourd  liui  1(*  Soleil  était  autrefois  répandue  jus(ju  aux 
extrenntes  de  notre  système  planétaire.  En  se  condensant 
progressivement,  elle  a  abandonné  des  anneaux  cjui  ont  con- 
tinue à  tourner  avec  la  vitesse  qu'ils  possédaient  alors,  vitesse 
moins  considérable  pour  les  plus  éloignés  et  plus  grande  au 
contraire  j^our  ceux  cpii  sont  ])lus  voisins  du  centre.  Cette 
condensation,  due  aux  pertes  de  cbaleur  (pie  produit  le 
ra\ onnenicnt.  continue  en(H)re  auj(jurd"liui,  l)ien  {pTelle  soit 
extrémenicnt  lente  :  il  n'est  donc  pas  impossible  que  la  vitesse 
du  novau  soit  plus  grande  que  celle  des  points  situés  à  la  sur- 
face. Cette  différence  ne  peut  pas  être  Irès-considérabk^,  car 
les  frottements  et  les  mouvements  intérieurs  tendent  à  la  di- 
miiHier  constamment;  mais  enfin  elle  peut  exister,  aucune  loi 
comme  ne  s'\  oppose,  puisque  nous  avons  affaire  à  un  corps 
dont  toutes  les  parties  ne  sont  pas  invariablement  reliées 
comme  celles  des  corps  solides. 

Cette  tbéorie  pont,  au  premier  abord,  j)araitre  basardée, 
mais  nous  ferons  remarquer  ([u'elle  est  d'accord  avec  les  faits 
observés,  sans  être  en  opposition  avec  aucun  des  principes  de 
la  Mécanique.  Fdle  est  d'accord  avec  les  faits,  car  nous  avons 
constaté  plus  d'une  fois  (piil  v  a  un  mouvement  brusque, 
un  saut  en  avant,  non-seulement  dans  la  période  de  forma- 
tion, mais  (»ncore  aux  époques  de  recrudescence  où  de  nou- 
velles éiuptions  viennent  modifier  la  forme  des  taclies.  Ce 


-   loi  - 

phénomène  s'expliquerait  parfaitement  en  admettant  qu'une 
masse  de  matière,  lancée  de  l'intérieur  du  Soleil,  arrive  à  la 
surface  avec  son  excès  de  vitesse,  et  possède,  du  moins  pen- 
dant quelque  temps,  un  mouvement  relatif  dirigé  dans  le 
sens  où  croissent  les  longitudes. 

Nous  ajoutons  que  cette  explication  n'est  en  opposition 
avec  aucun  des  principes  de  la  jMécanique.  Il  est  vrai  qu'un 
illustre  savant  l'a  stigmatisée  en  la  dénonçant  comme  une  hé- 
résie théorique.  Cette  accusation  est  gi\ave,  et  elle  emprunte 
une  gra\ité  toute  particulière  à  la  haute  autorité  de  ^I.  Ber- 
trand qui  Ta  formulée  (  ').  Ce  jugement  si  sévère  n'est  ce- 
pendant pas  sans  appel,  et  nous  espérons  convaincre  le  lec- 
teur que  notre  pensée  a  été  mal  comprise. 

Voici  les  paroles  de  M.  Bertrand  :  «  La  molécule  poussée 
de  l'intérieur  vers  la  surface  v  arrivera,  dit-il  le  P.  Secchi), 
avec  son  excès  de  vitesse!  Cela  est  absolument  contr;ure  à  la 
vérité.  Le  principe  des  aires  sera  respecté,  puisque  la  force 
motrice  est  dirigée  suivant  le  ravon.  Or,  d'après  ce  principe, 
la  vitesse  angulaire  varie  en  raison  inverse  du  carré  de  la  dis- 
tance, et  la  vitesse  linéaire,  perpendiculaire  au  rayon,  en  rai- 
son inverse  de  la  distance  ;  de  telle  sorte  que  la  différence 
pnmitive,  que  l'auteur  explique  précisément  par  l'application 
du  principe  des  aires  à  ces  molécules  qui  tournent  autour 
d'un  centre,  disparaîtra  com])létement  en  vertu  du  même 
principe,  quand  ces  molécules  se  trouveront  amenées  à  la 
même  distance  du  centre.  » 

La  question  se  trouve  donc  ramenée  à  ce  point  précis  :  doit- 
on  appliquer  le  principe  des  aires  au  mouvement  d'une  masse 
qui,  partant  des  profondeurs  du  glohe  solaire,  se  dirige  vers 
la  surface?  La  réponse  doit  être  affirmative  si,  comme  le  sup- 

(')  Journal  des  Savants;  juillet  iSy'i,  p.  481. 


-  i:ir;  — 

pose  M.  lîcrliMiid,  la  Inrct'  niotrifc  csl  diri^Vc  siii\aiil  h; 
ra\()ii,  c'cst-à-dii»'  si  le  mol)!!*'  csl  siinplcnicnt  sollicilé  par 
I  attiailioii  ct'iilraK'  et  soumis  aii\  lois  de  l'iiicrli*'.  il  iii-ii 
scr.i  pas  de  iiirinc  si  iiiic  iioiincIIc  loi'cc  iiitci's  i«'i»t,  ainsi 
(jnc  nous  ra\t)ns  hiiMi  claircnK  iit  su[)posé  (');  dans  ce  cas, 
la  loi  dt's  aires  cesse  tic  s'apj)li(juer  ou  du  moins  elle  ne  s'ap- 
plicpic  plus  de  la  même  manière,  et  les  molécules  venant  de 
riuléri(>ur  à  la  surlace  peuvent  apporter  avec  elles  leur  excès 
de  vitesse  :  nous  allons  le  montrer  paruncxcmplehien  simj)le. 
On  sait  (pi'un  corj)S  tond)anl  d'une  grande  liauteiu'  ne  suif 
pas  exactement  la  verticale  :  il  est  dévié  vers  Test  ;  de  même 
un  projectile  lancé  verticalement  de  Las  en  haut,  avec  une  vi- 
tesse considéral>le,  ne  suivra  pas  exactement  la  verticale  :  il 
sera  dévié  vers  l'ouest  dans  son  mouvement  ascensionnel, 
delà  tient  à  ce  cpie  les  différents  points  d'une  même  \erticale 
avant  la  même  ^  itesse  angulaire  possèdent  une  vitesse  linéaire 
proportionnelle  au  rayon  du  cercle  qu'ils  décri\  ent.  INIais  on 
peut  su})poser  que  les  différentes  parties  d'une  masse  tour- 
nant sur  elle-même  ne  sont  pas  invariablement  reliées  entre 
elles;  dans  ce  cas,  la  vitesse  angulaire  pourra  varier  d'un  point 
a  un  auh-e  d'uiH'  manière  quelconque.  Supposons  (pi'en  (h  ux 
points  si!  lies  sur  la  même  verticale  la  vitesse  linéaire  suivant  la 
|)erj)eii(li(idaire  au  ra\<)n  soit  l;i  même  :  ces  deux  points  n'ayant 
pas  la  même  ^  itesse  angulaire  ne  resteront  qu'un  instant  sur 
la  même  verticale;  mais  si,  à  cet  instant,  un  mobile  est  lance 
de  l'un  de  ces  ])oints  vers  l'autre,  il  y  parviendra  réellement, 
sans  eprouNcr  de  déviation  ni  en  a\ant  ni  en  arrière  Si  enfin 
la  \it('ssc  linéaire  était  |)lus  grande  au  point  le  plus  bas,  un 
mobile  lancé  de  bas  en  baul  an  ixerait  en  éprouvant,  })ar  rap- 
port aux  molécules  situées  sur  son   jiassage,  une  déviation 


(')  Le  Soleil,  i""»  édil.,  p.  io4  et  io5. 


—   loG  — 

clans  le  sens  tlu  mouvement.  C'est  précisément  l  hypothèse 
que  nous  avons  proposée  pour  expHquer  un  phénomène  ob- 
servé par  nous  dans  le  mouvement  des  taches.  Xous  avons 
supposé  une  rotation  plus  rapide  à  l'intérieur  du  globe  so- 
laire qu'à  la  surlace;  puis,  sans  prétendre  assigner  les  causes 
qui  seraient  capables  de  produire  ce  mouvement,  nous  avons 
admis  qu'une  force  quelconque  peut  amener  vers  la  surface 
une  masse  de  matière  partie  de  l'intérieur  du  Soleil.  Ces  hypo- 
thèses peuvent  être  arbitraires,  selon  1  expression  de  iM.  Ber- 
trand, mais  elles  ne  contiennent  aucune  hérésie  théorique. 

3°  Mais  laissons  de  coté  cette  digression;  pour  le  moment, 
nous  vovons  que  la  discussion  ne  doit  porter  que  sur  un 
seul  point  :  Le  noyau  du  globe  solaire  est-il  liquide  ou  ga- 
zeux? Si  l'on  ne  consitlérait  que  la  température,  on  n'hé- 
siterait pas  à  se  prononcer  pour  la  fluidité  gazeuse;  mais  il 
faut  aussi  tenir  compte  de  la  pesanteur  et  de  la  pression  qui 
en  est  la  consé([uence  ;  aussi  les  données  que  nous  avons 
exposées  jusqu'à  présent  ne  suffisent  pas  pour  résoudre  la 
question  :  il  faut  attendre  que  nous  avons  fait  connaître  des 
faits  plus  décisifs.  Comme  nous  avons  hasardé  le  premier 
l'hypothèse  de  l'état  gazeux  du  Soleil  (' ),  nous  nous  borne- 
rons à  dire  que,  sous  la  pression  énorme  qui  doit  exister  dans 
l'intérieur  de  cet  astre,  la  constitution  des  gaz  peut  être  très- 
différente  de  celle  cpie  possèdent  ces  mêmes  corps  aux  faillies 
pressions  sous  lesquelles  nous  les  étudions.  On  sait  mainte- 
nant que  les  corps  ne  passent  pas  l)rusquement  de  l'état  ga- 
zeux à  l'état  liquide  ;  il  y  a  un  état  intermédiaire  étudié  jadis 
par  Cagniard-Latour,  et  plus  récemment  par  Andrews.  I.e 
Soleil,  quoique  gazeux  à  la  surface  et  très-dense  au  centre, 


(')  Dullettino  meteorologico  deW  Osse/vatorio  Jel  CoUegio  Romano,  i  genn.  iSG^, 


-  i:;t  - 

j)()Uirait  clone,  ;i  paiiir  (rime  (('rtaiiic  proloiulcur,  avoir  une 
seniMahlo  ("oiislitulion,  <'t  l'on  poiinait  \  oir  une  confinnatioii 
(le  cette  idée  dans  la  lad)le  <lensit(''  niovenne  (jn  il  j)oss«'dc 
(i,/|5),  ni.ilj2[i*é  l'énornie  pression  qui  tend  à  le  (  ()nij)rinier. 
De  plus,  on  sait  que,  dans  cet  étal,  de  laihles  variations  dans 
la  pression  peu^('nt  protluire  de  grandes  vai'ialions  de  vo- 
lume :  n  V  aurait-il  pas  là  lui  nioven  d'expliquer  les  violentes 
éruptions  qu'on  observe  souvent? 

On  a  objecté  (pie.  si  le  Soleil  était  gjazeux,  il  serait  transpa- 
rent :  il  serait  donc  impossible  d'expliquer  rexistence  des 
taches  et  la  netteté  avec  laquelle  se  trouve  limité  son  contour. 
Otte  objection  prouve  tout  au  plus  que  la  photosphère  n'est 
pas  dans  un  état  parfaitement  gazeux,  mais  qu'elle  est  com- 
posée, connue  l'admettait  Wilson,  de  matière  précipitée  en 
suspension  dans  un  gaz,  ou  bien  qu'elle  se  trouve  dans  un 
état  (le  Iransition,  connue  nous  le  disions  tout  à  l'heure.  Dans 
l'une  conune  dans  l'autre  de  ces  hypothèses,  le  Soleil  conser- 
verait la  mobilité  ([ui  caractérise  les  gaz  sans  en  avoir  la 
transparence. 

Si  cepentlant  on  veut  admettre  que  la  photosphère  est 
composée  de  gaz  enflammés,  nous  répondrons  :  i°  que 
ces  flammes,  quoique  gazeuses,  ne  s'étendent  pas  au  delà 
d'une  certaine  limite;  2°  que  les  vapeurs,  sous  une  épaisseur 
considérable,  sont  loin  d'être  transparentes  comme  le  sont 
les  gaz  parfaits,  l'oxygène,  l'hydrogène,  etc.  Nous  verrons 
(jue  riivdrogène  lui-même  cesse  d'avoir  une  transparence 
parfaite  sous  une  grande  épaisseur.  A  plus  forte  raison  les 
vapeurs  métalliques  ne  se  laissent  pas  parfaitement  traverser 
par  la  hmiière,  sans  quoi  elles  ne  seraient  pas  visibles.  Or 
on  sait  qu'elles  sont  visibles,  soit  directement  par  les  rayons 
(|u'elles  émettent,  .soit  indirectement  par  l'absorption  qu'elles 
font  éprouvera  la  lumière  qui  les  traverse.  L'atmosphère  qui 


—  1d8  — 

entoure  notre  globe,  malgré  son  état  parfaitement  gazeux,  ne 
jouit  pas  d'une  transparence  parfaite.  Quant  à  l'atmosphère 
qui  enveloppe  le  Soleil,  elle  est  si  peu  transparente  que, 
au  centre  du  disque,  elle  absorbe  au  moins  la  moitié  des 
ravons  lumineux  émis  jîar  la  photosphère.  On  a  beaucoup 
exagéré  la  parfaite  transparence  des  gaz  incandescents  :  le 
carbone  acquiert  dans  nos  flammes  une  transparence  presque 
absolue,  et  cependant  M.  Hirn  a  prouvé  que  la  lumière,  en 
traversant  un  petit  nomlDre  de  flammes  plates,  perd  jusqu'à 
8,6  pour  loo  de  son  intensité  ('  ).  Les  vapeurs  métalliques  qui 
composent  le  Soleil  doivent  posséder  un  pouvoir  absorbant 
l)eaucoup  plus  considérable. 

4**  La  quatrième  question  est  plus  complexe,  et  nous  y 
reviendrons  plus  tard,  lorsque  nous  aurons  complètement 
étudié  les  lois  qui  régissent  la  rotation  du  Soleil. 


§  IIL  —  Recherches  théoriques  sur  la  rotalion  du  Soleil. 

Les  recherches  de  Carrington  ont  montré  que  la  vitesse  de 
la  rotation  solaire  n'est  pas  la  même  à  toutes  les  latitudes, 
résultat  confirmé  par  l'étude  des  observations  anciennes.  Les 
])livsiciens  se  sont  occupés  de  rechercher  l'explication  de 
ce  fait  extraordinaire.  Nous  avons  déjà  parlé  des  essais  de 
]\L  ZoUuer,  essais  qui  n'ont  pas  été  couronnés  d'un  succès 
satisfaisant.  D'autres  savants,  partant  également  de  l'hypo- 
thèse d'un  novau  solide,  ont  comparé  les  mouvements  de  la 


(')  Annales  de  Chimie  et  de  Physique,  /j^  série,  t.  X\X  ;  187,3.  M.  Hirn  admet,  dans 
ce  Mémoire,  que  les  particules  incandescentes  en  suspension  dans  la  flamme  de- 
viennent réellement  transparentes;  et,  en  efîet,  certains  métaux  en  fusion,  comme 
le  fer,  le  cuivre,  etc.,  sont  réellement  translucides. 


-  ir.o  — 

pliolosnlicrc  ii   celui   de  nos  nciiIs  ;ili/.(''s   :    nous  dcNons  dis- 
cuter cett<'  li\  pollu'sc. 

Los  marins  et  les  iii('l('()i'olo<;ist('s  saNciit  pai'faili'iiiciit  ([u  d 
existe  dans  la  zone  toi  ride  des  cornants  atmosphériques  soui- 
llant constannnent  du  nord-est  dans  l'Iiéniisplière  nord,  du 
sud-est  dans  riiéniisphère  sud.  ('es  (M)urants  résultent  du  mou- 
vement de  rotation  de  la  Terre  eondjinc  av«'e  la  force  il'ap- 
|)el  (ju'exerce  la  chaleur  du  Soleil  en  échauffant  les  régions 
équatoriales  et  en  déterminant  par  là  un  mouvement  de  has 


l'ifT.  G3. 


N 

Y 

/ 

r. 



w 

K 

\ 

K 

en  haut.  In  \ide  tend;uU  ainsi  à  se  former  dans  la  zone  tor- 
ride,  l'air  des  régions  voisines  se  piveii)ite  pour  le  remplir. 
Dans  ce  mouvement,  l'air  passe  d'un  parallèh»  de  rayon  plus 
petit  à  un  parallèle  de  rayon  plus  grand  :  de  là  une  diflérencc 
de  vitesse  qui  produit  l'effet  d'un  vent  soufflant  de  l'est; 
enfin,  ce  courant  se  comhinant  avec  le  mouvement  de  trans- 
lation de  l'air  lui-même  des  pôles  vers  l'équateur.  il  (mi 
résulte  des  vents  composés  et  inclinés  par  rapport  à  l'équa- 
teur, comme  nous  l'avons  indiqué  plus  haut.  Soient  NS  le  mé- 
ridien [fig.  (')3i,  E\V  l'équateur.  T.'appel  d'air  causé  par  la 
chaleur  solaire  j)roduit  deux:  courants  op.posés,  NC  et  SCI, 
dirigés  des  pôles  à  l'équateur.  Les  molécules  qui  arrivent 
des  régions  polaires  sont  animées,  sur  le  parallèle  de  départ, 


—   160  — 

d'une  vitesse  nioiiitlre  que  celle  du  point  d'arrivée.  Si  donc 
nous  considérons  un  spectateiu'  j)lacé  au  point  C,  il  se  porte 
au-devant  des  molécules  cpii  arrivent  de  part  et  d'autre  avec 
une  vitesse  plus  faible  que  la  sienne  :  il  en  résulte  donc  le 
même  choc  que  si,  lui  étant  immobile,  elles  venaient  à  sa 
rencontre  avec  une  vitesse  égale  à  la  différence  des  deux 
autres.  De  là  un  vent  d'est  qui,  combiné  avec  les  courants 
polaires,  devient  nord-est  dans  l'hémisphère  boréal,  sud-est 
dans  l'hémisphère  austral. 

Ces  courants  inférieurs  sont  accompagnés  de  courants  su- 
périeurs d'une  élévation  de  2000  à  3ooo  mètres,  soufflant  du 
sud-ouest  dans  notre  hémisphère,  du  nord-ouest  dans  l'hé- 
misphère sud.  De  plus,  au  delà  du  3o^  degré  de  latitude,  il 
existe  des  zones  de  calme  dans  lesquelles  l'air  descend,  se 
divise  en  deux  parties  dont  l'une  se  dirige  de  nouveau  vers 
l'équateur,  tandis  que  l'autre  va  en  sens  contraire  et  sert  à 
alimenter  les  courants  polaires. 

Telle  est,  en  peu  de  mots,  la  nature  de  cette  grande  circu- 
lation terrestre  dont  on  a  cru  reconnaître  l'existence  dans 
l'atmosphère  solaire.  Cette  théorie  n'a  rien  d'impossible  en 
elle-même.  On  pourrait  bien  objecter  que  le  Soled  n'est  pas, 
comme  la  Terre,  soimiis  à  l'action  d'une  force  extérieure 
capable  de  déterminer  ces  mouvements  en  échauffant  de  pré- 
férence les  régions  équatoriales  ;  mais  il  n'est  pas  impossible 
que  le  même  effet  soit  produit  par  une  cause  tout  intérieure , 
et,  de  fait,  nous  verrons  que  la  température  est  plus  élevée  à 
l'équateur  qu'aux  pôles. 

ÎMais,  au  lieu  de  chercher  s'il  existe  des  causes  capables  de 
produire  une  circulation  analogue  à  celle  des  vents  alizés, 
suivons  une  méthode  phis  positive,  et  voyons  si  les  faits  se 
prêtent  à  ce  mode  d'interprétation.  Dans  ce  mouvement 
atmosphérique,  les  taches  se  trouveraient  dans  le  courant  in- 


-    ICI    - 

foricur.  ou  dans  le  roiir.in!  siiprriciir.  J);ms  la  premier.'  Iiv- 
pothcsc.  partant  d'iiii  |)aiallt'l('  on  la  Nitcssc  est  moins  fonsi- 
(léral)l('.  elles  ari'i\ eraient  a  r<'(piateur  a\('c  un  mouvement 
rolalil  (lnii;('  en  sens  ennlraire  di-  la  rotation  iijenei'ale.  jji 
effet,  une  taciie,  possédant  la  \ilesse  pr()|ii-e  d'un  parallèle 
plus  élevé,  lors([u'elle  se  trouve  trairsportée  à  l'ecinalenr, 
ne  décrira  plus  dans  le  même  temps  un  arc  d'un  même 
nond)ie  de  dei^rés.  Sa  vitesse  ani^nlaire  paraîtra  donc  plus 
faible,  et  j)ar  suite  les  taches,  dans  le  \oisinage  de  recniateui". 
j)araiti-ont  min'clier  |)lus  lentement  ([iianx  latitudes  ele\ées. 
Or  cette  conclusion.  iuévita])le  dans  la  théorie  des  \cnts  ali- 
zés, est  en  contradiction  formelle  avec  les  faits  observés. 

^  o\ons  si  nous  réussirons  mieux  avec  le  courant  supérieur 
(pii  \  a  de  l'écpiateur  aux  pôles.  Vjnc  taclie  partant  des  régions 
voisines  do  l'équateur  emporte  avec  elle  une  vitesse  plus 
grande  (pie  celle  des  parallèles  (péelle  \a  |)arconrir  :  elle  doit 
donc,  a  mesure  (pi'(dle  s'éloigne,  se  ti'ouxcr  en  a\ance  sui'  le 
mouvement  des  régions  où  elle  arrive;  et,  par  consécpient,  si 
nous  supposons  les  taches  situées  dans  le  courant  supérieur, 
elles  marcheront  plus  vite  sur  les  parallèles  plus  éloignés  de 
la  zone  écpiatoriale,  résultat  ([ui  est,  aussi  bien  que  le  pré- 
cétlent.  inconciliable  a\('C  les  faits  observés. 

IK' «pielque  manière  cpie  nous  essayions  (raj)plitjuer  au  So- 
leil la  théorie  des  vents  alizés,  nous  arrivons  à  un  résultat  con- 
traire à  la  loi  bien  établie  du  mouvement  des  ta(  lies  en  lon- 
gitude, j)uisque  c'est  à  ré(piateur  (jn  «'lies  possèdent  la  plus 
grande  vitesse. 

Nous  n'avons  tenu  comj)te.  dans  cette  discussion,  que  du 
mouvement  en  longitude  ;  mais,  en  outre,  les  taches  jiossè- 
dent  aussi  un  mouvement  en  latitude  dont  l'existence  ne  sau- 
rait être  contestée,  quoiqu'il  ne  soit  ni  aussi  régulier,  ni  aussi 
bien  étudié.  Les  observations  de  C.arrington  ont  mis  en  évi- 
I.  Il 


—  162  — 

dence  des  lionnes  nodales  et  des  cliangemeiits  de  signe  qui  in- 
diquent un  transport  des  taches  vers  l'équateur  solaire  entre 
les  latitudes  23  degrés  nord  et  20  degrés  sud.  Au  delà  de  ces 
limites,  le  mouvement  devient  divergent  et  les  taches  se  di- 
rigent vers  les  pôles.  Si  ces  mouvements  étaient  constants  et 
réouliers,  ils  seraient  réellement  comparables  à  ceux  qu'on 
ojjserve  dans  les  alizés  terrestres;  mais,  outre  leur  peu  de  pré- 
cision et  de  généralité,  les  recherches  déjà  citées  de  M.  Faye 
prouvent  que  le  transport  de  l'équateur  vers  les  pôles  n'est 

Fis-  64- 


laiiaùm 


pas  constant.  Si  nous  ajoutons  cette  remarque  à  la  discussion 
que  nous  venons  de  faire  du  mouvement  en  longitude,  nous 
voyons  qu'il  devient  impossible  d'appliquer  au  Soleil  la  théo- 
rie des  alizés. 

]Mème  sur  la  Terre,  il  ne  faut  pas  confondre  le  mouvement 
des  alizés  avec  celui  des  ouragans  ou  des  cyclones.  L'obser- 
vation prouve  que  ceux-ci  ont  un  mouvement  à  peu  près 
perpendiculaire  à  la  direction  générale  des  alizés  :  \^Jig.  6^, 
que  nous  empruntons  aux  travaux  de  Piddington,  met  en  évi- 
dence les  deuxphénomèmes  :  les  flèches  droites  donnent  la  di- 
rection des  alizés  et  les  arcs  paraboliques  représentent  le 
mouvement  de  translation  des  ouragans.  La  zone  où  naissent 


—   IG3  — 

ces  météores  est  celle  où  se  réunissent  les  impulsions  con- 
traires (les  moussons  et  des  alizés.  On  voit  qu'un  observateur, 
qui  de  loin  regarderait  la  Terre,  la  verrait  tourner  plus  len- 
tement aux  jioints  qui  correspondent  aux  cvclones.  S'il  en  est 
de  même  dans  l'atmosphère  solaire,  le  mouvement  des  taches 
peut  être  très-différent  de  celui  de  la  masse  gazeuse  qui  h^s 
(Mivironne;  elles  auraient  ainsi  une  vitesse  plus  grande  à  l'équa- 
teur,  plus  faible  sur  les  parallèles  :  dans  ce  cas  elles  pourraient 
être  assimilées  à  nos  cyclones.  Cette  opinion,  émise  depuis 
longtemps,  est  soutenue  depuis  quelques  aimées  par  IM.  Fave, 
qui  regarde  toutes  les  taches  comme  des  tourbillons. 

Cette  théorie,  admise  dans  une  certaine  mesure,  peut  ex- 
pliquer un  grand  nombre  de  faits;  mais  elle  ne  nous  paraît 
pas  a^oir  la  généralité  que  lui  attribue  M.  Fave.  Nous  n'a- 
vons jamais  nié  l'existence  des  taches  tournantes  :  nous 
avons  même  constaté  plus  d'une  fois  que  certaines  taches 
affectent  la  forme  spirale.  De  plus,  on  en  voit  souvent  qui 
obéissent  à  la  loi  de  circulation  des  cyclones  :  elles  tour- 
nent dextrorsum ,  c'est-à-dire  comme  les  aiguilles  d'une 
montre,  dans  l'hémisphère  austral,  et  sinistrorsum  dans  l'hé- 
misj)hère  boréal  ;  mais  nous  avons  déjà  fait  remarquer  que 
le  nombre  de  ces  taches  est  très-petit  relativement  à  celles 
qui  ne  présentent  rien  de  semblable.  De  plus,  dans  ces  der- 
niers temps,  nous  avons  étudié  plusieurs  taches  en  détermi- 
nant jour  par  jour  la  position  des  ponts  et  des  langues  :  ces 
mesures  nous  ont  appris  que  le  mouvement  tourbillonnant 
change  souvent  de  direction  ;  il  est  donc  impossible  d'attri- 
buer ce  phénomène  à  une  cause  persistante  comme  celle  qui 
produit  nos  cyclones.  De  là  nait  une  difficulté  sérieuse  qui, 
jointe  à  l'absence  de  transport  systématique  de  l'équateur 
vers  les  pôles,  ne  permet  pas  de  comparer  les  taches  aux  cy- 
clones terrestres. 


—  Ifii  — 

Il  doit  cependant  v  avoir  un  mouvement  de  rotation  dans 
toutes  les  taches.  Nous  avons  vu  que  la  matière  lumineuse  se 
précipite  de  toutes  parts  vers  le  noyau.  Cet  afflux  de  mo- 
lécules provenant  de  parallèles  où  les  vitesses  sont  diffé- 
rentes doit  produire  un  mouvement  tourbillonnant,  comme 
il  arri\e  dans  notre  atmosphère  même  pour  les  orages  ordi- 
naires. 3Iais,  comme  la  rapidité  avec  laquelle  tourne  un  tour- 
billon dépend  principalement  de  la  vitesse  avec  laquelle  la 
matière  se  porte  vers  le  centre,  si  cette  vitesse  est  fîiible,  le 
mouvement  gvratoire  sera  peu  rapide;  le  frottement  pourra 
même  le  rendre  insensdjle  en  ralentissant  le  mouN  ement  cen- 
tripète. Si  une  tache  était  une  région  vide  ou  considérable- 
ment raréfiée,  cette  vitesse  serait  très-grande;  mais  si  elle 
est  remplie  de  matière,  si  elle  ne  diffère  des  régions  voisines 
que  parce  qu'elle  contient  une  masse  un  peu  plus  froide  et 
plus  absorbante,  la  vitesse  du  mouvement  centripète  sera 
assez  faible  poin-  que  la  rotation  qui  peut  en  résulter  soit  in- 
sensible. D'ailleurs,  si  les  taches  sont  des  centres  d'éruption, 
il  peut  s'y  produire  une  force  centrifuge  capable  de  détruire 
l'effet  de  la  force  centripète,  ou  même  de  produire  un  effet 
contraire  ;  or  il  est  incontestable  que  la  production  des 
taches  est  intimement  liée  avec  les  phénomènes  d'éruption. 

Nous  avons  déjà  fait  remarquer  que,  au  moment  de  dis- 
paraître, les  ouragans  terrestres  et  les  taches  solaires  se  com- 
portent de  manières  absolument  différentes;  les  ouragans  se 
ddatent,  les  taches  se  contractent;  les  ouragans  se  dirigent 
vers  les  pôles  en  rebroussant  chemin  dans  leur  mouvement 
en  longitude,  les  taches  suivent  une  tout  autre  direction,  et 
leur  mouvement  rotatoire  n'est  considérable  que  dans  la 
])remière  phase  de  leur  formation,  lorsque  l'éruption  est 
plus  violente. 

Enfin,  si  nous  admettons  que  les  taches  peuvent  être  com- 


-    IGS  — 

parées  à  nos  ouragans,  il  faudra,  pour  les  expliquer,  trouver 
une  cause  capable  de  déterminer  ces  crises,  il  ne  suffit  pas 
(rinvo(|uer  le  mouvement  de  rotation  du  Soleil,  ni  le  trans- 
port de  la  couche  mobile,  soit  dans  un  sens,  soit  dans  l'autre. 
Ces  causes  sont  constantes  et  permanentes,  tandis  cjue  les 
taches  sont  des  phénomènes  intermittents  et  variables.  Leurs 
causes  doivent  être  de  même  ordre  (juc  ((ilcs  qui  déter- 
minent la  production  des  ouragans  terrestres,  causes  qui 
nous  paraissent  irréguliéres  et  accidentelles,  parce  que  nous 
non  connaissons  point  l'origine.  On  a  dit  que  chaque  pore 
qui  se  produit  sur  le  Soleil  est  un  véritable  tourbillon,  et 
qu'ainsi  ces  tourbillons  recou^rent  littéralenicnt  la  surface 
du  globe  solaire  :  il  n'y  a  là  qu'une  hvpothèse  sans  aucun 
fondement  dans  l'observation  ;  nous  avons  étudié  ces  pores 
avec  soin  et  p(M\sévérance  sans  v  rien  découvrir  qui  puisse 
faire  soupçonner  l'existence  de  ce  prétendu  niou\ement 
tourbillonnant.  Quant  à  la  cause  déterminante  de  ces  phé- 
nomènes, nous  la  trouverons  dans  les  éruptions  solaires  (pie 
nous  étudierons  plus  tard;  nous  verrons  que  la  théorie  des 
tourbillons  et  celle  des  éruptions,  loin  de  se  contredire,  se 
complètent  l'une  l'an  Ire. 

Pour  le  moment,  bornons-nous  à  constater  que  les  taches 
paraissent  douées  d'un  mouvement  de  translation  générale 
contraire  au  mouvement  qui  entraine  la  masse  entière  du  So- 
leil. Nous  .sommes  amené  à  cette  conclusion  par  des  faits  de 
différentes  natures  :  i"  la  discussion  des  observations  magné 
ti(jues  de  M.  llornstein;  2"  la  présence,  à  la  partie  posté- 
l'ieure  des  taches,  de  queues  plus  ou  moins  agitées,  semées  de 
lacules  et  de  petites  taches  ;  3"  la  disposition  des  facules  qui 
sont  j)lus  vives  et  ])lus  étroites  à  la  partie  antérieure  des  ta- 
ches, tandis  cpielles  sont  nombreuses,  plus  larges,  mais  plus 
pâles  ;i    la    partie    postéi'ieure    qui    présente    elle-mènu^   sur 


-  166  - 

son  contour  nn  renflement  que  ]M.  de  la  Rue  appelle  un 
bourrelet.  Tous  ces  faits  conspirent  pour  nous  faire  voir  à 
la  surface  une  circulation  générale  différente  du  mouvement 
qui  anime  la  masse  intérieure. 

Il  nous  est  impossible  de  formuler  une  tliéorie  expliquant 
d'une  manière  absolument  satisfaisante  cette  circulation  ex- 
ceptionnelle de  la  masse  solaire  ;  nous  allons  cependant  pro- 

Fig.  65. 


poser  une  livjjotlièse  que  nous  soumettons  au  jugement  des 
savants  compétents. 

Le  Soleil  se  refroidit  d'une  manière  progressive  en  perdant 
de  la  chaleur  par  le  rayonnement;  nous  verrons  plus  tard 
comment  on  peut  évaluer  ces  variations.  Cet  abaissement  de 
temjîérature  produit  nécessairement  une  diminution  de  vo- 
lume dont  nous  allons  examiner  les  conséquences. 

Supposons  un  globe  NES  { fig.  05);  par  suite  du  refroidisse- 
ment, la  surface  NES  prend  au  bout  d'un  certain  temps  la  posi- 
tion rpq^  le  point  E  étant  descendu  en  /;,  le  point  a  en  c,  etc. 
Dans  ce  mouNcment  de  contraction,  les  différents  points  se 
rapprochent  inégalement  de  l'axe  de  rotation  NS  :  le  ])oint  E. 


-  167  - 

s'en  rn|)|)i'()<li('  de  la  (|iiaiilil('  V.p,  tandis  i\\\v  le  point  n  s  en 
est  lapproclic  sciilcMK'iit  de  la  ([iiaiililé 

ad  =  ac  l'os  ccul  --^  V./)  cos  /, 

).  étant  la  latitude  du  j)()int  a.  On  voit  donc  (juc  le  rayon  du 
cercle  décrit  par  un  point  ipielconque  se  raccourcit  d'une  quantité 
proportionnelle  au  cosi/uis  de  lu  latitude  ;  ce  raccourcissement 
est  //Knif/iuni  à  l'i'f/uateur,  et  il  diminue  pros^ressivenient  jus- 
(pi'au  pôle  où  il  est  nul. 

Su|)|)osons  donc  un  ^lobc  tournant  autour  d'un  de  ses  dia- 
mètres et  dont  tout»  s  les  parties  sont  soumises  à  la  gravitation  : 
le  ravon  venant  à  diminuer,  il  en  résultera,  en  vertu  de  la  loi 
des  aires,  nn  accroissement  de  ^itesse  angulaire  déjxndant 
du  caire  de  cett*'  même  diminution  :  la  vitesse  s'accroîtra 
donc  à  l'ccpiateur  plus  (pi'en  tout  autre  j)oint,  et  sur  un  |)a- 
rallele  de  latitude  X,  cet  accroissement  pourra  être  regardé 
conune  jiroportionnel  à  cos^).. 

Ce  résultat  serait  l'une  des  formes  sous  lescjuelles  peut 
se  présenter  la  loi  de  Carrington,  et  l'excès  de  vitesse  des  ré- 
gions équatoriales  serait  ime  consé(pieiice  du  refroidissement. 
M.  Roche  est  arrivé  à  la  même  conclusion  en  considérant 
seulement  la  condcmsation  progressive  delà  masse  nébuleuse 
(|ui  a  formé  le  Soleil,  et  il  admet  que  l'accélération  actuelle 
ivsulte  de  cette  action  j)rimitive;  il  est  évident  que,  grâce  au 
frottement,  cette  accéléi'ation  de\raif  disparaître  a\ec  le 
temps;  mais,  connue  la  contraction  du<'  au  refroidissement  se 
produit  dune  maniei'c  |)ermanente,  I  accelei'ation  C(|uatoiMale 
(|ui  en  résulte  doit  égalenu-nt  persévérer. 

Cette  dimimition  de  volume  du  Soleil  peut  être  tres-laihie. 
assez  faible  j)our  qu  il  soit  impossible  de  la  constater  dans  un 
intervalle  de  tem|)s  aussi  court  (pie  celui  cpii  s'est  écoulé 
depuis  réj)oque  ou  l'on  a  connnencé  à  fau'c  des  mesures  pré- 


—  168  — 

cises  ;  et  cependant,  vu  limniensité  du  globe  solaire,  elle  peut 
être  suffisante  pour  expliquer  les  différences  de  vitesses  qui 
nous  ont  été  révélées  par  l'observation. 

§  IV.    —  De  quelques  irrégularités  apparentes  clans 
le  momement  des  taches. 

Lorsque  l'on  étudie  les  mouvements  en  longitude  d'une 
tache,  on  trouve,  comme  nous  l'avons  dit,  des  variations 
très-considérables  et  qui  paraissent  tout  à  fait  anomales. 
]Mais  en  dehors  de  ces  mouvements  irréguliers,  on  con- 
state, auprès  des  bords,  des  aberrations  systématiques  dont 
on  peut  saisir  les  lois  :  près  du  ])ord  oriental,  la  tache  paraît 
se  rapprocher  du  centre,  sa  longitude  augmente,  et,  près 
du  bord  occidental ,  elle  parait  marcher  en  sens  contraire 
et  s'approcher  encore  du  centre  pendant  que  sa  longitude  di- 
minue. Ainsi  donc,  dans  la  partie  orientale  du  disque,  les 
arcs  diurnes  se  trouvent  augmentés,  tandis  qu'ils  sont  di- 
minués dans  la  partie  occidentale. 

Après  avoir  remarqué  ce  fait  en  examinant  les  tableaux  de 
M.  Carrington,  nous  en  cherchâmes  la  cause,  et  nous  fûmes 
porté  à  l'attribuer  à  la  réfraction  de  l'atmosphère  solaire. 
Déjà  JM.  Carrington  avait  indiqué  cette  source  d'irrégularité, 
mais  il  ne  l'avait  pas  étudiée  avec  le  soin  qu'elle  mérite. 

.Soient  amn  [fig.  (j6  )  le  globe  solaire;  //aS  la  couche  atmo- 
sphérique dont  il  est  couvert.  Si  cette  couche  possède  un 
pouvoir  réfringent  assez  considérable,  un  rayon  émané  du 
])oint  ^,  au  lieu  de  suivre  la  du^ection  qe  suivant  laquelle  il 
se  propagerait  dans  le  vide,  sera  dévié  suivant  une  courbe, 
telle  que  qro  tangente  à  la  droite  qe.  Ce  ravon  ainsi  tlévié 
pourra  parvenir  à  l'œil  d'un  observateiu'  placé  en  o,  pour 
lequel  le  point  q  fût  resté  invisible  sans  la  réfraction.  Un  point 


—   IGO    - 

(|iirlc()iu|ii(*  (IcN  iciidi'a  donc  \isil)lc  pour  nous  un  peu  ;i\;uif 
(le  li'ancliir  le  ccrrlc  (jui  loi-nic  le  contour  |;conu'lii(|u<'  Au 
Soleil,  et  (|ui,  sans  la  l'ciraction,  séparerait  la  partie  \isil)le 
(le  la  partie  invisible;  les  laelies  seront  done  \isil)lesun  peu 
plus  tôt  (I  un  e«»le  du  dis(pie,  tandis  cpie  de  I  autre  elles  dis- 
paraîtront un  peu  plus  lard.  ()n  j)onrra.  pour  le  eal(  iil  r;l;ilil 
à  ces  plienoHR'ncs,  eniploxer  les  loriniiles  (pii  serxent  a  e\a- 


luer  linfluence  de  nos  réfractions  atmosphériques  sur  le  lever 
et  le  coucher  des  astres. 

Pendant  ([ue  nous  examinions  1  inOuence  des  retractions 
dues  à  ratmosphère,  M.  Faye  donnait  une  antre  explication 
des  irreijularités  systématiques  (pii  se  produisent  prés  des 
hords  du  disque.  D'après  lui,  ces  anomalies  seraient  |)ro- 
duites  par  un  phénomène  qu'il  a  appelé  la  parai/axe  de  profon- 
deur, et  fjui  résulte  en  effet  de  ce  que  h^s  taches  sont  des  ca- 
vités. 

Supposons  (Jii^\  C)~  une  tache  axant  la  forme  dune  ca\ité 
coiiKpie.  L'observateur  \  ise  le  (^eiitre  n  du  no\au,  et  dans 
ses  éNaluations  il  le  rapj)orte  au  point  c/ ou  son  ra\on  visuel 
reiK^onfre  la  surface  de  la  |)liotosplirre.  Si  la  tache  occupe  le 


-  no  - 

milieu  du  disque,  le  rayon  visuel  dn  passant  par  le  centre  C 
(lu  Soleil,  le  point  visé  se  projettei'a  au  centre  même  de  la  pé- 
nombre. jMais  si  la  tache  se  trouve  auprès  du  bord,  le  point  m 
visé  par  l'observateur  suivant  la  direction  K/;?,  au  lieu  d'être 
rapporté  à  l'extrémité  a  du  rayon  solaire  Cmrt,  paraîtra  pro- 
jeté au  point  K  où  le  rayon  visuel  rencontre  la  photosphère; 
la  lâche  paraîtra  donc  s'être  rapprochée  du  centre  de  la  quan- 
tité r/K.  Quand  on  cherche  à  calculer  l'influence  de  cette  pa- 

Fig.  67. 


'■•<^^!S^\ 


rallaxe,  on  trouve  qu'elle  produit  une  erreiu"  proportionnelle 
à  la  tangente  de  la  distance  liéliocentrique  de  la  tache,  et  ex- 
primée par  la  même  formule  trigonométrique  qui  sert  pour 
les  réfractions.  Il  devenait  donc  impossible  de  déterminer, 
par  le  simple  résultat  numérique  des  formules,  la  part  qui 
revient  à  chacune  de  ces  deux  causes  dans  la  production 
des  mouvements  apparents  qui  nous  occupent.  Le  doute 
était  d'autant  plus  permis  que  les  calculs  faits  par  M.  Faye, 
en  partant  de  son  hvpothèse,  attribuaient  aux  taches  une 
profondeur  bien  plus  considérable  que  celle  qui  résidte  des 
mesures  directes,  car  il  leur  assignait  un  rayon  terrestre  pen- 
dant que  l'observation  directe  donne  à  peine  un  tiers. 

L'observation  pouvait  seule  résoudre  la  question,  en  four- 


171 

lîissMiit  (les  (loiiiK'Os  iu)ii\  elles,  l'oiir  cel,!.  il  falhiit  clierclier 
à  se  soiistraiic  a  ruiic  «les  i\ci[\  causes  (reireiii-,  aliii  de  j)oii- 
voir  t'valiK  r  I  iiilluciice  de  l'autre.  Il  élail  t'\  idemnient  im- 
|)(»ssil)le  (TcN  iter  la  rôfrartioii  ;  mais  je  pensai  riiiil  serait  pos- 
sible (reliniiiier  la  parallaxe  (l«>  j)r(ifnii(leui"  en  |)reiiant  la 
position  (les  (leii\  bords  (le  la  laelie,  et  en  ealenlanl  scMiaré- 
nicnt  leurs  coordonnées  hélioojrapliifpies.  .l'eus  le  honlieur. 
en  i8("»(),  de  reneontrei'  fjuel(|ues  t.iilies  trcs-reguliercs  et 
a\anl  un  laihle  inouNcnient  en  longitude,  surtout  celle  du 
I G  juin  au  <)  juillet,  et  celle  du  i  i  au  2^  juillet,  .le  les  sui\is 
joiu*  par  jour  a\('c  l)eaucoup  de  soin,  prenant  des  mesures 
micrometriques  avec  le  grand  réfracteur,  et  j'obtins  les  ré- 
sultats inscrits  dans  des  tableaux  dont  sont  extraits  ceux  du 
paragraplie  précédent. 

Après  avoir  ainsi  cmLc  les  erreurs  dues  a  la  parallaxe 
de  profondeur,  on  trouve  encore  une  perturbation  dans  la 
marche  en  longitude,  et  ces  perturbations,  cpii  sont  toutes 
dans  le  sens  iiidi(|ué  par  la  théorie,  ne  peux  eut  être  attrd)uées 
qu'à  la  rétraction.  Cependant  leur  valeur  ne  dépasse  pas 
de  beaucouj)  la  limite  des  ernnu's  d'ol)servation.  Nous 
sommes  convaincu  (jue  la  réfraction  solaire  existe;  mais  nous 
ne  pourrons  l'évaluer  qu'après  avoir  fait  de  nombreuses  ob- 
servations sur  des  taches  d'inie  régularité  et  d'une  stabilité 
extiMordinaires  ;  * ). 

Ce  sont  ces  mesures,  prises  avec  le  plus  grand  soin,  qui 
nous  ont  appris  que  les  taclies  .subissent  souvent  de  très- 
grands  changements  dans  leurs  dimensions  réelles,  et  que 
tout  changement  de  forme  ini  j)eu  considérable  entraîne  une 
irrégularité  dans  la  marche  en  l()ni;itud(\ 


('"    f'oir    les    Comptes    rendus    des    séances   de   l'.-icadéinie    des    Sciences,    1866, 
t.  I.XIII.  i,    ir..{-i70. 


-  172  - 

La  théorie  de  INI.  Faye,  sur  la  parallaxe  de  profondeur,  se 
trouve  ainsi  parfaitement  vérifiée,  et  à  son  tour  elle  sert  de 
confirmation  aux  idées  de  Wilson,  Les  taches  sont  donc  des 
ca\  ités  ;  mais  ces  cavités  sont-elles  produites  par  des  éruptions 
volcaniques,  ou  bien  sont-elles  dues  à  des  tourbillons  ana- 
logues à  nos  cvclones?  Nous  traiterons  cette  question  lors- 
que nous  aurons  recueilli  toutes  les  données  nécessaires  pour 
la  résoudre.  Une  circonstance  nous  ])orterait  dés  à  présent  à 
adopter  l'assimilation  avec  les  cyclones  :  c'est  que  le  maxi- 
mum des  taches  coïncide  avec  les  limites  des  zones  où  se 
produit  le  renversement  du  mouvement  en  latitude;  mais  ne 
nous  hâtons  j)as  de  tirer  des  conclusions  qui  pourraient  être 
prématurées. 

§  y.    —    Rcsum'  des  moiacments  des  taches. 

On  voit,  par  tout  ce  que  nous  avons  dit  jusqu'ici,  qu'au 
lieu  d'observer  le  mouvement  de  rotation  du  corps  solaire 
lui-même,  nous  en  sommes  réduit  à  étudier  celui  de  son  at- 
mosphère. Nous  sommes  donc  dans  les  conditions  où  se  trou- 
verait un  astronome  ([ui  voudrait,  en  se  plaçant  dans  la  Lune, 
déterminer  le  mouvement  de  rotation  de  la  Terre,  en  prenant 
un  nuage  pour  point  de  repère.  Il  lui  faudrait  tl'abord  étu- 
dier la  circulation  atmos})hérique  et  en  déterminer  les  lois, 
tâche  bien  difficile,  et  à  peu  près  impossible  dans  de  pareilles 
circonstances. 

Les  connaissances  que  nous  avons  acquises  nous  permet- 
tent cependant  de  diviser  les  mouvements  des  taches  en  trois 
catégories   : 

La  première  comprend  tous  les  mouvements  généraux ,  et 
à  ce  point  de  vue  le  résultat  le  plus  important  est  l'inégalité 
des  rotations  sur  les  divers  parallèles;  la  vitesse  angulaire  est 


-  173  - 

maxiiniim  ;'i  r(''(Hi:ilciii\  et  clic  (limiiiiic  l()fs(nic  la  lafitiidc 
auiiinciilc. 

La  (Iciixicmc  calci^oric  <'()in|)r('ii(l  les  inoiiNcnu'iits  appa- 
rciils  (lus  a  la  j)aralla\c  «le  jn-oroiidciir  et  à  la  réfraction.  La 
nrcniici'o  i\c  ces  Ai'ux  causes  étant  cluumcc  |)ai'  la  mctliodc 
d'obsiM-N  atioii  c|iic  nous  a\nus  |)i'o|)()S('c,  il  reste  seuleinent  la 
seconde,  dont  I  influeiKn*  n'a  |)as  encore  été  sulfisannneut  de- 
terniinee,  mais  fjui  n'est  pas  à  néj^lii^M'r. 

].a  troisième  contient  tous  les  mouvenjcnls  irréj^uliers  et 
extraordinaires  (jui  dépendent  des  causes  mêmes  qui  |)rodui- 
s<'nt  le>  lacMies,  causes  encore  bien  obscures  et  qui  l'estei'onl 
longtemps  iucoinnies. 

Nous  avons  fait  remarquer  plusieurs  fois  que  ces  mou- 
vements se  produisent  surtout  au  moment  de  l'ajjparition 
d'une  tache;  il  se  forme  souvent  plusieurs  centres  sans 
qu'on  puisse  prévoir  lequel  d'entre  eux  persévérera  et  for- 
mera définitivement  le  novau  de  la  tache.  Les  mêmes  irrégu- 
larités se  renouvellent  à  l'époque  de  la  dissolution  finale; 
aussi  les  taches  les  plus  stables  sont  celles  qui  paraissent  les 
plus  profondes. 

Enfui  il  est  impossible  d'expliquer  les  mouvements  systé- 
matiques des  taches  par  des  courants  analogues  à  nos  vents 
alizés.  Cette  Inpothèse  n'explique  j)as  le  fait  fondamental 
que  nous  révèle  l'observation,  savoir  que  la  vitesse  angulaire 
est  plus  grande  à  l'équateur;  elle  n'explique  })as  davantage 
les  nombreux  mouvcMuents  en  latitude. 

L'liv[)othèse  la  j)lus  simple  est  celle  de  la  contraction  duc 
au  refroidissement;  c'est  elle  qui  explique  le  plus  grand 
nombre  de  pliénomènes  et  en  particulier  ce  mouvement  j)lus 
rapiile  (jue  possède  à  l'équateur  la  couche  superficielle.  Mais 
si  nous  voidons  descendre  dans  l'examen  détaillé  d(\s  cas  par- 
ticuliers, il  nous  est  impossibli*  d'assigner  les  causes   immé- 


»-«r«i»»--  Ifl*'^*»»»*-. -o 


diates  dv  chacun  des  mouvements  que  nous  observons. 
jMéme  en  admettant  que  les  taches  sont  dues  à  des  tour- 
billons, nous  devons  avouer  notre  ignorance  sur  les  circon- 
stances qui  déterminent  leur  formation,  car  des  causes  gé- 
nérales et  permanentes  ne  suffisent  j^as  pour  expliquer  des 
phénomènes  aussi  variés  et  aussi  capricieux. 

Nous  ne  connaissons  pas  la  profondeur  de  la  couche  ga- 
zeuse que  nous  étudions  ;  si  nous  considérons  la  haute  tem- 
pérature du  globe  solaire,  nous  devons  penser  que  cette 
couche  est  très-épaisse,  et  qu'il  n'y  a  point  de  novau  solide 
dans  le  sens  que  nous  donnons  ordinairement  à  ce  mot.  Dans 
tous  les  cas,  si  ce,  noyau  existe,  il  doit  se  trouver  à  une 
grande  profondeur  au-dessous  de  la  surface. 


173 


ClLVriTUE    YIL 

VAniATio.NS    siici  i.Ai  II  i:s    i)i;s    taches. 


§1.  —  Recherches  historiques. 

Après  avoir  étudié  la  slructuiv  et  les  nioiivenieiUs  des 
taches,  ou  est  uatiirellemeiit  porté  à  se  demander  si  Iciiis 
apparitions  à  différentes  épocpies  sont  assujetties  à  queUjuc 
loi  générale.  Cette  question  est  une  de  celles  cjui  ont  beau- 
couj)  occupé  les  astronomes  modernes.  Les  plus  anciens 
observateurs  ont  remarqué  (ju'il  n  y  a  pas  clinque  année  un 
nombre  «'gai  de  taches.  Il  v  a  eu  des  époques  ou  il  s'e.st 
écoulé  des  mois  et  des  années  sans  cju'on  puisse  en  observer 
aucune.  Alème  en  admettant  que  cette  dernière  affirmation 
soit  im  peu  exagérée,  et  qu'elle  résidte  du  peu  de  précision 
avec  laquelle  les  observations  ont  été  faites  et  de  la  faiblesse 
des  instruments  (ju'on  employait  autrefois,  il  n'en  est  pas  moins 
vrai  que  le  nombre  des  taches  est  extrêmement  variable,  et 
(ju'il  v  a  des  époques  où  elles  sont  très-rares. 

\V.  Tlerschel  est  le  premier  cpii  se  soit  occupé  de  cette 
(juestion;  il  chercha  à  établir  un  rapj)ort  entre  les  variations 
des  taches  et  la  météorologie  terrestre,  et,  à  défaut  d'autre 
élément,  il  compara  le  nombre  annuel  des  taches  au  prix  dn 
ble;  mais,  on  le  comprend,  il  ne  pou\ait  rien  résulter  d  un 
siMnblable  travail.  Sans  doute,  les  phénomènes  météorolo- 
gitpies  du  globe  doivent  dépendre,  dans  une  certaine  mesure, 


—  17G  — 

des  ^  icissitudcs  solaires  :  nous  en  verrons  une  preuve  frap- 
pante ;  mais  le  terme  de  comparaison  choisi  par  Herscliel  n'a 
aucune  relation  directe  avec  l'état  du  Soleil. 

De  nos  jours,  cette  question  a  été  étudiée  à  fond  par 
M.  Wolf ,  directeur  de  l'Observatoire  de  Zurich.  C'est  à  son 
zèle  qu'on  doit  un  recueil  très -riche  et  très-intéressant  du 
plus  grand  nombre  des  ojiservations  anciennes,  qui  étaient 
ensevelies  dans  les  archives  et  dans  les  répertoires;  c'est  lui 
qui  a  cherché  à  les  coordonner,  à  les  rendre  comparables,  à 
combler  autant  que  possible  les  nombreuses  lacunes  qui 
existaient  entre  les  différentes  séries. 

L'observateur  le  plus  attentif,  à  l'époque  où  les  taches 
furent  découvertes,  c'est  Scheiner;  mais  il  nous  avertit  lui- 
même  qu'il  n'a  pas  tenu  compte  de  toutes  les  taches  qu'il  a 
aperçues;  il  n'a  enregistré  que  celles  qui  pouvaient  lui  fournir 
les  éléments  de  la  rotation  qu'il  cherchait  à  déterminer. 
Plusieurs  observateiu's  ont  fiit  après  lui  des  séries  d'obser- 
vations détachées;  mais  quelques-unes  ont  été  perdues,  les 
autres  contiennent  de  grandes  lacunes.  Jean  Gaspard  Stau- 
daclier,  à  Nuremberg,  observa  avec  plus  de  constance  pen- 
dant cinquante  ans,  de  17^9  à  1799.  Avant  lui,  lesCassini, 
Maraldi  et  autres  s'en  occupèrent,  mais  seulement  d'une 
manière  indirecte  :  ils  se  contentaient,  en  faisant  l'observation 
méridienne  du  Soleil,  de  noter  ce  qu'il  y  avait  de  plus  impor- 
tant. Zucconi  et  Flaugergues  nous  ont  aussi  laissé  de  bonnes 
séries,  que  M.  Wolf  a  utilisées  en  les  rendant  comparables 
entre  elles  par  les  corrections  les  plus  vraisemblables  qu'on 
puisse  emplover  en  pareille  circonstance.  La  difficulté  prin- 
cipale vient  de  ce  que  tous  les  observateurs  n'ont  pas  em- 
plové  des  instruments  également  puissants;  celui  qui  était 
armé  d'une  meilleure  lunette  observait  et  enregistrait  des 
taches  qui  auraient  échappé  aux  autres  :  les  nombres  inscrits 


— >lM>.'»Ji'*'»^gf<<<aHy.-iy 


—   177  — 

dans  lours  r('<,Mstr('s  (rohscrvatioii  ne  sf)iit  donc  pas  compa- 
rables entre  eux.  ]M.  Woli  a  clicrclié  à  remplacer  ces  nombres 
par  ceux  qu'auraient  enregistrés  les  observateurs  s'ils  avaient 
employé  des  lunettes  conipaiablcs  a  un  modèle  déterminé. 
Il  est  résulté  de  ce  ti'a\ail  une  chroniciue  j)i'es(pie  continue 
des  taches  solaires  depuis  une  époque  assez  reculée  jusqu'au 
moment  où  cette  étude  a  été  reprise  avec  une  grande  acti- 
vité. 

C'est  le  baron  Schwabe,  de  Dessau,  ([ui,  dans  les  temps 
modernes,  s'en  est  occupé  avec  plus  d'assiduité  et  de  con- 
stance. De  182G  à  1868,  il  n'a  pas  manqué  de  faire  des  ob- 
servations quotidiennes  toutes  les  fois  que  le  temps  l'a  permis. 
Cette  série  est  précieuse,  parce  qu'elle  se  relie  avec  celle  de 
Carrington,  et  que  celle-ci,  à  son  tour,  se  rattache  à  celle 
de  ]M.  Sporer  et  à  toutes  les  observations  photograjjhiques  et 
autres,  qui  se  font  maintenant  de  toutes  parts.  Toutes  ces 
observations,  quoique  faites  par  des  procédés  différents, 
sont  facilement  rendues  comparables. 

De  nos  jours,  il  y  a  plusieurs  savants  qui  observent  avec 
soin  les  taches  solaires;  mais,  aujourd'hui  comme  autrefois, 
il  y  en  a  peu  qui  aient  assez  de  persévérance.  La  méthode 
photographique  est  excellente,  mais  elle  prend  beaucoup  de 
tem|)s  et  occasionne  des  dépenses  considérables.  Quelques 
savants  ont  décrié  les  dessins  d'une  manière  injuste  r  un  des- 
sin assez  grand,  fait  sur  projection  par  un  habile  dessinateur, 
avec  une  lunette  portée  ])ar  un  mouvement  d'horlogerie, 
peut  soutenir  la  comparaison  avec  une  épreuve  photogra- 
phi(|ue,  et  en  opérant  ainsi  on  a  j)his  de  chances  de  per- 
sévérer dans  ces  observations.  Nous  apprenons  avec  regret 
que  l'observatoire  de  Kew  a  interrompu  ses  observations 
photographiques  ;  espérons  qu'elles  seront  continuées  à 
Greenwich  avec  le  même  appareil. 

I.  12 


178 


§  II.  —  Elude  statistique  du  nombre  des  taches  solaires. 

Le  baron  Schwabe,  en  étudiant  sa  longue  série  d'observa- 
tions, a  reconnu  une  périodicité  très-évidente.  Des  maxima 
et  des  mininia  Irès-prononcés  se  succédaient  à  un  intervalle 
de  dix  à  onze  ans.  Il  est  bien  vrai  que,  dans  une  pareille 
étude,  il  y  a  des  éléments  un  peu  défectueux.  D'abord,  on  ne 
peut  pas  observer  le  Soleil  tous  les  jours,  et  les  lacunes  qui 
résultent  du  mauvais  état  du  ciel  viennent  nécessairement 
au£;menter  le  nombre  des  jours  où  il  n'v  a  point  de  taches. 
De  plus,  le  nombre  des  taches  est  toujours  un  peu  arbitraire; 
il  y  a  souvent  des  groupes  qui ,  par  leurs  subdivisions ,  se 
prêtent  à  différentes  manières  de  compter  ;  mais,  dans  une 
masse  d'observations  aussi  considérables  que  celles  du  baron 
Schwabe,  ces  différences  se  compensent  l'une  l'autre  et  dis- 
paraissent dans  le  résultat  final.  En  effet,  la  loi  est  si  saillante 
qu'il  suffit  de  jeter  un  coup  d'œil  sur  son  tableau  pour  re- 
connaître qu'aucune  objection  ne  saurait  l'ébranler.  Ce 
tableau  étant  très-intéressant,  nous  le  reproduisons  ici,  en  y 
ajoutant  le  résultat  des  observations  faites  au  Collège  Romain 
pendant  les  quatorze  dernières  années.  Nous  avons  aussi 
ajouté  une  colonne  contenant  le  résultat  des  recherches  de 
jM.  de  la  Rue  sur  les  observations  de  Carrington  et  sur  celles 
de  l'Observatoire  de  Kew. 

Les  dessins  de  Schwabe  étaient  exécutés  à  une  très-petite 
échelle,  6  ou  7  centimètres  de  diamètre  :  aussi  les  résultats  pou- 
vaient être  entachés  de  quelques  inexactitudes,  et  l'on  pouvait 
se  demander  s'ils  seraient  assez  exacts  pour  être  comparés, 
par  exemple,  aux  épreuves  photographiques.  Or  cette  série  se 
compénètre  avec  celle  de  IM.  Carrington  et  celle  des  astronomes 
de  Kew,  M.  de  la  Rue,  profitant  de  cette  circonstance,  a  com- 


~    17!l    - 

part'  les  aniu'cs  tuinimiiics.  et  le  résultat  a  ctr  trùs-satisfaisant, 
(le  sorte  (|ii(',  en  x*  sci'n.iiiI  (11111  coclfii'iciil  l'oiiNciiablc,  on  a 
j)U  (loiiiicr  a  toutes  ces  obscr\ations  le  même  clejjjré  de  j)ré(i- 
sion.  \()i(  i  un  extrait  de  la  comjjaraison  entre  les  nombres 
lie  Scli\vabe  et  ceux  de  i\c\v.     <)n  solar pliysics,  |).  ().y 


V  n.ss.ui. 

.\   K.\N. 

18C2, 

CM 

1  ()  mois. 

I  ;3 

'•'7 

18G3, 

Cil 

()  iiii)is.  . 

1,1 

^\) 

ISOi, 

Cil 

1  ?.  mois.  . 

r  '^o 

I  I  "i 

T<)t;il...     . 

...       3'J4 

û'  1 

Les  dilferenees  ne  sont  jias  exagérées  et  elles  ne  sauraient 
infirmer  la  valeur  des  conclusions  que  nous  allons  exposer. 

La  méthode  la  plus  exacte,  la  seule  rationnelle,  consiste  à 
évaluer  la  poi'tion  de  la  surface  (jui  est  recouverte  d«^  taches; 
le  système  qui  consiste  à  évaluer  le  nombre  de  taches  con- 
duira-t-il  au  même  résultat  ou  aménera-t-il  des  conséquences 
différentes?  Pour  résoudre  cette  question,  ^I.  de  la  Rue  a 
fait  évaluer  la  surface  totale  des  taches  en  millionièmes  de 
l'hémisphère  visible.  Ce  calcul  a  été  fait  avec  une  admirable 
patience  pour  les  trois  séries  de  Schwabe,  de  Carrins^ton  et 
des  astronomes  de  Kew;  on  a  évalué  séparément  l'ombre,  la 
pénombre  et  l'ensemble,  en  faisant,  bien  entendu,  la  correc- 
tion relative  à  la  déformation  apparente  qui  se  produit  à  me- 
sure fpi'on  s'éloigne  du  CL'ntr(\  Les  résultats  de  cet  innnense 
travail  sont  consignés  dans  plusieurs  tableaux  annexés  aux 
sa^ants  Mémoires  publiés  de  i8G5  à  iS-jo  dans  les  Transac- 
tions philosophiques,  sous  ce  titre  :  Researches  on  solar  physics, 
by  W.  de  la  Rue,  Ralfour  Stewart,  Renjamin  Lœvv.  C'est  du 
derni(MOIémoire,  page  i  28,  que  nous  avons  extrait  les  nombres 
relatifs  cUix  années  i8'32  à  18G8,  insérés  dans  le  tableau 
ci-après.  Dans  cette  cinquième  colonne,  l'unité  est  le  mil- 
lionième de  la  surface  de  !  Iieniis])hère  solaire. 


180  - 


Tableau  du  nomhiT  de  taches  pendant  quarante-sept  a/is. 


JOURS 

JOIRS 

NOMBRE 

SUPERFICIE 

COLLÈGE 

ANNÉES. 

d'observations. 

sans  taches. 

ties  taclies. 

des  taches. 

ROMAIN. 

1826 

2/7 

22 

1  kS 

1827 

2/3 

2 

i6i 

1828 

28i 

0 

225 

1829 

2i'f 

0 

199 

1830 

2'7 

I 

190 

1831 

239 

3 

ii9 

1832 

270 

19 

8'. 

iq'j 

1833 

267 

'39 

33 

73 

1834 

273 

120 

5i 

142 

1835 

2'.4 

iS 

173 

837 

1836 

200 

0 

272 

i',07 

1837 

168 

0 

333 

1236 

1838 

303 

0 

283 

876 

183'J 

2()3 

0 

1G2 

8t7 

1840 

26:i 

3 

102 

57  j 

1841 

283 

1  j 

102 

3^0 

1842 

307 

6'. 

68 

209 

1843 

3l2 

''l9 

34 

108 

1844 

32  1 

1 1 1 

52 

'97 

1845 

332 

29 

..', 

396 

1846 

3.'i 

I 

IJ7 

599 

'    1847 

276 

0 

2J7 

1127 

1848 

278 

0 

33o 

1 112 

i    1849 

28:) 

0 

238 

753 

1    1850 

3u8 

2 

1S6 

383 

!    1851   , 

3o8 

0 

l'i' 

638 

1852 

337 

2 

12J 

32  2 

1853 

299 

1 

9' 

33o 

1    1854 

3i\ 

65 

67 

lyS 

1855 

3i3 

i',6 

3  s 

82 

1856 

321 

193 

3'. 

40 

1857 

3>', 

J2 

98 

227 

1858 

333 

0 

202 

763 

1859 

3 ',3 

0 

20J 

1390 

2J7 

1860 

332 

0 

2  1  I 

1343 

23  1 

1861 

322 

0 

20', 

i3io 

23  I 

1862 

317 

3 

160 

1  iu3 

168 

1863 

33u 

2 

'2f 

7Î9 

.63 

1864 

32J 

■  ^ 

i3o 

8i3 

97 

1865 

307 

26 

93 

549 

86 

1866 

3'i9 

76 

45 

199 

81 

li67 

3l2 

igj 

25 

188 

32 

1868 

3oi 

12 

ICI 

ii9 

92 

1869 

'79 

0 

19S 

1870 

•17 

0 

3o3 

1871 

38o 

0 

3o4 

1872 

3i  J 

0 

292 

1 

i 


-    ISI    - 

(".('  l;tl)l('aii  osl  à  la  fois  iiiléressaiit  cl  li'cs-iiislriK  tif.  I.cs 
iionil)rt's  ([Il  il  coiitit'iit  parlent  assez  clairement,  et  il  suKil  de 
les  examiner  avec  un  peu  d  attention  pour  reconnaître  ICxac- 
titude  des  conclusions  (jue  nous  allons  en  tirer. 

i"  H  V  a  des  maxima  et  des  minima  j)criodiques,  et  l'anipli- 
îude  de  cette  période  est  comj)rise  entre  lo  et  12  ans.  Pour 
en  déterminer  la  \aleui'  avec  j)lns  de  précision,  (juelques 
astronomes  ont  eu  i(^cours  aux  observations  anciennes. 
"NI.  Wolf,  (le  Zurich,  a  fait  à  ce  sujet  un  travail  intéressant 
cpi'on  trouve  dans  son  ouvrage  sur  les  taches  solaires  [Mil- 
thcdungeii  der  SonnenJJecken  .  Il  a  pu  établir  la  chronologie 

Fig.  fîS. 


des  phases  que  le  Soleil  a  parcourues  depuis  la  découverte 
des  taches  jusqu'à  nos  jours.  Ses  calculs  l'ont  conduit  à  une 
période  de  1 1  ans  et  -g.  ]M.  Lamont  avait  trouvé,  de  son  côté, 
10  ans  YJT^;  mais  ce  nombre  ne  représente  pas  assez  exacte- 
ment les  dernières  observations. 

2"  C"-ha([ue  maxinunn  est  plus  rapproché  du  minimum  pré- 
cech'nt  (|ue  du  suivant,  de  sorte  que  la  courbe  présente  la 
forme  indiquée  par  \'<\Jig.  G8.  L'ordonnée  augmente  pendant 
3  ans  Y^,  elle  diminue  (uisuite  pendant  7  ans  ~-^.  D'après 
M.  de  la  Rue,  l'accroissement  durerait  3  ans  ^^7^,  *^^  hi  dimi- 
nution -  ans  Y^.  La  coïncidence  est  surprenante,  vu  la  di- 
versité des  méthodes  qui  ont  conduit  à  ces  résultats  presque 
identiques,  les  uns  ayant  évalué  le  nombre  des  taches,  les 
autres    avant   mesuré   leur    superficie.    Les    différentes   pé- 


—  18-2  — 

riodes  ne  sont  pas  absolument  identiques,  comme  on  peut 
le  voir  dans  la  fi,^.  71,  extraite  des  travaux  de  M.  de  la  Rue 
(1 832-1 8(38);  mais  on  a  remarqué  que,  si  dans  une  période 
la  partie  décroissante  est  retardée  ou  accélérée,  la  partie 
ascentlante  de  la  période  qui  suit  s'allongera  ou  se  raccour- 
ciia  également.  D'après  cette  remarque,  on  a  pu  annoncer 


Fi".  On. 


1    ■    ■    ' 1    1    1    '   1   1 1    '   1 1    1   1   1   1    1    1   1    '    '   1    ■    '    '    1    1   1   '   1    '   1   '   1    '    '    '  '   '    ' 

1    ' 

N. 

J 

■ 

1     11» 

Htm. 

S. 

'/^'V\a 

^      !   A // %' 

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\  Y' 

i  hi  y  ■    ',i 

■ 

//i 

'•' V 

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!   /;          1            i 

U  1 

^BM 

r 

'     V'^-^,, 

\\y\        /\j            J 

H — 1    i  J  '  1    1 — 1 — 1 — [- 

1  '  i  1  : 

.  ."''%::>.^. .' ,  ;,     i 

T^.ïA-r 

SVÀMJG' 



\            1                     i            32 

■    r 

■\    i  ••     !     . 

—  -.J- 

i 

1                         "a      Â                         Î4 

\ 

^^ 

""r^-'-o,;.        2„ 

^^^^^ 

<-<\\ 

i       \T>A 

■- 

"^>;::v_^ 

]   •     ■  1                    ■  \-?.« 

^\ 

-A- 

''^^^^i^^^^^^^-^.illlv  ..                                ^ 

-  -\/ 

\ 

''i""-^ 

1 1 1 1 

■^ 

1    1    1    1    i 

l'i  1  1   1  1  1   1   1 

1     1     1     1     1  1  !     1     L     1    1  '  1     1     1     1     II  i     !     1     r     1  1  1    1    !     1    i 

'  l'ss's  IJSg'  i'm?    1838    1859       18G0     1861       1862    1803     186*    186ï   1»«6    1801    lg6«     1869  1«70     11/1      1 

que  la  première  partie  de  la  période  actu(41e   serait  très- 
accélérée,  ce  qui  s'est  vérifié 

Lay?»-.  6c),  qui  n'est  qu'une  réduction  de  celle  de  M.  Sporer, 
indique  rigoureusement,  dans  sa  partie  supérieure,  la  marche 
du  phénomène  de  i854  à  1871.  La  ligne  continue  corres- 
pond à  l'hémisphère  nord,  la  ligne  ponctuée  à  l'hémisphère 
sud. 


-  183  — 

3°  Nous  empruntons  aii\  travaux  de  M.  Wolf  la  série  des 
maxinia  et  des  niinima  observés  et  enregistrés,  pour  l<'s 
époques  précédentes,  par  différents  observateurs.  Nous  ajou- 
tons à  chacune  de  ces  dates  un  nombre  qui  fait  connaître 
avec  quelle  approximation  les  différentes  époques  sont  con- 
nues. On  peut  remarquer  que  rincertitude  est  beaucoup  plus 
grande  dans  les  observations  anciennes  que  dans  les  plus 
récentes. 


Tableau  des  époques  des  md.rhna  et  iiiinirnci  des  taches  solaires^ 
par   M.    ^Voi.K. 


MAXIMA. 

MIMMA. 

Série  a 

i 

•ïcienne. 

1C10.8 

±   o,  ', 

1G!5.0 

±Z     1.". 

1619,0 

±  I . .') 

1G2G,0 

-—    1  ,  Il 

1(334,0 

rb   1 .11 

1639.5 

rt  I.o 

1G45.0 

±   1  .'• 

IGoô.O 

::;  -.'.o 

16G6.0 

rt  3.0 

1G75.0 

±  i.o 

1G79,5 

:îr  -i,o 

1G85,5 

±   1 , .") 

1689,5 

±L    •_>,.)    ■ 

1(193.0 

•.-r  2.0 

1698.0 

::*:  •_>,!) 

1705.0 

±    5.11 

1712,0 

:+:   1  ,<> 

1717.5 

±    I  .() 

1723.0 

±:   I.o 

1727.5 

:r    1,.. 

,            1733.0 

±  \  ,j 

1738,5 

=r    I  .  ") 

1745,0 

±   i,o 

Sérif!  n 

odcriie. 

1750,0 

±   i.(. 

1755,7 

:+:  0,5 

17G1.5 

:±r  0,5 

17GG,5 

=:  0..') 

1770,0 

±0,5 

1775, S 

±  0.5 

1779,5 

±:  o,.'i 

1784,8 

i  o,5 

1788.5 

±  0.:. 

1798.5 

±  (.,.'. 

1-04,0 

±    0.1 

1810.5 

:n  0,5 

181G,8 

:r  0,.") 

1823.2 

■^  it.î 

1829,5 

±    0,J 

1833.8 

±0.1 

1837,2 

±    0,j 

1844,0 

rîz  o.  > 

1848. G 

rr.  0,.') 

1856. 2 

±:  o,j 

1860,2 

=    0.1 

1867,1 

dr  o.i 

lig.  7». 


iHs: 
iili 


ssb: 


;Bë3 


—  184  — 

Afin  de  mettre  cette  loi  en  é\iclence 
tlans  tous  ses  détails,  nous  reprodui- 
sons {Jig.  70)  la  courbe  construite  par 
M.  Wolf  pour  résumer  la  marche  des 
variations  annuelles.  M.  Carrington  a 
construit  une  courbe  tout  à  fait  sem- 
blable. Les  abscisses  représentent  les 
années  et  les  ordonnées  le  nombre  des 
taches  observées. 

L'étude  de  cette  courbe  montre  deux 
choses  :  1°  la  période  est  bien  undé- 
cennale,  comme  nous  l'avions  annoncé; 
2"  cependant  elle  n'est  pas  aussi  simple 
qu'on  pourrait  le  croire  au  premier 
abord  ;  en  réalité,  il  y  a  deux  périodes 
supei'posées,  l'une  semi-séculaire,  l'autre 
undécennale;  nous  n'avons  pas  d'obser- 
vations anciennes  assez  précises  pour 
reconnaître  la  loi  de  la  variation  sécu- 
laire, nous  ne  pouvons  que  constater 
son  existence. 

Les    derniers    travaux    de    JNL    Wolf 
fixent  la  durée  de  cette  période  à  55  ans  |- 
Selon    Loomis ,  une   période   de  calme 
régna  entre  18 10  et  1825. 

3°  Il  est  intéressant  de  comparer  les 
époques  obtenues  par  M.  Wolf  pour  les 
maxima  et  les  minima  avec  celles  de 
]\L  de  la  Rue.  Les  époques  de  M.  de 
la  Rue  sont  les  suivantes  : 


-  185  — 

Minimum.  Maximum. 

1833,91  l836,97 

1843,7?.  1847,87 

1856, 3o  1859,67 

1 8G7 , 1  ■?. 

lntcr\iiUcs  entre  les   nii/iiina. 

Ans. 
I" 9'8' 

2' i-,58 

S'' 10, 58 

Moyenne •<^>99 

I/iteivallcs  entre  les  ma.rinid. 

Ans. 
r*" '0,90 

2'' I  I  ,  80 

Moyenne 1  i  ,35 

Ces  nombres  s'approchent  l^eaiieoup  tle  la  période  de 
1 1  ans  7j-  tromce  par  ^I.  Wolf;  avec  ini  aussi  petit  noniljre  de 
périodes,  il  était  impossible  d'espérer  mieux. 

4"  Il  V  a  cependant  de  grandes  irrégularités  dans  le  détail 
des  différentes  séries;  pour  en  donn(M'  inie  idée,  nous  repro- 
duisons ici  [Jig.  yr)  la  courbe  donnée  par  ]M.  de  la  Rue  ('), 
sur  laquelle  on  peut  suivre  la  marche  accidentée  du  phéno- 
mène. La  ligne  ponctuée  indique  les  valeurs  movennes,  la 
ligne  pleine  fait  connaître  les  valeurs  réelles. 

La  phase  la  ])his  saUlante  de  celte  courbe,  c'est  une  recru- 
descence très-sensible  qui  se  produit  très-peu  de  temps  après 
le  maximum  proprement  dit. 

(')  Pliilosophi'cal  Triuisaccioiis,  PI.  W'XI;  1S70. 


-   186  — 


5^*  Les  passages  des  maxima  aux  minima  sont  accompagnés 
d'une  circonstance  assez  curieuse.  En  disposant  les  taches 
d'après  leur  longitude  et  leur  latitude  sur  un  diagramme  assez 


Fi[j.  71. 


serré,  31.  Carrington  a  montré  que  leur  latitude  va  en  dé- 
croissant à  mesure  qu'on  approche  du  minimum;  puis, lorsque 
leur  nombre  va  en  croissant,  elles  se  montrent  à  une  latitude 
plus  élevée.  Cette  loi  se  vérifie  encore  dans  la  dernière  pé- 
riode, à  partir  du  dernier  minimum  qui  s'est  produit  en  1867, 
comme  il  résulte  des  observations  de  31.  Sporer  et  des  nôtres. 
Le  tableau  suivant  peut  servir  à  étudier  le  fait  que  nous  ve- 
nons de  signaler;  la.  Jig.  G9,  construite,  dans  sa  partie  infé- 
rieure, d'après  le  même  tableau,  montre  encore  mieux  la 
manière  dont  varient  les  latitudes ,  et  comment  elles  passent 
quelquefois  sans  transition  d'une  valeur  à  une  autre. 


-   187  - 


Tahlcau   dc^   Intittidcs   ni(\i  rnncs   et  des  fit-ijucnca  des   taches   of/senées 

par  M.    Si'oRFR. 


lll.MISPlIKnE    M)RD. 

lltMISPUÈRE   Sl'D. 

LES  DF.tX  UKMISPUËRES. 

Fréquente. 

I.alllucle 

Kré(|uemc. 

I.aiiiude. 

Fréquence 

l.nlllu.l.?. 

185i 

i38 

10. 2G 

90 

9-V 

228 

9-9' 

18  jj 

.',G 

-■"- 

48 

8.35 

9'l 

7-79 

1856 

■il 

S.  3  3 
3.-7 

9 

32 

((.0 
28.72 

3o 
35 

8..j3 

28.97 

1857 

5) 

3.', 
23.5G 

i.')7 

2 ',.36 

3 10 

23.9 

18j8 

23G 

20.67 

.J2G 

20.57 

762 

20 .  60 

1859 

',3'. 

.7.33 

537 

17.07 

9^J 

17.18 

18G0 

7'- 

1 7 .  80 

G;).-, 

1G.7G 

i',07 

'7- -'9 

18G1 

(n> 

l'|.22 

563 

.',.',8 

Il  85 

i',.3', 

1SG2 

373 

12.7', 

/|00 

M. 98 

773 

1 2 . 3  '1 

1S63 

3oG 

"'•7!> 

2G2 

lu. ',3 

5G8 

10.62 

18Gi 

283 

11.07 

2',1 

10.  iG 

527 

1 0 .  66 

18G5 

2  DU 

9.2(i 

172 

10.  iG 

372 

9 -07 

18GG 

ini 

9.3G 

83 

8.40 

18', 

8.93 

18G7 

i3 

7-9'J 
2G.8', 

8 

52 

7-41 
22.92 

7.88 
23.71 

ISi.S 

'7'^ 

5|-0'l 

27S 

21..S3 

',56 

a3.o5 

IMV.I 

/,28 

2 1 .  G8 

•179 

21. G3 

907 

21.65 

I>7() 

738 

I  () . ()l] 

7G5 

18.88 

i5o3 

'7-9'l 

1S71 

■'">!) 

17.G.S 

582 

'  i-G'i 

loi)  1 

1 G .  oG 

()"  Les  variations  dos  taclies  rappolleiit  iiatuivllcmciit  les 
oljscurcissements  du  Soleil  qui,  au  dire  des  historiens,  se  sont 
produits  en  plusieurs  circonstances;  mais  il  faut  procéder  avec 
beaucoup  de  discernement.  Un  grand  nombre  d("  ces  phéno- 
mènes qui  ont  attiré  lattention  du  peuple  ne  sont  ([lie  des 
éclipses  mal  observées  et  encore  plus  mal  décrites  ^'  .  Dans 
d'autres  circonstances,  l'obscurcissement  a  été  produit  par 
des  brouillards  secs   très-persistants;   tel  est  probablement 


(')  M.   Roche,  Comptes  rendus  des  séances  de  l'Académie  des  Sciences,   t.  LXlll. 
p.  38',. 


-   1S8  - 

relui  (|ui.  au  dire  de  Kepler  et  de  Gemma-Frisius,  eut  lieu 
en  i547-  ^^  "  t^^t  pas  impossible  que  quelqu'un  de  ces  phéno- 
mènes soit  dû  au  passage  d'un  nuage  de  matière  cosmique, 
ou  à  une  quantité  prodigieuse  de  petites  taches,  ou  encore  à 
une  condensation  extraordinaire  de  matière  absorbante  à  la 
surface  de  la  photosphère  ;  mais  nous  ne  saurions  rien  affirmer 
de  certain  à  cet  égard. 

C'est  ainsi  que,  d'après  Virgile,  qui  s'est  fait  l'écho  d'une 
tradilion  qu'on  retrouve  dans  Thistoire,  le  Soleil  s'est  obscurci 
à  la  mort  de  César  : 

nie  etiam  extincto  miseratus  Caesare  Romam, 
Qiuim  caput  obscura  nitidum  ferriigine  texit, 
Inipiaque  œtcrnam  timueriiiit  sœcula  noctem. 

En  l'an  553  et  en  l'an  626  de  l'ère  actuelle,  le  Soleil  resta 
obscurci  pendant  plusieurs  mois;  mais  ces  faits,  d'ailleurs 
mal  observés,  et  rapportés  sans  doute  avec  beaucoup  d'exa- 
gération, se  sont  présentés  à  des  époques  qui  paraissent  com- 
plètement indépendantes  les  unes  des  autres,  tandis  que  les 
variations  que  nous  venons  d'étudier  offrent  une  régularité 
presque  mathématique. 


§111.  —  Recherches  sur  les  causes  de  la  périodicilé  des  taches. 

Une  périodicité  aussi  bien  constatée  devait  naturellement 
inviter  les  astronomes  à  rechercher  les  causes  qui  peuvent  la 
produire.  La  seule  présence  des  taches  dans  la  région  zodia- 
cale avait  fait  soupçonner  à  Galilée  une  relation  de  dépen- 
dance entre  les  taches  et  la  position  des  planètes  (*  );  mais  il 

(')  Seconde  K-ttre  ii  \'elser. 


-   180  - 

i\  \  a  I.i  ([111111  s(»ii|>(;()n  <|ui  ir<'st  pas  suffisaniiiicnt  justifié. 
Il  nous  est  iiiipossiltlc  de  rien  alfirnicr  de  ccrtiiu  sur  cette 
question.  I  .a  i  aux-  (Icteiininaiili'  de  la  periotlicité  peut  être 
iiileiieure  au  corps  solaire,  cl  dcpcndic  d<'  (  ii'coiistaiices  (|ui 
nous  restei'oiit  a  jamais  cachées.  \.\\c  peut  aussi  être  exté- 
l'ieure  :  elle  peut  élre  due  à  l'influence  des  planètes  ou  à 
I  action  du  milieu  (pie  traverse  le  Soleil.  Celte  dernière  iivpo- 
tliése  est  peut-être  moins  probable;  il  ne  nous  reste  alors  à 
examiner  que  l'influence  des  planètes. 

Dapies  AI.  Wolt,  leur  attraction  serait  la  cause  réelle  de  la 
périoilicité  cpu  nous  occupe,  cette  attraction  produisant  a  la 
surface  du  globe  solaire  de  véritables  marées  (\u'\  donnent 
naissance  aux  taches,  et  ces  maré(\s  elles-mêmes  aNant  des 
variations  périodiques  dues  aux  déplacements  périodiques 
des  astres  qui  les  produisent.  On  avait  même  cru  j)ou\()ir 
affirmer  (pie  la  période  principale  coïncidait  avec  la  révolu- 
tion de  Jupiter;  mais  M.  Carrington  a  fait  voir  que  cette  coïn- 
cidence, j)iirement  accidentelle  dans  une  époque,  ne  se  repro- 
duit pas  dans  les  périodes  suivantes,  et  qu'on  n'en  peut  tirer 
aucune  conclusion  sérieuse  (').  L'action  de  Mercure  et  de 
A  énus  serait  peut-être  plus  efficace.  Leur  distance  au  Soleil 
est  peu  considérable,  ce  qui  rend  leur  influence  plus  sen- 
sible; mais,  d'un  autre  coté,  leur  masse  nous  parait  bien 
faible  pour  produire  de  .semblables  effets.  On  ne  peut  donc 
pas  trancher  cette  cpiestion  .sans  un  examen  sérieux;  c'est 
aux  astronomes  mathématiciens  qu'il  appartient  de  l'étudier 
et  de  la  résoudre  par  le  calcul. 


(')  Nous  sommes  vraimeiil  surpris  de  voir  souvint  cilor  M.  Cariington  comme  fa- 
vorable à  la  coïncidence  de  la  révolulioii  de  Jupiter  avec  la  période  des  tache»  :  c'est 
lui,  au  contraire,  qui  a  démontré  que  cette  coïncidence  est  purement  accidentelle 
pour  repoque  particulière  qu'on  avait  examinée. 


-  190  - 

M.  delà  Rue  et  ses  savants  collègues,  MM.  Stewart  et  Lœvy, 
ont  laborieusement  étudié  ce  point  de  la  physique  solaire. 
Ils  paraissent  être  arrivés  à  cette  conclusion  que  les  conjonc- 
tions de  Vénus  et  de  Jupiter  ont  une  certaine  influence  sur  le 
nombre  des  taches  et  sur  leur  latitude,  et  que  cette  influence 
est  moins  considérable  lorsque  Vénus  se  trouve  dans  le  plan 
de  Téquateur  solaire.  Et,  de  fait,  un  grand  nombre  des  iné- 
galités de  la  courbe  reproduite  plus  haut  [fig.  'ji)  corres- 
pondent réellement  avec  des  positions  particulières  de  ces 
deux  planètes. 

Pour  reconnaître  avec  plus  de  précision  ces  coïncidences 
et  l'importance  qu'il  convient  d'y  attacher,  M.  de  la  Rue  a 
fait  un  dernier  travail  dans  lequel  il  a  analysé  séparément  dif- 
férents groupes  de  taches,  s'attachant  principalement  à  celles 
qui  ont  donné  lieu  à  des  séries  d'observations  plus  continues 
et  plus  complètes,  surtout  lorsque  les  observations  corres- 
pondent à  la  partie  de  la  révolution  la  plus  centrale.  Après 
avoir  étudié  -^94  groupes  différents,  il  est  arrivé  aux  con- 
clusions suivantes  : 

i'*  Si  nous  menons  un  méridien  passant  par  le  milieu  du 
disque  solaire  et  représenté  par  un  diamètre  perpendiculaire 
à  l'équateur,  on  trouve  que  la  grandeur  moyenne  des  taches 
n'est  pas  la  même  par  rapport  à  ce  méridien.  Il  parait  cer- 
tain que  la  correction  de  perspective  ne  suffit  pas  jjour 
expliquer  cette  différence ,  et  qu'il  faut  introduire  un  autre 
élément  pour  obtenir  que  les  dimensions  apparentes  des 
taches  soient  les  mêmes  de  part  et  d'autre.  L'explication 
de  ce  fait  n'est  pas  encore  bien  certaine  ;  voici  la  plus  pro- 
bable :  les  taches  sont  entourées  d'un  bourrelet  saillant  qui 
semble  disparaître  en  partie  pendant  le  trajet.  Ce  bourrelet 
est  plus  relevé  sur  le  bord  antérieur  que  sur  le  bord  posté- 
rieur; il  en  résulte  que  les  taches  doivent  paraître  plus  pe- 


-  im  - 

tites  lorsqu'elles  sont  dans  la  partie  orientale  du  disf|ue.  plus 
«grandes  lorstju'elles  sont  dans  la  partie  occidentale;  car, 
dans  la  j)reniière  posiliou,  la  \ue  rencontre  un  obstacle  plus 
ele\('  cpii  cache  une  pai'tie  de  la  taciie  elle-même. 

2"  AI.  de  la  Hue  a  étudie  parliculièrement  les  taches  ohsei- 
vées  à  repo([ue  où  les  planètes  inférieures,  Vénus  et  ^lars,  se 
trouvent  à  des  distances  hélioc<'ntriques  de  la  Terre  égales  à 
o,()0,i8o,  a^odegrés;  comme  les  lac  lies  (pii  corre.spondent  à 
ces  époques  sont  nécessairement  peu  nombreuses,  il  v  a  ajouté 
celles  (pii  correspondent  à  des  positions  peu  différentes,  <'t  il 
est  arrivé  à  ce  résultat  :  les  taches  sont  plus  grandes  dans  la 
partie  du  Soleil  qui  est  opposée  à  Vénus  et  à  Mercure,  elles 
sont  jdus  petites  du  coté  de  ces  deux  planètes.  On  obtient  le 
même  résultat,  .soit  avec  les  figures  de  Carrington,  soit  avec 
les  photographies  de  Rew. 

3"  Cependant  on  ne  remarque  pas  que  Jupiter  ait  une  sem- 
blable influence.  La  révolution  de  cette  planète  est  de  si 
longue  durée  (pi'on  n'a  peut-être  pas  encore  fait  un  a.ssez 
grand  nombre  d'observations.  Cette  influence  devrait  être 
fa(  ile  à  remarquer,  car  si  l'on  calcule  l'action  des  planètes 
comme  on  le  fait  pour  h^s  marées,  en  la  regardant  comme 
directement  proportionnelle  aux  masses  et  inversement  pro- 
portionnelle au  cube  des  distances,  l'influence  de  Jupiter 
l'emporte  de  beaucoup  sur  celle  de  Vénus. 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  doit  avoir  une  liante  estime  pour  ces 
travaux  si  éminemment  j)ropres  à  nous  éclairer  sur  les  rela- 
tions qui  existent  vn[rc  les  taches  et  la  position  des  j)lanètes. 

M.  Wolf  croit  apercevoir  une  certaine  influence^  de  Sa- 
turne; mais,  on  nous  permettra  de  le  dire  avec  fraiu  bise,  il 
est  trop  facile  de  se  faire  illusion  dans  la  manière  de  grouper 
et  de  combiner  les  nombres  pour  que  nous  ]iuissions  ad- 
mettre ce  dernier  résultat. 


—  192  - 

M.  de  la  Rue  a  remarqué  que  les  grandes  taches  sont  géné- 
ralement situées  aux  extrémités  d'un  même  diamètre.  Cette 
même  loi  s'applique  aussi  bien  souvent  au  développement  des 
grandes  protubérances.  Cette  coïncidence  s'accorderait  bien 
avec  l'hypothèse  d'une  action  analogue  à  celle  qui  produit 
les  marées. 

Quel  que  soit  le  degré  de  probabilité  de  ces  explications, 
nous  ne  devons  pas  nous  dissimuler  que  nous  sommes  encore 
loin  d'une  démonstration  rigoureuse.  Si  nous  considérons 
avec  attention  les  variations  périodiques  des  taches,  nous  ne 
tarderons  pas  à  nous  convaincre  cpiil  est  impossible  de  les 
relier  directement  avec  une  fonction  astronomique  quel- 
conque, car  les  taches  se  présentent  d'une  manière  soudaine 
et  irrégulière  qui  contraste  trop  manifestement  avec  l'action 
continue  et  progressive  des  perturbations  de  la  Mécanique 
céleste.  11  n'v  a  qu'une  réponse  à  faire  à  cette  objection.  Les 
taches  et  leurs  variations  seraient  des  manifestations  visibles 
de  l'activité  périodique  du  Soleil,  activité  qui  dépendrait  elle- 
même  de  l'action  des  planètes  et  de  leurs  positions  relatives.  La 
cause  ainsi  définie  de  ^acti^ité  du  Soleil  peut  être  très-régii- 
lière  ;  cette  activité  elle-même  peut  varier  d'une  manière  con- 
tinue sans  que  les  phénomènes  qui  en  résultent  possèdent  les 
même  continuité  et  la  même  régularité.  C'est  ce  cjue  nous 
vovons  sur  la  Terre  dans  la  succession  périodique  des  saisons. 
La  position  du  Soleil,  et  par  conséquent  sa  manière  d'agir 
sur  notre  globe  varient  avec  une  continuité  remarc[uable,  et 
cependant  les  phénomènes  météorologicpies  cpii  en  résultent 
sont  irréguliers  et  capricieux.  Nous  verrons  bientôt  que  les 
savants  inclinent  de  plus  en  plus  à  croire  cpie  les  taches  ne 
sont  que  des  effets  secondaires  produits  par  des  causes  plus 
importantes  et  plus  radicales. 

Qu'il  y  ait  là  quelque  mystère  caché,  c'est  ce  qui  résulte 


-   H)3  — 

avec  cv  idriicc  di'  ce  fait  tivs-curiciix  (jiic  la  période  iiiidcrcii- 
iialc  de  la  Naïaation  dos  taclics  coiiicidi'  (runc  inanicrc  aiis-,i 
inattciidiic  (|ii('  (ertainc  awc  la  pci'iodc  des  Nariatioiis  du 
niaiinctisiiic  Icnvstro.  Nous  nous  coutcntons  (riudicjucr  ce 
fait  inijxn'laut  ,  nous  rcscrNanl  d'en  narlcr  en  dclail  i()i'S(|U(' 
le  moment  sera  \  eiui. 

(Juelle  (|ue  soit  notre  ignorance  relativement  au\  causes 
<|ui  peuvent  produire  les  variations  de  l'actixité  solaire,  nous 
pouvons  du  monis  tirei*  une  conclusion  des  lenianpies  j)récc- 
dentes  :  c'est  (pie  le  Soleil  est  loin  dètre  parvenu  à  un  étal 
de  calme  et  de  tran([uillité;  il  est,  au  conti'aire.  le  siège  d  une 
nn!nens(^  activité;  cette  acti\ité  est  sujette  à  de  nond)reuses 
variations  périodiques  cpii  doivent,  à  leur  tour,  influer  sur 
l'intensité  de  ses  radiations  calorificjnes  et  lunnneuses,  et 
réagir  ainsi  sur  les  planètes  qui  reçoivent  de  lui  la  chaleur,  la 
lumière  et  la  vi(^ 


i3 


-  i;i:; 


LIVRK  m. 

DK    I.'ATMOSI'III  Kl.    SOI.  mi;  I 


I  >  T  R  o  n  l  C  T  I  ()  >  . 


Dans  les  Cliapilivs  précédents,  nous  avons  souvent  parlé 
d'inic  atniosplière  gazeuse  et  transparente  envclopj)ant  le 
Soleil,  et  dont  l'existence  résulterait  nécessairement  des  idées 
que  nous  avons  admises  sur  la  nature  de  la  couche  photosphé- 
rique.  Nous  devons  maintenant  aborder  l'étude  de  cette  atmo- 
sphère et  examiner  les  preuves  directes  de  son  existence.  Ces 
preuves  seront  déduites  :  i'^  de  l'absorption  cpi'elle  exerce 
sur  les  radiations  lumineuses,  chimiques  et  calorifiques; 
2"  des  études  spectroscopiques;  S''  des  j)héiiomènL's  qu'on 
observe  pendant  les  éclipses  totales.  Ce  troisième  Livre  sera 
consacré  aux  deux  premières  questions  ;  nous  parlerons  des 
éclipses  dans  le  quatrième. 


i3. 


196 


CHAPITRE  PREMIER. 


ABSORPTION     DES     RADIATIONS     PAR     LATMOSPHERE     SOLAIRE. 


Dès  les  premiers  temps  où  commencèrent  les  études  sur  le 
Soleil,  Lucas  Valérius,  de  l'Académie  des  Lincei,  fit  remarquer 
que  l'image  du  Soleil  est  plus  brillante  au  centre  que  sur  les 
bords.  Ce  fait  important  fut  révoqué  en  doute  par  Galilée  ('), 
mais  il  était  exact.  Pour  s'en  convaincre,  il  suffit  d'examiner 
un  instant,  dans  une  chambre  noire,  l'image  du  Soleil  pro- 
duite à  l'aide  d'une  bonne  lunette  siu'  un  écran  blanc;  on 
reconnaît  immédiatement  que  h^s  bords  sont  beaucoup  moins 
lumineux.  Scheiner  dit  quelque  part  (-;  :  Sol  circa  7?îargines 
fnlvus  est,  et  in  medio  clarior.  Il  remarqua  que  cette  couleur 
rougeàtre  qui  caractérise  les  bords  du  disque  est  un  peu  fuli- 
gineuse, et  qu'elle  n'a  pas  de  limites  nettement  tranchées. 
Bouguer  essaya  de  déterminer  par  des  mesures  photomé- 
triques le  rapport  qui  existe  entre  l'intensité  lumineuse  du 
centre  et  celle  d'un  point  situé  à  une  distance  égale  aux  trois 

cjuarts  du  ra^  on  ;  il  trouva  ce  rapport  égal  à  — - — -,  mais  près 

des  bords  l'intensité  décroit  beaucoup  })lus  vite. 

Arago  révoqua  en  doute  les  résultats  trouvés  par  Bouguer, 
mais  personne  ne  les  conteste  plus  aujourd'hui,  et  nous  les 


(')  Galilée,  OEuvres,  t.  VI,  p.  198. 
(-;  Rosa  Ursina,  p.  621. 


-   11(7  - 

;i\()MS  vérifies  iioiis-iurmc  eu  nrcsciicc  de  s;i\;iiils  Ircs-coinné- 
tciits.  l'diii"  faire  ees  mesures  avec  précision.  \<)i(i  le  j)r()eé(lé 
que  nous  avons  employé.  Notre  écpiatorial  elaiil  renfermé 
dans  un  dôme  transformé  en  eliamlire  noire,  nous  axons,  à 
l'aide  d'un  puissant  oculaire,  produit  une  projection  du  So- 
leil ayant  en\iron  i  mètre  de  diamètre.  Afin  d'affaiblir  davan- 
tage  la    lumière,  ce  qui  est    une    conilition    cssenliellc  pour 

Fij.  7a. 


apprécier  les  intensités  relatives,  nous  mettions  un  dia- 
plii'agme  à  l'objectif,  et  nous  faisions  réflécliir  le  ravon  émer- 
gent sur  l'inpoténuse  d'im  prisme  à  angle  droit.  L'image  ainsi 
produite  comprenait  à  peu  |)res  la  moitié  du  disque  solaire; 
on  la  recevait  sur  un  écran  noir  MN  fig.  72)  ayant  deux 
ouvertures  de  i  centimètre  de  diamètre,  et  les  deux  faisceaux 
lumineux  a  et  6,  reçus  sur  un  é.ran  blanc  PQ,  étaient  exa- 
nnnés  par  un  procédé  pliotometrique.  Les  deux  ouvertures 
étant  mobiles,  on  pouvait  étudier  tles  faisceaux  pris  à  volonté 
dans  luie  partie  quelconcjue  du  disque  solaire. 

Lorsque  les  ravons  ainsi  étudiés  appartiennent   au  cenlre 


-  198  — 

(le  l'image,  on  trouve  que  la  lumière  est  blanche,  et  que  son 
intensité  est  à  peu  près  la  même  dans  tous  les  points.  Lors- 
qu'on dépasse  le  quart  du  rayon ,  on  trouve  une  différence 
très-sensible;  mais,  lorsqu'on  arrive  auprès  du  bord,  la  diffé- 
rence devient  extrêmement  grande,  non-seulement  pour  l'in- 
tensité, mais  aussi  pour  la  couleur;  la  lumière  émise  par  cette 
partie  du  Soleil  est  d'un  rouge  enfumé,  et  cette  circonstance 
présente  un  obstacle  très-sérieux  à  l'exécution  des  mesures 
photométriques.  Ce  phénomène  est  très-important,  car  cette 
coloration  des  bords  du  disque  explique  parfaitement  la 
teinte  que  présente  l'horizon  pendant  les  éclipses,  au  moment 
où  le  Soleil  ne  nous  éclaire  que  par  cette  zone  extérieure. 

L'appareil  étant  disposé  de  manière  que  l'un  des  deux 
faisceaux  partit  du  contour  même  du  disque,  l'autre  d'un 
point  situé  à  une  distance  du  centre  égale  aux  trois  quarts  du 
rayon,  le  faisceau  le  plus  brillant  fut  reçu  sur  un  prisme  biré- 
fringent, et  l'on  obtint  ainsi  deux  nouvelles  images  dont  cha- 
cune était  plus  brillante  que  celle  qui  émanait  du  bord. 

Afin  d'évaluer  plus  facilement  l'intensité  relative  des  deux 
faisceaux,  on  fit  usage  d'un  photomètre  à  roue  mobile  dont 
les  ouvertures  étaient  variables,  et  (jue  l'on  pouvait  faire 
tourner  très-rapidement  à  l'aide  d'un  engrenage.  Nous  trou- 
vâmes ainsi  qu'en  des  points  situés,  l'un  à  i  minute,  l'autre 
à  5  minutes  du  bord,  h^s  intensités  lumineuses  étaient  dans 
le  rapport  de  i  à  3.  De  plus,  au  second  de  ces  points,  l'inten- 
sité lumineuse  était  les  |  de  celle  du  centre  ,  de  sorte  que 
le  rapport  entre  le  point  le  plus  éloigné  et  le  centre  serait 

I  2  ?.  I  „  1  ■  I 

t:  X  -  =  -  =  — r  =  o,2  2.  Lu  prcuaut  des  ponits  plus  rap- 

proches  du  bord,  l'intensité  serait  encore  plus  faible,  mais 
elle  devient  très-difficile  à  évaluer,  à  cause  de  la  teinte  ron- 
gea tre  que  possède  cette  région.  Les  résultats  que  nous  don- 


-   l'JO  - 

nous  ici  sont  plus  saillants  ([uc  ceux  de  lîougiier;  nous  ne  les 
croyons  cependant  pas  exagérés,  et  on  les  trouvera  probable- 
ment trop  faibles  si  Ton  reprend  les  mêmes  expériences,  en 
tenant  compte  de  la  différence  de  couleur  dans  l'évaluation 
des  intensités.  On  peut  maintenant  se  r(>ndre  compte  du 
man(pie  de  netteté  et  de  j)récisi()n  que  présente  le  bord  du 
Soleil  dans  les  observations  ordinaires,  et  suitout  dans  l'ob- 
servation des  éclipses. 

Il  est  impossible  de  douter  de  l'existence  d'une  coucbe  at- 
mospbérique  quelconque  dont  le  pou\oir  absorbant  produit 
cette  dimiiuition  de  l'intensité  lumineuse  ;  on  peut  seulement 
se  demander  connnent  elle  est  constituée.  Est-elle  élevée  et 
diffuse  c(Hnme  notn^  atmosplière  qui  produit  des  effets  sem- 
blables pour  les  rayons  qui  la  traversent  liorizontalement,  soit 
dans  un  sens,  soit  dans  l'autre?  Est-elle,  au  contraire,  peu 
épaisse,  mais  d'une  grande  densité,  et  produisant  .son  effet 
d'après  une  loi  toute  différente?  Pour  répondre  à  ces  ques- 
tions, on  ne  peut  pas  se  contenter  d'expériences  dans  lesquelles 
l'action  physiologique  des  ravons  lumineux  est  la  seule  règle. 
Nos  sens  ne  sont  pas  d'assez  bons  juges,  leurs  appréciations 
n'étant  pas  toujours  comparables;  il  faut  avoir  recours  à  des 
observations  plus  exactes  et  susceptibles  d'une  plus  grande 
précision.  Disons  seulement  que  la  rapidité  avec  laquelle  la  lu- 
mière décroit  près  des  bords  portv3  à  admettre  une  atmosplière 
assez  mince  et  fortement  absorbante. 

Sans  cette  absorption,  le  Soleil  serait,  connue  la  Lune, 
uniformément  lumineux  sur  toute  sa  surface;  nous  pou\ons 
même  dire  que  les  bords  seraient  plus  brillants  que  le  centre. 
Nous  savons,  on  effet,  que  la  surface  de  la  photosphère  est 
parsemée  de  gi'anulations  très-nettes  qui  disparaissent  près 
des  bords.  O's  granulations  résultent  des  cônes  ou  mamelons 
lumineux  (jui  se  détachent  sur  un  fond  noir;  à  mesui'e  (|u'on 


-  200  — 

s'éloigne  du  centre,  ces  cônes  mamelonnés  se  projettent  Ton 
sur  l'autre  et  finissent  ainsi  par  cacher  complètement  le  ré- 
seau noir;  le  bord  devrait  donc  être  plus  brillant,  ])uisqu'il 
n'offre  à  nos  regards  qu'une  surface  lumineuse  exempte  du 
réseau  obscur  qu'on  voit  au  centre.  Un  astronome  distingué 
a  supposé,  il  est  vrai,  que  le  réseau  noir  s'élève  au-dessus  des 
cônes  lumineux  au  lieu  d'être  situé  plus  bas;  mais  ce  n'est 
(|u'une  hypothèse,  et  elle  ne  repose  pas  sur  des  raisons  assez 
positives  pour  que  nous  nous  arrêtions  à  la  réfuter. 


§  II.    —    Absorption  des  rayons  chimiques. 

Il  y  a  aussi  de  grandes  différences  entre  les  radiations  chi- 
miques qui  émanent  des  différents  points  du  disque  solaire. 
INous  avons  pu  constater  ce  fait  en  fixant  sur  des  plaques  da- 
guerriennes  plusieurs  phases  de  l'éclipsé  de  i85i.  Dans  ces 
épreuves,  le  Ijord  intérieur  du  croissant  était  parfaitement 
tranché,  tandis  qu'on  pouvait  à  peine  définir  la  limite  exté- 
rieure du  corps  solaire.  Depuis  lors,  toutes  les  observations 
photographiques  ont  confirmé  ce  résidtat. 

Nous  avons  déjà  donné  la  figure  de  M.  Rutherfurd,  où  la 
\ariation  de  l'intensité  est  nettement  accusée  ;  nous  reprodui- 
sons ici  [Jig.  73  )  la  photographie  faite  à  Ely  avec  l'hélio- 
graphe  de  M.  Selvyn,  dans  laquelle  on  reconnaît  parfaitement 
la  diminution  du  pouvoir  photogénique.  Cette  diminution  est 
assez  grande  pour  empêcher  d'employer  la  Photographie  dans 
l'étude  des  dimensions  du  Soleil;  car  le  diamètre  de  l'image 
dépend  de  la  durée  de  l'exposition,  ou  de  ce  qu'on  appelle 
dans  les  photographies  ordinaires  le  temps  de  pose.  Nous 
avons  fait  des  photographies  dans  le  but  spécial  de  déter- 
miner cette  différence.  Lorsque  la  plaque  sensible  était  ex- 


—  201   - 

posée  à  la  luniicrc  priulant  un  t'ni|)s  aussi  coui'l  (|uc  |)()ssil;l(', 
ou  j)()U\ait  apprécier  la  diniiuuliou  de  la  luniiciv  dans  uuc; 
étcuduc  é^alc  au  tiers  du  ravouà  partir  du  bord  ;  mais,  lorsque 
l'expositiou  était  j)lus  prolongée,  c'est  à  ])eine  si  cette  dimi- 
nution ('tait  s('nsd)l(',  niéiue  auprès  du  hord.  De  j)lus,  le  dia- 
mètre de  1  imai'C  devient  ii()tal)len)ent  plus  i;rand  lorscpi'ou 
augmente  la  durée  de  l'expositiou.  Nous  a\ons  lait  successi- 

Fi'c-  73. 


vement  deux  épreuves  eu  opérant  chaque  fois  de  la  même 
maniei'e,  mais  en  réglant  la  largeur  de  la  fente  glissante  qui 
laisse  pénétrtM'  la  lumière  de  manière  à  avoir  des  intensités 
qui  soient  dans  le  rapport  de  i  à  10.  Ces  deux  épreuves,  qui 
auraient  dû  avoir  le  même  diamètre,  différaient  de  2  milli- 
mètres, ce  qui,  pour  une  valeur  totale  de  i4i  millimètres, 
donne  la  différence  énorme  de  27  secondes.  Nous  a^ons  en- 
core conc  lu  de  ces  expériences  que  sur  le  disque  solaire,  à 
li  seconiles  du  hord,  l'intensité  des  ratliations  chimiques  est 
])lus  faihie  cpie  sur  la  pénondjre  des   taches;   car,  dans  les 


—  202  — 

épreuves  obtenues  par  les  procédés  les  plus  rapides,  on  dis- 
tinguait parfaitement  la  pénombre,  tandis  que  le  contoin-  du 
disque  n'était  pas  reproduit. 

La  détermination  du  diamètre  solaire  par  les  observations 
photographiques  est  donc  très-incertaine,  et  c'est  à  tort  que 
certains  savants  proposent  de  supprimer  complètement  les 
observations  optiques  pour  y  substituer  la  Photographie. 
Nous  parlerons  plus  tard  des  autres  inconvénients  que  pré- 
sente le  procédé  photographique  lorsqu'on  l'emploie  pour 
étudier  les  (hfférentes  phases  des  éclipses  de  Soleil. 

On  devra  se  prémunir  contre  ces  difficultés  si  l'on  veut  em- 
plover  la  Photographie  pour  étudier  le  passage  de  Vénus  en 
1874-  Lorsqu'on  veut  obtenir  des  épreuves  où  le  contoin^  du 
(Hsque  soit  nettement  tranché,  l'action  de  la  lumière  doit 
durer  assez  longtemps  ;  mais  alors  les  taches  disparaissent 
presque  complètement,  et  les  pénombres  sont  comj)létement 
effacées,  comme  nous  l'avons  remarqué  en  Espagne.  Il  est 
vrai  que  l'image  de  Vénus  ne  saurait  disparaître  de  la  même 
manière,  car  elle  se  détachera  sur  le  disque  du  Soleil  connue 
un  cercle  complètement  noir;  mais  la  diffusion  du  pouvoir 
chimique  pourra  exercer  une  certaine  influence,  et  il  se  pré- 
sentera d'autres  difficultés  que  nous  ne  saurions  discuter  ici. 
Les  observateiu's  ont  déjà  étudié  toutes  les  difficultés  qui 
doivent  se  présenter,  et  nous  attendons  avec  impatience  le 
résultat  de  ces  expéditions  lointaines  (  '  ). 

La  dis])arition  des  taches  dans  les  épreuves  photogra- 
phiques s'accorde  parfaitement  avec  les  mesures  photomé- 
triques de  jNL  Chacornac,  donnant  à  l'intensité  lumineuse  des 


(')  L'impression  de  ce  volume  sera  trop  avancée  au  moment  où  nous  connaîtrons 
les  résultats  de  ces  observations  pour  que  nous  puissions  en  entretenir  nos  lecteurs; 
mais  nous  donnerons  dans  le  tome  II  un  exposé  des  dernières  découvertes. 


-  ;>03  - 

bords  solaires  une  \alciii'  à  peu  près  égale  à  icllc  des  né- 
nom])r('s;  car  l'image  du  bord  n'est  j)arfaitenieiif  \(ime 
cju'au  moment  où  les  taches  sont  à  peu  près  effaeées. 

Outre  ralfaiblisscment  général  qu'éprouve  l'action  j)lioto- 
gcnique  auprès  des  bords,  on  remarque  sur  le  disque  des  ré- 
gions dont  l'action  est  moins  cnei'gi([U(^ ;  on  serait  j)orté  à  at- 
tribuer ces  inégalités  à  la  pi'ej)aration  <  liimique,  mais  elles  se 
reproduisent  avec  tant  de  constance  dans  les  différentes 
épreuves  ([u'elles  doivent  évidemment  correspondre  à  des 
inégalités  dans  le  pouvoir  photogénique.  Il  est  difficile  de 
mesurer  avec  exactitude  ces  variations,  et  cette  mesure  n'a 
jias  encore  été  faite.  Il  est  plus  facile  d'étudier  les  v.iiiations 
de  tenqiérature,  et  nous  allons  exposer  les  méthodes  f[ue 
nous  axons  suivies  dans  cette  mesure. 


§  111.  —  Absorption  des  rayons  calorifiques. 

Pour  déterminer  la  température  relative  des  différents 
jioints  du  Soleil,  nous  nous  sommes  servi  de  l'appareil  des- 
tiné aux  projections;  l'écran  sur  lequel  se  produit  l'image 
était  percé  au  centre  d'une  ouverture  derrière  laquelle  on 
plaçait  une  pile  thermo-électrique  extrêmement  sensible.  Le 
galvanomètre  était  placé  sur  un  support  scellé  au  nnn-.  de  ma- 
nière à  éviter  toutes  les  vibrations  (pi'aurait  pu  produire  le 
mouvement  du  dôme.  In  diaphragme,  recouvert  de  velours 
noir,  était  placé  derrière  la  pile,  afin  d'empêcher  tous  les 
ravons  étrangers  de  venir  troul)ler  l'expérience;  dans  le  même 
but.  on  tendait  des  draps  noirs  sui'  le  parcpiet  et  autour  du 
dôme.  Sur  le  diaphragme  antérieur,  une  règle  graduée  en  ])ar- 
ties  du  diamètre  solaire  faisait  innnédiatement  connaîti'e  la 
j)osif  ion  (lu  j)oint  observé  })ar  ra|)port  au  centre  ou  au  contour. 


—  204  — 

Dans  une  première  expérience  faite  le  19  mars  i852  (i),  la 
pile  étant  complètement  ouverte  et  l'image  médiocrement 
agrandie,  la  déviation  du  galvanomètre  fut  de  3i  degrés  pour 
le  centre,  et  de  21  degrés  pour  une  surface  égale  prise  auprès 
(\u  bord.  Afin  d'obtenir  des  résultats  plus  exacts,  on  adapta 
à  la  pile  un  diaphragme  dont  la  surface  équivalait  à  peu  près 
à  ini  carré  ayant  pour  coté  un  arc  d'une  minute,  et  l'on  régla 
l'instrument  de  manière  à  obtenir  des  variations  de  tempéra- 
ture proportionnelles  aux  angles  d'écart  de  l'aiguille.  Pour 
rendre  les  résultats  toujours  comparables  entre  eux,  on  re- 
j)résenta  par  100  le  ravonnement  observé  au  centre,  et  l'on 
obtint  ainsi  la  table  suivante  : 


DISTANCE  DE  LA  PILE 

au  centre  ilii  Soleil,  cxpiimée 
cil  mimiles. 

-+-  14,90 

-^  I  I  ,3i 

—  10,90 

-  14,88 


NOMBT.E 

exprimant  la  ladiation 
de  chaque  point. 

57,39 
88,81 

99 '48 
81,3?. 
54 ,  34 


Ces  observations  ont  été  faites  du  19  au  23  mars  i852.  Le 
signe  -h  indique  la  partie  du  disque  située  au-dessus  du 
centre;  le  signe  —  indique  la  partie  située  au-dessous. 


(')Nous  marquons  celte  date,  parce  que,  dans  les  ^tti  de  l'Académie  des  N.  Lincei, 
il  y  a  une  grande  confusion  pour  les  dates  des  publications.  Certaines  expériences 
postérieures  aux  nôtres  ont  été  publiées  à  une  date  antérieure  à  celle  qui  leur  con- 
vient. Personne  ne  s'est  occupé  de  cette  recherche  avant  nous.  On  a  prétendu  que 
M.  Henry,  de  Washington,  nous  a  devancé;  c'est  inexact  :  M.  Henry  reconnaît  lui- 
même  notre  priorité.  M.  Henry  et  Arago  avaient  l'intention  de  travailler  cette  ques- 
tion, mais  par  des  procédés  très-différents  des  nôtres  et  qui  n'auraient  probablement 
conduit  à  aucun  résultat  bien  certain.  Du  reste,  ces  projets  n'avaient  pas  encore  été 
publiés  à  l'époque  où  nous  avons  fait  nos  observations. 


—   tîOo  — 

Dans  CCS  cxjicrionccs,  il  nous  lut  inipossiljlc  (l'a|)|)r()(licr 
(lu  bord  à  moins  d'une  iniinitc.  l'ius  tard,  en  rcpctant  les 
uicnics  observations  avec  le  grand  écjuatorial  de  ]\Ierz,  nous 
avons  pu  aller  phis  loin;  nous  avons  trouve  une  diminution 
encore  j)lus  sensible,  car  à  une  minute  du  l)ord  lintensité  n'é- 
tait nius  (|ue  o..')!'.  de  celle  du  centre;  en  nous  rapprocliant 
encore  davantage  du  bord,  nous  avons  trouvé  qu'elle  deve- 
nait jjien  inférieure  à  o,  jo.  Mais  à  cette  limite  extrême,  même 
en  emplovant  les  movens  d'observation  les  })lus  précis,  on 
rencontre  des  dilficultés  qu'il  est  impossil)]e  de  surmonter 
complètement.  On  est  obligé,  sous  peine  tro])tenir  des  ivsid- 
tats  très-irréguliers,  de  laisser  à  la  pile  une  certaine  ouNcr- 
ture  ;  mais  alors  la  région  que  l'on  examine  est  loin  de 
posséder  une  radiation  uniforme.  De  plus  il  est  unpossible 
d'étudier  isolément  le  bord,  car  les  mouvements  inevita])les 
de  l'image  ne  j)ermettent  pas  de  le  retenir  exactement  au 
même  j)oint  de  la  pile;  aussi  nous  n'avons  pas  pu  pousser 
l'exactitude  aussi  loin  (pie  nous  espérions,  et  nous  avons  cessé 
de  poursuivre  ces  reclierclies;  cependant  les  résultats  obtenus 
sont  assez  intéressants. 

Les  nombres  que  nous  avons  cités  dans  le  tal)leau  précé- 
dent conduisent  à  deux  conclusions  :  I.  La  température, 
comme  la  lumière,  diminue,  dans  le  disque  solaire,  du  centre 
à  la  circonférence.  Ce  fait,  alors  contesté,  fut  mis  bors  de 
dont»'  par  nos  expériences.  IL  La  clialeur  n'est  pas  symétri- 
(juemenl  répartie  dans  les  deux  bémisplières.  Pour  expliquer 
ce  fait,  (pii  ressort  évidemment  de  nos  cliiffres,  on  ne  peut 
faire  que  trois  liypotlièses  :  i"  la  différence  serait  due  à  une 
influence  de  l'atmosplière  terrestre  ;  2"  elle  existerait  dans  le 
Soleil  lui-même,  mais  serait  purement  accidentelle;  3°  elle 
serait  constante,  et  alors  elle  mériterait  d'être  étudiée  avec 
soin. 


—  20(3  — 

Pour  éliminer  la  première  de  ces  causes,  on  fit  l'étude  com- 
j)arative  de  deux  points  situés  systématiquement  de  part  et 
d  autnule  l'équateur  solaire,  en  examinant  d'aljord  le  point  le 
plus  bas ,  j)uis  en  observant  le  point  le  plus  élevé  un  peu  plus 
tard,  lorsqu'il  fut  arrivé  à  la  même  hauteur  que  le  précédent; 
cette  manière,  l'influence  de  l'atmosphère  terrestre,  étant  la 
même  dans  les  deux  cas,  devait  disparaître  dans  les  diffé- 
rences. Les  résultats  furent  les  mêmes  qu'auparavant,  ce  qui 
montre  que  la  première  hypothèse  doit  être  abandonnée. 

La  seconde  ne  vaut  pas  mieux,  car  les  observations  furent 
prolongées  pendant  plusieurs  rotations  consécutives  sans  que 
les  nombres  fussent  modifiés. 

Les  différences  sont  donc  constantes,  et  leur  cause  réside 
dans  le  Soleil.  Mais  quelle  est  cette  cause?  Est-ce  une  diffé- 
rence réelle  de  température?  N'était-ce  pas  ])lutot  la  position 
particulière  de  l'équateur  solaire,  qui  se  projetait  alors  sur  le 
disque  au-dessus  du  centre?  Poui'  résoudre  cette  question, 
on  prolongea  les  observations  jusqu  au  mois  de  septembre, 
époque  a  laquelle  l'équateur  se  trouvait  projeté  sur  l'hémi- 
sphère opposé.  Le  résultat  fut  le  suivant  :  jusqu'au  mois 
d'août,  ou  trouva  que  la  température  était  plus  élevée  dans 
l'hémisphère  supérieur;  mais  plus  tard,  et  surtout  pendant  le 
mois  de  septembre,  la  différence  fut  le  plus  souvent  en  sens 
contraire.  Le  tableau  suivant  contient  les  moyennes  des  résul- 
tats obtenus  du  8  au  i5  septembre  : 


listance  au  centre. 

Radiation  en  degré: 

-^  14, ?• 

10,3 

-+-  10,5 

i4,G 

centre    0,0 

17,8 

—  10,5 

i5,^8 

-■4,2 

10,4 

Ces  résultats  sont  éviJemment  en  désaccord  avec  ceux  du 


—  -207  — 


mois  (le  mars,  et  la  comparaison  aUciifivcde  ces  deux  époques 
foiiduit  aux  coiicIusi(jiis  sui\aut(,'s  :  i"  la  température  est  plus 
éle\ee  dans  les  régi(jus  é([uatoriales;  2'-'  cependant  lliemi- 
spliére  nord  parait  un  peu  plus  cliaud  que  l'iicmisplière  sud. 

l'our  contrùler  ce  dernici"  résultat,  ([ue  sa  sinji;ularité  même 
recommandait  à  notre  attention,  nous  avons  employé  Ir  j)io- 
cédé  suiNant. 

Soient  bd  [fii^.  74)  1  axe  de  l'ellipse  suivant  laquelle  se  pro- 
jette ItMpiateur  solaire  au  mois  de  mars,  ah  et  cd  les  cordes 
des  deux  parallèles  menées  par  les  extrémités  b  et  d  {\v  cette 
ellipse.  Si  l'équateur  solaire  possède  une  températuif  plus 
élevée  que  les  zones  voisines,  les  points  b  et  d  doixcnt  être 
plus  cliautls  que  les  points  a  et  c.  Au  contraire,  lorsque  l'é- 
quateur se  projette  suivant  ac  fig-  75),  les  points  a  et  c  doi- 


F'c-  :h- 


Fia-  :3 


Ncnt  être  a  une  température  plus  élevée  que  les  points  b  et  d. 
Avec  cette  méthode,  on  peut  éliminer  l'effet  produit  par  l'at- 
mosphère terrestre  en  observant  près  du  méridien.  Nous 
avons  fait  ainsi  un  grand  nombre  d'observations  d'abord  avec 
l'équatorial  de  Cauchoix,  puis  avec  l'équatorial  de  Merz.  Les 
résultats  qui  se  trouvent  exposés  dans  les  Mémoires  de  notre 
Observatoire  ont  toujours  été  concordants,  et  ils  nous  ont 
fourni  les  moyennes  suivantes  : 

1°  Pour  les  mois  de  mai  et  juin  [fig.  74), 


a 


b 


iG-'.G 


d 


—  208  — 
0°  Vers  la  fin  de  septembre  [fig.  yS), 

a  b  c  d 

20",  Ti  '9°i  7  ?.  1°,  I  02",  o 

On  reeoniiait  parfaitement  que  sur  l'éqiiateur  la  tempéra- 
ture est  maximum.  De  plus,  si  l'on  compare  avec  Féquateur 
le  3o^  parallèle,  les  temj^ératurcs  de  ces  deux  points  sont 
entre  elles  dans  le  rapport  de  i5  à  iG.  On  trouve  des  diffé- 
rences encore  plus  saillantes  en  prenant  pour  termes  de  com- 
paraison des  points  plus  rapprochés  des  pôles;  mais  nous 
ne  les  avons  pas  utilisés,  afin  d'éviter  l'influence  des  diffé- 
rences de  hauteur  et  de  réfraction.  Nous  n'avons  jamais  ob- 
servé de  variations  de  température  aux  différentes  longi- 
tudes; nous  n'oserions  cependant  pas  affirmer  qu'il  n'en 
existe  point,  et  peut-être  en  découvrira-t-on  dans  des  re- 
cherches postérieures. 

Nous  avons  toujours  ti'ouvé  une  température  plus  basse 
dans  les  taches  et  dans  les  régions  qui  les  environnent;  aussi 
a\ons-nous  noté  de  nombreuses  anomalies  dans  les'lois  que 
fjous  cherchions  à  reconnaître,  lorsque  nous  étions  conduit  à 
observer  un  point  voisin  d'une  tache.  On  doit  donc,  de  pré- 
férence, faire  ces  observations  aux  époques  des  niinima  des 
taches. 

Il  y  aurait  lieu  de  répéter  ces  observations  de  temps  en 
tem])s,  afin  de  voir  si  les  lois  que  nous  avons  indiquées 
sont  bien  constantes;  mais  nous  en  avons  été  détourné  j^ar 
d'autres  occupations.  Du  reste,  ces  recherches  ne  sont  pas 
aussi  faciles  qu'on  pourrait  le  croire  :  elles  demandent  beau- 
coup de  patience  ;  les  conditions  météorologiques  gênent 
souvent  les  observations,  même  dans  la  saison  la  plus  favo- 
rable; aussi  beaucoup  de  séries  demeurent  elles  incomplètes, 
et  par   conséquent  inutiles.    Ajoutons   que,   dans  les   pays 


—  :Î00  — 


cliaiuls,  ces  observations  sont  tres-pt-nibles  en  été,  et  ce- 
jx'ndant  e'est  alors  (inCllcs  s(M'ai(Mit  plus  faciles  cl  plus  pro- 
fitables. 


^  n.  —  Conséquences  qui  découlent  des  observations 
précédentes. 

Les  faits  cpie  nous  venons  (Tenoneer  conduisent  directe- 
ment  aux.  conclusions  suivantes  : 

i"  Toutes  les  radiations  éprouvent  une  absorption  consi- 
dérable cpii  va  en  croissant  depuis  le  centre  du  disque  solaire 
jusqu'au  bord,  où  cette  absorption  atteint  son  maximum. 

2°  Les  régions  équatoriales  sont  à  une  température  plus 
élevée  que  les  régions  situées  au  delà  du  io^  degré  de  la- 
titude, et  la  différence  est  au  moins  de  -p^. 

3°  La  température  est  ini  peu  plus  élevée  dans  l'hémi- 
sphère nord  que  dans  l'hémisphère  sud. 

4*^  De  même  que  les  taches  émettent  moins  de  lumière, 
elles  émettent  aussi  moins  de  chaleur  que  les  autres  régions. 

La  première  de  ces  conclusions  nous  permet  de  démontrer 
rigoureusement  qu'il  existe  une  atmosphère  autour  du  Soleil. 
Pour  bien  comprendre  notre  raisonnement,  il  faut  se  rappeler 
les  principes  sur  lesquels  s'appuient  les  astronomes  pour 
analvser  les  effets  dus  aux  atmosphères  des  corps  célestes. 

Soient  bkd  Jîg.  7(3)  la  surface  du  Soleil,  AoB  la  surface 
extérieure  de  son  atmosphère.  Les  ravons  émis  par  le  corps 
solaire  traverseront  une  couche  atmosphéri([ue  dont  lepais- 
seur  sera  d  autant  plus  grande  (juils  seront  partis  d'un  j)oint 
plus  éloigné  du  centre.  La  j)his  petite  épaisseur  sera  ok , 
pour  un  ravon  partant  du  c<'ntre;  la  plus  grande  sera  bn, 
pour  un  ra\on  partant  (hi  bord;  (A\o  prendra  une  ^aleur  in- 
I.  .', 


—  210  — 

termédiaire,  telle  que  hm^  pour  un  point  situé  entre  le  bord 
et  le  centre.  Des  observateurs  placés  dans  le  Soleil  en  ces 
différents  points  apercevraient  la  Terre  à  des  hauteurs  zéni- 
thales différentes.  Au  point  k^  correspondant  au  centre  du 
disque  solaire,  la  Terre  apparaîtrait  au  zénith;  du  point  è,  on 
la  verrait  à  l'horizon;  du  point  A,  situé  entre  deux,  on  la 
verrait  à  une  distance  du  zénith  mesurée  par  l'angle  hCk. 
Dans  ce  trajet,  les  ravons  qui  sortent  de  l'atmosphère  solaire 
se  trouvent  dans  les  mêmes  conditions,  quant  aux  résultats, 
que  ceux  qui  pénètrent  dans  l'atmosphère  terrestre;  ainsi  le 

Fig.      -;6. 


maximum  d'absorption  a  lieu  pour  h^  bord  où  le  rayon  sort 
horizontalement;  le  minimum  correspond  au  centre,  où  le 
rayon  sort  suivant  la  verticale.  Il  est  facile  de  calculer,  d'a- 
près la  théorie,  l'absorption  qui  correspond  à  un  point  donné 
d'où  la  Terre  serait  vue  à  une  distance  zénithale  5,  cet  angle 
étant  également  celui  que  font  avec  la  verticale  du  lieu  les 
rayons  qui  se  dirigent  vers  la  Terre.  En  prenant  la  moyenne 
des  nombres  que  nous  avons  donnés  dans  nos  tableaux,  on 
arrive  aux  résultats  suivants  : 


Distance  au  centre. 

Valeur  de 

t 
0,00 

0          ; 
0.       0 

11,10 

43.55 

'4»9^ 

68.38 

Intensité  lumineuse. 

100,00 
85,  g6 

55,86 


-  ûl\  - 

En  inlroduis.iiit  tes  nniiilircs  dans  les  loriniilf^s ,  on  |)cnl 
cjilculcr  ral)S()i"|)ti(Mi  produih'  r\\  un  ponit  ([Ut'lconcjue  de  la 
surface  solaire;  on  ti'on\(*  ainsi  (ju'cn  un  point  (|ui  corres- 
pond aux  ^  du  ra\()n  cllr  «st  cigale  à  0,72").  IJoui^iicr  a\ail 
frou\é  o,'j2f).  On  no  saurait  dcsirci'  une  conicidcncc  plus  par- 
faite. 

(  )n  \()it  (pie  la  (piaiitilc  de  clialtin' (pii  parvient  à  s'ei  hap- 
per du  Soleil  se  trouve  sini;ulièrement  réduite  par  1  action 
atniospliérifpie;  mais,  conmie  cette  action  n'est  pas  la  même 
pour  tous  les  points,  on  est  conduit  à  se  poser  les  deux  cpies- 
tions  suivantes  :  i"*  quelle  est  l'absorption  exercée  par  latuio- 
sphère  dans  la  direction  de  sa  plus  faible  épaisseur,  c'est- 
à-dire  pour  y  =  o?  2**  quelle  est  l'absorption  totale,  et  par 
conséquent  (juelle  serait  la  radiation  absolue,  s'il  n'y  avait  pas 
d'atmosphère?  On  peut  répondre  à  ces  questions  en  em- 
ployant les  formules  connues,  bien  qu'elles  ne  soient  qu'ap- 
prochées, car  les  données  relatives  au  Soleil  ne  sortent  j)as 
des  limites  que  les  astronomes  ont  adoptées  en  établissant  ces 
formides. 

Les  résultats  sont  inscrits  dans  le  tableau  suivant.  On 
trouve  dans  la  première  colonne  la  jiosition  du  point  qui  a 
servi  de  base  au  calcul;  dans  la  deuxième,  la  valeur  corres- 
pondante de  l'angle  0,  c'est-à-dire  la  distance  zénithale  de  la 
Terre  vue  du  Soleil  ;  dans  la  troisième,  l'intensité  de  radiation 
(jui  reste  après  l'absorption  pour  le  point  situé  au  centre  du 
disque,  la  radiation  totale  étant  exprimée  par  l'unité;  enfin 
la  quatrième  indique  la  fraction  de  la  radiation  totale  c[ui 
parvient  à  sortir  de  l'atmosphère  solaire,  et  se  répand  réelle- 
ment dans  l'espace. 


li- 


212 


rosiTio.N 
sur 

LE      HAYON. 

VALi.in 

I, 'AN(!1.  E      0. 

INTENSITÉ 

RiiSIDLELLE 

AU    CENTRE. 

TOTALE. 

o,GGC) 
o,7JO 

0,875 

0       1 

4.!.;i:> 

48. 3', 
G8./,<) 

0,28.33 

0,2'|oG 

0, 'i"i-5 

0,1019 
0,0794 

0,1711 

IMoycime.  .  . 

0. 3(>().') 

0,  I  T7.J 

Les  cliiflVes  de  la  dernière  colonne  proviennent  de  deux 
sources  différentes  :  ceux  de  la  première  et  de  la  troisième 
lionne  résultent  de  nos  observations  tliermométriques,  ceux  de 
la  deuxième  sont  déduits  des  données  de  Bouguer.  Les  résultats 
inscrits  dans  la  troisième  et  la  quatrième  colonne  ne  sont  pas 
constants,  comme  ils  devraient  l'être;  ceux  qui  correspondent 
aux  valeurs  0  =  4^^"^^'  et  0  =  o8'^49'  diffèrent  ])resque  d'un 
tiers;  cette  différence  est  par  trop  grande.  Il  faut  en  con- 
clure que  les  lois  admises  pour  l'atmosphère  de  la  Terre  ne 
s'jqipliquent  pas  à  celle  du  Soleil.  La  rapidité  avec  laquelle 
se  produisent  les  variations  auprès  du  bord  nous  avait  déjà 
conduit  à  la  même  conclusion,  et  nous  de\ons  pcmser  plus  que 
jamais  que  l'absorption  se  produit  en  tres-gi-ande  partie  dans 
des  couches  relativement  très-basses,  mais  douées  d'un  pou- 
voir absorbant  très-considérable. 

Malgré  cette  difficulté,  il  v  a  des  conclusions  très-frap- 
pantes qui  demeurent  toujours  vraies ,  bien  que  les  nombres 
ne  soient  qu'approchés  (').  Telles  sont  les  suivantes  :  1°  au 
centre  du  disque,  c'est-à-dire  perpendiculairement  à  la  sur- 


(')  M.  Plana  a  démontré  dans  les  Astron.  Nadir.,  i\°  Si3,  que  d'une  petite  erreur 
dans  les  données  il  résulte  une  assez  grande  erreur  dans  les  conclusions.  De  plus,  une 
erreur  négative  indue  sur  les  résultats  plus  qu'une  erreur  positive.  T'oir  aussi  Laplace, 
Mécanique  céleste,  Livre  X,  Chapitre  XIII. 


-  i>13  - 

face  (le  la  pliotosphcTC,  l'al^soi-plioii  arrête  les -3- environ,  on 
|)lns  exaetenient  les  y^,*',,  de  la  forée  totale;  2**  l'action  totale 
(le  cette  env('lo|)|)c  al)sorl)ante  snr  riiéniisphère  visible  du 
Soleil  est  tellement  j:rantle,  qu'elle  ne  laisse»  sortir  ([ne  les  —^ 
delà  radiation  totale,  le  reste,  c'est-à-dire  y^^,  étant  absorbé. 
En  d'autres  termes,  si  le  Soleil  était  dépouillé  de  son  atmo- 
splière  absorbante,  il  nous  paraîtrait  huit  fois  plus  chaud  et 
plus  brillant  cpi'il  ne  paraît  actuellement. 

Cette  influence  surprenante  de  l'atmosphère  solaire  a  l'a- 
vanta<;e  d'empêcher  une  dispersion  trop  grande  et  troj)  rapide 
de  la  chaleur  solaire.  I.a  force  vive  des  radiations  reste  ainsi 
emmagasinée  dans  latniosphère  du  Soleil,  et  contribue  à  con- 
server sa  haute  température.  L'absorption  ne  j)ro(luit  auc  une 
perte  réelle  ;  elle  ne  détruit  point  les  radiations  qu'elle  arrête 
au  passage;  elle  empêche  une  dispersion  qui  serait  inutile  et 
même  nuisible  pour  les  planètes.  Que  deviendrait,  en  effet, 
notre  globe  sous  une  radiation  huit  fois  plus  grande  que  celle 
(pii  se  produit  actuellement?  L'expérience  prouve  que,  dans 
les  climats  où  le  ciel  est  pin-,  on  ne  peut  pas  impunément  ix's- 
ter  exposé  aux  rayons  du  Soleil  si  l'on  double  leur  puissance 
par  mie  simple  réflexion  sur  un  miroir  |)lan;  si  donc  h'  rayon- 
nement devenait  huit  fois  plus  considérable,  aucune  créature 
ne  jjourrait  plus  vivre  sur  notre  planète. 

Il  faudra  tenir  compte  de  cette  ahsorption  atmosphérique 
lorsqu'on  voudra  essaver  d'évaluer  la  température  du  Soleil, 
car  les  calculs  qu'on  ferait  sans  en  tenir  compte  donneraient 
évidemment  ini  résultat  huit  fois  trop  faible. 

Du  reste,  il  n'est  pas  surprenant  qu'une  atmosphère  si  con- 
sidérable possède  un  grand  pouvoir  absorhant,  car  l'atmo- 
sphère terrestre,  qui  nous  paraît  si  transparente,  absorbe 
suivant  la  verticale  un  ([uart  îles  rayons  qui  tombent  sur  sa 
surface  supérieure. 


21- 


l.'atmosphcre  solaire  possède-t-elle  une  absorption  élective 
et  une  ihermoehrose  spéciale?  Melloni  nous  adressa  lui-même 
cette  question^  et  pour  y  répondre  nous  avons  eu  recours  à  un 
£;rand  nombre  d'expériences;  nous  avons  fait  passer  les  rayons 
solaires  à  travers  différentes  substances  :  l'eau,  le  verre,  le 
quartz  enfumé,  etc.,  mais  nous  n'avons  obtenu  aucun  résul- 
tat bien  certain.  Cela  tient  évidemment  à  ce  que,  à  l'influence 
de  l'atmosphère  solaire  vient  s'ajouter  celle  de  l'objectif  et 
de  l'oculaire,  influence  bien  suffisante  pour  dépouiller  les 
rayons  qu'on  observe  des  éléments  déjà  connus  comme  étant 
les  plus  thermochroïques. 

Nous  verrons  plus  tard  que  les  radiations  solaires  ne  sont 
pas  homogènes,  même  lorsqu'elles  nous  arrivent  suivant  la 
verticale ,  et  qu'il  existe  sans  doute  une  thermochrose  ;  mais 
cette  étude  demanderait  des  instruments  plus  délicats  que 
ceux  dont  nous  disposons. 

La  belle  expérience  de  M.  Tvndall  sur  la  calorescence, 
c'est-à-dire  sur  la  transmission  isolée  des  rayons  obscurs  à 
travers  une  dissolution  d'iode  dans  le  sulfure  de  carbone, 
est  un  fait  qui  prouve  l'existence  d'une  véritable  thermo- 
chrose. Nous  en  parlerons  plus  tard  en  discutant  la  composi- 
tion de  l'atmosphère  solaire;  pour  le  moment,  qu'il  nous  suf- 
fise d'avoir  constaté  l'existence  de  cette  atmosphère,  et  d'avoir 
montré  l'énorme  pouvoir  absorbant  qui  en  résulte. 


—  2i5  - 


CIl.VPITRi:  II. 


ANALYSE    SPECTUAI.K     DE     LA     L  T  M  I  E  K  E    SOLAIHE. 


AVANT-PHOI'OS. 

Les  méthodes  (ju emploient  les  astronomes  pour  étiicli<'r  le 
ciel  dépendent  nécessairement  des  progrès  de  la  Physique. 
Nous  venons  d'exposer  en  détail  les  observations  faites  il  y  a 
peu  d'années  pour  déterminer  la  nature  de  l'atmosphère  so- 
laire ;  il  était  imj^ossil>le  de  faire  mieux  et  d'aller  plus  loin  ; 
mais,  dans  les  dernières  années  qui  viennent  de  s'écouler,  la 
science  s'est  enrichie  d'un  instrument  nouveau  et  puissant  qui 
permet  de  pénétrer  plus  avant  dans  la  connaissance  de  la  ma- 
tière et  de  sa  constitution  intime  :  cet  instrument,  c'est  le  spec- 
troscope.  A  l'aide  de  cet  admirable  appareil,  nous  pouvons, 
dans  certains  cas,  reconnaître,  même  à  distance,  la  nature 
chimique  des  corps,  et,  jusqu'à  un  certain  point,  leur  état 
physique.  C'est  lui  qui  nous  fera  connaître  d'une  manière 
plus  certaine  la  nature  et  le  mode  d'action  de  l'atmosphère 
qui  environne  le  Soleil. 

Pendant  longtemps  les  astronomes  se  sont  bornés  à  étudier 
les  mouvements  des  astres,  leurs  masses  et  leurs  volumes; 
l'analyse  spectrale  nous  permet  de  dépasser  les  découvertes 
admirables  de  nos  prédécesseurs;  elle  nous  donne  le  moyen 
de  déterminer  la  nature  de  la  matière  qui  compose  les  corps 
célestes.  La  lumière  <'st  le  seul  aident  qui  nous  mette  en  re- 
lation avec  ces  mondes  lointains;   c'est  à  elle  (jue  nous  de- 


—  21C  — 

vons   demander   des   renseignements    sur   leur   constitution 
physique  et  leur  composition  chimique 

La  science  de  l'analyse  spectrale  est  maintenant  assez  ré- 
pandue. Depuis  la  première  édition  de  ce  Livre,  on  a  publié 
un  certain  nombre  d'ouvrages  spéciaux,  entre  autres  l'excel- 
lent travail  de  INI.  Schellen  :  Die  spectral  Analyse;  les  Lectuj-es 
on  spectriun  analysis,  de  Roscoë;  les  Spectres  lumineux  ^  de 
jNL  Lecoq  de  Boisbaudran  ('  ).  Nous  ne  croyons  cependant  pas 
pouvoir  nous  dispenser  de  donner  ici  un  aperçu  sommaire  des 
principes  de  cette  science  nouvelle  ;  nous  éviterons  ainsi  au 
lecteur  la  peine  de  recourir  à  d'autres  ouvrages.  D'ailleurs 
l'étude  du  spectre  solaire  forme  la  base  de  l'analyse  spec- 
trale et  de  ses  applications  à  la  physique  céleste;  c'est  pour 
celte  étude  qu'on  a  imaginé  les  instruments  les  plus  puis- 
sants :  nous  ne  devons  donc  pas  nous  contenter  de  passer 
légèrement  sur  ce  sujet  dans  un  ouvrage  sur  le  Soleil.  Ceux 
d'entre  nos  lecteurs  qui  voudraient  s'instruire  à  fond  de  cette 
science  et  de  ses  méthodes  pourront  consulter  les  ouvrages 
spéciaux;  quant  à  ceux  qui  sont  familiers  avec  cette  étude,  ils 
pourront  omettre  la  lecture  de  quelques-uns  des  paragraphes 
suivants.  Nous  y  avons  cependant  recueilli  des  données  his- 
toriques qui  ne  seront  pas  sans  intérêt,  même  pour  les  per- 
sonnes les  plus  instruites. 


(')  ;\I.  Lecoq  de  Roisbaudian  ne  parle  pas  du  spectre  solaire,  son  livre  étant  des- 
tiné aux  recherches  de  Chimie  minérale;  mais,  parmi  les  spectres  qu'il  décrit  avec 
beaucoup  d'exactitude,  il  en  est  plusieurs  dont  la  connaissance  est  très-utile,  indis- 
pensable même,  pour  les  recherches  solaires. 


-  ^217   ~ 


§  1.    —   Premiers  ira^aiLv  sur  l'analyse  de  la  lumière  solaire 

par  le  prisme. 

Il  s(Mnl)lc  (lu'oii  oITrant  à  nos  regards  les  hrillaiites  eoii- 
leiirs  (le  larc-eii-i  iel  la  nature  ait  voulu  nous  in\  iter  à  exa- 
miner la  conij)ositit)n  tic  la  lumière  et  à  étudier  sa  nature. 
Cependant  ee  mvstère  ne  fut  dévoilé  que  bien  tard.  Depuis 
longtemps  on  eonnait  le  verre  triangulaire  :  c'est  ainsi  qu'on 
désignait  autrefois  le  prisme:  sa  propriété  de  colorer  les  ob- 
jets les  plus  grossiers  et  de  les  transformer  en  un  amas  de 
pierres  précieuses,  en  faisait  un  amusement  vulgaire,  mais 
peu  digne  de  l'attention  d'un  pliiloso[)lie.  Le  P.  Grimaldi  fut 
un  de  ceux  qui  l'étudièrent  avec  le  })lus  de  soin  et  de  succès. 
Il  perça  une  ouverture  dans  le  ^()let  d'une  cbambre  noire, 
introduisit  par  là  lui  ravon  lumineux  et  lui  fit  su])ir  l'action 
(lu  |)risme;  il  put  alors  observer  attentivement  le  sp(>ctre 
solaire  et  en  donner  une  description  très-soignée.  Après  cette 
expérience  intéressante,  il  en  fit  luie  autre  sur  la  transmission 
du  ravon  solaire  à  travers  des  splières  pleines  d'eau ,  puis  il 
proposa  une  explication  de  l'arc-en-ciel,  dont  la  théorie  ma- 
thématique fut  donnée  plus  tard  par  Newton  (Grimaldi,  Phy- 
sico-mathesis  de  lamine,  prop.  XXX  et  seq.,  p.  235,  etc.). 
La  Jig.  77  montre  la  disposition  de  la  première  expérience  de 
(irimaldi.  Le  rayon  solaire  SI),  re(;u  par  le  trou  d'un  volet  dans 
la  chambre  obscure,  est  brisé  par  l'angle  A  du  prisme  ACB  ; 
il  s'étale  en  reproduisant  les  couleurs  de  l'arc-en-ciel  et  en 
dessinant  le  spectre  RV  sur  la  paroi  opposée.  Newton  répéta 
ces  expériences  et  reconnut  (pie  les  différents  rayons  du 
spectre  peuvent  subir,  sans  altération,  l'action  d'un  second 
prisme. 


-  218  - 


Nous  reproduisons  la  figure  originale  (78)  que  Newton  eii- 
^ova  à  son  ami  Arlautl.  de  Genève.  ]iour  lui  faire  connaître 


FJg-  "■ 


cette  découverte,  en  v  ajoutant  le  mot:  célèbre  :  Xec  variai 
lux  fracta  colorem  (').  Cette  impossibilité  de  décomposer  un 


Fi>.  -:8. 


rayon  qui  a  deja  traversé  un   preiiiier  prisme   constitue  en 
réalité  la  découverte  de  Xevvton:  mais  il  alla  plus  loin,  re- 


(M  L'original  se  trouve  dans  la  bibliothèque  de  Genève,  où  nous  l'avons  découvert. 


—  21*)  — 

composa  la  liiinicrc  Ijlanclic,  iixa  les  iionis  dos  différentes 
couleurs  et  les  propoihous  dans  les([uelles  on  doit  les  cond)i- 
ner  [)our  reproduire  une  lumière  analo<j;ue  à  celle  du  Soleil. 
l)e])uis  Newton,  ^Vollaston  est  le  premier  qui  ait  fait  faire 
à  cette  branche  de  l'Optique  un  progrès  sérieux.  Ku  re- 
gardant lUie  fente  étroite  à  travers  lui  prisme,  il  vit  (pic  le 
spectre,  au  lieu  d'être  continu,  présentait  des  lacunes  ou  raies 
noires  qui  le  partageaient  en  plusi<'urs  parties.  Cette  décou- 
verte passa  inaperçue;  elle  resta  stérile  pour  la  science,  jus- 

f  "S-  79 


qu'ail  moment  où  Fraunhofer,  voulant  déterminer  d'une  ma- 
nière précise  l'indice  de  réfraction  des  verres  qu'il  employait, 
aperçut  et  découvrit  de  nouveau  le  même  phénomène  ;  il 
imagina  des  méthodes  pour  étudier  ces  raies,  les  dessiner  et 
fixer  leur  position  par  des  mesures  exactes. 

L'expérience  fondîmientale  de  Fraunhofer  se  fait  de  la 
manière  suivante.  Sur  un  plateau  horizontal  JNIN  [fig-  79), 
on  place  un  prisme  triangulaire  P,  de  cristal  très-pur;  à  une 
certaine  distance  se  trouve  luie  fente  F,  très-étroite,  à  bords 
parallèles,  éclairée,  à  l'aide  d'un  héliostat,  par  ini  ravon  de 
lumière  solaire.  Ce  ravon  tombe  siu*  le  prisme,  et,  après  avoir 
subi  la  déviation  sous  l'angle  mininuun,  il  entre  dans  l'objec- 
tif (1(^  la  luiK'tte  QL ,  qui  sert  ainsi  à  étudier  les  différentes 


220  

parties  du  spectre.  Afin  de  bien  discerner  les  raies,  il  faut  d'a- 
bord viser  directement  la  fente,  et  disposer  l'oculaire  de 
manière  à  la  voir  nettement;  puis,  après  avoir  placé  le  prisme 
sur  le  trajet  des  ravons  lumineux  dans  la  position  qui  convient 
au  minimum  de  déviation,  on  observe  avec  la  lunette,  et,  en 
allons, eant  légèrement  l'oculaire,  on  met  au  point  de  manière 
à  voir  nettement  les  raies.  Si  le  prisme  est  de  bonne  qualité 
et  si  la  lunette  est  achromatique ,  on  apercevra  un  nombre 
très-considérable  de  raies  très-fines  ;  on  en  voit  un  spécimen 
dans  la  fig.  3,  Pi.  I,  où  les  principales  seulement  sont  re- 
présentées. Cette  figure  est  assez  semblable  à  celle  de  Fraun- 
hofer  ;  elle  a  été  tracée  par  M,  Van  der  Willingen.  Fraunhofer 
désigna  les  raies  principales  par  les  lettres  suivantes  :  A  dans 
le  rouge  extrême,  B  dans  le  rouge,  C  dans  le  rouge  orangé, 
D  dans  le  jaune  orangé,  E  et  ^  dans  le  vert,  F  au  commence- 
ment du  bleu,  G  dans  l'indigo,  H  dans  le  violet  Ces  lettres 
ont  été  religieusement  conservées;  on  y  a  joint  des  chiffres 
destinés  à  faciliter  la  comparaison  avec  le  tableau  des  lon- 
gueurs d'onde  que  nous  donnons  plus  loin.  Les  raies  ne  cor- 
respondent pas  aux  limites  qui  séparent  les  couleurs  les  plus 
tranchées  du  spectre.  Le  lecteur  apprendra  par  la  figure  déjà 
citée  à  reconnaitre  leur  position. 


§  IL  —  Spectroscopes,  ou  instruments  destinés  à  observer 
le  spectre  solaire. 

Le  mode  d'observation  adopté  par  Fraunhofer  est  encore 
préférable  pour  un  grand  nombre  de  recherches  ;  il  a  cepen- 
dant l'inconvénient  d'exiger  que  la  fente  soit  située  à  une 
grande  distance.  Pour  la  lumière  solaire,  qui  est  très-vive,  on 
peut  encore  dans  ces  conditions  obtenir  un  spectre  assez  bril- 


221   

laiit  vt  distiiii^iKM'  siifrisaintncut  les  raies.  Il  n'en  ost  pas  de 
nuMiie  pour  les  autres  recherehes  et,  en  particulier,  pourlana- 
Ivse  (le  la  lumière  provenant  des  autres  corps  célestes  :  elle 
serait  impossible  par  ce  procédé. 

On  la  donc  modifié  en  raj)proeliant  la  fent<'  du  prisme; 
mais,  pour  maintenir  le  parallélisme  des  ravons  incidents  et 
afin  (pi'on  ne  soit  pas  oblige  d'éloigner  l'oculaire  à  mie  troj) 
grande  distance  de  l'objectif,  on  a  ajouté  entre  le  prisme  et 
la  fente  une  lentille  acliromatifpKMlont  le  fover  coïncide  avec 


la  position  coupée  par  la  fente.  Au  sortir  de  la  lentille  les 
ravons  sont  parallèles  entre  eux  comme  si  la  fente  était  si- 
tuée à  un<'  grande  distance;  ils  traversent  le  prisme  qui  les 
disperse  et  ils  sont  ensuite  reçus  par  l'objectif  de  la  lunette. 
Le  système  de  la  fente  avec  la  lentille  ainsi  disposée  constitue 
ce  qu'on  appelle  le  collimateur. 

Soit  F  Jig.  80)  un  point  de  la  fente  éclairée  par  une  lu- 
mière homogène.  Les  ravons  divergents  tombent  sur  la  len- 
tille C  du  collimateur  qui  les  rend  parallèles.  De  là  ils  tra- 
versent le  prisme  Pet  sortent  parallèles  entre  eux.  Ils  tombent 
ensuite  sur  l'objectif  de  la  lunette,  convergent  en  O  au  foyer, 
où  on  les  observe  avec  l'oculaire. 


oc>o    


Si  la  lumière  n'est  pas  homogène,  chaque  rayon  aura  un 
foyer  différent  sur  le  plan  focal  mOn  de  l'oculaire,  et  l'en- 
semble constituera  le  spectre. 

L'idée  d'emplover  un  collimateur  dans  les  spectroscopes 
ordinaires  est  due  à  Zantedeschi,  de  Padoue;  c'est  Amici,  de 
Modène,  qui  l'a  adaptée  le  premier  aux  instruments  destinés 
à  observer  les  étoiles. 

L'instrument  de  Fraunhofer  ainsi  modifié  s'appelle  un  spec- 
troscope,  et  l'on  peut  augmenter  son  pouvoir  dispersifen  multi- 
pliant le  nombre  des  prismes  :  de  là  les  spectroscopes  simples 
et  les  spectroscopes  composés.  Tout  spectroscope  est  formé  es- 
sentiellement d'un  collimateur,  d'une  série  de  prismes  et  d'une 
lunette;  en  enlevant  les  prismes  et  en  regardant  directement 
la  fente  on  voit  un  rectangle  blanc  et  très-étroit.  On  aper- 
cevra cette  fente  sous  un  angle  d'autant  plus  petit  que  le  col- 
limateur et  l'objectif  de  la  lunette  seront  à  plus  long  foyer. 
Si  l'on  remet  les  prismes  dans  leur  position,  à  la  place  de  la 
fente  on  voit  une  série  de  raies  brillantes  et  de  raies  noires 
d'autant  plus  nettes  que  la  fente  est  plus  étroite.  Pour  essayer 
le  spectroscope,  la  méthode  la  plus  facile  consiste  à  examiner 
un  tube  de  Geissler  contenant  de  l'hvdrogène  raréfié,  ou  une 
lampe  à  alcool  salé  On  voit  dans  la  lumière  du  gaz  une  suite 
de  raies  fines  dont  quatre  sont  extrêmement  brillantes.  Avec 
la  flamme  de  l'alcool  salé,  ou  simplement  avec  celle  d'une 
bougie  où  l'on  a  mis  un  peu  de  sel,  on  distingue  dans  le  jaune 
deux  raies  très-fines  parfaitement  parallèles. 

Une  des  conditions  les  plus  nécessaires  pour  avoir  nettement 
les  raies  du  spectre,  c'est  que  le  prisme  soit  constamment 
dans  la  position  qui  correspond  au  minimum  de  déviation. 
Pour  cela  il  faut  que  le  rayon  incident  et  le  rayon  émergent 
fassent  des  angles  égaux  avec  les  faces  des  prismes.  Or,  grâce 
à  la  dispersion,  l'angle  d'émergence  n'est  pas  le  même  pour 


22.1  

les  ravons  de  roiilciirs  (linri-ciilcs  :  il  faut  donc  \aiior  la  dis- 
position i\u  j)risnic,  siiitoiil  poiii"  les  laNons  les  plus  réfraii- 
i;il)U's.  On  peut  a  la  njj^iu'ur  se  dispenser  de  celte  j)réeaiitioii 
pour  les  petits  instruments;  mais  elle  est  nécessaire  pour  ceux 
(pu  ont  ini  urand  pou\oii-  dispei'sif. 

Nous  a\()ns  employé  un  a|)j)areil  (pii  donne  un  spectre  Irès- 
étalé  et  très-net  avec  un  seul  prisme,  mais  en  emplovant  de 
fortes  lunettes (y?^.  8i).  AU  et  CI)  re|)résentent  respectivement 
le  collimateur  et  la  lunette.  Le  collimateur  est  fixe,  la  lunette 


Fij.  8i. 


<'st  mobile  sur  une  règle  pouvant  tourner  autour  de  l'axe  qui 
supporte  le  prisme.  La  lunette  et  le  collimateur  sont  reliés 
j)ar  deux  tiges  à  charnière  qv  et/?e.  De  la  monture  du  prisme 
part  une  tige  qui  entre  dans  u\i  anneau  placé  lui-même  à 
l'intérieui-de  la  charnière  e.  Il  résulte  de  ces  dispositions  qu'en 
faisant  varier  l'angle  formé  par  la  lunette  et  le  collimat<'ur  la 
tige  est  toujours  bissectrice  de  cet  angle,  et  que,  par  suite,  le 
prisme  garde  sa  position  qui  est  celle  du  minimum  de  dévia- 
tion. 

M.  Kirchhoff  est  le  premier  qui  ait  introduit  plusieurs 
prismes  dans  le  spectroscope.  Son  appareil  (Jig.  82)  se  compo- 
sait de  quatre  prismes  de  Steinhcil,  posés  sur  une  plate-forme 
à  laquelle  étaient  adaptées  de  grandes  lunettes  :  c'est  ainsi 
(pi'il  a  fait  les  n^clierehes  nécessaires  pour  la  construction  des 


c><9'.    


grandes  planches  dont  nous  parlerons  bientôt.  Ce  spectro- 
scope  est  puissant,  mais  il  présente  l'inconvénient  d'exiger 
des  modifications  continuelles  dans  la  position  des  prismes 
pour  obtenir  le  maximum  de  déviation.  Il  est  très-difficile 
d'obtenir  ce  résultat  pour  un  ensemble  de  plusieurs  prismes. 
On  a  longtemps  cherché  à  résoudre  ce  problème  :  les  solu- 
tions j)roposées  ont  toujours  été  compliquées  et  imparfaites; 

Fig.  80. 


il  paraît  cependant  qu'on  réussit  actuellement  sans  trop  de 
difficultés. 

Il  faut  distinguer  les  spectroscopes  destinés  aux  études  de 
la  Chimie  de  ceux  qui  doivent  être  employés  à  l'étude  des 
astres.  Les  premiers  peuvent  être  très-loui'ds,  supportés  par 
des  pieds  massifs  et  armés  de  longues  lunettes;  mais  pour  l'As- 
tronomie on  doit  éviter  ces  machines  pesantes,  car  on  doit 
les  adapter  aux  lunettes  qui  sont  destinées  aux  observations 
ordinaires.  On  doit  donc  chercher  à  faire  des  instruments 
légers  pour  conserver  l'équilibre  des  machines;  aussi  pré- 
fère-t-on  employer  des  prismes  nombreux  et  des  lunettes  très- 


coinics,   ce   (|iii    a   ciuoi'c    d'aiilrcs  aNanlaj^cs    |i()ur    I  Astro- 
iiniiiic. 

\a\.  Jig.  iS'3  représente  im    s\  sterne  de   six    prismes  moiités 
sur  une  plate-rornio;  OC  est  le  collimateiii'.   1\K'  la   lunette 


FiU.  83. 


ir         "     \ 


d'observation,  et  FF'  un  petit  collimateur  qui  porte,  au  lien 
de  la  fente,  une  échelle  dont  l'image  est  réfléchie  dans  la 
lunette  par  la  face  du  dernier  prisme.  Cette  échelle  sert 
à  prendre  approximativement  les  positions  des  raies.  Si 
l'on  veut  plus  de  précision  il  faut  un  micrométr(\  Les  six 
prismes  sont  reliés  ensem])le  |)ai'  une  roue;  une  pièce  de 
cui\re  ])erniet  de  les  mettre  au  mininunn  de  déviation.  Cette 
disposition  est   très-imparfaite,   et   de    plus  elle    ne    j)ermet 

I.  i3 


—  i>2G  — 

pas  iremployer  plus  de  six  prismes.  j\I.  Lockyer  a  cependant 
employé  un  instrument  semblable  j^our  faire  ses  admirables 
découvertes. 

En  combinant  la  réflexion  avec  la  réfraction,  on  est  par- 
venu à  obtenir  une  dispersion  plus  grande  avec  un  plus  petit 
nombre  de  prismes.  M.  Janssen,  qui  eut  le  premier  cette  idée, 
obtint  avec  deux  prismes  et  demi  l'effet  qu'on  obtient  avec 
ciii(|  parla  métliode  ordinaire.  jM.  Littrow  en  employa  quatre 


Fis-  84. 


et  demi  qui  équivalaient  à  neuf.  Pour  obtenir  ce  résultat,  le 
dernier  prisme  est  coupé  en  deux;  sa  seconde  face  est  ar- 
gentée, de  manière  à  réflécbir  la  lumière  ;  les  ravons,  après 
cette  réflexion,  reviennent  sur  leurs  pas  en  continuant  à  se 
disperser  à  travers  les  premiers  prismes  qu'ils  avaient  déjà 
traversés.  \jx  fig.  84  représente  un  spectroscope  à  réflexion 
construit  par  Î\I.  Secrétan.  La  lumière  pénètre  par  la  fente  F, 
elle  est  réfléchie  par  un  petit  ])risme  p  et  renvoyée  à  l'objectif 
de  la  lunette  O  qui  fait  l'office  de  collimateur.  Elle  traverse  les 
quatre  prismes  et  arrive  au  demi-prisme  -.  Arrivée  là,  elle  est 
réfléchie  de  nouveau  et  renvovée  à  travers  les  prismes  vers 


—  9-27   — 


rolijtTtil,  (l  nu  elle  se  l'cnd  a  lOciilairc  ()  .  Cd  appareil  a  dos 
axaiifaijes  sérieux,  mais  il  est  dillicilc  de  le  régler  et  d  amener 
exactement  les  prismes  au  minimum  de  déviation. 

Al.  Young,  de  Dartlimoutli -Collège  ,  en  Amérique,  et 
M.  (.1  ublj,  de  Dublni,  ont  imagine  de  faire  revenir  la  lumière 
[)ai'  un  autre  procédé.  A  la  face  postérieure  du  dernier  |)risme 
{Jig.  85)  ils  soudent  un  prisme  rectangulaire  o)  ;  le  ravon,  en- 
tré pu"  le  collimateur  C,  après  a\oir  trav(M'sé  le  système  des 
prismes  par  leur  partie  supérieure,  pénètre  dans  le  prisme 
rectangulaire  par  la  face  hypoténuse;  puis  il  subit  deux  ré- 
flexions totales  sur  les  cotes  de  l'angle  droit,  et  revient  à  tra- 
vers la  partie  inférieure  des  prismes,  dans  la  lunette  L.  La 

Fi-.  85. 


Jig.  85  représente  la  position  théorique  du  collimateur  et  de 
la  lunette  par  rapport  au  prisme  réflecteur;  on  a  supprimé 
les  prismes  intermédiaires. 

La  /ig.  86  représente  le  spectroscope  à  réflexion  tel  que 
nous  l'avons  fait  construire,  ?s'^ous  y  avons  introduit  une  lé- 
gère modification,  afin  de  pouvoir  l'équilibrer  j)lus  facilement 
en  rad;!})tant  à  la  lunette.  Les  prismes  sont  joints  ensemble 
par  des  charnières  situées  à  leurs  angles  intérieurs  et  ils  sont 
placés  dans  la  position  qui  correspond  au  minimum  de  dé- 
viation. Cette  position  n'étant  pas  la  même  pour  les  rayons 
des  différentes  couleurs,  il  a  fallu  rendre  les  prismes  mobiles 
et  imaginer  un  mécanisme  qui  permit  de  les  amener  tous  en 
peu  de  temps  dans  l'orientation  convenable.  La  monture  de 
chaque  prisme  ])ort(\  à  sa  partie  postérieure,  une  qucnie  di- 
visée par  une  fente  longitudinale.  L'un  des  bords  de  cette 


—  2:î8  — 


fente  porti^  des  dents  qui  engrènent  a\ec  un  pignon.  En  fai- 
sant tourner  ee  pignon  à  l'aide  d'un  Ijouton,  on  met  tous  les 
prismes  on  mouvement,  et  on  les  amène  ainsi  dans  les  posi- 
tions suecessives  qui  eorrespondent  au  minimum  pour  les  dif- 


Fifî.  86. 


férents  rayons.  Ce  méeanisme,  qu'on  peut  appliquer  à  tous 
les  spectroscopes,  permet  de  passer  facilement  et  rapide- 
ment d'une  couleur  du  spectre  à  une  autre,  tout  en  se  main- 
tenant dans  les  meilleures  conditions  pour  observer  nette- 
ment les  raies. 

Ces  spectroscopes ,  dont  le  pouvoir  dispersif  est  considé- 


—  li:)  — 

l'.ihlc,  sont  utiles  |)(>i  11"  (•citiiiics  ctiidcs  ;  in;iis  on  |)(Ut,  la  plu- 
part (lu  ti'nij)s,  cmplox  »i'  dos  ap|)ai'cils  nionis  puissants.  I.ors- 
(pi  ils  (loiNcnt  être  adajjtcs  à  des  lunettes,  ds  peiiscnl  ('tre 
plus  simples  et  plus  coiniiioiles. 

\A\.Jîg.  87  représente  le  speetroseope  dont  nous  faisons  lia- 

l'i;:.   S-. 


bitiiellemcnt  usage,  et  dont  on  peut  modifier  la  puissance  en 
y  adaptant  à  volonté  un  nombre  de  prismes  variant  de  un  à 
cinq.  La  lettre  t  représente  le  gros  bouton  du  tube  de  la  lu- 
nette équatoriale  à  laquelle  s'adapte  l'instrumenL;  p  est  le 
cercle  de  position  qui,  à  Taiile  d'une  roue  intérieure  et  d'un 
pignon,  sert  a  faire  tourner  toute  la  maeliine  autour  de  l'axe 
de  la  lunette;  c  est  le  tid)e  (pii  eonlienl  le  collimateiu';  r  re- 


—  230  — 

présente  les  plateaux  qui  portent  les  prismes  et  qui  peuvent 
se  séparer  à  volonté: /est  le  tuLe  de  la  lunette  du  spectro- 
scope  ;  o  Toculaire  à  réflexion  latérale  qui  permet  à  l'observa- 
teur de  prendre  une  position  plus  commode.  A  la  hauteur  du 
point  c  se  trouve  une  large  ouverture  par  laquelle  on  voit  la 
fente  du  collimateur  et  l'image  du  Soleil  qui  s'y  projette  ;  nous 
recommandons  beaucoup  l'emploi  de  cette  ouverture,  car 
elle  facilite  singulièrement  les  recherches  spectrales,  surtout 
pour  les  bords  du  Soleil.  Le  pouvoir  réfringent  de  ces  prismes 
est  tel,  que  le  rayon  émergent  est  parallèle  au  rayon  incident 
pour  les  ravons  jaunes.  Si  Ton  veut  rendre  la  dispersion  plus 
considérable,  on  n'a  qu'à  ajouter  deux  prismes  à  vision  di- 

r  c 


recte,  l'un  entre  l'objectif  de  la  lunette  et  les  prismes,  et  l'autre 
entre  les  prismes  et  l'objectif  du  collimateur,  ^ous  nous  con- 
tentons ordinairement  d'un  seul  de  ces  prismes  additionnels. 
Afin  de  ne  pas  trop  compliquer  la  figure,  on  a  supprimé  le 
mécanisme  qui  sert  à  amener  les  prismes  au  minimum  de 
déviation. 

Nous  venons  de  nommer  les  prismes  à  vision  directe;  ces 
instruments  sont  très-utiles  dans  l'analyse  spectrale.  Ils  ont  été 
inventés  par  M.  Amici,  de  IModène,  et  perfectionnés  ensuite 
par  M.  Hofmann,  de  Paris.  C,  C,  C  {/ig.  88)  sont  trois  prismes 
de  crown  à  peu  près  rectangulaires,  soudés  à  deux  autres  de 
flintF,  F  également  rectangulaires.  Les  prismes  achromatiques 
ont  la  propriété  de  dévier  les  rayons  lumineux  sans  leur  faire 
subir  de  dispersion  ;  le  svstème  que  nous  venons  de  décrire 
produit  l'effet  contraire,  il  les  disperse  sans  les  dévier.  Ces 


-  231   — 

appareils  sont  excellents,  et  l'on  parvient  à  obtenir,  en  les  em- 
ployant, une  dispersion  tloul)le  de  celle  que  produisent  les 
instruments  ordinaires.  M.  Hofmann  construit  dexcelh'nts 
s|)ectroseopes  avec  lui  seul  prisme  à  vision  directe:  MM.  Merz 
et  Tauher  ont  obtenu  une  dispersion  exceptionnelle  en  les 
combinant  deux  à  deux. 

La  fig.  89  représente  le  spectroscopc  à  vision  directe  de 


31.  Merz;  ah  est  le  colhmateur;  hc  l'ensemble  des  deux 
prismes,  ce?  la  lunette.  La  fente /" est  munie  d'un  bouton  à 
léte  divisée  pour  mesurer  l'ouverture  de  la  fente,  et  l'oculaire 


Fi[j.  90. 


c' 

porte  un  petit  micromètre  pour  mesurer  les  distances  relatives 
des  raies. 

M.  Rutlierfurd,  de  New- York,  a  proposé  un  système  de 
prismes  composés  qui  n'est  pas  à  vision  directe,  mais  qui  pro- 
duit mie  dispersion  équivalente  à  celle  de  trois  prismes  or- 
dinaires. C,  C,  C"  i/ig.  90)  sont  trois  prismes  de  crown  ;  en  /. 
/'  se  trouvent  deux  prismes  en  flint  lourd  qui  est  très-disj)er- 
sif.  Le  rayon  sort  de  ce  système  fortement  dispersé  et  légère- 
ment dévié,  de  sorte  f|ue,  avec  un  petit  nond)re  de  prismes. 


—  232  — 

on  peut  avoir  une  dispersion  très-considérable  (').  M.  Hof- 
niann  construit  actuellement  des  systèmes  très-dispersifs  com- 
posés de  trois  prismes  seulement  [fig.  91). 

Cette  dispersion  ne  peut  cependant  pas  être  indéfinie  :  l'in- 
tensité de  la  lumière  se  trouve  assez  affaiblie,  surtout  dans 
la  partie  plus  réfrangible.  L'épaisseur  du  verre  à  tra\erser  de- 
\ient  bientôt  très-considérable,  surtout  quand  on  emploie 
l(^s  prismes  à  vision  directe.  Cbaque  svstème  présente  à  ce 
point  de  vue  des  inconvénients  particuliers;  dans  les  spectro- 
scopes  ordinaires,  il  y  a  de  nombreuses  réflexions  sur  les  faces 
et,  ces  réflexions  se  produisant  sous  d(\s  angles  assez  grands, 

F'S-  9'- 


la  lumière  transmise  se  trou\  e  considérablement  affaiblie.  Les 
réflexions  sont  moins  nombreuses  dans  les  prismes  à  Aision 
directe;  mais,  en  revanclie,  l'épaisseur  est  plus  considérable, 
ce  qui  fait  compensation.  Nous  ne  saurions  dire  d'une  ma- 
nière générale  quel  est  le  meilleur  svstème  ;  car  il  est  pro- 
bable, ici  comme  toujours,  que  le  même  instrument  ne  sau- 
rait servir  à  toutes  les  reclierclies.  A  mesure  c|ue  l'occasion 
s'en  ])résentera  nous  indiquerons  les  avantages  cpie  présente 
chaque  combinaison. 

Aa'cc  des  prismes  convenablement  disposés,  on  peut  faire 
ini  excellent  hélioscope.  Devant  la  fente  d'un  spectroscope 
ordinaire,  à  une  distance  de  10  à  aS  centimètres,  on  place  un 
prisme  à  vision  directe,  qui  intercepte  le  faisceau  des  rayons 

(')  Pour  idiis  de  détails,  voir  Monihly  Notices  of  Astronomical  Society.  London. 


—  2;  13  — 

sohiin's,  cl  produit  sur  l;i  fciitc  un  spectre  confus.  En  obser- 
vant ce  spectre  avec  le  spcctroscope  ordinaire  à  fente  étnjitc, 
on  voit  une  image  du  Soleil  très-nette,  colorée  des  couleurs 
du  sprctre,  j)résentant  les  images  du  bord,  des  tacbes  et  des 
facules  exactement  comme  on  les  voit  avec  un  Ncri'e  coloré.  Si 
Ton  place  le  boi'd  du  (lis(pi('  solaire  [)res  de  la  raie  C  de  l'In- 
drogène  ou  de  toute  autre  raie  de  la  cbromospbère,  on  voit 


T          0 

; 

»• 

h 

t 

ir 

b 

Xr. 

i 

T 

0 

J 

V 

h 

r 

0 

i 

» 

V 

r 

0 

i 

V 

b 

i 

"        o      je      t)       i 


les  raies  brillantes,  a  rextérieur  du  disque,  dans  la  pai'tie  qui 
appartient  à  la  cbromospbère  et  aux  protul^érances.  On  peut 
mesui'er  la  iiauteur  de  celles-ci  par  la  distance  du  bord  a  la- 
quelle se  trouve  la  raie  renversée.  I>a  ibéorie  du  })béno- 
mène  est  très-simple,  l.e  spectre  confus  formé  sur  la  fente 
{Jig.  92)  est  composé  de  plusieurs  spectres  superposés  et  qui 
appartiennent  à  différents  points  du  disque  solaire.  Le  spcc- 
troscope qui  reçoit  ces  spectres  mélangés  les  sépare  les  uns 
des  autres  et  les  dispose  dans  l'ordre  des  points  du  disque 
solaire  d'oii  ils  émancMit.  De  là  l'image  entière  du  Soleil 
dans  le  cbamp  de  la  lunette   et  les  détails   qui  sont  d'au- 


-  23-i  - 

tant  plus  distincts  que  la  fente  est  plus  étroite.  D'après  nos 
observations,  l'image  du  Soleil  aperçue  ainsi  près  de  l'horizon 
est  moins  agitée  et  moins  confuse  que  celle  que  l'on  voit  avec 
les  verres  colorés  ordinaires.  Comme  ce  moven  permet  de  dis- 
tinguer les  enveloppes  solaires  qui  sont  en  dehors  du  disque 
d'avec  le  disque  lui-même,  on  peut  s'en  servir  pour  déter- 
miner les  points  précis  où  se  produisent  les  éruptions;  on 
pourra  aussi  l'utiliser  dans  l'étude  des  éclipses  et  du  passage 
des  planètes,  pour  observer  la  Lune  et  les  planètes  avant  leur 
entrée  sur  le  disque  solaire. 

§111.  —  Description  du  spectre  solaire. 

La  figure  du  spectre  solaire  que  nous  venons  de  donner, 
dans  des  proportions  modestes ,  d'après  Fraunhofer  et  Van 
der  Willingen,  n'était  qu'un  premier  essai  et  comme  le  pré- 
lude des  grands  travaux  qui  devaient  être  exécutés  dans  cette 
science  nouvelle  et  inépuisable.  M.  Kirchhoff  est  le  premier 
qui  ait  donné  un  travail  étendu  et  complet;  son  spectre,  de- 
venu classique,  ne  contient  pas  seulement  les  raies  solaires  : 
il  y  a  ajouté  un  grand  nombre  de  raies  appartenant  aux  dif- 
férents corps  simples  de  la  Chimie.  Ce  travail,  publié  d'abord 
à  Berlin,  puis  à  Londres,  a  été  reproduit  dans  \q?>  Annales  de 
Chimie  et  de  Physique;  il  contient  la  pai'tie  la  plus  intéres- 
sante du  spectre ,  depuis  la  lettre  A  jusqu'à  la  lettre  G  de 
Fraunhofer.  Le  groupe  situé  au  delà  de  A  y  est  coté  38o  mil- 
limètres, et  la  lettre  G  correspond  à  2900  millimètres;  la 
longueur  totale  est  donc  2"\520.  M.  Thalèn  a  continué  jus- 
qu'aux raies  H ,  de  sorte  que ,  entre  ces  deux  limites ,  le 
spectre  embrasse  une  étendue  de  S'^jSyo.  Ce  travail  monu- 
mental a  été  exécuté  avec  l'excellent  spectroscope  de  Stein- 
heil  [Jig.  82);  mais  pour  les  parties  extrêmes  on  a  dû  se  con- 


I 


—  î>ao  — 

(enter  <l  lin  nliis  [k  lit  nnnilti'e  de  j)iMsnies.  I.a  Innetle  spec- 
trale puitait  un  UR'tauisme  muni  diin  tiaeelel  a  1  aide  (UkjucI 
on  j)ouvait  tracer  sur  une  plant  lie  la  position  des  raies.  On 
a  |)U  ainsi  eKaniincr  rlKUjue  raie  et  étudier  les  détails  de  sa 
structure;  on  les  a  classées  d'après  leur  largeur  et  leur  inten- 
sité, car  toutes  les  lii^nes  sont  loin  d'être  semblables;  outre 
([u'elles  n'ont  pas  toutes  la  n)("'me  larii;eur,  on  \()it,  en  les  étu- 
diant attentivement,  (|u'elles  ne  sont  pas  toutes  également 
noires;  elles  ont  prescjue  toutes  des  contours  nettement  ter- 
minés: mais  il  y  en  a  qui  ne  présentent  pas  ce  caractère  et 
(pii  sont  dilïuses  sur  les  bords.  Il  v  a  au  contraire  tles  raies 
lumineuses  cpii  sont  plu->  brillantes  (pie  les  autres  :  on  en  voit 
un  exemple  frajipant  auprès  du  i^roupe  du  magnésium,  au 
point  qui  correspond  à  la  longueur  d'onde  5iG5,5.  On  v  voit 
une  magnifique  bande  brillante^  très-étroite;  il  y  en  a  aussi 
un  grand  nondjre  dans  le  violet.  Certaines  bandes  qui,  dans 
les  instruments  ordinaires,  paraissent  comme  estompées,  sont 
en  réalité  composées  d'un  grand  nombre  de  lignes  parfaite- 
ment distinctes,  comme  on  le  voit  a\ec  un  spectroscope  ayant 
un  grand  pouvoir  dispersif;  mais  quelques-unes  d'entre  elles 
sont  réellement  diffuses  sur  les  bords,  et  il  est  impossible  de 
les  décomposer,  quelle  que  soit  la  puissance  de  l'instrument 
que  l'on  emploie.  Nous  pouvons  citer  comme  exemple  les 
rai<'s  du  groupe  15. 

M.  Kir(  liholT  a  été  aidé  dans  ce  travail  par  AI.  Ilofmann, 
car  sa  vue  était  trop  affaiblie  pour  (ju'il  put  l'exécuter  tout 
seul.  Dans  le  tableau  descriptif  du  spectre,  dont  nous  donne- 
rons bientôt  un  extrait,  la  largeur  des  lignes  a  été  indiquée 
par  les  lettres  a,  b,  c,  d,  e,  f,  g,  leur  feinte  plus  ou  moins 
noire  j)ar  les  cbiffres  i,  2,  3,  4,  5,  0;  mais  il  y  a  tant  (\r  va- 
riétés dans  les  raies,  au  point  de  \  ue  de  lintensité.  de  la  lar- 
geur et  de  la  diffusion,  qu'on  ne  réussira   jamais  à  faire  une 


—  236  — 

figure  géométrique  du  spectre  qui  soit  autre  chose  qu'une  gros- 
sière ébauche,  lui  véritable  squelette.  Le  meilleur  moyen  qu'on 
puisse  employer,  c'est  de  le  reproduire  par  la  photographie, 
comme  l'a  fait  M.  Rutherfurd,  de  New-York,  et  tout  dernière- 
ment JM.  Draper.  JNous  reproduisons,  en  gravure  sur  cuivre, 
dans  la  PL  II,  la  partie  du  spectre  voisine  de  II,  telle  que  l'a 
obtenue  ]M.  Draper  par  les  procédés  de  la  photolithographie. 

]\Ialheureusement  ce  procédé  n'est  applicable  qu'à  la  partie 
du  spectre  qui  contient  des  rayons  chimiques  depuis  F  jus- 
qu'aux rayons  ultra-violets;  le  rouge,  le  jaune  et  une  partie 
du  vert  sont  incapables  de  produire  ime  impression  suffisam- 
ment nette  ;  mais  nous  espérons  que  la  science  surmontera 
cette  difficulté,  et  l'on  nous  assure  que  ]M.  Yogel  v  est  déjà 
parvenu  en  mélangeant  au  collodion  des  substances  rouges, 
par  exemple  de  l'aniline. 

En  attendant,  nous  profiterons  des  travaux  déjà  faits  et  des 
descriptions  optiques  que  nous  ont  légués  d'infatigables  ob- 
servateurs; tout  cela  est  suffisant  pour  les  parties  les  plus 
pratiques  et  les  plus  intéressantes  de  la  science. 

Le  travail  de  INL  Kirchhoff,  quel  que  fût  d'ailleurs  son  mé- 
rite, avait  deux  défauts  considérables.  D'abord  on  s'est  aperçu 
que  son  échelle  n'était  pas  constante  dans  toute  son  étendue, 
car  il  est  bien  difficile  que  ses  prismes  aient  toujours  été  dis- 
posés au  minimum  de  déviation.  De  plus,  l'échelle  étant  arbi- 
traire, il  était  difficile  d'en  reconnaître  la  proportion  et  de 
l'appliquer  à  d'autres  systèmes  de  prismes  n'ayant  pas  la  même 
nature.  Les  physiciens  ont  donc  cherché  à  modifier  ce  travail 
déjà  si  remarquable,  de  manière  à  le  rendre  parfait,  en  adop- 
tant une  échelle  invariable  basée  siu'  la  longueur  même  des 
ondes  lumineuses  qui  correspondent  aux  différents  points  du 
spectre.  Un  spectre  tracé  d'après  ce  principe  serait  absolu- 
ment indépendant  de  la  nature  des  prismes  et  de  la  manière 


—  iWl  — 

(Idiil  lis  aiiiiiiciil  clc  coiiiliiiics;  mais  il  \  aurait  iiii  antre  axaii- 
tagc  très-considérahlc,  c^'^t  (|u  il  serait  i(l('nti([(i('  a  (chii  (jiiOii 
ol)tioiit  j)ai'  iiit('rl(M"oii(M'  an  niovcii  des  réseaux. 

(Test  Fraunholcr  (|ui  apprit  aux  physiciens  à  nl)teiiir  de 
très-l)eaux  spectres  sans  faire  iisa^e  du  prisme,  en  utilisant  les 
pluMioinènes  de  difiractinn.  I.oi'scpi'on  lait  passer  la  lumière 
j)ai"  nne  lente  étroit*',  on  obtient  des  li*anL;cs  brillantes,  dont 
la  découverte  est  due  à  Griinaldi;  ces  franges  deviennent 
heaucouj)  plus  larges  et  plus  distinctes  lorsqu'f)n  emploie  une 
série  de  fentes  j)arallèles.  Krauidiofer  obtint  d'abord  ces  lentes 
en  traçant,  an  diamant,  une  série  de  raies  parallèles  et  très- 
serrées  sur  des  plnpies  de  verre  dore  :  c'est  ce  qu'il  appela 
des  réseaux,  l^iis  il  reconnut  que  la  couche  d'or  était  inutile 
et  (pion  arrivait  au  même  résultat  en  traçant  les  raies  sur  le 
verre  lui-même.  Pour  obtenir  les  s[)ectres  de  diffraction,  on 
vise  avec  une  bonne  lunette  une  fente  trés-éloignée  ou  bien 
son  image  jdacée  au  fover  d'un  colhmateur,  j)uis  on  inter- 
j)ose  la  plaque  de  \('rre  ravc'e  sur  le  trajet  des  raNons;  on  peut 
au.ssi  recevoir  dans  la  limette  la  lumière  réfléclu<'  sur  la  sur- 
face rayée,  surface  qui  alors  peut  être  métallique.  Dans  les 
deux  cas,  au  lieu  des  franges  de  diffraction,  on  voit  une  série 
de  spectres  dans  lesquels  on  peut  distinguer  les  raies,  connue 
dans  celui  qu'on  obtient  avec  le  prisme. 

Il  V  a  cependant  une  différence  entn*  les  spectres  de  dil- 
Iraction  et  celui  de  réfraction.  Ce  derniei'  est  déforme^  :  le 
roueje  et  les  l'axons  moins  l'ch'angibles  sont  condenses;  le 
violet  et  les  ravons  plus  réfrangibles  sont  dilatés  outre  me- 
sure. Les  réseaux  donnent,  soit  par  réflexion,  soit  par  trans- 
mission, des  spectres  où  la  déviation  est  précisément  propor- 
tionnelle à  la  longueur  d'onde,  plus  étalés  du  cote  du  rouge, 
|)lus  contractés  du  côté  du  violet  (jue  les  spectres  dus  à  la 
réfraction  à  travers  les  prismes. 


—  238  - 

Ces  spectres  de  cliffi'action ,  bien  connus  des  physiciens, 
n'avaient  jamais  été  employés  par  les  astronomes,  à  cause  de 
la  difficulté  qu'il  y  avait  à  se  procurer  des  réseaux  assez  grands 
et  assez  régulièrement  construits.  Cette  difficulté  vient  d'être 
surmontée  :  M.  Rutlierfurd,  à  la  fois  savant  distingué  et  ar- 
liste  habile,  a  réussi  à  graver  non-seulement  sur  verre,  mais 
aussi  sur  le  métal  des  miroirs ,  des  réseaux  ayant  inie  surface 
d'environ  i  pouce  carré,  et  contenant  4ooo  lignes  parfaite- 
ment égales  et  rigoureusement  parallèles.  Nous  devons  à  la 
générosité  de  M.  Ptutlierfurd  deux  de  ces  précieuses  plac[ues, 
dont  la  structure  est  irréprochable  :  Tune  est  en  verre  et  l'autre 
en  métal. 

Les  ravons  réfléchis  sur  les  réseaux  métallic[ues  donnent 
des  spectres  magnifiques.  Le  spectre  de  premier  ordre  est 
très-vif  et  équivaut  au  moins  à  celui  qu'on  obtient  avec  deux 
bons  prismes  de  flint.  Celui  du  second  ordre  est  double  en 
étendue  ;  celui  du  troisième  ordre  est  triple,  et  il  équivaut  au 
spectre  obtenu  à  l'aide  de  six  ])rismes.  JMalheureusement  il 
est  difficile  de  dépasser  le  second  ordre,  car  au  delà  les  spec- 
tres se  superposent  en  partie,  les  couleurs  et  les  raies  se  con- 
fondent. Le  violet  du  premier  ordre  et  le  rouge  du  second  se 
mélangent  déjà,  et  il  faut,  pour  les  séparer,  se  servir  de  verres 
colorés.  Dans  les  spectres  d'ordre  plus  élevé,  il  se  produit  un 
phénomène  curieux  :  on  peut  a\oir  dans  un  même  champ 
très-étroit  deux  lignes  très-éloignées  rune  de  l'autre,  par 
exemple  C  et  F,  ces  deux  raies  appartenant  toutefois  à  deux 
spectres  différents  superposés;  cette  particularité  peut  être 
très-utile  en  certains  cas. 

A  part  les  inconvénients  résultant  de  cette  superposition, 
les  spectres  ainsi  obtenus  sont  excellents  pour  l'observation 
des  protubérances  solaires;  ils  sont  aussi  très -avantageux 
toutes  les  fois  qu'on  veut  emplover  les  procédés  photogra- 


I 


—  2:{«J  — 

i)Iiiqii('S.  parce  f|ii<'  les  ra\()iis  (liiuiujtics  ne  sont  pas  absor- 
bés pai"  celte  ivllexioii  comme  ils  le  sont  par  le  passage  à  tra- 
vers les  prismes. 

Dans  plusieu!"s  circonstances,  nous  avons  emplo\é  cette 
métliode  poui'  I  ()l)ser\ati()n  du  Soleil,  et  nous  en  a\ons  re- 
connu les  a\antai;es;  mais  il  \  a  une  clifliculte  cpii  empêchera 
toujours  il'en  faire  un  usage  habituel  :  c'est  l'oxydation  d[\ 
miroir:  aussi,  malgré  le  poids  des  prismes  et  l'absorption 
qu'ils  produisent,  on  les  emploiera  toujours  de  préférence 
aux  réseaux  métalliques.  Quant  aux  réseaux  sur  cristal ,  ils 
n  ont  pas  un  assez  grand  pouvoir  réflecteur. 

H  V  a  de  si  grands  a^antages  à  emplover  un  spectre  con- 
struit d  aj)rès  les  longueurs  d'ond(%  que  nous  avons  pris  le 
parti  de  reproduire  dans  cet  Ouvrage  les  planches  du  spectre 
normal  que  31.  Angstrom  a  exécuté  le  premier.  Ce  savant  a 
commencé  par  reconnaître  les  principales  raies  de  Kirchhoff 
en  déterminant  la  longucMU'  d'onde  ([ui  correspond  à  chacune 
d'elles;  puis  il  les  a  (lis[)osées  dans  les  Tables  dans  l'ordre  (pii 
corresjDond  à  ces  longueurs.  C'est  ce  travail  que  nous  re])i\)- 
duisons  dans  les  quatre  Pi.  III,  IV,  F  et  VI.  L'usage  en  est  fa- 
cile, et  elles  ne  demandent  aucune  explication.  Les  chiffres 
qu'on  lit  siu'  l'échelle  représentent  les  longueurs  d'onde  ; 
chaque  division  a  i  millimètre  de  longueur  et  correspond  à  un 
dix-millionième  de  millimètre  de  longueur  d'onde.  Comme  on 
peut  estimer  le  dixième  de  chaque  division,  on  parvient  à  éva- 
luer les  cent-millionièmes  de  millimètre,  ce  qui  donne  une 
idée  de  la  perfection  des  mesures  micrométriques  actuelle- 
ment employées  dans  ces  recherches. 

Le  spectre  de  ]\L  Ar.gstrôm  s' arrêtant  aux  raies  H,  nous 
avons  emprunté  la  suite  au  travail  de  j\L  Cornu,  jusqu'aux 
rayons  chimiques  dont  la  longueur  d'onde  est  ûy^j  dix-mil- 
lionièmes de  millimètre. 


—  240  — 

Quant  aux  raies  qui  aj^partiennent  aux  différentes  sub- 
stances, elles  sont  indiquées  à  la  partie  inférieure  d'après  la 
méthode  adoptée  déjà  par  M.  Rirchlioff.  Les  raies  multiples 
qui  aj)partiennent  à  un  même  corps  simple  sont  reliées  par 
inie  ligne  droite  horizontale,  sous  laquelle  on  a  écrit  en  abrégé 
le  nom  de  ce  corps.  Le  fer  avant  un  très-grand  nombre  de 
raies,  on  lui  a  donné  une  zone  à  part,  à  l'extrémité  de  laquelle 
se  trouve  son  nom,  Fe.  Les  autres  substances  ont  été  placées 
au-dessous;  leurs  raies  sont  indiquées  par  des  lignes  verticales 
en  traits  pleins,  qui  se  continuent  en  traits  ponctués  à  travers 
la  zone  du  fer  jusqu'à  la  bande  spectrale,  afin  de  faire  voir  la 
coïncidence  lorsqu'elle  a  lieu.  Les  raies  dues  à  l'absorption 
de  notre  atmosphère,  et  qui  présentent  un  aspect  diffus  lorsque 
le  Soleil  est  près  de  l'horizon,  ont  été  estompées  sur  une  hau- 
teur plus  ou  moins  considérable,  suivant  leur  largeur  et  leur 
intensité.  Celles  qui  sont  propres  aux  éléments  de  l'air  sont 
tracées  dans  une  zone  spéciale  précédées  de  ce  mot  :  Aer. 

Cette  figure  ne  présente  qu'ini  seul  inconvénient,  et  nous 
l'avons  déjà  signalé,  c'est  cjue  l'échelle  de  séparation  des  raies 
est  différente  d'un  bout  à  l'autre  de  la  figure,  si  on  la  com- 
pare au  spectre  de  réfraction  :  dans  le  rouge  elles  sont  plus 
espacées;  elles  sont  au  contraire  plus  rap]:>rochées  dans  le 
violet.  Mais,  dans  la  pratique,  cet  inconvénient  disparait,  car 
dans  le  champ  d'uu  a])pareil  puissant  on  ne  voit  à  la  fois 
qu'une  portion  très-bornée  du  spectre,  et  il  suffit  de  s'orien- 
ter sur  quelqu'une  des  lignes  fondamentales  pour  se  rendre 
compte  de  l'étendue  relative  de  l'espace  qui  sépare  les  diffé- 
rentes raies. 

Pour  faciliter  au  lecteur  qui  posséderait  les  planches  de 
Rirchlioff  la  com])araison  avec  le  spectre  normal,  nous  re- 
produisons la  Table  suivante,  où  les  nombres  de  la  figure  de 
Rirchlioff  sont  mis  en  regard  des  longueurs  d'ondes  données 


-  2il   - 

par  les  (l(U\  s;i\aiils  cmiiiciils,  MM.  ^  an  dci-  W'illin^M'ii  et 
An{;str»)iii.  ()iia  (oiistM'vi',  d'après  Kirclilioll,  les  noms  des 
siil)slances  aii\(pielles  apj)artieiuient  iliflerentes  lignes,  a\('c 
les  indications  d  intensité  et  tle  largeur.  On  poiUTa,  pour 
«voir  dv  plus  anijiles  renseignements,  consulter  le  travail  de 
Van  (Ici-  \\  illingen  (^ Musée  Teyl<'»%  vol.  I,  fasc.  II,  p.  5r))  et  le 
spectre  noi mal  de  AI.  Ani^slroni  dans  les  Actes  de  la  Société 
d'Upsal,  3^  .série,  t.  \  I. 

Pour  l'explication  de  la  dernière  colonne  de  notre  tableau 
nous  renvovons  le  lecteur  au  Chapitre  suivant,  dans  lequel 
nous  exposerons  la  théorie  des  spectres  lumineux  et  la  coïn- 
cidente des  raies  brillantes  qui  caractérisent  certains  corps 
avec  des  laies  noires  du  spectre  solaire. 


i6 


__  q;-2  — 


Tableau  des  longueurs  cl  'onde  ivhitives  au.r  raies  principales  du  spectre 
solaire,  d'après  les  mesu/vs  de  ^I.  Vax  der  Willixoex,  comparées  atcc 
celles  de  MM.  Angstrom  et  Kirchhoff. 


1 

j 

i 

LETTRES 
(le 

Fraunliofer. 

NOMBRES 

et 

lettres 

de 

VanderWil- 

lingen. 

LONGIEURS 

en  millionièii 

mè 

selon 
V.  d.  W. 

d'onde, 
lies  de  niilli- 
re 

selon 
Angstrom. 

.NOMBRES 

de 

la  figure 

de 

M.  Kirchhoff 

intensité 

et 

largeur 

scion       1 
le  même. 

Sl'BSTANCES 

correspondantes. 

I    a 

763,36 

„ 

II 

Il 

A 

I  /2 

760,92 

761,2 

404,  I 

6 

Diffose  aux  bords. 

2   a 

728,13 

// 

II 

// 

2/2 

724,38 

II 

•< 

/' 

3  « 

7i8,97 

II 

II 

II 

3  ,3 

718,86 

II 

II 

II 

B 

4   a 

4   /5 

687,48 
687,12 

687,5 

592,6 

6  c 
II 

Diffuse  aux  bords. 

C 

5 
6 

656,56 
65i,9i 

656,8 

G94,i 
711,5 

6  c 

Hydrogène, 

7 

649.77 

" 

719,5 

II 

8   a 

628,11 

" 

" 

II 

8  ,5 

628,00 

II 

" 

„ 

625,90 

II 

II 

" 

Atmosphérique.  Très- 
forle.  fî  de  Erew- 
ster. 

9 

619,45 

619,2 

849,7 

3  c 

Fer. 

10 

616,49 

616,3 

863,9 

5  b 

Calcium. 

" 

614.3 

874,3 

4  b 

Baryum. 

1 1 

613,96 

6i3,9 

877,0 

\c 

Fer. 

12 

612,52 

612,4 

884,9 

4  b 

Calcium,  cobalt. 

i3 

610,52 

6iû,5 

894,9 

2  c 

Calcium. 

i4  « 

i4y 

589,86 
589,26 

590,0 
589,4 

1002,8 
1006,8 

6  b 
6  b 

Sodium. 
1 

i5 

562,70 

II 

1200,4 

ri 

i6 

56i,8o 

56r ,80 

1207,3 

5  g 

Fer, 

17       • 

553, 19 

// 

1280,0? 

II 

18 

547,86 

II 

I 324,0? 

» 

19 

545,33 

546,0 

1343,5 

6  c 

Fer. 

20 

537,38 

537,4 

1421,6? 

5  b 

Fer. 

21 

533, o5 

533,2 

I 463,0 

5  c 

Fer.  Double. 

E 

22    y. 

527,24 

527,4 

l522,7 

6  c 

Fer.  Calcium. 

22    ^ 

527,04 

527,3 

i523,7 

6  c 

Fer. 

23 

523, 5o 

523,7 

i569,6 

5  c 

Fer. 

- 

24 

522,96 

II 

1577,5 

II 

25 

5i8,63 

5i8,8 

1634, I 

^S 

Magnésium. 

—  '■21A  — 

Tdhliitit  (les  longueurs  d'onde  relntives  ttu.r  raies  jnim  qxdes  du  speitie 
salaire ,  d'apn's  les  mesures  de  M.  Van  UKa  AVii.lingkn,  comjxtrées  ente 
eelles  de  MM.  Angstrom  tY  Ivirciiuoff.  (Suite.) 


LETTRES 
Fraunliufor. 

NOUDRES 

Cl 

Icllrcs 

do 

Van.lerWil- 

lln^-en. 

LONGlEin 

en  iiiilllonlr 

III  cl 

selon 
V.  d.  W. 

s  d'ondi', 

iicsdemilll- 

re. 

selon 
Anijslroni. 

MlUDRES 

do 

la  llKure 

<lo 

SI.Kiruhliori 

INTENSlTt 

el 

largeur 

selon 

lo  uiiuio. 

.«ilBSTANCES 
corresponilanles. 

b 

•-G 

5 1 7 , 5 1 

'*'7.7 

1648,8 

G/" 

.Magnésium. 

•J7   0. 

517, i4 

5.7,-{ 

i653,7 

0. 

Kcr.  Nickel.  D.fluse 
aux  liuriis. 

^7  /3 

517,07 

517,2 

i655,6 

6  c 

Fer,  maïBésium.  Dif- 
fu«e  aa\  l,orils. 

27  •/ 

516,96 

« 

II 

,. 

-.iS 

5io, 18 

II 

17^0, '1-" 

„ 

39 

508,27 

II 

1777. '1? 

II 

3o 

5o4 , 37 

II 

1834     ? 

II 

3i 

496,01 

496.1 

1961,0 

4 

Fer. 

32 

489,38 

489,5 

2041,4 

fi  b 

Fer.  Douille. 

33 

487. 4G 

487-1 

2066,6 

5  c 

Fer.  Double. 

!• 

34 

486.39 

486,5 

2080,0 

^S 

lljdrogi'na. 

35 

467,00 

II 

2309 

II 

3G  « 

453,75 

II 

24S9,-1? 

II 

3G  ,3 

453,39 

•< 

" 

" 

.3G  y 

453,06 

II 

" 

•< 

37 

438,58 

438,6 

2721,6 

6 

Fer.  Très-ldfgo. 

38 

434,28 

434,3 

2798,6 

6 

Hydrogène.  Diffuse, 
large. 

39 

.',32,74 

432,8 

2821 ,9 

6 

Fer 

G 

40 

43.,, 2 

43 1,0 

2854.4 

6 

Fer. 

4' 

427,52 

427.  J 

II 

.. 

Fer. 

42 

426,27 

426,2 

.. 

/' 

Fer. 

43 

.',■22, S: 

422.9 

Il 

II 

Caliiuin.  Doul.lj. 

44 

4.4,55 

/|'4.7 

II 

" 

Douille. 

45 

4 1 3 , 5 1 

II 

•< 

// 

4G 

4.0,38 

4.0,', 

" 

Uydropi'-ne.  I..1  ,'. 
«I.ms  les  cloiL'S  du 
:"  lyiM!. 

17 

407,95 

407,5 

1' 

// 

For.  Forle. 

48 

406,75 

406, G 

.. 

II 

Fer.  Forle. 

49 

4^4.79 

404,8 

// 

II 

Fer.  Forte. 

5o 

4o3,6i 

II 

II 

» 

". 

5l      K 

397,. 3 

397-2 

■• 

" 

Calcium. 

H, 

50  ,3 

.393,76 

393,6 

" 

Calclu:ii. 

—  244  — 


CHAPITRE   III. 


THÉORIE    GÉNÉRALE     DES     SPECTRES     LUMINEUX. 


§  T.  —  Comparaison  de  la  lumière  solaire  avec  les  autres 

lumières. 

Le  seul  moven  d'arriver  à  connaître  la  nature  et  la  cause 
des  raies  noires  que  nous  observons  dans  le  spectre  du  Soleil, 
c'est  d'étudier  à  ce  même  point  de  vue  les  autres  lumières, 
soit  naturelles,  soit  artificielles.  Cette  étude  est  facile  et  elle 
avait  été  déjà  commencée  par  plusieurs  savants.  Fraunliofer 
avait  examiné  le  spectre  dû  à  la  flamme  de  l'alcool  salé,  et  il 
avait  reconnu  qu'il  est  seulement  composé  d'une  double 
ligne  jaune  qui  correspond  au  groupe  des  raies  D  du  spectre 
solaire.  John  Herschel,  Fox  Talbot  et  Brewster  étudièrent 
différentes  flammes  ;  ils  trouvèrent  que  leurs  spectres  étaient 
discontinus,  formés  de  plusieurs  raies  séparées  et  indépen- 
dantes, mais  constantes  pour  une  même  substance  :  aussi 
Brewster  affirma- 1- il  qu'on  peut  reconnaître  la  nature  des 
corps  par  la  simple  inspection  du  spectre  auquel  ils  don- 
nent naissance.  Nous  avions  nous-méme  étudié  le  spectre 
de  l'étincelle  électrique,  ainsi  que  Wheatstone,  Masson, 
Brewster,  mais  tous  ces  travaux  étaient  épars  et  sans  unité  ; 
il  fallait  les  coordonner  entre  eux,  en  comparant  les  diffé- 
rents  spectres   avec   celui   de  la  lumière    solaire.    C'est  là 


-  2la  — 

le  truNail  (jiii  a  vie  act<)m|)li  pai'MM.  riiiiiscii  cl  Kirtliholf 
d'abord,  puis  j)ar  Tlofinaii  cl  Tlialcn.  Cette  comparaison 
n'exige  pas  d'aiili-c  appareil  (|iic  le  spcctroscope  dont  nous 
avons  déjà  parle  :  il  sullil  de  mettre  la  source  lumineuse 
qu'on  veut  étudier  en  avant  de  la  fente  du  collimateur,  en 
adoptant  un  procédé  quelconque  qui  permette  d'introduire 
à  la  fois  dans  l'appareil  les  ravons  émanés  de  cette  source 
et  ceux  de  la  lumière  solaire.  Pour  cela  on  dispose  un  pclit 
prisme  devant  la  fente,  de  maiîicrc  à  la  couvrir  dans  une  moi- 
tié de  sa  longueur;  les  faces  de  ce  prisme  réfléchissent  la  lu- 
mière dont  on  veut  faire  l'analvse,  de  manière  à  la  diriger 
dans  le  tube  de  la  lunette,  parallèlement  à  son  axe;  en  même 
temps,  un  rayon  de  lumière  solaire  pénètre  par  la  partie  de 
la  fente  demeurée  libre.  Alors  on  voit  dans  le  champ  de  l'ap- 
pareil deux  spectres  distincts,  mais  juxtaposés  :  l'un  produit 
par  la  flamme  qu'on  étudie,  l'autre  dû  au  ravon  solaire. 
Comme  les  deux  parties  de  la  fente  composent  une  seule  et 
même  ligne  droite,  les  raies  qui  ont  même  indice  de  réfrac- 
tion doivent  occuper  des  positions  identiques  dans  les  deux 
spectres,  et,  par  suite,  elles  doivent  être  rigoureusement  sur 
le  prolongement  l'une  de  l'autre.  Lorsqu'on  a  besoin  d'une 
plus  grande  précision,  on  fait  arri\ cr  les  deux  lumières  direc- 
tement par  la  même  fente,  et  on  les  superpose  ainsi  parfai- 
tement. On  ne  peut  pas  toujours  employer  cette  méthode  ; 
mais,  lorsqu'on  parvient  à  voir  ainsi  les  deux  spectres  à  la  fois, 
elle  est  de  beaucoup  préférable  à  la  j)récédente. 

En  opérant  ainsi,  on  est  arrivé  aux  conclusions  suivantes  : 
i^  Lorsqu'on  examine  des  corps  simplement  incandescents, 
comme  les  charbons  de  l'arc  voltaïque,  un  fil  de  platine  tra- 
versé par  un  courant  électrique,  la  chaux,  la  magnésie,  la 
zircone  échauffées  par  la  flamme  du  gaz  oxy-hydrogène,  le 
charbon  en  suspension  dans  la  flamme  d'une  lampe  ou  dans 


—  2iG  — 

celle  d'une  bougie,  etc.,  on  obtient  toujours  un  spectre  con- 
tinu, sans  aucune  raie  noire  ou  brillante. 

2°  Toutes  les  fois  qu'un  corps,  brûlant  à  la  pression  ordi- 
naire, donne  naissance  à  un  composé  gazeux,  il  produit  une 
flamme  dont  le  spectre  est  discontinu  :  ainsi  la  flamme  d'une 
bougie  présente,  dans  la  partie  plus  lumineuse,  un  spectre 
continu;  mais  il  y  a  toujours  à  sa  base  une  partie  bleuâtre, 
dans  laquelle  s'effectue  la  combinaison  du  carbone  et  de 
roxYo;ène-,  cette  partie  donne  un  spectre  discontinu,  où  l'on 
distingue  trois  groupes  de  raies  vertes  et  bleues,  nettement 
séparées  les  unes  des  autres  et  brillant  d'un  vif  éclat.  Ces  raies 


sont  dues  soit  au  carbone,  soit  à  l'un  de  ses  composés,  et  leur 
ensemble  forme  une  échelle  excellente  pour  l'étude  de  cer- 
taines lumières.  Ce  spectre  est  représenté  dans  \a/ig.  98,  oîi 
la  hauteur  des  lignes  verticales  est  proportionnelle  à  l'inten- 
sité des  raies  correspondantes. 

On  peut  encore  obtenir  les  raies  principales  de  ce  spectre 
en  examinant  au  spectroscope  la  flamme  du  cyanogène  ou 
celle  d'un  autre  composé  du  carbone.  On  les  voit  encore  très- 
nettes  dans  le  milieu  de  l'arc  bleuâtre  qui  se  produit  entre  les 
deux  charbons,  lorsqu'on  fait  l'expérience  de  la  lumière  élec- 
trique avec  une  forte  pile.  Ainsi,  pendant  que  les  charbons,  qui 
sont  simplement  incandescents,  donnent  un  spectre  continu, 
l'arc  voltaïque  donne  le  spectre  représenté  dans  la  y?»-.  9/1, 
où  les  raies  brillantes  sont  accompagnées  de  bandes  estom- 


jiées  OH  lormc  de  ('.iiiiiclurcs.  De  |)lii.s,  l(•^  dciiv  jxMcs  don- 
lUMit  des  s|)C'ctivs  dillcrcnts  l'un  de  laiihc.  Il  \  a  donc,  dniis 
ce  petit  intervalle,  trois  sjirctres  dislinc  ts.  Poni*  les  étudier 
separénuMit,  il  laut,  à  l'aide  tlunc  lentille  eonvergente,  jiro- 
jeter  sur  la  lenle  du  spectroscope  l'image  de  l'are  voltaïque; 
SI  l'on  ne  prend  pas  eelte  précaution,  le  pi'isine  l'ecevra  à  la 
fois  les  rayons  de  tonte  natni'c  \enaiii  de^  deux  charbons  et 
de  1  intervalle  (pii  les  se[)are;  on  auiM  aloi-s  un  s|)ectre  à  peu 
près  continu. 


On  peut  employer  plusieurs  méthodes  pour  étudier  les 
raies  que  produisent  les  métaux  dans  leur  combustion  ;  ou 
peut  les  brûler  en  les  introduisant  dans  une  flamme  assez 
chaude;  on  peut  encore  brûler  un  de  leurs  sels,  comme  on 
fait  dans  les  feux  d'artifice;  on  peut  enfin  recourir  aux  étin- 
celles électriques.  Lorsqu'on  brûle  dans  une  lampe  une  dis- 
solution alcoolique  de  sel  marin,  on  obtient  d'une  manière 
très-remarquable  la  raie  jaune  du  sodium,  qu'on  peut  séparer 
en  deux  avec  des  instruments  un  peu  puissants.  Le  chlorure 
de  cuivre,  l'azotate  de  strontiane,  le  carbonate  de  lithiue 
introduits  dans  la  mèche  de  la  lampe  donnent  des  raies 
vertes  et  rouges  qui  servent  à  caractériser  ces  métaux.  Les 
lampes  à  alcool  ne  produisent  pas  une  température  assez 
élevée  jiour  les  métaux  plus  refractaires;  on  emploie  alors 


l(^  bec  de  Bunsen,  dans  lequel  on  brûle  un  mélange  de  gaz 
d'éclairage  et  d'air  atmosphérique.  On  obtient  ainsi  une 
flamme  bleue  dont  la  température  est  très-élevée,  et  qui  ne 
donne  pas  le  spectre  continu  de  la  flamme  blanche  ordi- 
naire. 

Fifj.  95. 


Lorsqu'on  veut  utiliser  l'étincelle  électrique,  on  a  recours, 
soit  à  une  forte  pile,  soit  à  une  bobine  d'induction,  et  l'on  fait 
jaillir  l'étincelle  entre  deux  rhéophores  composés  des  métaux 
qu'on  veut  étudier. 

Dans  ces  circonstances,  pendant  que  la  combustion  ou  la 
combinaison  chimique  s'effectue,  une  même  substance  donne 
toujours  les  mêmes  raies  lorsqu'elle  se  trouve  à  la  même  tempé- 
rature. \js.fig.  95  fait  voir  les  raies  principales  qui  se  déve- 


-  iilO  - 

loppciit  <'ii  l)rrilaiil  (l<'s  iiictaiix  alcalins  :  potassiiiiii  fR), 
sodiuni  (Na),  lilliiiiin  Li),  stroiitiiiin  (Sr),  calciimi  (Ca), 
l)arviini  (Ba),  nil)itliiiin  i  Rl^  ,  c;rsiiim  (Cs). 

3"  Si  l'on  fait  varier  la  tempéra Inrc  ou  le  degré  de  conihiis- 
tion  pour  les  corps  composés,  ou  ohtieut  des  spectres  très-dif- 
férents les  nus  (les  autres.  J^orscpiil  s'agit  des  gaz,  la  j»ressiou 
à  laquelle  ils  se  trouvent  au  inoineiit  de  la  eombuslioii  exerce 
une  très-grande  influence  :  quekjues-uns  de  ceux  qui  donnent 
des  raies  nettes,  à  une  faible  pression,  donnent  des  spectres 
continus  lorsqu'ils  sont  soumis  à  inie  pression  très-considé- 
rable, résultat  qu'on  attribue  à  ime  température  plus  élevée. 
On  essaye  généralement  les  gaz  en  les  amenant  à  un  degré  suf- 
fisant de  raréfaction  dans  des  tubes  fermés  connus  sous  le 
nom  de  /ubes  de  Geissler,  dans  lesquels  on  fait  passer  la  dé- 
cliarge  d'une  bobine  d'induction.  On  remarque  alors  que  la 
plupart  d'entre  eux  donnent  des  spectres  différents,  suivant 
la  tension  de  la  décbarge  :  ainsi  l'azote  donne  un  magnifique 
spectre  cannelé  lorsqu'on  fait  passer  une  étincelle  ayant  une 
tension  assez  faible  [fig.  96,  AzI,  n'^S);  mais,  lorsqu'on  intro- 
duit un  condensateur  dans  le  circuit  et  que  la  tension  de  la 
décharge  devient  très-grande,  alors  le  spectre  est  discontinu 
et  composé  de  raies  isolées,  dont  l'aspect  est  très-différent 
du  précédent  (Pliicker,y/^^  96,  Az  II,  n°4)-  La  même  chose  ar- 
rive pour  l'oxygène,  le  carbone,  le  soufre,  etc.  Dans  ces  ex- 
périences, les  gaz  agissent  à  peu  près  comme  des  vapeurs  mé- 
talliques; mais,  en  général,  leur  spectre  est  très-complexe  : 
ainsi  riivdrogène  donne  quatre  raies  principales,  une  dans 
le  rouge,  la  deuxième  dans  le  bleu,  et  deux  autres  dans  le  vio- 
let ;  il  présente  en  même  temps  un  grand  nombre  de  lignes 
pins  faibles,  dont  lintensité  varie  à  mesure  que  la  tension  de- 
vient plus  forte  ifig.  9<),  11  I,  n°  i).  Si  la  température  s'élève 
dune  manière  suffisante,  les  bandes  diffuses  disparaissent  et 


—  250  — 

il  ne  reste  que  les  quatre  raies  principales  [fig.  96,  H  II, 
n°2)  (  '  ).  Mais  lorsque  la  pression  est  plus  élevée,  les  raies 
vives  indiquées  ci-dessus  s'étalent  et  deviennent  des  bandes 
(Wiillner),  et  enfin  on  finit  par  avoir  des  spectres  continus 
sous  de  très-fortes  pressions  (Frankland).  Ce  fait  avait  été 
annoncé  par  M.  Frankland,  qui  l'avait  observé  en  examinant 

Fis.  96- 


AzII 


\ 


le  spectre  du  à  l'explosion  d'un  mélange  d'oxygène  et  d'hy- 
drogène, mais  il  a  été  mis  hors  de  doute  par  les  expériences 
de  M.  Cailletet,  faites  sous  une  pression  de  5o  atmosphères. 
Alors  le  spectre  de  l'azote  et  celui  de  l'hydrogène  deviennent 
brillants  et  continus.  On  ne  peut  pousser  plus  loin  les  pres- 
sions, car  le  verre  devenant  conducteur  de  l'électricité,  à 
cause  de  sa  haute  température,  la  lumière  disparaît  subite- 
ment. On  ne  passe  pas  brusquement  d'un  spectre  linéaire  à 


('  )  La  quatrième  raie  n'est  pas  représentée  dans  la  figure. 


un  spectre  continu  :  on  \(nl  d'abord  les  l'aies  peu  lumi- 
neuses à  la  pression  ordinaire  s'élargir  et  se  dilater  pro- 
gressivement; à  i5  atmosphères  elles  paraissent  estompées; 
à  mesure  ([u'on  augmente  la  pression,  elles  s'étendent  davan- 
tage et  finissent  par  remplir  complètement  les  intervalles  qui 
les  séparaient  :  alors  le  spectre  est  continu,  et,  même  avec 
une  étincelle  d'un  tiers  de  millimètre,  la  lumière  est  assez 
vive  pour  éclairer  un  vaste  laboratoire.  (Cailletet.) 

On  a  beaucoup  discuté  sur  l'origine  des  spectres  multiples 
des  gaz  :  quelques  savants  pensent  que  chaque  gaz  possède 
réellement  des  s|)eetres  différents,  suivant  les  circonstances; 
d'autres  pensent  (|u"il  Tant  attribuer  ces  différences  à  des  im- 
puretés sans  lesquelles  chacpie  substance  aurait  un  spectre 
unique.  On  s'est  demandé  si  les  changements  que  jîrésente 
le  spectre  tiennent  à  la  différence  de  pression  ou  Ijien  seule- 
ment à  la  variation  de  la  température.  Cette  dernière  cause 
semble  avoir  la  principale  influence,  l'accroissement  de  pres- 
sion n'ayant  d'autre  effet  que  d'exiger  une  température  plus 
élevée.  Lorsqu'on  fait  passer  la  décharge  de  la  bobine  dans 
un  tulje  qui  n'a  pas  partout  le  même  diamètre,  on  observe 
dans  la  partie  la  plus  large  lui  spectre  à  bandes,  tandis  que 
la  partie  étroite  donne  un  spectre  linéaire.  Les  phénomènes 
que  nous  venons  de  signaler  sont  très-importants;  nous  nous 
contentons  d'en  exposer  brièvement  les  lois.  Les  physiciens 
ne  sont  pas  tous  d'accord  dans  la  solution  de  ces  questions; 
mais  il  parait  que  l'opinion  qui  admet  la  possibilité  des 
spectres  multiples  pour  une  même  substance,  selon  la  tem- 
pérature, gagne  du  terrain. 

4"  La  plupart  des  métaux  donnent  des  spectres  discon- 
tinus composés  de  quelques  raies  brillantes  qui  séparent  de 
larges  bandes  obscures.  Ces  spectres  ont  donc  une  composi- 
tion inverse  de  celle  du  spectre  solaire,  dans  lequel  domine 


—  5.-;'2  — 


la  partie  lumineuse.  11  y  a  cependant  quelques  substances 
qui  donnent  im  spectre  composé  d'un  grand  nombre  de  raies 
])rillantes,  le  fer  par  exemple,  surtout  quand  on  le  soumet  à 
Faction  d'une  forte  pile  de  Bunsen.  En  employant,  comme 
l'ont  également  fait  IMM.  Angstrom  et  Thalèn,  une  pile  de 
cinquante  éléments,  nous  avons  compté  jusqu'à  cinq  cents 
raies.  M.  Tlialèn  en  a  compté  deux  cents  dans  le  spectre  du 
titane.  Quelques  métaux  semblent,  au  premier  abord,  donner 
lui  spectre  continu,  dans  lequel  on  remarque  quelques  raies 
plus  brillantes  :  c'est  ce  qui  arrive  lorsqu'on  brûle  du  magné- 
sium. Dans  ce  cas  le  spectre  continu  provient  de  l'oxyde  qui 
se  forme  et  qui,  porté  par  la  combustion  à  une  température 
élevée,  se  comporte  comme  un  corps  simplement  incandes- 
cent, émettant  des  rayons  de  toute  nature. 

M.  Cailletet  a  reconnu  que,  sous  de  fortes  pressions,  les 
raies  des  métaux  deviennent  diffuses  et  estompées,  comme 
celles  des  gaz,  et  ils  donneraient  sans  doute  des  spectres 
continus  si  l'on  pouvait  obtenir  des  pressions  assez  fortes, 
combinées  avec  de  très-hautes  températures.  Lorsqu'on  brûle 
du  sodium  en  grande  quantité  dans  l'arc  voltaïque,  on  voit 
ses  raies  se  dilater  d'une  manière  très-remarquable  :  il  semble 
donc  que  la  largeur  des  raies  peut  dépendre,  non-seulement 
de  la  pression,  mais  aussi  de  l'épaisseur  plus  ou  moins  grande 
de  la  couche  de  vapeur. 

Lorsqu'on  étudie  les  spectres  des  métaux  avec  l'étincelle 
d'induction,  il  faut  bien  se  garder  d'attribuer  au  métal  toutes 
les  raies  qu'on  observe.  Un  grand  nombre  d'entre  elles  ap- 
partient à  l'air  atmosphérique  ou  au  gaz  dans  lequel  se  fait 
l'expérience  ;  ces  raies  du  gaz  domineront  dans  le  spectre 
si  l'étincelle  est  courte  et  environnée  d'une  auréole  :  elles 
diminuent  au  contraire  lorsque  l'étincelle  acquiert  une  lon- 
gueur suffisante. 


I 


-  2r,3  - 

5"  Le  résultat  le  pins  siiipiciiaMt,  c'est  celui  ([\ion  ob- 
tient CM  juxlaposaiit,  tomme  nous  l'axoMS  indiqué,  le  spectre 
tluS(»l<'il  et  celui  tl'un  métal.  Ou  Iiounc  <[ue,  pour  uu  h<ju 
nombre  de  substances,  les  raies  brillantes  correspondent 
exactement  à  certaines  raies  noires  du  spectre  solaire  :  ainsi 
l(\s  raies  caractéristiques  du  sotlium  coïnc  ident  d'une  manière 
précise  avec  les  raies  D  de  Fraunbofer;  les  raies  que  l  bydro- 
gène  produit  dans  le  rouge,  dans  le  bleu  et  dans  le  violet, 
coïncident  avec  les  raies  C  et  F,  et  avec  la  trente-liuitiéme 
et  la  quarante-sixième  de  Van  der  Willingen  (voir  le  tableau 
qui  se  trouve  à  la  fin  du  Cliapitre  précédent).  Les  raies  du 
fer  correspondent  également  à  des  raies  bien  dét<'rminées  de 
la  lumière  solaire.  M.  Rirchhoff  a  trouvé  plus  de  soixante 
coïncidences;  Angstrom  en  a  trouvé  jusqu'à  quatre  cent 
quatre-vingt-dix  et  plus.  Dans  le  tableau  que  nous  avons 
inséré  à  la  fin  du  Chapitre  précédent,  nous  avons  indiqué  le 
nom  des  substances  dont  les  raies  correspondent  à  celles  du 
Soleil;  mais  notre  tableau  est  incomplet,  et  nous  aurions  pu 
ajouter  un  grand  nombre  de  métaux  dont  le  nom  n'y  figure 
pas  ;  mais  notre  intention  n'est  pas  de  donner  un  traité  com- 
plet de  spectroscopie. 

On  aura  des  indications  plus  complètes  en  étudiant  la  figure 
spectrale  de  ^I.  Kirchhoff  dans  les  quatre  planches  repro- 
duites dans  les  Annales  de  Chimie  et  de  Pliysique  '3^  série, 
tome  LX\  III,  mai  i8G'3,  et  l\^  série,  tome  I,  avril  i864)  '•  l^s 
j)arties  inférieures  des  échelles  partielles  représentent  les  raies 
métalliques  qui  correspondent  à  des  raies  noires  du  spectre 
solaire.  Nous  reproduisons,  d'après  M.  Angstrom,  la  liste  des 
raies  dont  on  a  ainsi  constaté  la  coïncidence  : 

Ilydrogùnc 4 

Sodium f) 

Barviiin 1 1 


-  251  — 

Calcium ^5 

Magnésium 4"^(3?) 

Aluminium ^  (i*) 

Fer 490 

Manganèse 57 

Chrome 18 

Cobalt 19 

Nickel 33 

Zinc 2 

Cuivre 7 

Titane 200 

Nous  pouvons  ajouter  quelques  noms  à  cette  liste  :  M.  Loc- 
kver  a  dernièrement  reconnu  dans  le  Soleil  la  présence  du 
strontium,  du  cadmium,  du  plomb,  du  cérium,  de  l'uranium-, 
on  y  trouve  donc  tous  les  métaux  appartenant  au  même 
groupe  que  le  fer.  M.  Lockyer  a  cherché  inutilement  les  mé- 
taux dont  les  oxydes  se  décomposent  facilement  :  l'or,  l'ar- 
gent, le  mercure,  etc.  Il  n'a  pas  trouvé  non  plus  le  chlore,  le 
brome,  l'iode,  etc.  Nous  avions  déjà  reconnu  la  présence  du 
plomb. 

§  IL  —  Spectres  d'absorption. 

La  coïncidence  des  raies  noires  du  spectre  solaire  avec  les 
lignes  brillantes  de  quelques  spectres  métalliques  était  trop 
extraordinaire  pour  ne  pas  exciter  vivement  l'attention  des 
physiciens;  mais,  quoique  cette  coïncidence,  au  moins  pour 
le  sodium,  fût  connue  depuis  le  temps  de  Fraunhofer,  on 
n'avait  encore  trouvé  aucune  explication  satisfaisante.  Fou- 
cault avait  remarqué  une  singularité  que  présente  la  com- 
bustion du  sodium  dans  l'arc  voltaïque.  Ce  métal  donne  d'or- 
dinaire une  ligne  brillante  correspondant  à  la  raie  D  ;  mais , 
lorsqu'on  le  brûle  en  grande  quantité,  on  voit,  dans  certaines 


—  2X5  — 

tircoiislaiices,  aj>|>.ir;iîfr<>  un  sjicrtre  j)lus  ctciidii  cl  à  pou 
près  contimi,  dans  Iccjurl  la  ligne  jaune  est  remplacée  par 
une  raie  noire,  (le  fait  resta  isolé  et  inexj)li(pié  juscpi'au  mo- 
ment où  Kireiiiioir  le  ratt.iclia  a  sa  tiiéoric  générale.  Cette 
ligne  noire  est  j)ro(lnite,  selon  lui.  par  l'absorption  (pTexerce 
la  vaj)eur  du  sodium  environnant  le  j)oint  lumineux. 

Yoiei  un(^  expérience  très-simple  qui  met  bien  en  évidence 


l'absorption  produite  par  la  vapeur  de  sodium.  On  prentl 
deux  lampes  dans  lesquelles  on  fait  brûler  une  dissolution 
alcoolique  de  sel  marin,  et  on  les  dispose  de  manière  à  ce 
que,  pour  l'observateur,  elles  se  projettent  en  partie  l'une 
sur  l'autre,  comme  l'indique  \^fig-  97.  On  verra  que,  dans  la 


région  où  les  deux  flammes  se  superposent,  celle  de  derrière 
])arait  noire  et  fuligineuse  :  cet  effet  est  dû  à  ce  que  les  rayons 
émis  par  la  flamme  placée  en  arrière  sont  absorbés  et  arrêtés 
au  passage  par  la  vapeur  qui  se  trouve  dans  la  flamme  placée 
en  avant. 

Lorsqu'on  brûle  une  quantité  considérable  de  sodium,  on 
obtient,  à  la  place  des  lignes  brillantes,  des  raies  noires  bien 
prononcées  et  sensiblement  dilatées  {fig.  98),  Ce  pliénomène 


—  ^o6  — 

s'explique  également  par  l'absorption  que  produisent  les  va- 
peurs métalliques  sur  les*  rayons  lumineux  émis  par  la 
flamme.  Ce  renversement  des  raies  du  sodium  présente  une 
circonstance  bien  importante  :  l'absorption  des  rayons  lumi- 
neux s'étend  de  part  et  d'autre  à  une  grande  distance,  et  les 
raies,  tout  en  restant  distinctes  et  nettement  tranchées  à  l'in- 
térieur, se  dilatent  sur  leurs  bords  extérieurs  comme  de  vé- 
ritables bandes.  Cette  dilatation  des  raies  noires  se  produit 
dans  les  mêmes  circonstances  que  celle  des  raies  brillantes; 
l'étendue  occupée  par  ces  bandes  sombres  est  proportion- 
nelle à  la  largeur  que  présenteraient  les  raies  D  s'il  n'y  avait 
pas  renversement.  Il  parait  donc  que  le  sodium  peut,  dans 
certaines  circonstances,  donner  de  larges  bandes  à  la  place 
des  lignes  nettement  tranchées  qu'on  observe  ordinairement. 
Le  thallium  et  quelques  autres  métaux  présentent  des  phé- 
nomènes semblables. 

On  connaissait  depuis  longtemps  des  exemples  d'absorp- 
tion produite  par  des  vapeurs.  Par  exemple,  lorsque  la  lu- 
mière solaire  a  traversé  une  couche  d'acide  hypoazotique  ou 
de  vapeur  d'iode,  elle  donne  des  raies  qui  n'existaient  pas 
auparavant.  Ce  fait  s'observe  également  lorsqu'on  regarde  à 
travers  ces  gaz  une  flamme  ordinaire  dont  le  spectre  est  con- 
tinu; les  raies  dues  à  l'absorption  s'y  produisent  également, 
et  il  est  bien  plus  facile  de  les  reconnaître. 

Les  gaz  qui  composent  notre  atmosphère  ont  aussi  une 
puissance  d'absorption  assez  considérable;  ils  peuvent  donc, 
en  faisant  disparaître  certains  rayons  lumineux,  donner  nais- 
sance à  quelques-unes  des  raies  qu'on  observe  dans  le 
spectre.  Cette  absorption  atmosphérique  étant  d'autant  plus 
grande  que  la  lumière  traverse  une  couche  plus  épaisse,  le 
spectre  doit  varier  avec  la  position  du  Soleil  ;  les  raies  doivent 
être  moins  nombreuses   lorsqu'il  est  près   du  zénith,  plus 


—  oriT  — 


ahoiidaiitcs  lorsqu'il  est  j)rrs  do  1  horizon.  Il  est  facile  dOI)- 
server  cette  différeiice  avec  un  simple  prisme  ou  avec  un 
spectroscope  de  poche  de  llofhnaun.  ].ajig.  i,  PL  I,  due  a 
M.  Jansseii,  donne  une  idée  île  ces  variations  pour  la  [)arti(^ 
la  moins  réfrangihle  tlu  spectre.  Dans  le  rouge  extrême,  on 
v(jit  se  développer  d(^  lari;(s  ])aniles  noires,  qui  n'existaient 
pas  hjrsque  le  Soleil  était  pins  élevé.  Dans  l'orangé  surtout, 
entre  C  et  D,  près  de  la  raie  8/3  de  Van  der  Willingen,  on  voit 
se  former  une  ligne  nommée  (>"  par  Pirewster   fig-  2,  PL  /), 


Fie-  99- 
Ha  bcU'cId t. 


!  H  il 


5  S 


95 


100 


105 


110 


suivie  de  plusieurs  traits  parallèles  entre  eux.  Entre  C®  et  D 
il  se  forme  ordinairement  un  très-grand  nombre  de  lignes,  et 
quelques-unes  de  celles  qui  existaient  déjà  deviennent  nota- 
blement plus  larges.  Dans  les  PL  III  à  VI  du  spectre  normal 
de  ^I.  Angstr()m  on  a  estomj)é  les  lignes  qui  sont  influen- 
cées par  l'absorption  atmo.spliérique. 

Nous  rejDroduisons  dans  la  fig.  99  le  groupe  de  lignes  at- 
mosphériques, situées  entre  94?^  <'t  io3,2  de  Rirchhoff,  tel 
(pion  le  \oit  avec  un  spectroscope  à  sept  prismes  lorsque  le 
Soleil  est  auprès  de  l'horizon.  Ces  raies  sont  beaucoup  j)lus 
marquées  en  ete  qu'en  liixcr;  l'Ucs  sont  alors  plus  noires  cpie 
la  rai<'  D,  et  l'ensemble  de  la  partie  sombre  est  plus  étendu 
que  la  |)artie  lumineuse  (pii  forme  le  fond  du  spectre,  l.lles 
I.  ., 


-  2j8  — 

sont  aussi  plus  visibles  lorsque  Tair  est  brumeux  et  bumide. 

Au  delà  de  D  il  se  forme  une  grande  bande  nommée  â  par 
Brewster.  Pendant  l'iiiver,  elle  est  composée  de  raies  très- 
fines  ;  mais  en  été  elle  devient  très-sombre,  et  les  différentes 
lignes  qui  la  composent  laissent  à  peine  un  intervalle  entre 
elles.  Enfin  on  remarque  un  autre  groupe  dans  le  vert,  à  peu 
près  au  milieu  de  l'intervalle  qui  sépare  b  et  F  ;  le  violet  en 
contient  également  un  certain  nombre. 

Quelques-unes  de  ces  raies  sont  dues,  sans  aucun  doute, 
aux  gaz  qui  composent  notre  atmosphère;  les  groupes  du 
vert,  en  particulier,  appartiennent  à  l'azote.  Celles  qui  se 
trou^  ent  dans  le  jaune  et  dans  le  rouge  sont  presque  exclu- 
sivement dues  à  la  vapeur  d'eau.  Nous  l'avons  constaté  en 
examinant  ces  spectres,  dans  différentes  circonstances  at- 
mosphériques, en  notant  le  moment  où  les  raies  apparaissent 
H  mesure  que  le  Soleil  s'abaisse  en  approchant  de  l'horizon, 
et  enfin  en  analysant  pendant  la  nuit  la  lumière  émise  par  des 
flammes  situées  à  une  grande  distance.  De  plus,  nous  avons 
vu  ces  mêmes  raies  se  manifester  au  moment  ou  des  nuages 
légers  passaient  devant  le  disque  du  Soleil,  ce  qui  montre 
l'influence  de  la  vapeur  d'eau  qu'ils  contiennent.  M.  Janssen 
a  confirmé  cette  explication  en  examinant  la  flamme  d'un  gaz 
à  travers  un  tube  rempli  de  vapeur  d'eau  à  haute  pression. 
Il  pourrait  cependant  se  faire  qu'un  certain  nombre  de  raies 
soient  dues  à  des  substances  encore  inconnues,  qui  sont  ré- 
pandues en  assez  grand  nombre  dans  notre  atmosphère, 
surtout  dans  la  saison  chaude,  où  elle  est  chargée  de  vapeurs 
d'origine  végétale  qui  sont  généralement  très-absorbantes.  La 
plupart,  cependant,  dépendent  assurément  de  la  vapeur 
d'eau,  comme  nous  l'avons  prouve  en  faisant  simultanément 
des  études  spectrales  et  des  observations  hygrométriques. 


—  ±rj 


^  lii.  —  RciiKcrscrncnl  des  specUes. 

Il  résulte  (le  roxpositmii  précédente  (ju  un  spectre  peuL 
être  discontinu  j)()ur  deux,  raisons  Lien  différentes  :  i°  parce 
tpie,  «Ml  réalité,  les  rayons  émis  par  la  source  lumineuse  ne 
sont  pas  continus  :  telle  est  la  lumière  de  l'étincelle  élec- 
trique, celle  des  métaux  volatilisés,  etc.;  2°  le  spectre  peut 
tlevenir  tliscontinu  j)ar  l'action  absorbante  d'une  substance 
gazeuse  ou  d'une  vapeur,  et  cette  vapeur  peut  être  celle  de 
la  substance  l)rùlée.  F^es  vapeurs  métalliques  étant  très-ab- 
sorbantes, comme  nous  l'avons  vu  pour  le  sodium,  j)our- 
raient  l^ien  produire  un  résultat  semblable  dans  la  lumière 
solaire ,  et  c'est  de  là  que  résulteraient  les  lignes  noires  du 
spectre.  Cette  idée  si  féconde  se  présente  naturellement  à 
l'esprit  comme  une  conséquence  de  tout  ce  que  nous  venons 
de  dire.  Ajoutons  cependant  qu'il  n'est  pas  nécessain'  (|ue  les 
vapeurs  soient  incandescentes  :  il  suffit  que  la  température 
soit  assez  élevée  pour  réduire  le  métal  à  l'état  de  fluide  élas- 
tique, température  qui  n'est  pas  la  même  pour  toutes  les  sub- 
stances. Ainsi  Kirclihoifa  pu  constater  l'absorption  produite 
par  le  sodium  avec  des  tubes  pleins  d'hydrogène  qui  conte- 
naient la  vaj)eur  de  ce  métal  à  une  température  assez  basse. 

On  peut  reproduire  cette  expérience  bien  simplement,  de 
la  manière  suivante  :  on  dirige  le  spectroscope  vers  le  Soleil, 
comme  pour  les  observations  ordinaires,  puis  on  met  devant 
la  tente  du  collimateur  la  llamme  d'une  lampe  dans  laquelle 
on  a  mis  une  dissolution  alcoolique  de  chlorure  de  sodium  : 
on  Aoit  aussi  les  raies  D  devenir  j)lus  sombres  et  s'élargir 
considérablement,  si  la  vapeur  métallique  est  abondante.  La 
flannne  tloit  avoir  des  dimensions  considérables.  On  réussira 

«7- 


—  200  — 

plus  facilement  si,  au  lieu  d'employer  de  l'alcool  salé,  on  pose 
sur  la  mèche  un  peu  de  sodium  ou  de  carbonate  de  soude. 

Lorsqu'on  brûle  dans  l'arc  voltaique  certains  métaux,  le  so- 
dium, le  thallium,  le  magnésium,  etc.,  les  raies,  qui  sont 
brillantes  lorsque  la  flamme  est  petite,  deviennent  noires  au 
milieu  et  ])ordées  d'une  lumière  très-vive,  si  la  flamme  de- 
vient ]dus  brillante;  de  sorte  que  la  ligne  brillante  parait 
divisée  en  deux  par  une  raie  noire  très-fme.  C'est  le  renverse- 
ment produit  dans  la  région  centrale  par  la  petite  atmo- 
sphère de  vapeur  métallique  qui  environne  l'étincelle  ;  '  ;. 
Cette  expérience,  due  à  31.  Cornu,  est  analogue  à  celle  de 
Foucault  dont  nous  avons  parlé,  et  dans  laquelle  on  analyse 
au  spectroscopc  la  lumière  produite  par  la  combustion  d'une 
masse  plus  considérable  de  sodium.  Nous  l'avons  vérifiée 
pour  le  sodium,  le  magnésium,  le  fer,  le  thallium,  etc. 

Toutes  ces  expériences  supposent,  comme  condition  essen- 
tielle, que  la  couche  extérieure  dans  laquelle  se  produit  l'ab- 
sorption est  à  une  température  plus  basse  que  la  région  d'où 
émanent  les  rayons.  De  là  le  principe  fondamental  de  ces 
recherches  :  .4  une  basse  température,  une  vapeur  absorbe 
précisément  les  rayons  lumineux  que  la  même  substance 
émettrait  si  elle  était  incandescente.  Ainsi  la  vapeur  de  so- 
dium produit,  par  son  absorption,  des  raies  noires  à  l'endroit 
précis  où  le  même  métal  produit  des  raies  brillantes  pendant 
sa  combustion.  Ce  fait  généralisé  constitue  ce  qu'on  appelle 
le  renversement  du  spectre,  et  l'on  peut  énoncer  d'une  ma- 
nière générale  le  principe  suivant  :  Une  vapeur  absorbe  préci- 
sément les  rayons  quelle  est  capable  d'émettre  lorsqu'elle  est 
incandescente  ;  de  sorte  que  le  pouvoir  émissif  et  le  pouvoir  ab- 


('  )  Comptes  rendus  des  séances  de  l' Académie  des  Sciences,  t.  LXXIII,  p.  33:. 


—  201   - 

sorhanl  sont  complémenuùtcs  iiin  de  raulrc.  Clettc  règle  sup- 
pose toujours,  comnio  ((indition  essentielle,  que  la  vapeur 
absorbante  est  à  une  température  plus  basse  que  celle  du 
corps  rayonnant. 

La  tliéorie  physique  de  ces  plunoniènes  est  assez  facile  à 
établir  par  une  simple  comparaison  entre  l'optique  et  l'acous- 
tique, comparaison  à  laquelle  nous  conduisent  naturellement 
les  idées  actuelles,  d'après  lesquelles  la  lumière  résulte  des 
ondulations  d'un  fluide  étlicré.  Un  grand  nombre  de  corps 
sojîores,  à  cause  de  leurs  formes  irrégulières,  ne  peuvent 
émettre  que  des  bruits  résultant  d'une  multitude  de  sons  con- 
fus et  correspondant  à  des  longueurs  d'onde  différentes;  il 
y  en  a  d'autres,  au  contraire,  qui,  se  trou^  ant  dans  de  meil- 
leures conditions,  produisent  des  sons  musicaux  parfaitement 
définis  et  déterminés  ;  ces  sons  musicaux  sont  produits  par 
des  vibrations  toutes  isochrones,  et  ils  se  propagent  par  des 
ondulations  toutes  de  même  longueur;  ils  sont  tout  au  plus 
accompagnés  de  quelques  harmoniques  à  la  quinte,  à  l'oc- 
tave, etc. 

Il  se  produit  quelque  chose  d'analogue  pour  les  corps  lumi- 
neux. Les  corps  simplement  incandescents,  retenus  et  gênés 
par  des  liens  moléculaires,  émettent  des  ondulations  de  toute 
nature  et  de  toute  longueur,  dont  les  indices  de  réfraction 
prennent  toutes  les  valeurs  possibles  entre  deux  limites  ex- 
trêmes :  de  la  résulte  nécessairement  un  spectre  continu.  Les 
mêmes  substances  réduites  en  vapeur,  délivrées  des  entraves 
de  la  cohésion,  vibrent  avec  plus  de  liberté,  émettent  des 
ondes  lumineuses  dont  la  longueiu'  dépend  uniquement  de  la 
masse  vibrante  et  de  sa  force  vive.  Ces  ondes  sont  en  petit 
nom])re  et  nettement  définies  ;  tout  au  plus  sont-elles  accom- 
pagnées de  quelques  autres  ondulations  que  nous  pourrions 
appeler  harmoniques  et  dont  les  longueurs  ont  des  rapports 


—  262  — 

commensurables  avec  celle  de  l'onde  principale.  Par  exemple, 
les  raies  C  et  F  de  l'hydrogène  sont  dues  à  des  rayons  dont 
les  lonojueurs  d'onde  sont  presque  rigoureusement  dans  le 
rapport  de  4  à  3,  rapport  qui  caractérise  en  acoustique  l'inter- 
valle de  Vut  au/a;  la  différence  est  seulement  de  ^.  La  troi- 
sième raie  du  violet,  comparée  à  la  raie  C,  donne  le  rapport 
de  f  à  I,  avec  une  différence  également  très-petite;  en  faisant 
abstraction  de  cette  différence,  nous  aurions  le  rapport  qui 
caractérise  l'intervalle  du  ré  au  la.  Dans  plusieurs  substances, 
les  raies  spectrales  sont  réunies  par  groupes  (fer,  magnésium, 
carbone,  etc.);  or,  d'après  M.  Hinrichs,  si  l'on  étudie  les  dif- 
férentes raies  d'une  même  substance,  on  trouve  que  leurs 
longueurs  d'onde  peuvent  être  représentées  par  les  termes 
d'une  progression  arithmétique,  et  la  raison  de  cette  pro- 
gression demeure  constante  pour  un  même  groupe  ;  elle 
peut  toujours  s'exprimer  par  un  nombre  assez  siinple,  qui 
dépend  de  la  forme  et  du  volume  des  atomes.  Ajoutons  cepen- 
dant que  les  vibrations  d'un  corps  ne  se  réduisent  ainsi  à  un 
petit  nombre  d'ondes  régulières  que  jusqu'à  une  certaine 
limite  de  température  et  de  pression  ;  au  delà  de  ces  limites, 
les  ondes  de  longueurs  différentes  deviennent  de  plus  en  plus 
nombreuses,  et  l'on  finit  par  avoir  un  spectre  continu.  C'est 
ce  qui  arrive  pour  l'hydrogène  dans  les  expériences  de  Caille- 
tet  et  de  Pliicker  ;  on  en  voit  encore  des  exemples  dans  la  com- 
bustion vive  du  sodium,  du  thallium,  etc. 

Ces  théories  peuvent  présenter  quelques  difficultés  de  dé- 
tail, mais  on  ne  saurait  contester  le  principe  général  qui  en 
est  le  fondement  :  les  molécules  parfaitement  libres  d'un  gaz 
doivent  vibrer  d'une  manière  simple  et  nettement  définie, 
absolument  comme  les  corps  de  forme  et  de  masse  détermi- 
nées qu'on  emploie  en  acoustique  pour  produire  des  sons  mu- 
sicaux d'une  très-grande  pureté. 


—  2yi>)  — 

Il  arrive  souvent  que  certains  corps  sonores,  susceptibles 
tie  rendre  des  sons  nuisicaux  bien  détermines,  se  mettent  en 
\ï\)V,{['\on  par  sympa/flic.  Il  suffit  pour  cela  que,  dans  le  voisi- 
nage, un  instrument  (piele<)n(|ue  fasse  entendre  le  son  que  ce 
corps  est  capable  (1<*  j)r(>(liiii-(',  ou  iiicnic  l'une  de  ses  banno- 
niques.  C'est  ainsi  (|uc  les  cordes  d'ini  j)iaiio,  (ruiic  liarpc  ou 
d'un  violon  peuvent,  sans  avoir  été  directement  ébranlées, 
s<>  mettre  à  résonner  sous  la  seule  influence  des  ondes  aé- 
riennes. Lors(pi't)n  parle  devant  un  piano  ouvert,  on  entend 
frémir  les  cordes  qui  sont  d'accord  avec  la  voix.  Les  belles 
expériences  de  Meyer  prouvent  que  ces  vibrations  se  trans- 
mettent à  des  diapasons  placés  à  des  distances  trés-considé- 
rables  et  qu'on  peut  les  rendre  visibles  par  des  moyens  très- 
simples. 

Les  molécules  d  un  gaz  doivent  éprouver  quekjue  ciiose  de 
semblable,  relativement  à  la  lumière.  Lorsqu'elles  sont  frap- 
pées par  des  ondes  éthérées,  ces  molécules  demeurent  le  plus 
souvent  indifférentes,  parce  qu'elles  ne  sont  pas  capables  de 
vibrer  à  l'unisson;  mais,  s'il  survient  un  mouvement  vibra- 
toire correspondant  à  la  longueur  d'onde  qu'elles  peuvent 
elles-mêmes  produire,  ou  ayant  avec  cette  longueur  un  raj)- 
port  assez  simple,  elles  en  subiront  immédiatement  l'influence, 
comme  les  cordes  sonores  subissent  l'influence  des  vibrations 
aériennes.  Mais  alors  les  molécules  ainsi  ébranlées  absorbe- 
ront le  travail  de  l'onde  lumineuse  qui  les  a  frappées,  et,  le 
mouvement  étant  ainsi  intercepté  par  le  milieu  qu'il  allait 
traverser,  le  rayon  lumineux  cessera  de  se  propager  et  sem- 
blera s'éteindre.  Une  couche  de  molécules  gazeuses  peut  donc 
absorber  les  ravons  (pii  lui  sont  svmpathiques,  c'est-à-dire 
ceux  (|ui  correspondent  à  la  longueur  d'onde  qu'elle-même 
peut  produire  en  vibrant,  ce  qui  revient  à  dire  qu'une  sub- 
stance réduite  à  l'état  de  gaz  ou  de  vapeur  absorbe  précisé- 


—  264  — 

ment  les  ravons  que  cette  même  substance  est  capable  d'é- 
mettre lorsqu'elle  est  incandescente.  Il  est  bien  vrai  que,  par 
le  fait  même  de  cette  absorption,  la  masse  gazeuse  augmente 
la  force  vive  qu'elle  possède,  que  sa  température  s'élève  et 
que,  par  suite,  elle  devient  elle-même  rayonnante,  ce  qui  tend 
à  substituer  une  raie  lumineuse  à  la  raie  noire  qu'elle  pro- 
duit; mais  la  ligne  noire  ne  jîourra  disparaître  qu'au  moment 
où  la  couche  gazeuse  aura  acquis  un  éclat  égal  à  celui  de  la 
source,  condition  impossible  à  remplir  lorsque  la  masse  de 
gaz  présente  une  assez  grande  épaisseur.  Ainsi  ces  raies  ne 
sont  pas  absolument  noires,  ce  qu'on  vérifie  facilement  sur  le 
Soleil  pour  le  sodium  et  pour  quelques  autres  métaux. 

Il  arrive  quelquefois  qu'une  masse  incandescente  émet  des 
rayons  qui  se  trouvent  en  dehors  des  limites  des  ondes  nor- 
males; elle  donne  alors  un  spectre  dont  les  raies  lumineuses 
sont  estompées.  C'est  ce  qui  arrive  lorsqu'on  brûle  dans  l'arc 
voltaïque  certains  métaux,  tels  que  le  sodium,  le  thahium,  etc. 
Dans  ce  cas,  les  mêmes  vapeurs  ne  se  borneront  pas  à  pro- 
duire par  absorption  des  raies  noires  linéaires  :  leur  action 
absorbante  s'étendra  à  distance,  et  les  raies  interverties  seront 
elles-mêmes  bordées  de  lignes  estompées.  C'est  ce  que  nous 
avons  vérifié  pour  les  métaux  que  nous  venons  de  citer. 

Tl  peut  encore  arriver  que  l'absorption  soit  due  à  un  gaz 
qui,  au  lieu  de  donner  naissance  à  des  ondes  de  même  lon- 
gueur que  celles  qui  cherchent  à  le  traverser,  soit  seulement 
capable  de  produire  ce  que  nous  pouvons  appeler  les  harmo- 
niques de  ces  mêmes  ondulations.  Alors  l'absorption  ne  sera 
pas  complète,  les  raies  ne  seront  pas  parfaitement  noires,  mais 
leur  teinte  plus  ou  moins  foncée  tranchera  toujours  sur  le  reste 
du  spectre. 

La  théorie  que  nous  venons  d'exposer  est  actuellement 
admise  par  les  physiciens,  et  l'on  peut  même  dire  qu'elle  est 


—  i>(î:;  — 

coiifii'nu'c  par  la  (lilliTciuc  (|iii  existe  cnlrc  l'absorption  pro- 
duite par  les  gaz  et  eelle  (pii  est  due  aux  corps  licjuides  ou  so- 
lides. Dans  le  premier  (as.  les  raies  sont  ordinairement  netles, 
francliemenl  tei-minees  cl  parlait^-menl  isolées  les  unes  des 
auti'es:  mais,  lorsque  les  gaz  sont  soumis  à  des  pressions  très- 
eonsiderahles,  Taelion  moléeulair»'  j)arait  déjà  (aire  sentir  son 
influence,  et  les  rai<'s  deviennent  diiïuses.  Lorscpi'il  s'agit  îles 
liquides  ou  tles  solides,  l'absorption  produit  des  zones  nél)ii- 
leuses,  larges  et  mil  terminées,  cpiOn  ne  j)eut  leussir  a  parta- 
ger en  raies  simples,  dislini  tes  les  unes  des  autres.  Ce  résul- 
tat est  évidemment  dû  à  ce  ([iw  les  liens  moléculaires,  assez 
forts  dans  les  solides  et  même  dans  les  liquides,  sont  faibles 
ou  à  peu  près  nuls  dans  les  gaz. 

Cette  théorie  est  générale,  et  l'on  peut  l'appliquer  à  d'au- 
tres cas  qu'à  l'absorptiou  des  raies  spectrales  produites  j)ar 
les  vapeurs  des  corps  simples.  On  peut  l'appliquer,  par 
exemple,  à  l'absorption  exercée  sur  la  chaleur  rayonnante 
par  les  gaz  composés.  On  voit  alors  que  les  liens  de  la  cohé- 
sion moléculaire  ne  sont  pas  les  seuls  qui  contribuent  à  déter- 
miner la  nature  de  cette  absorption  et  que  ceux  de  l'affinité 
chimique  et  de  l'état  de  combinaison  exercent  aussi  une  in- 
fluence très-considérable.  Ainsi  un  sim])le  mélange  d'hydro- 
gène et  d'azote,  comprimés  de  manière  à  occuj)er  le  même 
volume  que  le  gaz  ammoniac  auquel  ils  pourraient  donner 
naissance,  absorbe  une  très-faible  quantité  de  chaleur;  il  en 
est  bien  autrement  de  l'ammoniaque,  qui,  dans  les  mêmes 
circonstances,  manifeste  un  pouvoir  absorbant  soixante  fois 
plus  considérable;  on  en  peut  dire  autant  de  l'oxvgène  et  de 
l'hydrogène  :  leur  mélange  possède  un  pouvoir  absorbant 
beaucoup  plus  faible  que  celui  de  la  vapeur  d'eau  qui  résulte 
de  leur  condjinaison.  Les  gaz  simples  ont,  en  général,  un 
pouvoir  absorbant  très-faible,  et,  par  conséquent,  ils  émettent 


—  266  — 

aussi  fort  peu  de  lumière,  même  lorsque  leur  température  est 
très- élevée  ;  c'est  ce  qui  fait  que  le  mélange  d'oxygène  et  d'hy- 
drogène donne  une  flamme  très-pàle,  quoique  très-chaude. 
Outre  les  radiations  lumineuses,  le  Soleil  émet  aussi  des 
radiations  chimiques  et  thermiques;  nous  en  parlerons  plus 
tard.  Appliquons  maintenant  à  l'étude  de  la  photosphère  et  de 
sa  constitution  les  principes  que  nous  venons  d'exposer. 


—  207  — 


CHAPITRE    IV. 


APPLICVTION  DFS  PRINCIPES  PRECEDENTS  A  L  ETl  [)E   DE   I.V   CONSTITITION   SOLAIRE. 


^1.    —   Explication  des  raies  noires  du  spectre  solaire. 

Avant  U's  découvcrtos  tliies  au  spoctroscopo,  on  avait  es- 
sayé à  plusieurs  reprises  d'explicpier  les  raies  noires  décou- 
vertes par  Fraunlîofer.  On  les  attribuait  à  des  interférences 
entre  les  ravons  voisins,  ou  bien  au  défaut  de  continuité  dans 
l'indice  de  réfraction  des  ondes  étbérées  qui  partent  du  So- 
leil. L'explication  est  devenue  bien  plus  simple  depuis  que 
le  spectroscope  nous  a  lait  connaître  les  conditions  dans  les- 
quelles s(»  produit  le  phénomène.  Les  raies  sont  simplement 
des  lacunes  produites  par  l'absorption  due  aux  vapeurs  métal- 
liques qui  composent  ratmosphère  solaire;  chacune  d'elles 
est  en  réalité  le  spectre  renversé  de  quelque  substance,  dont 
la  plupart  nous  sont  inconnues.  Si  la  lumière  parvenait  jus- 
qu'à nous  telle  qu'elle  est  émise  par  la  photosphère,  le  spectre 
serait  continu  comme  celui  de  la  flamme  d'une  bougie,  car, 
à  cause  de  la  grande  ])ression  que  les  couches  solaires  sup- 
port(^nt  et  de  leur  température  élevée,  tous  les  métaux  doivent 
donner  un  spectre  continu ,  comme  dans  les  expériences  de 
Caillelet  et  de  Frankland;  mais,  au-dessus  de  la  masse  lumi- 
neuse, les  rayons  rencontrent  une  couche  de  vapeurs  qu'ils 
sont  obligés  de  traverser  :  c'est  là  que  se  produit  l'absorjjtion. 
Ces  vapeurs  sont  à  une  température  inférieure  à  celle  de  la 


—  268  — 

photosphère,  mais  assez  élevée  cependant  pour  qu'elles  pa- 
raissent lumineuses  dans  quelques  circonstances. 

Si  donc  nous  pouvions  isoler  du  Soleil  cette  couche  atmo- 
sphérique, si  nous  pouvions  la  projeter,  non  sin^  le  fond  bril- 
lant (le  la  photosphère,  mais  sur  le  fond  noir  de  l'espace, 
nous  verrions,  à  l'aide  du  spectroscope,  des  lignes  brillantes 
diversement  colorées  à  la  place  des  raies  noires  dont  nous 
avons  parlé  jnsqu'à  présent.  Telle  est  l'indication  de  la  théo- 
rie, et  nous  verrons  que  ces  prévisions  ont  été  confirmées  par 
les  résultats  de  l'observation. 

M.  Rirchhoff,  à  qui  nous  devons  l'explication  que  nous  ve- 
nons de  reproduire,  pensait  que  l'atmosphère  solaire  doit 
a^'oir  une  grande  épaisseur;  il  croyait  en  trouver  la  mesure 
dans  l'étendue  de  la  couronne  qui  environne  le  Soleil  pen- 
dant les  éclipses.  Il  n'en  est  pas  ainsi;  la  couche  absorbante 
est  en  réalité  très-mince,  comme  nous  le  verrons  dans  le 
quatrième  Livre. 

Dans  le  Chapitre  premier  de  ce  troisième  Livre,  nous  avons 
étudié  d'une  manière  générale  l'absorption  des  rayons  lumi- 
neux partis  du  Soleil,  et  cette  étude  nous  avait  déjà  conduit 
à  admettre  l'existence  d'une  atmosphère  dont  la  nature  nous 
était  inconnue.  Nous  savons  maintenant  que  cette  atmosphère 
est  gazeuse,  qu'elle  est  composée  de  vapeurs  métalliques,  les 
mêmes  en  partie  que  nous  connaissons  et  que  nous  étu- 
dions sur  la  Terre,  quoiqu'un  grand  nombre  de  ces  sub- 
stances nous  restent  encore  inconnues.  Ce  résultat  ne  doit 
surprendre  personne,  car  on  admet  assez  communément  que 
la  matière  qui  compose  l'univers  doit  être  à  peu  près  la  même 
dans  ses  différentes  parties ,  et  d'ailleurs  la  température  du 
Soleil  doit  être  assez  élevée  pour  volatiliser  toutes  les  sub- 
stances connues.  Nous  nous  occuperons  plus  tard  de  la  tem- 
pérature du  corps  solaire:  mais,  en  nous  en  tenant  aux  éva- 


—  2C9  — 

liiatioiis  les  plus  motliTCOS  ,  nous  pouvons  diro  que  cctlc 
teni|)t'r;ituiv  sulfil  trùs-aniplcnK  nt  poui-  Nolatiliser  tous  k's  mé- 
taux dont  les  raies  rcnvorstH-s  sr  retrouvent  dans  le  spectre. 

Dans  la  fabrication  de  l'acier  par  le  procédé  Bessenier,  on 
obsei've  des  phénomènes  cpii  serviront  à  faire  comjirendre 
notre  pensée,  i'.c  procède  consiste  à  décarbiu'er  la  ionte  en 
lançant  \i\\  coui";iiil  d'air  conijuiiiie  à  traxcrs  la  masse  en  fu- 
sion. Au  commencement  de  l'opération,  la  flamme  ilonne 
naissance  à  un  spectre  continu,  présentant  quelquefois  les 
raies  du  sodium,  dues  à  tles  fragments  de  matière  végétale  ou 
à  des  poussières  atmos|)liériques.  Un  peu  plus  tard,  le  car- 
bone étant  presque  complètement  brûlé  et  la  température 
s'étant  considérablement  élevée,  l(\s  raies  du  sodium  appa- 
raissent de  nouveau;  puis,  à  mesure  que  l'opération  s'avance, 
le  spectre  perd  peu  à  peu  sa  continuité;  on  voit  se  dessiner 
les  raies  brillantes  du  carbone  et  du  fer,  avec  celles  du  cal- 
cium, du  magnésium  et  d'un  grand  nombre  d'autres  sub- 
stances qui  se  trouvaient  dans  le  minerai,  et  que  le  traitement 
métallurgique  n'a  pas  complètement  éliminées.  Le  spectre  est 
alors  magnifique  et,  d'après  l'évaluation  des  hommes  compé- 
tents, la  température  ne  dépasse  pas  3ooo  degrés;  on  en  peut 
conclure  qu  il  suffit  de  quelques  milliers  de  degrés  pour  vo- 
latiliser les  métaux  les  moins  fusibles  et  pour  communiquer 
à  leurs  vapeurs  un  pouvoir  émissif  et  un  pouvoir  absorbant 
analogue  à  celui  que  possède  l'atmosphère  solaire. 

Nous  sommes  donc  en  droit  d'admettre  que  l'atmosphère 
du  Soleil  contient  des  vapeurs  métalliques,  et  que  ces  va- 
peurs, en  absorbant  certains  rayons  lumineux,  donnent  nais- 
sance aux  lacunes  qui  constituent  les  raies  de  Fraunhofer. 
Cette  induction  est,  du  reste,  puissamment  confirmée  par  une 
coïncidence  qui  suffirait  à  elle  seule  pour  prouver  la  thèse 
que  nous  exposons  en  ce  moment  :  nous  voulons  parler  de  la 


—  270  — 

coïncidence  parfaite  des  raies  noires  du  spectre  solaire  et  des 
raies  brillantes  des  métaux,  coïncidence  qui  serait  inexpli- 
cable si  nous  ne  savions  pas  que  les  substances  capables  de 
produire  par  émission  des  raies  brillantes  sont  aussi  capables 
de  produire  par  absorption  des  raies  noires  ayant  même  in- 
dice de  réfraction  et  occupant  la  même  position  dans  le 
spectre. 

Cette  théorie  repose  sur  deux  assertions  fondamentales  : 
l '^  au-dessous  de  l'atmosphère  absorbante,  il  existe  une  couche 
lumineuse  qui  émet  des  ravons  de  toute  nature,  et  ces 
rayons,  s'ils  nous  arrivaient  sans  être  modifiés,  donneraient 
naissance  à  un  spectre  continu;  2°  l'enveloppe  atmosphé- 
rique, dans  laquelle  se  trouvent  les  métaux  volatilisés,  pos- 
sède une  température  inférieure  à  celle  de  la  couche  kimi- 
neuse. 

La  première  de  ces  deux  assertions  peut  s'entendre  de  deux 
manières  :  la  photosphère  peut  être  composée,  comme  le 
sont  les  nuages,  d'une  espèce  de  brouillard  dû  à  la  condensa- 
tion des  vapeurs  métalliques;  elle  serait  formée  d'un  amas 
de  gouttelettes  liquides,  ou  même  d'une  poussière  solide  et 
cristalline  possédant,  en  vertu  de  sa  condensation  même,  un 
grand  pouvoir  émissif,  et  donnant  naissance  à  un  spectre 
continu  propre  à  cette  espèce  de  poussière  vaporeuse.  Telle 
était  l'idée  de  Wilson;  mais  on  peut  admettre  une  autre  expli- 
cation :  on  peut  penser  que  ia  photosphère  est  gazeuse,  mais 
que  la  forte  pression  à  laquelle  elle  est  soumise  et  la  haute 
température  qu'elle  possède  lui  communiquent  le  pouvoir  d'é- 
mettre des  ravons  de  toute  nature  et  de  donner  naissance  à 
un  spectre  continu.  La  première  explication  s'accorde  mieux 
avec  les  apparences  que  présentent  les  taches  et  avec  les 
observations  que  nous  avons  exposées  dans  les  Chapitres  pré- 
cédents. La  seconde  repose  sur  l'hypothèse  d'une  forte  près- 


-  -271 


sion,  (loiil  l'existence  semble  loin  d'être  démontrée,  à  la  sni-- 
face  visible  du  Soleil,  quoi([ne  elle  doive  être  très-eonsidcrablc 
aune  certaine  profondeur.  Il  résulte  de  tous  les  travaux  et 
de  toutes  les  observations,  (jue  l'atmosplière  transparente 
du  Soleil  ne  produit  (pi'une  réfraction  très -faible  sur  les 
rayons  (jui  la  traversent.  Comment  concilier  ce  faible  pouvoir 
réfring(Mit  avec  la  densité  rpie  suppo.se  une  forte  pression? 
D'ailleurs  les  raies  de  l'hydrogène  ne  conserNcnt  leur  fme.sse 
que  jusqu'à  la  pression  de  44o  millimètres;  elles  s'élargi.ssent 
progressivement  à  mesure  que  l'on  dépasse  cette  limite 
(Wlllner). 

Ces  conclusions  ont  été  confirmée»  j)ar  Lee  et  Lot  kver;  Us 
ont  étudié  les  raies  qui  se  produisent  dans  un  tube  oii  le 
gaz  est  à  la  pression  atmosphérique,  et  ils  les  ont  comparées 
avec  celles  que  l'on  obtient  à  une  faible  pression  :  dans  le 
premier  cas,  elles  sont  diffuses,  tandis  qu'elles  sont  nettement 
tranchées  dans  le  second.  On  serait  donc  porté  à  croire,  au 
premier  abord,  que  nous  pouvons  déterminer  la  pression  a  la- 
quelle est  soumise  l'atmosphère  du  Soleil,  en  étudiant  la  dila- 
tation plus  ou  moins  grande  des  raies  noires  que  contient  le 
spectre  solaire.  iNIalheureusemcnt  ce  procédé  serait  défec- 
tueux et  conduirait  à  des  conclusions  erronées,  car,  la  dila- 
tation dépendant  à  la  fois  de  la  pression  et  de  la  température, 
le  pioblème  est  complètement  indéterminé.  Pour  donner  une 
idée  des  erreurs  auxquelles  on  s'exposerait  en  tirant  des  con- 
clusions prématurées,  nous  citerons  luie  expérience  de  Lee. 
Lorsque  la  décharge  électrique  traverse  un  tube  contenant 
un  gaz  suffisamment  raréfié,  les  raies  sont  fines  et  nettement 
tranchées;  mais,  si  l'on  interpose  dans  le  trajet  un  second 
tube  contenant  un  gaz  soumis  à  une  assez  forte  pression,  le 
spectre  du  gaz  raréfié  devient  lui-même  diffus  et  les  raies 
s'épanouissent.  C'est  que  l'étincelle  ne  peut  être  produite  que 


—  579 


par  une  décharge  plus  forte  et  capable  d'élever  davantage  la 
température.  On  se  tromperait  donc  comj)létement  si  Ton 
voulait  déterminer  la  pression  d'un  gaz  par  les  indications  du 
spectroscope . 

Ainsi  donc,  quoique  l'étude  du  Soleil  nous  montre  les  raies 
de  rhydrogène  un  peu  diffuses  et  environnées  d'une  nébu- 
losité sensible,  ce  cpii  semble  indiquer  un  accroissement  de 
densité,  comme  le  même  effet  pourrait  être  produit  par  une 
élévation  de  température ,  il  est  impossible  d'adopter  une 
opinion  définitive.  Il  est  bien  vrai  que  sur  le  Soleil  la  pesan- 
teur est  vingt-huit  fois  plus  grande  cju'à  la  surface  de  la  Terre  ; 
mais  la  force  expansive  due  à  la  chaleur  n'apporte- 1- elle 
pas  une  compensation  plus  cjue  suffisante?  Cette  question 
demande  é^idemment  à  être  éclaircie  par  des  recherches 
ultérieures  :  nous  devons ,  pour  le  moment ,  nous  contenter 
de  l'exposé  des  faits. 

M.  Frankland  examinant  au  spectroscope  la  flamme  due 
à  l'explosion  des  mélanges  d'hydrogène  et  d'oxygène,  s'assura 
qu'il  se  produit  dans  ces  circonstances  un  spectre  continu.  Il 
crut  alors  pouvoir  affirmer  que  les  gaz  donnent  généralement 
naissance  à  des  spectres  continus,  lorsqu'ils  sont  élevés  à  de 
hautes  températures  et  soumis  à  de  fortes  pressions.  Ces  con- 
clusions n'étaient  pas  à  l'abri  de  tout  reproche  et  de  toute 
contestation,  car  M.  Frankland  avait  en  réalité  analysé  le 
spectre  de  la  vapeur  d'eau  plutôt  que  celui  de  l'hydrogène  ; 
mais  cette  étude  a  été  reprise  par  ^I,  Cailletet,  qui  a  examiné 
les  spectres  des  gaz  pour  des  pressions  qu'il  a  progressive- 
ment élevées  jusqu'à  5o  atmosphères.  Il  s'est  assuré  que ,  à 
partir  de  14  atmosphères,  les  raies  deviennent  déjà  très-dif- 
fuses et  comme  estompées.  Cette  diffusion  s'accroît  à  mesure 
que  la  pression  devient  plus  grande  ;  à  5o  atmosphères ,  le 
spectre  est  uniforme  et  si  brillant  qu'une  étincelle  de  ^  de 


-  273  — 

niillimètrc,  pro(luit(^  par  une  bobine  de  3o  centimètres  do 
longueur,  est  capable  d'éclairer  un  vaste  laljoratoin*.  A  cette 
pression,  les  raies  du  sodium  deviennent  elles-mêmes  diffuses 
et  estompées.  M.  Cailletet  pense  cpie,  sous  des  charges  con- 
venables, les  métaux  eux-mêmes  donneraient  des  spectres  con- 
tinus.  La  pression  de  'to  de  nos  atmosphères  ferait  équilibre, 
à  la  surface  du  Soleil,  à  une  colonne  de  mercure  de  i'°,34 
de  hauteur,  en  suj)posant  que  ce  métal  pût  conserver  dans 
ratmosphère  solaire  les  propriétés  physiques  qu'il  possède 
dans  nos  laboratoires.  Si  nous  remplaçons  cette  colonne  de 
mercure  j)ar  luie  couche  d'hydrogène,  dans  des  conditions 
telles  qu'il  puisse  donner  des  raies  fines  et  nettement  termi- 
nées, cette  couche  gazeuse  vue  de  la  Terre  aura  une  épais- 
seur de  quelques  secondes  seulement.  Il  est  impossible  de 
mieux  préciser  ces  limites  faute  de  données. 

D'après  M.  Ilirn,  la  force  chimico-moléculaire  qui  re- 
tient imis  les  éléments  de  l'eau  équivaut  à  une  pression  de 
4600  atmosphères.  Si  l'on  voulait  obtenir  cette  même  pression 
à  la  surface  du  Soleil  avec  une  colonne  de  gaz  ayant  à  peu 
près  la  même  densité  que  l'air  atmosphérique,  dans  les  con- 
ditions normales  de  température  et  de  pression,  cette  co- 
lonne vue  de  la  Terre  sous- tendrait  un  angle  de  14  se- 
condes seulement. 

Rappelons  maintenant  les  expériences  de  Cagniard  de  la 
Tour  et  Andrews,  et  nous  verrons  combien  il  est  difficile  de  se 
prononcer.  Ils  cherchaient  quelles  sont  les  limites  où  se  con- 
fondent, pour  l'eau,  l'état  liquide  et  l'état  gazeux.  Dans 
leurs  expériences,  la  température  étant  de4i5  degrés,  la 
pression  ne  s'éleva  pas  au-dessus  de  4oo  atmosphères.  La  tem- 
pérature du  Soleil  étant  beaucoup  plus  élevée,  la  limite  sup- 
pose ime  pression  beaucouj)  plus  considérable.  I.a  coexis- 
tence de  ces  deux  inconnues  simultanées,  températui-e  et 
I.  18 


—  9»7i 


pression,  rend  le  problème  indéterminé  et  nous  empêche  de 
le  résoudre,  en  admettant  une  opinion  plausible  sur  l'état 
physique  de  la  matière  qui  compose  la  couche  photosplié- 
rique.  Ajoutons,  avec  M.  Lee,  une  troisième  considération 
dont  il  faut  tenir  compte  et  qui  contribue  à  rendre  le  problème 
])lus  difficile  à  résoudre.  Nous  cherchons  constamment  à  com- 
parer les  phénomènes  qui  s'accomplissent  à  la  surface  du  So- 
leil à  ceux  que  nous  produisons  dans  nos  laboratoires  :  cette 
comparaison  est-elle  légitime?  Il  faudrait  pour  cela  que  ces 
phénomènes  fussent  produits,  de  part  et  d'autre,  dans  des 
circonstances  identiques  ou  du  moins  comparables.  En  est-il 
ainsi?  C'est  ce  que  nous  ne  saurions  affirmer,  car  il  peut  bien 
se  faire  que  les  courants  électriques  auxquels  nous  avons  re- 
cours exercent  une  influence  perturbatrice  sur  la  période 
d'oscillation  des  molécules  ;  il  en  résulterait  des  phénomènes 
tout  à  fait  différents  de  ceux  que  nous  voulons  étudier  par 
comparaison.  Malgré  les  difficultés  que  nous  venons  de  signa- 
ler, nous  reviendrons  sur  cette  question  lorsque  nous  aurons 
étudié  en  détail  les  phénomènes  que  nous  offre  l'atmosphère 
solaire. 

Une  seconde  condition  est  nécessaire  pour  notre  théorie  : 
l'enveloppe  atmosphérique,  dans  laquelle  se  trouvent  les  mé- 
taux volatilisés,  doit  posséder  une  température  inférieure  à 
celle  de  la  photosphère.  Rien  n'est  plus  naturel  et  plus  facile 
à  justifier.  La  couche  transparente  étant  la  plus  éloignée  du 
centre  est  aussi  celle  qui  est  le  plus  immédiatement  exposée 
aux  effets  du  rayonnement;  il  est  donc  naturel  qu'elle  se 
refroidisse  plus  vite  et  que  sa  température  soit  plus  basse  que 
celle  des  couches  inférieures.  Elle  n'en  reste  pas  moins 
gazeuse,  à  cause  de  sa  température  élevée  et  de  la  nature  des 
substances  qui  la  composent.  Lorsque  ces  vapeurs  arrivent  à 
l'état  de  saturation,  elles  se  condensent,  mais  en  partie  seule- 


-  273  - 

intMit,  et  il  CM  reslo  loiijoiiis  uiu'  (N-rtaiiii'  (juaiililc  ;i  l^'tat  de 
fluiile  élasli(jii(\  C'est  ainsi  cjUi',  dans  notre  aluiosplière,  il 
existe  encore  de  la  vapeur  dC an  dans  les  régions  supérieures 
aux.  nuages. 

La  j)liotosplière  émet  done  îles  rasons  de  tcjule  nature 
caj)al)les  de  doiuier  un  sjx-ctre  contiiui  ;  mais,  connue  ces 
rayons  ne  peinent  pu'\eini"  juscpi'à  nous  suis  traverser  la 
couche  absorbante,  quel  que  soit  le  j)oint  vers  lequel  ncnis 
dirigions  le  speclroscope,  le  spectre  sera  toujours  rempli 
(l'une  multitude  de  raies  noires. 

D'ailleurs  tous  ces  r.iisonuem3nts  sont  devenus  inutiles  de- 
j)uis  que  l'observation  directe  nous  a  montré  la  présence  des 
raies  brillantes  à  la  surface  du  Soleil.  Nous  j)f)uvons  afiirmer 
avec  certitude  que  l'atmosphère  qui  environne  cet  astre  con- 
tient, à  l'état  de  vapeur,  tous  les  métaux  dont  nous  vovons 
les  raies  renversées  dans  le  spectre  solaire  :  tels  sont  le  so- 
dium, le  magnésium,  l'hydrogène,  le  calcium,  le  baryum,  le 
fer,  le  titanium,  le  chrome,  le  minganèse,  le  nickel,  le  co- 
balt, le  cuivre,  le  zinc,  etc.  Malgré  la  différence  qui  existe  entre 
leurs  densités,  ces  vapeurs  tendent,  en  vertu  de  leur  pouvoir 
diffusif,  à  se  mélanger  entre  elles  comme  les  gaz  proj)rement 
dits.  On  trouve  cejiendant  que  les  vapeurs  les  plus  lourdes 
sont  plus  abondantes  d.ins  les  parties  basses  de  l'atmosphère. 
En  effi't ,  en  observant  au  spectroscope  le .  bord  extrême  du 
Soleil  et  en  le  projetant  sur  le  fond  noir  du  ciel,  ce  que  nous 
faisons  pendant  les  éclipses,  on  a  reconnu  flicilement  que 
les  raies  noii'es  se  renversent  et  deviennent  brillantes.  Celles 
tle  l'hydrogène  sont  plus  faciles  à  observer;  on  reconnaît  ainsi 
que  ce  gaz  s'élève  notablement  au-dessus  delà  photosphère,  et 
([u'il  forme  une  couche  continue  au-dessus  des  autres  vapeurs 
métalliques.  Nous  croyons  pouvoir  anticiper  un  jieu  sur  les 
déveloj)pements  que  nous   devons  doiuier  ])lus  loin    :    ces 

18. 


—  276  — 

recherches  seront  phis  faciles  à  comprendre  lorsque  nous 
aurons  exposé  riiistorique  des  découvertes  qui  les  ont  ame- 
nées; nous  nous  contenterons  ici  d'exposer  une  observation 
dans  laquelle  nous  avons  réussi  à  voir,  au  bord  du  disque 
solaire,  un  spectre  continu.  Comme  cette  opération  est  très- 
délicate,  nous  en  expliquerons  tous  les  détails. 

Nous  avons  employé  notre  grand  équatorial  de  25  centi- 
mètres d'ouverture  ;  Tirnage  était  amplifiée  par  l'objectif  d'un 
microscope  d'Amici  et  se  projetait  nettement  sur  la  fente  du 
collimateur.  Le  spectroscope  était  composé  de  trois  prismes 
en  flint  lourd  très-dispersif  ;  nous  y  avons  ajouté  un  prisme 
à  vision  directe  équivalant  à  deux  autres.  La  fente  du  colli- 
mateur étant  parallèle  au  bord,  le  mouvement  d'horlogerie 
fut  réglé  de  manière  à  permettre  au  disque  solaire  de  s'appro- 
cher lentement  du  champ  de  la  lunette.  L'appareil  étant  ainsi 
disposé,  nous  avons  pu  constater  les  phénomènes  suivants  : 
1°  à  une  petite  distance  du  bord,  la  lumière  extérieure  est 
assez  vive  pour  donner  naissance  à  un  spectre  rayé  de  noir, 
dans  lequel  on  peut  distinguer  nettement  les  raies  les  plus 
fines;  2°  la  distance  devenant  encore  plus  faible,  on  voit 
paraître  les  raies  brillantes  de  l'hydrogène;  3°  ces  raies  bril- 
lantes perdent  leur  intensité,  et  il  arrive  un  moment  où 
toutes  les  raies  noires  disparaissent,  à  l'exception  des  plus 
fortes,  telles  que  D  et  Z>;  4*^  la  couche  qui  donne  ainsi  un 
spectre  continu  est  extrêmement  mince  :  on  voit  bien  vite 
apparaître  le  spectre  rayé  de  noir,  qui  annonce  le  bord  véri- 
table du  Soleil. 

Le  phénomène  observé  dans  la  troisième  phase  ne  peut  s'ex- 
pliquer que  de  deux  manières  :  ou  bien  la  couche  que  nous 
observons  alors  est  celle  qui  rayonne  directement  et  fournit 
un  spectre  continu,  ou  bien  c'est  celle  qui  renverse  partiel- 
lement les  raies  noires  de  certains  métaux ,  comme  la  couche 


977  _ 


rose  l'cmorsc  colles  do  riivdioiicnc  Dans  colto  (Icniicro 
li\  notlicsc,  ("ctlc  nirinc  couclic,  a\;nil  un  pouvoir  trop  failjlc 
j)Oiii"  r<'n(li('  hnllaiitos  les  raies  sur  lesquelles  elle  ai;it,  ne 
produirait  cpiun  renversement  j)artiel,  c'est-à-dire  un  effa- 
cement apparent  de  ces  mêmes  raies,  comme  il  arrive  j)our 
riivdrogène  au  delà  des  protubérances.  Cette  dernière  ex])li- 
cation  est  la  véritable,  et  elle  se  trouve  confirmée  par  l'ob- 
servation des  éclipses.  Nous  verrons  que  M.  Taccliini,  sous 
le  \)ci\u  c\r\  de  Palernie,  peut  presque  habituellement  ob- 
server les  raies  du  magnésium  renversées.  Enfin  M.  Young 
a  confirmé  notre  observation  en  la  répétant  sur  le  mont 
Slierman. 

On  ne  doit  pas  s'étonner  de  voir  persister  les  raies  noires  D 
et  bj  car  les  vapeurs  qui  les  produisent  (sodium  et  magné- 
sium) ont  une  faible  densité  et  un  grand  pouvoir  absorbant. 
Après  l'hydrogène  et  les  gaz  proprement  dits,  ces  corps  sont 
ceux  dont  les  vapeurs  ont  le  poids  spécifique  le  plus  faible; 
ces  vapeurs  s'élèvent  nécessairement  à  une  très-grande  hau- 
teur, et,  comme  elles  sont  très-absorbantes,  elles  doivent, 
même  lorsqu'elles  sont  en  petite  quantité,  donner  naissance 
à  des  lignes  très-sombres  et  presque  noires.  L'expérience 
nous  montre,  en  effet,  que,  sous  une  épaisseur  de  quelques 
mètres  seulement,  la  vapeur  de  sodium  renverse  le  spectre 
si  brillant  de  la  lumière  électrique.  Nous  aurons  occasion 
de  citer  d'autres  exemples  de  ce  renversement  qui  compléte- 
ront l'étude  du  spectre  solaire. 

Inobservation  que  nous  venons  de  décrire  est  très-délicate 
et  très-difficile  à  faire  :  aussi  exige-t-elle  des  circonstances 
exceptionnelles  et  de  très-grandes  précautions.  T>'image  so- 
laire doit  être  très-nette  et  parfaitement  tranquille;  on  doit 
employer  im  grossissement  considérable  et  se  servir  d'un 
spectroscope  puissant. 


—  278  — 

Le  phénomène  que  nous  signalons  ici  est  j)arfaitement 
d'accord  avec  ce  cjue  nous  avons  observé  pendant  l'éclipsé 
de  1860.  Après  avoir  vu  disparaître  le  bord  du  Soleil,  nous 
signalâmes  une  couche  atmosphérique  très-blanche  et  très- 
brillante;  puis  on  aperçut  ensuite  la  couche  rose  et  les  pro- 
tubérances. Or  il  semble  bien  cpie  cette  partie  brillante  que 
nous  avons  aperçue  entre  la  couche  rose  et  le  bord  du  discjue 
est  celle-là  même  qui  donne  le  spectre  continu. 

L'atmosphère  solaire  doit  contenir  toute  espèce  de  vapeurs 
mélangées  ensemble  d'après  les  lois  de  la  diffusion;  elles 
s'élèvent  cependant  à  des  hauteurs  d'autant  plus  considé- 
rables qu'elles  sont  plus  légères.  C'est  ce  qu'on  pourra  recon- 
naître en  examinant  le  tableau  suivant,  dans  lequel  on  a 
rangé  dans  l'ordre  croissant  de  leurs  poids  atomicpies  les  sub- 
stances dont  on  a  reconnu  l'existence  dans  le  Soleil.  Nous  y 
avons  inséré  l'aluminium,  le  silicium  et  le  potassium,  cpioi- 
c[u'on  n'ait  pas  parfaitement  démontré  qu'ils  existent  dans 
l'atmosphère  solaire. 

Hydrogène i 

Sodium 23 

Magnésium 24 

Aluminium 27 

Silicium 28 

Potassium 89 

Calcium ^o 

Chrome 52 

Manganèse 52,5 

Fer 56 

Cuivre 63  ,5 

Zinc 65 

Baryum i  07  ou  2  X  68, 5 

Si  un  grand  nombre  de  corps,  regardés  comme  simples 


-  279   - 

par  les  ciiiinistcs,  et  particulièrement  les  métaux  pirciciix  , 
n'onl  pas  encore  été  signalés,  il  n'en  faut  pas  conclure  qu  ils 
ne  s'y  trouvent  point.  Ce  fait  purement  négatif  peut  s'expli- 
cpier  par  la  densité  considérable  de  ces  vapeurs  métalliques, 
qui  se  trouvent  par  là  retenues  dans  des  régions  profondes 
et  inaccessibles  à  l'analyse  spectrale. 

Dans  tout  ce  ([ue  nous  venons  tle  dire,  nous  avons  tou- 
jours supjiosé  que  les  substances  qui  existent  dans  la  photo- 
sphère ne  peuvent  donner  que  des  spectres  continus  :  il  est 
cependant  possible  qu'il  v  ait  aussi  des  corps  capables  de 
donner  directement  des  raies  lumineuses  éclia|)pant  à  toute 
absorption,  soit  à  cause  de  l'élévation  considérable  à  laquelle 
parviennent  leurs  vapeurs,  soit  parce  qu'il  n'y  a  pas  au-des- 
sus d'elles  une  couche  plus  froide  et  composée  de  la  même 
substance,  qui  en  absorbe  les  ondes.  C'est  peut-être  à  cette 
cause  qu'il  faut  attribuer  des  bandes  et  des  lignes  beau- 
coup plus  vives  et  plus  brillantes  que  les  autres  qui  se  trou- 
vent dans  certaines  régions  du  spectre.  On  en  voit  une  après 
le  groupe  è'^du  magnésium,  à  la  longueur  d'onde  =  5i6,55, 
et  plusieurs  autres  dans  le  jaune,  dans  le  vert  et  dans  le  violet. 
Nous  ne  pouvons  entrer  à  ce  sujet  dans  de  plus  grands  dé- 
tails; nous  renverrons  le  lecteur  aux  nombreuses  Commu- 
nications que  nous  avons  adressées  à  l'Institut  de  France,  et 
qui  ont  été  insérées  dans  les  Comptes  rendus  des  séances  de 
V Académie  des  Sciences,  en  1868  et  1869. 


§  II.  —  Analyse  spectrale  des  taches  solaires. 

Les  procédés  ordinaires  de  l'analyse  spectrale  nous  font 
connaître  l'ensemble  des  rayons  qui  émanent  du  Soleil  après 
avoir  traversé  son  atmosphère  ;  mais  on  peut  se  demander 


—  280  — 

si  toutes  les  parties  du  globe  solaire  émettent  des  rayons 
identiques  et  donnent  naissance  à  des  spectres  parfaitement 
semblables.  Il  semble  bien  difficile  que,  sur  une  surface 
d'une  aussi  grande  étendue,  il  y  ait  une  homogénéité  par- 
faite, et  naturellement  la  pensée  se  reporte  sur  les  taches. 
On  est  porté  à  se  demander  si  ces  régions,  si  différentes  des 
autres  à  tant  de  points  de  vue,  ne  doivent  pas  aussi  offrir 
des  particularités  remarquables  relativement  aux  radiations 
qu'elles  nous  envoient. 

Pour  répondre  à  cette  question,  il  ne  suffit  pas  de  diriger 
simplement  le  spectroscope  vers  le  Soleil  :  il  faut  analyser  en 
particulier  les  rayons  provenant  des  différentes  parties  de  cet 
astre.  Pour  cela,  on  reçoit  sur  le  plan  de  la  fente  l'image  du 
Soleil  produite  au  foyer  de  l'objectif,  et  l'on  fait  tomber  sur 
la  fente  elle-même  l'image  du  point  que  l'on  veut  étudier  ; 
mais  l'objectif  d'une  lunette  ne  produit  ordinairement  en  son 
foyer  qu'une  image  très-petite,  et  il  est  impossible  d'en  exa- 
miner séparément  les  différentes  parties  :  en  conséquence 
nous  avons  cherché  à  amplifier  autant  que  possible  l'image 
des  taches;  sans  cette  précaution,  il  serait  très-difficile  de 
démêler  les  différents  phénomènes,  et  c'est  pour  n'avoir 
pas  employé  des  grossissements  assez  considérables  que  tant 
d'observateurs  ont  échoué  dans  ces  recherches.  Nous  avons 
employé  pour  ces  observations  notre  grand  équatorial  de 
Merz.  En  plaçant  à  une  petite  distance  du  foyer  l'objectif 
achromatique  d'un  microscope  d'Amici ,  nous  obtenions  une 
image  du  Soleil  qui,  projetée  sur  un  écran  placé  au  lieu  de 
la  fente,  aurait  eu  o'",22  ou  o'",23  de  diamètre.  L'image  des 
taches  atteignait  alors  une  grandeur  considérable ,  et ,  par 
une  coïncidence  très-heureuse,  les  taches  ayant  été  très- 
nombreuses  pendant  les  mois  d'avril  et  de  mai  1869,  nous 
avons  pu  les  étudier  attentivement  à  ce  point  de  vue  parti- 


—  281  — 

ciilicr  et  siiixrc  a\('(^  sucres  les  diffiTcntes  pliascs  qu'elles  j)i'é- 
senteul.  I.'iinai^f  d'une  taelu'  acquérait  quelquefois  plus  de 
o'",<)i  de  diamètre,  de  sorte  que,  eu  limitant  p.ar  des  dia- 
plirai^nies  la  longueur  de  la  fente  à  o'", 002  environ,  on  pou- 
vait explor(M'  succ(^ssivemenL  les  différentes  parties  de  1  ondjre 
et  de  la  pénombre.  iNous  avons  de  plus  emplovc  des  prismes 
très-puissants,  dont  le  nombre  a  varié  de  trois  à  cinq.  Les 
mesures  étaient  prises  soit  avec  une  échelle  graduée  sur  verre 
et  adaptée  à  l'oculaire,  soit  à  l'aide  de  fils  micrométriques. 
Dans  la  suite  de  notre  travail,  toutes  les  raies  ont  été  com- 
parées avec  les  figures  de  Rirchlioff;  mais,  dans  l'exposé  que 
nous  allons  faire,  nous  les  rapporterons  aussi  à  celle  de  Van 
der  Willingeu,  que  nous  avons  déjà  reproduite  et  qui  est  plus 
facile  à  reconnaître.  M.  Donati,  de  Florence,  a  dernièrement 
employé  cette  méthode  d'observation  avec  son  spectroscope 
à  vingt-cinq  prismes,  et  il  a  parfaitement  vérifié  nos  conclu- 
sions. 

Voici  les  résultats  auxquels  nous  sommes  parvenu,  et  qui, 
nous  sommes  heureux  de  le  dire,  ont  été  confirmés  par 
M.  Lockyer,  puis  |)ar  ]M.  Young,  de  Dartmout-CoUege,  et 
enfin  par  M.  Donati.  Pour  plus  de  détails,  on  peut  voir  le 
^lémoire  que  nous  avons  écrit  sur  le  spectre  solaire,  imprimé 
dans  les  .4///  clclla  Socielà  italiana  de  XL  cli  Modena,  3^  série, 
t.  TI,p.  I. 

i'*  En  dirigeant  le  spectroscope  vers  les  différentes  régions 
du  disque  solaire,  on  trouve  partout  les  mêmes  raies  prin- 
cipales; quant  aux  raies  secondaires,  nous  ne  pouvons  pas 
être  aussi  affirmatif  :  elles  s'évanouissent  en  certains  endroits, 
mais  leur  disparition  peut  bien  être  due  à  un  plus  grand 
éclat  que  possèdent  ces  points.  On  remarque  cependant 
des  variations  très-considérables  auprès  du  bord  :  plusieurs 
systèmes  de  lignes  très-fines,  qu'on  aperçoit  difficilement  au 


—  282  — 

centre,  deviennent  alors  très- visibles  ;  elles  présentent  en 
même  temps  un  aspect  indécis  et  comme  nébuleux ,  leurs 
bords  n'étant  pas  nettement  terminés.  C'est  ainsi  que  les  raies 
du  sodium  ne  présentent  plus  la  même  netteté  et  deviennent 
diffuses.  Pour  faire  avec  rigueur  une  étude  comparative,  il 
faut  juxtaposer  les  spectres  de  deux  points  éloignés  l'un  de 
l'autre;  on  reconnaît  par  là  si  les  différences  tiennent  seu- 
lement à  l'intensité  de  la  lumière,  ou  si  elles  sont  dues  à  la 
position  et  à  la  nature  des  raies.  C'est  ce  qu'a  fait  tout  ré- 
cemment M.  Hastings,  astronome  américain,  qui  a  imaginé 


un  appared  très-simple  pour  obtenir  ce  résultat.  On  place 
devant  une  moitié  de  la  fente  un  prisme  parallélipipède  P 
[^fig.  loo);  les  rayons  émanés  du  centre  du  disque  solaire  C 
subissent  deux  fois  la  réflexion  totale  pour  entrer  dans  la 
fente  du  spectroscope ,  tandis  que  les  rayons  provenant  des 
bords  du  disque  h  pénètrent  directement  par  l'autre  moitié 
de  la  fente.  Les  deux  spectres  sont  ainsi  juxtaposés,  et  l'on 
peut  les  examiner  ensemble  dans  le  champ  de  la  même  lu- 
nette. Il  va  sans  dire  que  les  dimensions  du  prisme  doivent 
être  calculées  d'après  celles  de  l'image  que  produit  la  grande 
lunette  du  têléspectroscope.  L'intensité  des  rayons  se  trouve 
diminuée  par  l'absorption  due  au  prisme  et  par  les  deux  ré- 
flexions qu'il  produit;  mais  si  on  le  dispose  de  telle  sorte 


-  283  - 

(|iril  rt'roivc  les  i'.inoiis  [iroNciiant  de  la  partie  centrale  du 
disqiu',  cette  dimimilioii,  loin  dètrc  imisihle,  s(  ra  tiès-utilc 
pour  obtenir  deux  faisceaux  de  même  intensité. 

Même  avant  de  faire  usage  de  cet  instrument,  nous  avions 
déjà  constaté  qu'une  simple  diminution  de  lintensité  lumi- 
neuse ne  peut  pas  produire  les  effets  que  nous  avons  obser- 
vés. Ces  altérations  ne  peuvent  donc  s'explifjuer  (juc  par 
l'influence  de  la  couche  atmosphéri(|iic  (juc  lra\ersent  les 
rayons,  et  (|ui  devient  [)lus  épaisse  auprès  du  bord.  Les 
raies  D,  en  particulier,  sont  tellement  diffuses  qu  il  est  impos- 
sible de  ne  pas  reconnaître  là  un  résultat  de  l'absorption. 
Cependant,  comme  cette  absorption  ne  devient  considérable 
que  pour  les  régions  très-voisines  du  bord,  on  doit  dire 
c[ue  la  couche  absorbante  a  mie  épaisseur  comparativement 
faible. 

2°  Dans  le  voisinage  des  taches,  et  principalement  sur  les 
facules  qui  les  environnent,  les  raies  noires  de  1  hydrogène 
sont  toujours  plus  faibles  ;  quelquefois  elles  disparaissent 
complètement  et  finissent  même  par  se  renverser.  La  raie  C 
est  celle  qui  subit  les  plus  grandes  variations.  La  raie  F  ne 
disparait  jamais  complètement  ;  elle  parait  accompagnée 
d'une  autre  ligne  noire  qui  n'appartient  pas  à  l'hvdrogène. 
Les  mêmes  particularités  se  reproduisent  pour  d'autres  raies, 
surtout  pour  celles  du  magnésium.  Nous  verrons  bientôt  que 
ce  j)hénomène  est  dû  à  d'immenses  éruptions  de  vapeurs 
métalliques,  parmi  lesquelles  domine  l'hydrogène.  Ces  masses 
de  gaz  donneraient  naissance  à  des  raies  brillantes  si  elles 
étaient  isolées;  mais,  inondées  comme  elles  le  sont  par  la 
lumière  éclatante  du  Soleil ,  elles  parviennent  tout  au  plus 
à  produire  un  effet  égal  et  contraire  à  celui  de  la  couche 
absorbante  qui  les  enxironne.  Lorsqu'elles  sont  assez  vives, 
elles  peuvent  produire  un  effet  plus  considérable  et  mani- 


28i  — 


fcster  leur  présence  par  des 
raies  brillantes  :  c'est  ce  qui 
arrive  assez  fréquemment. 

Lorsqu'une  tache  est  près 
(lu  bord,  on  voit  très-souvent 
les  raies  brillantes  de  l'hydro- 
gène empiéter  sur  le  disque 
solaire  lui-même  et  se  prolon- 
ger sur  un  espace  de  plusieurs 
secondes  jusqu'au  noyau  ob- 
scur: là  elles  s'arrêtent  brus- 
quement. T.a  fig.  [02  repré- 
sente la  disposition  de  ces 
raies  brillantes.  Cependant, 
lorscju'une  tache  est  traversée 
|)ar  un  pont,  et  surtout  lors- 
f[ue  le  novau  est  recouvert  de 
voiles  rouges,  on  y  trouve  la 
raie  C  renversée  ou  du  moins 
très-réduite. 

3°  Dans  l'intérieur  des  ta- 
ches, le  spectre  subit  une  pro- 
fonde modification  ;  l'harmo- 
nie générale  n'est  plus  la 
même,  et  le  rapport  des  in- 
tensités lumineuses  est  com- 
plètement changé.  Certaines 
lignes,  qui  d'ordinaire  sont 
à  peine  visibles,  deviennent 
très-noires  et  très-larges  ;  d'au- 
ti'es  deviennent  indécises  sur 
les  bords;  d'autres,  enfin,  ne 


285 


subissnit  miicuiu-  inoilificaliou.  \a\  Jig.  loi  montre  coin- 
hicii  le  spectre  trunc  taclic  peut  rtre  complexe;  elle  rcjjpo- 
(luit   les    résultais   des   oi)S('r\ati()iis   (jiic    nous    a\oMs   laites 


Fie-   10' 


c 


le  I  I  et  le  i3  avril  i  8Gf),  en  examinant  une  tache  dont  nous 
reproduisons  ici   le  dessin  [fig.  io3).  On  voyait  en  réalité 


Fi,<T.  io3. 


c^' 


^^^i. 


quatre  spectres  différents  :  i°  celui  du  fond  brillant  du  Soleil, 
2°  celui  de  la  pénombre,  ?>°  celui  du  noyau,  et  4^  celui  d'un 
pont  très-brillant  qui  traversait  la  tache, 

La  bande  n°  2  {/ig.  loi)  représente  le  spectre  du  noyau. 
On  y  remarque  ime  diminution  générale  de  l'éclat  lumineux 


-  28G  — 

et  surtout  des  lignes  très -sombres  considérablement  élar- 
£;ies,  et  même  de  véritables  bandes  presque  complètement 
noires.  On  en  voit  une  entre  B  et  G,  deux  autres  entre  G  et  D, 
deux  autres  entre  E  et  F  ;  ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable,  ce 
sont  les  trois  couples  de  raies  brillantes  qui  se  retrouvent 
entre  b  et  F. 

La  bande  n°  1  représente  le  spectre  du  pont.  On  y  voit  ren- 
versées les  raies  de  l'hydrogène  H«  r=  G,  H/3  =  F,  Hy  =  H. 

La  zone  n"  3  donne  le  spectre  de  la  pénombre;  on  n'y 
^oit  aucune  raie  de  l'hydrogène,  ni  noire  ni  brillante  :  c'est 
que  le  spectre  de  ce  gaz  y  est  partiellement  renversé,  comme 
on  le  reconnaît  facilement  en  comparant  cette  bande  avec  le 
n°  4,  qui  donne  les  raies  principales  du  fond  général  du  disque 
solaire . 

Il  est  évident  cpie  des  modifications  aussi  profondes  ne  sau- 
raient être  attribuées  à  une  simple  diminution  dan*  Finten- 
sité  lumineuse.  Il  y  a  donc  là  une  absorption  spéciale  et  élec- 
tive prodiiite  par  certaines  substances  qui  se  trouvent  dans 
l'intérieur  des  taches.  Ce  sont  des  phénomènes  nettement 
tranchés  que  nous  allons  essayer  d'analyser. 

4**  On  distingue  dans  le  spectre  général  du  Soleil  plusieurs 
systèmes  de  raies  très-fines,  très-serrées,  également  distantes 
les  unes  des  autres;  on  a  désigné  ces  systèmes  par  Ite  nom 
de  persiennes,  à  cause  des  apparences  qu'elles  présentent. 
Dans  les  taches,  elles  deviennent  diffuses  et  nébuleuses, 
comme  on  peut  le  voir  près  des  raies  6,  7,  8,  9  de  la  figure 
de  Yan  der  Willingen  (711,5,  7 1 9,  5  et  864  de  Rirchhoff  )  et 
dans  le  voisinage  des  raies  i4  et  i5  (1006,8  et  1204  de  K.). 
Lia  Jig.  io4  donne  une  idée  sommaire  des  apparences  qui 
se  présentent  dans  la  région  comprise  entre  G  et  D.  Les  sys- 
tèmes de  raies  qu'on  observe  dans  cette  région  ont  une  inten- 
sité graduellement  croissante  ou  décroissante  ;  elles  sont  assez 


-  287  — 

distinctes,  mais  (raj)par('n(e  nébul<Mis(v  Dans  la  ré^Moii  du 
vert,  il  y  <'»  h  un  très-grand  nombre  qui  deviennent  très- 
noires  dans  les  taches,  tandis  que  sur  \v  reste  du  disque  on 
a  beaui  oup  de  peine  à  les  distiiiii^uer.  Ces  systèmes  ne  pa- 
raissent cepeiulaiil  pas  èlrc  des  créations  nouxcUes  tout  à  fait 
particulières  aux  taches:  ils  correspondent  ordinairement  à 
des  raies  très-faibK's  indiquées  par  Rirchhoff;  mais  ces  raies 
prennent  dans  les  taches  un  développement  extraordinaire, 
ce  qui  constitue  un  phénomène  bien  tranché  et  complètement 
caractéristique.  On  ne  connaît  pas  encore  les  substances  qui 
produisent  ces  persiennes;  mais  elhîs  sont  certamement  ga- 

Fij.  io4. 


zeuses,  et  il  parait  bien  probable  que  la  vapeur  d'eau  n'y  est 
pas  étrangère,  car  nous  avons  vu  des  brouillards  et  des 
nuages  légers  produire  le  même  effet  en  passant  devant  le 
Soleil. 

Nous  avons  essayé  de  diminuer  l'intensité  générale  de  la 
lumière  solaire  en  mettant  des  diaphragmes  à  l'ouverture  de 
la  lunette;  mais  nous  n'avons  obtenu  par  ce  procédé  aucun 
phénomène  analogue  à  celui  que  nous  venons  de  décrire.  Il 
est  donc  impossible  d'expliquer  ces  apparences  par  le  seul 
fait  de  l'affaiblissement  de  la  lumière  sur  les  taches.  Cette 
explication  nous  pirait  inconciliable  avec  l'existence  des 
bandes  brillantes,  qui  restent  très-distinctes  au  mili(Mi  du 
fond    obscur  :  telle   est    celle   qui   se    trouve   auprès   de    la 


—  288  — 

raie  -j  W.  (  'j  19, 5  R.),  marquée  par  ime  flèche  dans  \^fig.  1 04. 
L'éclat  que  présentent  ces  bandes  lumineuses  est  purement 
relatif  ;  il  résulte  de  ce  que  les  rayons  correspondants  sont 
moins  complètement  absorbés  que  ceux  du  voisinage.  Il  faut 
en  dire  autant  des  couples  de  raies  brillantes  que  nous  avons 
déjà  signalées  dans  le  vert.  Des  taches ,  qui  au  premier  abord 
paraissent  insignifiantes ,  donnent  quelquefois  des  spectres 
qui  dénoncent  une  absorption  très-puissante;  mais,  en  géné- 
ral ,  il  faut  attendre  davantage  des  taches  circulaires,  pro- 
fondes et  bien  noires  au  centre. 

5°  Plusieurs  raies  appartenant  à  des  substances  métalliques 
se  dilatent  d'une  manière  considérable,  tout  en  conservant 
leurs  bords  nettement  tranchés.  Il  est  très-facile  de  constater 
cet  élargissement  dans  les  raies  10,  1 1  et  12  de  Van  der  Wil- 
lingen  (864,  877,  893  R.).  Dans  le  vert,  il  y  en  a  qui  de- 
viennent trois  ou  quatre  fois  plus  larges  lorsque  les  taches 
sont  rondes  et  profondes.  Nous  avons  constaté  ce  phénomène 
sur  un  très-grand  nombre  de  raies,  qu'il  serait  trop  long 
d'indiquer  ici.  Nous  signalerons  seulement  celles  du  calcium 
et  du  fer,  pour  lesquelles  le  phénomène  est  plus  saillant. 

G°  Les  raies  du  sodium  s'élargissent  aussi;  mais,  contrai- 
rement aux  autres,  elles  deviennent  diffuses  sur  les  bords 
et  véritablement  nébuleuses.  La^o.  io5  représente  l'appa- 
rence qu'offre  le  spectre  lorsqu'il  traverse  deux  taches.  Les 
expériences  de  ]M.  Cailletet  ayant  prouvé  que  les  raies  du  so- 
dium deviennent  diffuses  et  nébuleuses  lorsque  la  pression 
est  considérable,  on  est  autorisé  à  admettre  que  la  dilatation 
dont  nous  venons  de  pailler  est  un  résultat  de  la  forte  densité 
que  possèdent  alors  ces  vapeurs.  Le  sodium  n'est  pas  le  seul 
métal  qui  présente  ce  phénomène  ;  dans  le  vert ,  nous  avons 
des  raies  qui  deviennent  très-diffuses,  surtout  enti'e  Z>  et  F; 
mais  le  sodium  l'emporte  tellement  sur  les  autres,  que  lin- 


-  289  - 

fervalh?  entre  deux  lignes  consécutives  disparaît  quelquefois 
complètement. 

'j°  Les  raies  s'clargiss(Mit  graduellement  dej)uis  le  bord  ex- 
térieur de  la  pénombre  jusqu'au  noyau,  de  snrle  que  leurs 

Fi(;.   loi. 


extrémités  se  terminent  en  pointes  effilées  (Ji^-  io6).  Nous 
devons  en  conclure  que  la  couclie  absorbante  qui  produit 
cette  dilatation  va  en  augmentant  depuis  le  contour  extérieur 
jusque  vers  le  voisinage  du  noyau.  Ce  phénomène  nous  rap- 


Fig.  loG. 


])elle  une  remarque  que  nous  avons  eu  souvent  l'occasion  de 
faire  dans  nos  observations  :  lorsqu'on  emploie  de  forts  gros- 
sissements, la  ligne  de  démarcation  entre  la  pénombre  et  la 
photosphère  n'est  pas  nettement  tranchée  comme  celle  qui 
sépare  la  pénombre  du  novau.  Cette  particularité  s'observe 
j)lus  facilement  dans  les  photographies  agrandies  des  taches  ; 
leur  contour  extérieur  ne  présente  jamais  cette  netteté  à  la- 
quelle on  est  accoutumé  lorsqu'on  observe  directement  avec 
I.  19 


-  290  - 

tic  faillies  grossissements.  Il  y  a  donc  un  accroissement  pro- 
gressif dans  l'épaisseur  de  la  couche  absorbante  depuis  le 
contour  extérieur  jusqu'au  noyau. 

8*^  Outre  ces  modifications  caractéristiques  qu'éprouvent 
les  raies,  on  voit  aussi  varier  l'intensité  lumineuse  des  diffé- 
rentes parties  du  spectre,  surtout  dans  le  rouge,  dans  le  jaune 
et  dans  le  vert.  On  voit  se  former  des  bandes  sombres,  prin- 
cipalement entre  les  points  B  et  G,  et  dans  le  voisinage  du 
point  D.  Ij^Jig.  107  présente  la  courbe  des  intensités  relatives 
des  différentes   régions  du  spectre  dans  la  partie  la  moins 

Fig.   107. 


I 


réfrangible.  Une  forte  bande  se  forme  près  de  la  raie  16  W. 
(1207  R.),  et  une  autre  près  de  la  raie  8  W.  (entre  719,  5  et 
85o  R.).  Il  y  a,  en  outre,  un  très-grand  nombre  d'autres  bandes 
très-fines  entre  1 7  et  20  W.  (  r  280  et  142  1 ,6  R.) .  Ces  variations 
d'intensité  sont  faciles  à  constater,  mais  difficiles  à  évaluer, 
car  elles  ne  présentent  rien  de  bien  défini.  Le  phénomène  est 
cependant  incontestable,  et  il  est  indépendant  de  l'élargisse- 
ment des  raies  noires;  car  l'espace  compris  entre  9  et  i3  W. 
(85o  et  895  R.)  demeure  très-brillant,  malgré  la  dilatation  des 
raies  du  calcium  et  du  fer.  Notons  en  passant,  comme  une 
particularité  bien  remarquable ,  que  ces  bandes  ont  une 
très-grande  ressemblance  avec  celles  qu'on  observe  dans  le 
spectre  des  étoiles  rouges. 

9"  ^Malgré   l'absorption    très-considérable    qu'on  observe 


-  i\n  - 

dans  riiitcricur  des  lâches,  il  y  a  dos  laics  (jiii  dcinciirciil 
parrailciiuMil  l)rillaiites,  sans  éprouver  la  iiioiiKlro  variation 
dans  lein"  iiit<'nsité.  Leurs  positions  correspondent  a  des  in- 
tervalles indiqués  j)ap  Kirchliolf,  coiniiic  ne  conleiiant  aucune 
raie.  Ces  positions,  sur  la  fl^MU'e  cjue  nous  avons  reproduite, 
se  trouvent  à  peu  j)rès  entre  i /j  el.  i5,  iG  et  i-,  i-  et  i8, 
i()  et  20,  21  et  22  de  \  an  (1er  W  illin^en.  Elles  sont  bien  re- 
connaissahles,  sur  la  figure  d(^  Rirclilioff,  à  l'absence  de  toute 
raie  secondaire,  et  elles  corespondent  aux  positions  suivantes  : 

De   i2()7,:>.  h    i:'.i7,'i   ,        g   , 
De  i3o6,i>  à   i3i5,9 


*     123, 

10?., 7 


De  1430,.';       I  î38,9  \ 

De   1 533.3  :.   15.11, G   ' 

120,0 
!).■    176^,1    à    1771,5    [  -^ 

De    1876,8  à    1884,5    \    "       '^ 


On  voit  que  ces  bandes  sont  à  peu  près  équidistantes,  et 
que  leur  largeur  correspond  à  peu  près  constamment  à  10  de- 
grés de  Téclielle  de  Rirchhoff.  Le  spectre  des  étoiles  rouges 
présente  dans  la  région  du  vert  de.'^  raies  tout  à  fait  ana- 
logues à  celles  que  nous  venons  de  décrire  :  il  semble  donc 
que,  si  le  Soleil  était  recouvert  sur  toute  sa  surface  d'une 
atmospbère  épaisse ,  comme  celle  qui  existe  au  fond  des 
taclies,  il  donnerait  naissance  à  un  spectre  semblable  à  celui 
des  étoiles  rouges. 

10"  Il  v  a  une  grande  analogie  entre  l'absorption  qui  se 
produit  dans  les  taches  et  celle  qu'on  observe  lorsque  le 
Soleil  est  |)rès  de  l'horizon;  mais  les  lignes  nouvelles  qui  se 
produisent  et  celles  qui  se  dilatent  ne  sont  pas  les  mêmes 
dans  les  deux  cas.  Ainsi  la  raie  G"  de  Brewster  devient  très- 
large  lorsque  le  Soleil  est  près  de  Thorizon,  tandis  qu'elle  est 
invisible   dans  les    taches.    Nous  avons  suivi    altenli\enient 

'9- 


292  — 

les  variations  qu'éprouve  cette  ligne  auprès  de  l'horizon,  et 
nous  a^  ons  trouve  que  les  persiennes  se  produisent  de  part 
et  d'autre  de  C",  les  raies  telluriques  étant  situées  du  côté 
de  C,  et  les  raies  solaires  du  coté  de  U  :  elles  n'auraient  donc 
pas  toutes  la  même  origine. 

Les  raies  qui  se  forment  près  de  -yW.  (719  K.)  sont  plus 
sensibles  dans  les  environs  des  taches  que  sur  les  taches  elles- 
mêmes.  La  bande  qui  se  trouve  au  delà  du  point  D,  et  que 
Brewster  a  désignée  par  la  lettre  0,  quoique  produite  par 
ratniosj)hère  terrestre,  existe  cependant  indépendamment 
de  notre  atmosphère.  L'absorption  atmosphérique  peut  ce- 
pendant la  renforcer  dans  les  taches,  car,  lorsque  le  Soleil 
s'approche. de  l'horizon,  on  la  voit  apparaître  sur  les  noyaux 
alors  qu'elle  est  encore  invisible  sur  les  autres  points  du 
disque.  Nous  croyons  aussi  que  les  raies  nébuleuses  comprises 
entre  7  et  8  W.  (719K.)  sont  dues  à  la  vapeur  d'eau,  car  elles 
sont  bien  plus  prononcées  lorsque  le  Soleil  est  près  de  l'ho- 
rizon ;  un  simple  cirrus  passant  devant  le  disque  solaire  suffit 
pour  les  rendre  plus  visibles. 

Malgré  la  haute  température  du  Soleil,  nous  n'hésitons  pas 
à  admettre  que  son  atmosphère  contient  de  la  vapeur  d'eau, 
car  on  voit,  très-près  du  bord,  les  mêmes  nuances  et  les 
mêmes  bandes  diffuses  que  nous  avons  souvent  observées, 
lorsque  l'air  atmosphérique  est  chargé  d'humidité  au  mo- 
ment où  un  nuage  translucide  passe  devant  le  disque  solaire. 

§  IIL  —  Conséquences  qui  découlent  des  faits  précédemment 

exposés. 

Les  détails  dans  lesquels  nous  sommes  entré  ne  sont 
qu'un  faible  échantillon  de  l'immense  travail  qu'il  reste  en- 
core à  faire  pour  compléter  l'étude  spectrale  de  la  surface 


-  203  — 

solairo.  Cet  examen,  (ni()i([ii;'  imparfait,  nous  roiirnil  ccprii- 
(lant  (les  priueipes  féconds,  d'où  nous  pourrons  tirer  un 
grand  nombre  de  conclusions. 

Les  taches  sont  des  régions  caractérisées  par  un  accroisse- 
ment considérable  du  jiouvoir  al)sorbant,  et  le  renforcement 
des  raies,  qui  se  produit  au  bord  du  disque,  tient  évidem- 
ment à  la  même  caus<'.  il  va  cependant  une  grande  différence 
entre  ces  deux  ordres  de  phénomènes;  car,  tandis  cpiauprés 
du  bord  l'absorption  parait  due  à  des  gaz  proprement  dits, 
dans  les  taches  elle  est  principalement  produite  par  des  va- 
peurs métalliques.  Lorsque  les  taches  sont  superficielles,  on 
voit  simplement  se  renforcer  les  raies  D  qui  appartiennent 
au  sodium  ;  lorsqu'elles  sont  de  profondeur  movenne,  les 
raies  du  calcium  se  renforcent  également,  mais  on  ne  voit 
aucune  modification  dans  celles  du  fer.  Enfin,  lorsque  les 
taches  sont  très-sombres ,  ce  qui  permet  de  juger  qu'elles 
sont  aussi  très-profondes,  les  raies  du  fer  subissent  à  leur 
tour  une  dilatation  considérable ,  mais  moindre  que  celles 
du  calcium.  La  région  des  taches  serait  donc  occupée  par  des 
vapeurs  métalliques  assez  denses,  par  exemple  celles  du  so- 
dium, du  fer,  du  calcium,  etc.  Le  sodium  et  le  calcium, 
dont  le  poids  atomique  est  plus  faible,  sont  aussi  ceux  dont 
les  raies  s'élargissent  davantage.  Les  autres  métaux,  le  co- 
balt, le  chrome,  le  plomb,  ne  présentent  pas  de  changement 
appréciable,  ce  que  nous  attribuons  à  la  densité  de  leurs 
vapeurs  qui  les  force  à  rester  dans  des  couches  plus  pro- 
fondes. C'est  sans  doute  la  même  cause  qui  empêche  de  re- 
connaître la  présence  des  métaux  précieux,  dont  les  vapeurs 
sont  encore  plus  denses.  En  réfléchissant  sur  ces  phéno- 
mènes, on  est  conduit  à  admettre  que,  dans  l'intérieur  des 
taches,  les  vapeurs  métalliques  sont  disposées  par  ordre  de 
densité,  les   plus    lourdes   au   fond,  les   plus   légères  à  la 


-  294  - 

partie  supérieure,  et  au-dessus  de  toutes  les  vapeurs  métal- 
liques le  2;az  hydrogène,  formant  une  couche  continue  qui 
enveloppe  de  toutes  parts  le  globe  solaire  tout  entier. 

Le  spectre  des  taches  ne  présente  point  de  raies  nouvelles  : 
on  n'y  voit  que  celles  de  l'atmosphère  solaire  plus  ou  moins 
renforcées.  Il  n'v  a  donc  point  de  substances  nouvelles  dans 
ces  régions,  mais  seulement  une  densité  plus  considérable 
pour  certaines  vapeurs.  Or  nous  savons  qu'il  y  a  dans  les 
taches  une  dissolution  continuelle  de  la  matière  photosphé- 
rique  ;  il  devrait  donc  en  résulter  une  absorption  élective 
toute  différente,  si  la  photosphère  contenait  d'autres  éléments 
que  ceux  qui  constituent  la  couche  atmosphérique. 

Cette  conclusion  resterait  encore  la  même  si,  au  lieu  de 
comparer  la  photosphère  à  un  brouillard  qui  se  dissout  dans 
les  taches,  nous  la  regardions  comme  une  masse  gazeuse 
soumise  à  une  pression  assez  considérable  pour  donner  un 
spectre  continu.  Dans  ce  cas,  le  gaz  incandescent,  se  mélan- 
geant à  la  masse  de  vaj^eur  plus  froide  qui  compose  le  noyau 
de  la  tache,  cesserait  d'être  aussi  lumineux  pour  devenir  re- 
lativement obscur;  or,  comme  dans  ce  nouvel  état  il  ne 
produit  pas  d'autres  raies  que  celles  de  la  couche  absor- 
bante, la  photosphère  doit  encore  être  composée  des  mêmes 
substances  que  la  couche  gazeuse  qui  l'environne. 

Des  faits  précédemment  exposés,  nous  pouvons  encore 
conclure  que  la  profondeur  des  taches  ne  peut  servir  de 
mesure  à  l'épaisseur  de  la  photosphère,  comme  on  l'a  cru 
jusque  dans  ces  derniers  temps.  Ce  qu'on  mesure  ainsi,  c'est 
l'épaisseur  de  la  couche  dense  et  absorbante  qui  occupe  les 
parties  les  plus  liasses  des  taches.  Nous  voyons  sur  la  Teri-e 
des  gaz  plus  lourds  que  l'air,  l'acide  carbonique  par  exemple, 
former  dans  certaines  cavités  une  atmosphère  irrespirable, 
comme  dans  la  Grotte  du  Chien  ;  il  arrive  de  même,  sur  le 


—  293  — 

Soleil.  <|U('  les  ^ap(•lll•s  mct.illicjiics,  maigre  leur  Iciidaiico 
à  la  (lifliision,  occiipciil  le  fond  des  cavités  ([iii  coiistitiiciit 
les  taches  :  ce  (jui  irein|)('clie  pas  (|iu'  ces  gaz  pesants  ne  se 
mélangent  un  peu  avec  le  reste  de  l'atmosphère,  conmie  le 
font,  dans  l'air  (|ui  nous  entoure,  l'acide  carhonitjne  et  la 
vapeur  J  eau. 

Enfin  la  j)artie  noii-*'  (jui  occupe  l'intérieur  des  taches  ne 
peut  être  expliquée,  ni  par  un  nt)vau  ohsiui'  (pii  serait  au 
centre  du  globe  solaire,  ni  j).ir  des  scmies  ou  autres  matières 
solides  flottant  à  la  surface  d'un  liquitle.  Cette  obscurité  est 
due  à  des  masses  transparentes,  mais  fortement  absorbantes, 
de  vapeurs  métal li([ues  qui,  grâce  à  leur  densité  considérable, 
occupent  les  parties  les  plus  basses  des  inégalités  de  la  sur- 
face lumineuse,  et  remj)lissent  les  vides  et  les  interstices  que 
laissent  (jueUjuefois  entre  elles  les  masses  brillantes  qui  nous 
éclairent. 

Nous  nous  trouvons  amené  par  là  à  compléter  ce  que  nous 
avons  dit  dans  un  Chapitre  précédent  sur  la  structure  inté- 
rieure des  taches,  que  nous  avons  représentées  comme  des 
masses  obscures  envahies  par  la  matière  lumineuse  :  le  spec- 
troscope  vient  de  confirmer  cette  idée,  et  il  nous  apprend  que 
les  matières  sombres  sont  gazeuses. 

11  ne  sera  pas  inutile  de  résumer  ici  tout  ce  que  nous  avons 
dit  sur  ce  sujet  en  quatre  affirmations  que  nous  devons  re- 
garder maintenant  comme  prouvées  :  i"  la  matière  obscure 
et  la  matière  lumineuse  ne  sont  pas  de  nature  différente; 
2"  le  no\au  noii'  des  taches  ne  peut  être  produit  par  un  corps 
solide  :  il  résulte  de  l'absorption  produite  par  des  vapeurs 
dans  la  partie  centrale  de  la  tache  où  les  filets  de  matière 
hunineuse  ne  sont  pas  encore  parvenus;  3°  la  matière  bril- 
lante se  dissout  en  pénétrant  dans  cette  masse  ab-sorbante 
et  elle  cesse  d  être  lumineuse;  [\°  la  masse  obscure  ne  pourra 


-  296  - 

résister  indéfiniment  à  cette  action,  et  l'on  verra  le  noyau  se 
recouvrir  progressivement  de  la  matière  lumineuse  qui  l'en- 
vahit. La  disparition  de  la  tache  pourra  être  retardée  par  une 
recrudescence  qui  amène  une  nouvelle  quantité  de  matière 
obscure;  mais  ce  phénomène  ne  pourra  pas  se  reproduire 
indéfiniment ,  et  la  tache  finira  par  disparaître  ,  faute  d'ali- 
mentation. 


§  IV.    —  Réponse  à  une  objection. 

On  s'est  demandé  pourquoi  nous  n'observons  dans  le  Soleil 
ni  r oxygène,  ni  l'azote,  ni  aucun  des  autres  gaz  qui  doivent 
cependant  y  exister  aussi  bien  que  sur  la  Terre.  Cette  ques- 
tion n'est  pas  facile  à  résoudre.  D'abord  ces  gaz  pourraient 
bien  se  trouver  dans  l'atmosphère  solaire  sans  qu'il  nous  fût 
possible  de  les  y  reconnaître,  parce  que,  à  la  température 
qu'ils  possèdent,  ils  ne  présentent  plus  les  mêmes  raies  qu'aux 
températures  auxquelles  nous  les  observons  ordinairement 
dans  nos  laboratoires.  Les  gaz  ont  tous  plusieurs  spectres  dif- 
férents les  uns  des  autres  suivant  la  température  de  l'expé- 
périence  et  suivant  les  combinaisons  qu'ils  forment.  Qu'on 
prenne  un  tube  de  Geissler  composé  de  deux  parties,  l'une 
ayant  un  diamètre  assez  considérable,  l'autre  ayant  une  sec- 
tion capillaire  :  on  trouve  dans  ces  deux  parties  deux  spectres 
très-différents  pour  le  même  gaz.  On  observe  ce  fait  pour  le 
brome,  le  chlore  et  l'hydrogène.  De  plus,  l'azote  présente, 
suivant  les  circonstances,  trois  spectres  différents  nettement 
définis.  Il  arrive  quelquefois  que,  pour  des  températures  in- 
termédiaires, deux  spectres  d'ordre  différent  se  superposent 
l'un  à  l'autre. 

Les  expériences  de  jNI.  Chautard  nous  apprennent  que  les 


—  297  — 

tubes  de  Geisslcr  (lomitiit  des  spi-ctrcs  diffrrcnts  loisiju'oii 
les  soumet  à  l'aetiou  de  piii^simfs  ainiaiils.  Le  ni;i{j;iiélisme 
n'agit  peut-être  là  ([u'eu  protluisaul  iiulireetcmeut  un  eliau- 
gcment  de  teinj)érature.  Les  gaz  sont  magnétiques  ou  dia- 
niagnétiques  :  ils  sont  doue  attirés  ou  repoussés  par  l'aimant. 
Cette  action,  attractive  ou  répulsive,  comprime  le  gaz  contre 
la  paroi  du  tube;  la  section  devient  plus  eti'oite,  le  gaz  s'c- 
cliaulfe  davantage  j)ar  le  passage  du  courant  <t  le  spectre  se 
trouve  modifié. 

Nous  savons  qu'on  a  attribué  ces  différentes  modifications  à 
des  impuretés  des  gaz,  ou  à  des  causes  inconnues;  mais  ces 
objections  ne  nous  paraissent  point  rendre  raison  des  phéno- 
mènes observés  dans  des  circonstances  très-différentes,  et 
nous  regardons  comme  certain  ([ue  les  gaz,  et  même  les  va- 
peurs métalliques,  présentent  différents  spectres  sui\  ant  leur 
température. 

En  général,  les  s])ectres  du  premier  ordre  sont  peu  bril- 
lants, et,  par  conséquent,  ils  ne  se  détacheraient  [)as  d'une 
manière  suffisante  sur  le  fond  lumineux  du  Soleil.  De  plus, 
si  l'on  excepte  l'hydrogène,  il  faut  ime  température  très- 
élevée  pour  obtenir  le  spectre  du  second  ordre,  le  seul  qui 
présente  des  raies  très-vives,  analogues  à  celles  des  vapeurs 
métalliques  ;  l'étincelle  électrique,  qui  suffit  pour  ])roduire  le 
.spectre  des  métaux,  est  rarement  capable  de  communiquer 
aux  gaz  une  température  assez  élevée  pour  (pi'ils  donnent  un 
spectre  brillant. 

Il  faut  donc  qu'un  gaz  soit  porté  à  une  température  très- 
élevée  pour  que  nous  jouissions  reconnaître  sa  présence  à  la 
surface  du  Soleil,  et  il  est  bien  possible  que  l'enveloppe  exté- 
rieure ne  soit  pas  ass(^z  chaude  j)our  produire  le  spectre  du 
second  ordre.  L'hydrogène  lui-même  donne,  dans  le  Soleil, 
le  spectre  qui  correspond   à  ime  température  modérément 


—  298  — 

élevée  ;  les  raies  terminées  en  pointe  qu'on  observe  dans  cer- 
taines circonstances  montrent  qu'il  éprouve  un  refroidisse- 
ment Lien  prononcé  dans  la  couche  la  plus  éloignée  du  centre 
et  dans  les  protubérances.  Dans  ce  cas,  l'absorption,  réduite 
à  celle  des  spectres  de  premier  ordre,  est  trop  faible  pour  être 
sensible  :  elle  donne  simplement  lieu  à  des  bandes  plus  ou 
moins  diffuses  qu'il  est  impossible  de  distinguer  d'un  très- 
grand  nombre  des  raies  dues  à  des  substances  inconnues. 

On  ne  peut  cependant  pas  dire  que  l'oxygène  fasse  complè- 
tement défaut  dans  l'atmosphère  solaire  :  nous  avons  reconnu 
dans  les  taches  des  traces  de  vapeur  d'eau  ;  il  y  a  donc  de  l'oxy- 
gène. Il  est  possible  que  dans  les  régions  les  plus  élevées 
l'hvdrogène  se  refroidisse  jusqu'à  la  température  à  laquelle 
il  peut  se  combiner  avec  l'oxvgène,  température  qui  est  cer- 
tainement bien  supérieure  à  i5oo  degrés;  la  vapeur  d'eau 
ainsi  formée  retomberait  pour  être  décomposée  par  disso- 
ciation dans  les  régions  plus  basses  ;  ses  éléments  s'élèveraient 
de  nouveau  et  formeraient  ainsi  une  véritable  circulation.  Il 
est  également  possible  que  l'azote  se  trouve  dans  l'atmo- 
sphère du  Soleil,  et  qu'il  donne  naissance  aux  lignes  sombres 
qui  bordent  la  raie  C  à  l'extérieur  du  disque ,  car  cette  raie 
doit  lui  apparlenir,  si  elle  n'est  pas  due  au  carbone.  Peut-être 
faut-il  attribuer  à  l'azote  un  grand  nombre  de  persiennes  qu'on 
observe  dans  l'intérieur  des  taches. 

La  spectrométrie  est  une  science  encore  au  berceau  ;  il  faut 
donc  éviter  de  tirer  de  ses  indications  des  conclusions  préci- 
pitées. 

M.  Zollner  a  donné  une  autre  explication  que  nous  allons 
exposer  en  peu  de  mots.  En  partant  des  principes  de  la 
théorie  mécanique  de  la  chaleur,  il  est  arrivé  par  le  calcul 
à  cette  conclusion  que,  en  raison  des  poids  spécifiques  et  des 
autres  propriétés  des  différents  gaz,  en  raison  de  la  tempe- 


-  299  - 

rature  tics-cIcM'e  de  la  siiri'acc  solaiic,  et  à  la  légèreté  spé- 
cifique (if  I  liN  (irogène,  une  atinosplière  de  ce  gaz,  capable  de 
produire  une  pression  de  i8o  niilliniètres,  serait  remplacée 
par  une  couche  extrêmement  j)etite  il'oxygène  et  d'azote  '  *), 
et,  comme  ces  gaz  sont  très-peu  absorbants,  il  serait  très-dif- 
ficile (le  les  reconnaître,  tandis  (|n  une  eouclie  très-mince  de 
\apenrs  nielalli(|ues  pi'odnirait  n\\  ellet  sensil)le  à  cause  du 
grand  pouvoir  absorbant  de  ces  substanc's. 

On  \o\l  ((ue  la  difficulté  de  se  faire  une  idée  de  l'état  phy- 
sique du  So1(m1  provient  de  l'ignorance  dans  la([uelle  nous 
sommes  de  la  température  qui  existe  à  la  surftice  de  cet  astre 
et  de  la  pression  que  produit  son  atmosphère.  Si  nous  par- 
venons à  déterminer  ces  éléments,  nous  pourrons  dire  à  coup 
sur  si  Ion  doit  considérerla  photosphère  comme  un  gaz  incan- 
descent ou  comme  un  brouillard  lumineux;  mais  nous  n'a- 
vons pas  encore  les  données  nécessaires  pour  trancher  la 
question. 

Pour  faire  toucher  du  doigt  les  difficultés  qui  se  présen- 
tent à  nous,  proposons  un  simple  problème.  On  demande 
(juelle  hauteur  devrait  avoir  une  couche  de  matière  solaire 
pour  produire  une  pression  de  4070000  atmos|)hères.  Nous 
prenons  ce  nombre  parce  que,  d'après  INI.  Zollner,  il  repré- 
senterait la  pression  sous  laquelle  l'hydrogène  deviendrait 
liquide  ^).  Si  la  couche  capable  de  produire  ce  résultat  avait 
dans  toute  son  étendue  la  densité  movenne  du  Soleil  i./|G, 


1^  l'aluni 
(M  Les  chiffres  donnés  par  M.  Zollner  sont,  pour  l'azote,   r-—    et,  pour  l'osv- 

(jènc,    — ~n~'   (Voir  3'«oi'o  r//«c«ro,  agosto  iS-o,ol  P/iihsophical  IHagazi/ie,  no\em- 

lier  1870.; 

(')  Cette  liqiiff.iction  n'est  cependant  qu'liypotliéliqiie,  car  M.  Cailletet,  en  poussant 
la  pression  à  800  alniosplières,  n'a  rien  aperçu  (jui  indiquât  une  loi  de  conipressibilité 
différente  de  celle  (pic  suivent  les  gaz  j)arraits. 


-  300  - 

<>lle  devrait  avoir  une  hauteur  de  989010  mètres  ;  vue  de  la 
Terre,  elle  sous-tendrait  un  angle  de  i",383,  quantité  bien 
inférieure  à  la  profondeur  des  taches.  Nous  avons  déjà  donné 
d'autres  exemples  de  ces  résultats,  qui  nous  paraissent  si  ex- 
traordinaires, parce  que  nous  les  comparons  malgré  nous  à 
ce  qui  se  passe  sur  la  petite  planète  que  nous  habitons. 

Le  Soleil  est  un  monde  si  différent  du  nôtre,  qu'on  pour- 
rait avec  raison  nous  reprocher  la  témérité  avec  laquelle 
nous  cherchons  à  étudier  sa  structure.  Il  ne  faut  cependant 
pas  perdre  courage  ;  depuis  quelques  années  la  science  a  fait 
beaucoup  de  progrès,  et  ceux  qui  viendront  après  nous  ne 
manqueront  pas  de  faire  encore  davantage. 


-  301  - 


LIVRE    IV. 


LES  ECLIPSES. 


CHAPITRE  PREMIER. 

PHÉNOMÈNES     OBSERVÉS     l'END.VNT     LES     ÉCLIPSES. 


§  1.  —   Historique. 

Les  éclipses  totales  du  Soleil  étaient  jadis  un  sujet  de  ter- 
reur pour  les  populations  ignorantes  et  su})erstitieuses;  elles 
sont  tlevenues  })0ur  la  science  une  source  de  rensf^gnements 
j)récieux:  relativement  à  la  constitution  de  l'atmosphère  so- 
laire. L'astre  du  jour,  cessant  alors  d'illuminer  notre  atmo- 
sphère, nous  permet  d'étudier  certains  phénomènes,  curieux 
et  instructifs,  très-utiles  au  but  que  nous  nous  sommes  pro- 
posé. Nous  ne  pouvons  donc  pas  néghger  cette  question; 
nous  l'étudierons  dans  tous  ses  détails  à  la  fois  si  complexes 
et  si  intéressants.  Commençons  par  quelques  notions  géné- 
rales qui  sont  absolument  essentielles. 

Les  éclipses  totales  ont  toujours  été  observées  avec  em- 
pressement et  décrites  avec  enthousiasme  ;  mais  c'est  depuis 
mi  ti(M's  de  siècle  seulement  qu'on  les  étudie  d'une  manière 
parfaitement  rationnelle.  Depuis  cette  éj)oqiie,  la  jierfection 
des  Tables  solaires  et  lunaires,  l'exactitude  des  données  géo- 
graphiques ont  permis  aux  astronomes  de  calculer  d'avance, 


-  302  - 

d'une  manière  rigoureuse,  la  ligne  que  doit  tracer  sur  notre 
globe  le  cône  d'ombre  projeté  par  la  Lune,  sa  largeur  exacte 
et  la  durée  précise  du  phénomène.  Alors  seulement  les  astro- 
nomes ont  pu  se  déplacer  en  toute  sûreté  pour  aller  observer 
les  éclipses,  sans  s'exposer  comme  autrefois  à  perdre  le  fruit 
d'expéditions  laborieuses. 

L'observation  des  éclipses  se  réduisait  naguère  à  la  déter- 
mination de  l'instant  précis  où  avait  lieu  l'occultation;  les 
résultats  étaient  utilisés  pour  corriger  les  Tables  du  Soleil  et 
de  la  Lune,  et  pour  connaître  avec  plus  de  certitude  le  rap- 
port du  diamètre  de  ces  deux  astres.  Comme  ces  calculs  se 
font  presque  aussi  bien  en  prenant  pom^  point  de  départ  l'ob- 
servation d'une  éclipse  partielle,  il  n'y  avait  pas  un  intérêt 
spécial  à  faire  de  longs  voyages,  afm  de  se  trouver  dans  la 
zone  de  la  totalité.  Mais  de  nos  jours,  grâce  aux  découvertes 
récentes  et  à  la  perfection  des  moyens  de  recherche,  on  se 
propose  avant  tout  d'étudier  la  physique  solaire,  et  pour  cela 
il  est  indispensable  de  se  transporter  dans  cette  zone  privi- 
légiée oii  l'occultation  du  Soleil  est  complète. 

C'est  en  1842  que,  pour  la  première  fois,  l'attention  des 
savants  fut  portée  sur  ce  point.  On  observa  des  phénomènes 
qu'on  n'avait  pas  soupçonnés  jusqu'alors,  et  ce  fut  comme 
une  révélation  véritable;  un  horizon  nouveau  semblait  s'of- 
frir à  la  contemplation  des  savants,  et  l'on  ne  négligea  aucun 
moyen  pour  l'étudier  avec  soin.  Depuis  cette  époque,  un 
grand  nombre  d'astronomes  entreprirent  simultanément  des 
voyages,  quelquefois  bien  longs,  pour  aller  observer  chacune 
des  éclipses  qui  ont  eu  lieu.  Ces  voyages  présentent  de  très- 
grands  avantages.  En  multipliant  le  nombre  des  postes  d'ob- 
servation, et  en  les  choisissant  convenablement,  on  prévient 
les  désagréments  qui,  pour  un  observateur  isolé,  peuvent  si 
facilement  résulter  de  l'état  du  ciel;  mais  surtout  on  peut 


-  303  - 

distinguer  ;i  couj)  sur  (  <•  (|iii  «-si  accidcnlcl,  dans  les  plicno- 
nuMies,  tic  ce  cjui  est  in  (lc|)('ii(l;iiil  des  observateurs  cl  des  cii- 
conslanees  de  rt)l)servati()u;  enfin  une  division  intelligente 
du  travail  piTinet  d'ohserNer  ces  pluMionièncs  aussi  coniplc- 
tcnient  (juc  possible,  malgré  leur  courte  durée  :  aussi  a-t-il 
sulfl  dun  petit  n()ini)re  d  éclipses  pour  faire  M\anc(M'  rapide- 
nieiil  iCiudc  de  la  consliluliou  pli\  si(pie  du  SoKil  ;  indiquons 
les  princi|)alcs. 

i""  Nous  devons  mettre  en  premién*  ligne  celle  de  1842, 
(|ui  fut  observée  en  France  par  les  astronomes  français,  en 
Italie  par  les  Anglais  et  les  Italiens,  en  Autriclie  par  les  Alle- 
mands. Arago  a  discuté  ces  observations  dans  un  savant 
Mémoire  inséré  dans  \  Annuaire  du  Bureau  des  Longitudes 
pour  i84(-),  et  Baily  en  a  donné  une  admirable  description 
dans  les  Memoirs  of  the  R.  Astr.  Society,  t.  XV,  1846. 

2^  L'éclipsé  de  i85i  a  été  observée  en  Suède  par  les  An- 
glais, les  Allemands  et  les  Russes;  une  collection  précieuse 
d'observations  a  été  publiée  dans  le  tome  XXI  des  Mémoires 
de  la  Société  astronomique  de  Londres. 

3^  L'Amérique  a  fourni  aussi  son  contingent  :  l'éclipsé  du 
3o  octobre  i853  a  été  observée  par  IMoesta,  celle  du  7  sep- 
tembre i858  par  Gdlis  et  par  les  Brésiliens;  celles  de  i865 
et  de  1867  parle  P.  Cappelletti,  l'astronome  ]Moesta  et  quel- 
ques autres  savants.  Ces  observations  ont  beaucoup  contribué 
à  assurer  la  généralité  de  certains  phénomènes  dont  l'impor- 
tance est  devenue  par  là  beaucoup  plus  grande. 

4**  En  18G0,  les  astronomes  les  plus  habiles  de  l'Europe 
s'étaient  donné  rendez- vous  en  Espagne;  les  oljservations 
nondjreuses  qui  furent  faites,  et  surtout  les  photographies 
{[u'on  obtint  en  deux  points  différents,  font  de  cette  éclipse 
l'une  des  ])his  importantes  et  des  plus  fertiles  en  conclusions. 

j"  Tous  ces  succès  ont  été   surpassés  le    18  août    18G8 


—  304  — 

L'éclipsé  présentait  une  circonstance  des  plus  favorables  dans 
sa  longue  durée,  six  minutes  vingt-cinq  secondes  :  c'est  presque 
la  plus  longue  possible.  C'est  ce  qui  engagea  les  gouverne- 
ments à  faire  des  dépenses  considérables,  et  encouragea  les 
savants  à  affronter  les  fatigues  de  longs  et  rudes  voyages  pour 
aller  s'installer  dans  des  pays  à  peine  civilisés.  Ces  sacrifices 
ont  reçu  leur  légitime  récompense,  comme  nous  le  reconnaî- 
trons bientôt  en  étudiant  les  découvertes  fécondes  qui  en  ont 
été  le  fruit ,  principalement  au  point  de  vue  des  études  spec- 
trales. 

6"  L'éclipsé  du  7  août  1869  fut  observée  dans  l'Amérique 
du  Nord,  surtout  par  les  astronomes  américains,  et  leurs 
observations,  si  remplies  d'intérêt  pour  les  savants,  ont  con- 
firmé et  généralisé  les  découvertes  faites,  en  1860,  à  l'aide 
de  la  pbotograpliie,  et  en  18G8  par  l'analyse  spectrale. 

7°  L'éclipsé  du  2.2.  décembre  1870,  visible  en  Espagne,  en 
Sicile,  en  Afrique  et  sur  une  grande  partie  des  côtes  de  la 
Méditerranée,  devait  rivaliser  avec  celle  de  1 860  par  le  nombre 
des  stations  et  par  la  facilité  avec  laquelle  on  pouvait  les  in- 
staller au  milieu  du  monde  civilisé  •  aussi  organisa-t-on  un 
grand  nombre  d'expéditions.  Les  Italiens  s'établirent  à  Au- 
gusta,  à  Catane,  à  Reggio  en  Calabre.  Les  Anglais  occupèrent 
Syracuse,  Catane,  Augusta,  Cadix,  Oran.  Les  Américains  s'in- 
stallèrent à  Syracuse  et  à  Xérès.  La  France,  malgré  la  guerre 
qui  la  désolait,  envoya  M.  Janssen  en  Afrique,  et  le  savant 
astronome  eut  le  courage  de  sortir  de  Paris  en  ballon,  em- 
portant avec  lui  tous  ses  instruments.  Enfin  les  Portugais  et 
les  Espagnols  devaient  observer  sur  leur  territoire. 

Les  instruments  préparés  étaient  tous  de  premier  ordre  : 
c'étaient  de  grands  équatoriaux  mis  en  mouvement  par  des 
liorloges,  des  spectroscopes,  des  polariscopes ,  de  grands 
appareils  pliotograpbiques,  etc.  Instruments  et  observateurs 


-  30.-;  - 

;i\ aient  r[r  f ransjxirtrs  sur  des  iia\ii-('s  de  «j^ucn-c,  aux  Irais 
(les  (li\<'rs  ij^ouvernomcnts.  Un  i^rand  n()nil)ro  d'amatcuiN 
ôtaicul  Nruiis.  (Ml  outre,  se  partager  les  points  les  plus  ini- 
portauls  de  la  /one  |)riviléo;iéc.  Malheureusement  la  saison 
(Hait  |)eu  propice,  et,  eu  eftet,  une  bourrasque  (pu  euvaliit  la 
Ah'diterranée  an  moment  (h'cisif  ne  j)ermit  rpi'à  ini  petit 
nombre  de  savants  d(^  faire  des  observations  importantes,  et 
encore  ces  ol^servations  furent-elles  peu  sûres,  à  cause  du 
malheureux  état  du  ciel. 

S"^  Cet  échec  fut  lieureusement  réparé  l'année  suivante. 
L'éclipsé  du  12  décembre  1871  fut  visilde  dans  les  Indes,  et, 
malgré  la  grande  distance  qu'il  fallait  franchir,  elle  fut  étu- 
tliée  par  un  grand  nombre  d'habiles  observateurs.  Ces  der- 
niers efforts  furent  coiu'onnés  du  plus  brillant  succès  ;  les 
efforts  des  savants  et  les  dépenses  généreusement  faites  par 
les  gouvernements  de  l'Europe  furent  amplement  récompen- 
sés. Ce  succès  est  d'autant  plus  heur(uix  que  nous  reste- 
l'ons  bien  des  années  sans  avoir  une  occasion  aussi  favo- 
rable ('). 

Dans  cet  exposé,  il  nous  sera  impossible  de  suivre  pas  à 
pas  chacune  des  relations  que  la  science  possède;  nous  en 
tirerons  seulement  ce  qui  sera  utile  à  notre  but,  en  nous 
aj)puvant  principalement,  pour  ce  qui  concerne  les  phéno- 
mènes généraux,  sur  ce  que  nous  avons  observé  nous-méme 
en  18G0  et  en  1870.  En  1860  nous  étions  installé  dans  des 
conditions  très-favorables,  au  Desierto  de  las  Palmas ,  sur  le 


(')  Pendant  que  nous  corrigeons  cette  épreuve,  on  l'ait  les  préparatifs  pour  I  éclipse 
<lu  5-G  ayril  iS^.i,  qui  sera  visible  aux  Indes,  surtout  dans  le  royaume  de  Siani.  Les 
astronomes  partis  pour  les  Indes  afin  d'y  observer  le  passage  de  Venus  attendront 
cette  circonstance  propice,  qui  ne  sera  pas  sans  grand  intérêt,  car  le  Soleil  est  actuel- 
lement dans  un  état  de  calme  comparativement  aux  époques  des  dernières  éclipses, 
dans  lesquelles  les  taches  et  les  protubérances  étaient  bien  plus  nombreuses. 


-  306  — 

soniiiiet  (lu  mont  Saint-Michel,  à  une  hauteur  de  720  mètres 
au-dessus  thi  ni\onu  de  la  mer,  sur  un  pic  isolé  d'où  nous 
découvrions  un  horizon  magnifique  et  très-étendu  ;  le  ciel  y 
était  d'une  pureté  admiraljle  qui  facilita  beaucoup  nos  ob- 
servations. Quant  aux  détails  qui  ne  pourront  pas  trouver 
place  ici,  nous  ren^ errons  le  lecteur  aux  Mémoires  de  notre 
Observatoire  pour  l'année  i86'3  et  aux  autres  publications  de 
l'époque  ;  indiquons  particulièrement  la  belle  description  de 
]M.  de  la  Rue,  que  nous  citerons  souvent,  et  qui  se  trouve  dans 
les  Philosophical  Transactions ,  année  1862. 

Pour  les  éclipses  plus  récentes,  on  consultera  les  Rapports 
des  Américains  publiés  par  ]M.  Sands,  et  les  nombreuses  pu- 
blications des  journaux  scientifiques  de  1871  et  1872. 

Outre  nos  propres  observations,  nous  profiterons  des  com- 
munications orales  qui  nous  ont  été  faites  par  les  nombreux 
savants  avec  qui  nous  avons  été  en  relation  dans  ces  mémo- 
rables circonstances.  Si  nous  agissons  ainsi,  ce  n'est  pas  pour 
satisfaire  le  sentiment  puéril  de  la  vanité  personnelle,  mais 
afin  de  donner  plus  d'autorité  à  nos  paroles  et  plus  de  vérité 
à  nos  descriptions. 


§  II.  —   Phénomènes  généraux  qu'on  observe 
dans  une  éclipse  totale. 

Une  éclipse  ne  commence  à  présenter  un  intérêt  vraiment 
sérieux  qu'à  partir  du  moment  où  le  centre  du  Soleil  est  cou- 
vert par  la  Lune.  La  lumière  commence  alors  à  diminuer 
d'une  manière  très-sensible,  et  lorsque  approche  le  moment 
de  la  totalité  cette  diminution  est  tellement  rapide  qu'elle  a 
quelque  chose  d'effrayant.  Ce  qui  frappe  alors,  ce  n'est  pas  seu- 
lement l'affaiblissement  de  la  lumière,  c'est  surtout  le  chan- 


-  307  - 

gemcnt  de  couleur  (jne  prcsciilc  ut  les  oljjets,  Toiil  il('\ieiit 
triste,  sombre  et  (oniine  iiirn.u  ant.  l.e  paysage  \r  plus  vert 
se  recouvre  d'une  teinte  grise;  dans  les  régions  les  plus  élevées 
et  les  plus  voisines  du  Soleil,  le  ciel  prend  une  coideur  de 
plomb,  tandis  que,  auprès  de  riiorizon,  il  devient  d'un  jaune 
verdàtre.  Le  visage  de  l'homme  présente  une  teinte  cadavé- 
rique, analogue  à  celle  (pic  produit  la  flamme  de  l'alcool  sa- 
turé de  chloruie  de  sodium.  Cette  teinte  jaunâtre,  et  surtout 
l'abaissement  de  la  température,  semblent  accuser  une  dimi- 
nution dans  la  puissance  vitale  de  la  nature. 

En  même  temj)s,  un  silence  général  s'établit  dans  1  atmo- 
sphère :  les  petits  oiseaux  disparaissent,  les  insectes  se  ca- 
chent, tout  semble  présager  un  imminent  et  terrible  désastre. 
On  conçoit  très-bien,  dit  TM.  Forbes,  que  les  populations  igno- 
rantes soient  saisies  d'une  immense  frayeur  en  \oyant  ainsi 
pâlir  l'astre  du  jour,  et  qu'elles  se  figurent  assister  au  com- 
mencement d'une  nuit  éternelle.  L'histoire  nous  fait  connaître 
les  terreurs  qu'éprouvaient,  en  pareille  circonstance,  les 
peuples  de  l'antiquité,  même  les  plus  civilisés  :  telle  fut  l'im- 
pression signalée  par  le  gouverneur  d'Achaie  à  Apollonius 
de  Thyane(').  Le  P.  Faura  nous  dit  que,  pendant  l'éclipsé 
de  1868,  des  Chinois  se  jetèrent  avec  effroi  dans  des  embar- 
cations afin  d'échapper  au  désastre;  ils  ne  furent  pas  même 
rassurés  par  la  présence  des  astronomes  qui  étaient  là  avec 
leurs  instruments  tout  prêts  à  faire  leurs  observations. 

Des  circonstances  secondaires,  qui  n'ont  d'ordinaire  au- 
cime  importance,  contribuent  quelquefois  singulièrement  à 
donner  à  ces  impressions  quelque  chose  de  saisissant.  Ainsi, 
en  1842,  un  nuage  qui  s'épanouissait  à  une  |)etite  distance 


(')  Philostr.vte,   T'ie  d'Apollonius,  liv.  VIII,  chap.  XXIII. 


-   308  — 

du  SoUil  paraissait  aux  yeux  de  INI.  Airy  comme  une  masse 
énorme  se  précipitant  sur  la  Terre  avec  une  rapidité  effrayante. 

Tous  les  observateurs  s'accordent  pour  décrire  ces  émo- 
tions. Nous-méme,  c{uoique  mieux  préparé  que  personne, 
nous  fûmes  saisi  par  un  sentiment  d'oppression  et,  disons-le, 
de  fraveur  involontaire;  il  fallut  toute  la  puissance  de  notre 
volonté  pour  nous  rendre  maître  de  toutes  nos  facultés  à  la 
vue  de  ce  phénomène  imposant. 

Tous  les  savants  nous  parlent  dans  leurs  relations  des  im- 
pressions qu'on  éprouve  en  observant  pour  la  première  fois 
une  éclipse  totale.  Notre  émotion  a  été  moins  grande  la 
seconde  fois,  et  il  nous  semble  avantageux  que,  pour  des  opé- 
rations aussi  délicates,  l'observateur  ne  soit  pas  à  son  coup 
d'essai.  Ces  impressions  dépendent  cependant  beaucoup  des 
circonstances-,  elles  sont  bien  plus  fortes  lorsque  le  ciel  est 
sans  nuage  et  que  rien  ne  vient  détourner  1  attention  de  ce 
phénomène  grandiose. 

Lorsc{ue  l'observateur  est  favorablement  placé,  il  lui  est 
facile  de  suivre  la  marche  de  l'ombre  totale  cjui  s'avance 
comme  un  orage  sombre  et  menaçant.  De  la  hauteur  du  mont 
Saint-Michel ,  nous  vîmes  cette  colonne  noire  envahir  la  plaine 
bien  plus  rapidement  que  ne  peut  le  faire  un  orage,  et  avec 
une  vitesse  analogue  à  celle  d'une  locomotive  lancée  à  toute 
vapeur. 

Le  capitaine  Pistoïa,  à  Augusta,  en  1870,  vit  cette  ombre 
s'avancer  et  traverser  le  ciel  brumeux  avec  la  rapidité  de 
l'éclair.  ]M.  jMarchisio,  du  sommet  du  phare  de  Capo  dell' 
Armi ,  en  Calabre,  la  vit  venir  de  l'Etna  et  traverser  la  mer 
avec  une  étonnante  rapidité.  Il  parait  que  ce  mouvement  est 
plus  frappant  lorsque  le  ciel  est  brumeux,  car  le  bord  du 
cône  d'ombre  est  alors  plus  nettement  tranché. 

C'est  dans  cet  instant  sm^tout  qu'on  est  frappé  par  le  silence 


—  309  — 

solciiiu'l  qui  s'ciiiparr  de  l;i  natiinî  pendant  cette  nuit  mo- 
nienlanée.  Au  Desierto  de  las  Palmas,  en  Espagne,  nous  étions 
entouré  d'une  foule  curieuse  et  bavarde,  dont  les  conversa- 
tions incessantes  nous  avaient  Ijien  contrarié  pendant  tout  le 
jour;  mais,  lorsque  approcha  le  moment  solennel,  tout  devint 
tranquille,  et  nous  pouvions  compter  les  battements  de  notre 
chronomèti'e  aussi  fiicilement  que  nous  l'aurions  pu  faire  à 
minuit  tlans  la  solitude;  d'un  observatoire.  Tous  les  yeux  et 
toutes  les  attentions  étaient  fixés  sur  le  mince  croissant  du 
Soleil  qui  allait  disparaître. 

Dans  ces  derniers  instants,  le  croissant  diminue  avec  une 
rapidité  siu'prenante;  bientôt  il  est  réduit  à  un  mince  filet  ter- 
miné par  des  pointes  très-aiguës;  les  proéminences  du  contour 
lunaire  le  divisent  souvent  en  plusieurs  parties;  enfin  il  dis- 
paraît. 

Aussitôt  la  scène  change  d'inie  manière  subite  et  complète. 
Au  milieu  d'un  ciel  coidein'  de  ])lomb  se  détache  un  disque 
parfaitement  noir,  entouré  d'une  gloire  magnifique  de  rayons 
argentés,  parmi  lesquels  scintillent  des  jets  de  flammes  roses. 
Ce  spectacle  est  à  la  fois  terrible  et  sublime.  Pour  le  faire 
mieux  comprendre,  transcrivons  simplement  la  description 
naïve  des  impressions  que  l'astronome  anglais  Baily  éprouva 
en  1842,  alors  que  les  savants  étaient  moins  familiarisés  avec 
ces  phénomènes. 

«  J'étais,  dit-il,  tout  occupé  à  compter  les  oscillations  de 
mon  chronomètre,  afin  de  saisir  l'instant  précis  de  la  dispa- 
rition totale,  plongé  dans  un  silence  profond  au  milieu  de  la 
foule  qui  se  pressait  dans  les  rues,  siu'  la  place  et  aux  fenêtres 
des  maisons,  et  dont  l'attention  était  tout  entière  absorbée 
par  le  spectacle  qu'elle  contemplait.  Tout  à  coup,  le  dernier 
rayon  disparait,  et  je  suis  assourdi  par  une  explosion  d'ap- 
plaudissements et  de  cris  (ernVrt)  (|ui  éclatent  au  milieu  de 


-  310  — 

cette  immense  miiltitude.  Toutes  mes  fibres  s'électriseiit,  et 
un  frémissement  s'empare  de  moi;  je  regarde  le  Soleil,  et 
je  me  trouve  en  face  du  spectacle  le  plus  ravissant  que  l'ima- 
gination puisse  créer.  L'astre  du  jour  était  remplacé  par  un 
disque  noir,  noir  comme  la  poix ,  environné  d'une  gloire 
brillante  analogue  à  celle  qu'on  représente  autour  de  la  tête 
des  Saints  (y?^.  io6). 

Fig.  io6. 


»  A  cette  vue  je  demeurai  saisi  d'étonnement;  je  perdis 
une  portion  considérable  de  ces  moments  précieux,  et  je  fus 
sur  le  point  d'oublier  le  but  de  mon  voyage.  Je  m'attendais 
bien,  d'après  les  descriptions  que  j'avais  lues,  à  voir  autour 
du  Soleil  une  certaine  lumière,  mais  faible  et  crépusculaire: 
tandis  que  je  voyais  une  auréole  brillante  dont  l'éclat,  très- 
vif  sur  le  bord  du  disque,  diminuait  graduellement  et  dispa- 
raissait à  une  distance  égale  à  peu  près  au  diamètre  de  la 
Lune.  Je  n'avais  rien  prévu  de  semblable. 


-  311  - 

»  Je  fus  l)i<'ii  \ilr  revenu  de  mou  étoiineiiKMit,  et  je  mis  de 
n()U\o;ui  \\vi\  il  ma  lunette,  après  avoir  ôté  le  Ncrre  noir  de 
l'oculaire,  l  ne  nou\elle  surpiise  m'attendait.  La  ronronne 
de  ra^()ns  (|ni  enlonrail  K'  dis(|iie  lunaire  elait  nilerromj)ne 
en  trois  |)oinls  par  d  immenses  flammes  de  couleur  de  ponrpre 
dont  le  diamètre  était  d'eiiNiiDn  -j.  minutes.  jJles  paraissaient 
trancpiilles  et  présentaient  le  même  aspect  (pie  les  sonuuets 
nei^M'ux  des  Alpes  éclairés  par  le  Soleil  couchant.  Il  me  lut 
impossible  de  dislin<;uer  si  ces  (lanuues  étaient  des  nuages  ou 
des  montagnes;  pendant  que  je  cherciiais  à  les  étudier  pour 
en  déterminer  la  nature,  un  ra\  on  de  Soleil  hrille  dans  les 
ténèbres,  vient  revivifier  la  nature,  mais  me  plon^je  dans  cette 
tristesse  qu'éprouve  une  persomie  qui  voit  disparaître  l'objet 
de  ses  vœux  au  moment  où  elle  était  sur  le  point  de  le  sai- 
sir. » 

Quelque  habitude  (pi'on  ait  de  ces  phénomènes,  limpre.s- 
sion  qu'ils  produisent  sur  l'observateur  n'en  est  pas  moins 
\  ive.  Il  est  impossible  de  regarder  avec  hidifférence  ce  disque 
noir  qui  remplace  le  Soleil,  et  l'auréole  argentée  qui  l'envi- 
ronne, étalée  sur  un  ciel  couleur  de  plomb  qui  ne  fait  qu'aug- 
menter le  contraste. 

L'obscurité  qui  règne  au  moment  où  l'éclipsé  est  totale  dé- 
pend beaucou|)  de  l'état  du  ciel.  En  général,  on  peut  la  com- 
parer à  celle  qui  règne  une  demi-heure  ou  trois  quarts  d'heure 
aj)rès  le  coucher  du  Soleil,  lorsqu'on  ne  voit  encore  que  les 
étoiles  les  plus  brillantes;  mais  ordinairement  on  aperçoit 
\  énus  longtemps  avant  le  moment  de  la  totalité.  Par  un  effet 
de  contraste  dû  à  la  disparition  rapide  île  la  lumière,  l'obscu- 
rité parait  plus  grande  qu'elle  ne  l'est  en  effet.  En  général,  on 
peut  lire  un  livre  imprimé  en  gros  caractères,  mais  il  est 
impossible  de  distinguer  nellemenl  la  graduation  des  instru- 
ments et  de  voir  Iheure  sur  une  montre  :  aussi  les  obser\a- 


—  312  — 

leurs  (loiv{Mil-ils  avoir  des  lampes  allumées  pour  lire  les  ehro- 
nomètres  et  les  instruments  gradués. 

La  couronne,  lorsque  le  ciel  est  bien  pur,  a  une  étendue 
égale  au  diamètre  de  la  Lune  ;  mais  elle  ne  brille  d'un  vif 
éclat  que  dans  des  limites  bien  plus  restreintes.  Elle  laisse 
souvent  écliapper  des  rayons  ou  aigrettes  d'une  longueur 
considérable,  dont  nous  ain^ons  occasion  de  parler  plus  tard. 
Les  flammes  rouges  sont  souvent  visibles  à  l'œil  nu,  et,  au 
Desierto,  les  paysans  disaient  que  le  Soleil  avait  du  feu  (el  Sol 
tiene  fuego).  Pendant  l'éclipsé  de  1868,  elles  présentaient 
l'aspect  de  tours  implantées  sur  la  Lune  ;  quelques  observa- 
teurs, par  une  illusion  d'optique,  les  prenaient  pour  des  échan- 
crures  du  disque  lunaire. 

Le  premier  rayon  de  Soleil  fait  disparaître  toute  cette  scène 
magique;  le  Soleil  brille  alors  comme  une  lampe  électrique, 
])rojetant  des  ombres  tranchées,  mais  dont  les  bords  sont 
vacillants;  on  croit  voir  des  ondes  lumineuses  se  propager 
comme  des  bandes  ondoyantes  et  serpentantes.  La  nature 
encore  sombre  semble  reprendre  sa  gaieté  ordinaire,  le  sen- 
timent de  tristesse  qui  s'était  emparé  de  tous  les  spectateurs 
fait  place  à  une  impression  douce  et  joyeuse. 

On  peut,  pendant  quelque  temps,  suivre  la  marche  de 
l'ombre  qui  s'éloigne,  et  du  sommet  du  mont  Saint-Michel 
nous  pûmes  voir  le  cône  sombre  envelopper  d'abord  les  îles 
Columbrètes,  et  se  répandre  ensuite  sur  la  surface  lointaine 
de  la  mer. 

Telle  est  en  peu  de  mots  la  scène  que  présente  une  éclipse 
totale.  Les  descriptions  qu'on  en  a  faites  sont  souvent  exa- 
gérées, mais  cette  exagération  même  est  une  preuve  de  l'im- 
pression profonde  qu'éprouvent  tous  les  spectateurs.  Quoique 
prévenus  par  les  écrits  de  leurs  devanciers,  les  observateurs 
de  la  dernière  éclipse  ont  éprouvé  les  mêmes  émotions  ;  les 


-  313  - 

savants  ont  Ix'aucoup  de  peine  à  (aire  leurs  travaux  et  à  se 
«létaelier  de  la  eouleinplation  passiNc  du  grand  speetaclc  (|ue 
Icui-  oflW'  la  nature,  yi.  de  la  Jluc  nous  disait,  et  il  Ta  imprimé 
<lans  son  Mémoire,  qu'à  la  première  oeeasion  il  se  déplacerait 
Nolonliers  pour  aller  eoiilrmpjcr  nue  autre  éelipse,  mais  en 
simple  am;it<'ur  et  sans  ill^llaMU<'n^s,  afin  de  jouir  à  son  aise 
<les  impressions  (|u"il  a  été  obligé  de  maîtriser  <n  iSOo. 

Terminons  ici  cet  aperçu  général,  et  entrons  dans  la  dis- 
cussion des  détails  scientilicjues  (pii  ont  pour  nos  lecteurs  et 
pour  nous  un  intérêt  tout  particulier. 


^  IH.  —  Phcnimicncs  qui  accompagnent  la  disparition  et  la 
réapparition  du  Soleil  dans  les  éclipses  totales. 

Avant  de  disparaître  complètement,  le  Soleil  se  réduit  d'a- 
bord a  un  mince  croissant  terminé  par  des  pointes  très-aiguës. 
Au  tiernier  moment,  ce  filet  est  souvent  découpé  par  les  som- 
mets des  montagnes  qui  se  trouvent  sur  le  bord  lunaire,  et 
l'on  peut  prévoir  ce  ])liénomène  d'après  la  forme  du  contour 
de  la  Lune  que  l'on  voit  de])uis  longtemps  se  projeter  sur 
le  Soleil.  Si  les  montagnes  sont  nombreuses,  le  fdet  se  brise 
en  donnant  naissance  à  une  foule  de  points  brillants  qui  res- 
semblent à  des  grains  de  chapelet.  Cette  apparence  est  due 
à  plusieurs  causes.  Ell("  dépend  en  partie  d'un  phénomène 
d'irradiation  dont  les  effets  sont  encore  exagérés  par  les  dé- 
lauts  de  la  lunette,  ou  par  l'imperfection  de  la  mise  au  point. 
Entrons  dans  quelques  détails. 

Lorsque  nous  regardons  un  corps  très-lumineux,  il  nous 

parait   toujours  |)lus  grand   qu'il  ne  l'est  réellement.   Ainsi 

éclairons  vivement  luie  carte  découpée  comme  l'indique  I.i 

Jîg.  107  ;   elle  nous   présentera    raj)parence  indiquée    par   la 


-  314  - 

Jig.  io8;  la  partie  blanche  paraît  dilatée  en  sorte  qu'au  centre 
les  ansfles  qui  se  touchent  réellement  paraissent  détachés  l'un 
de  l'autre. 

Tout  le  monde  connaît  le  phénomène  curieux  de  la  lumière 
cendrée  qui  se  présente  dans  les  premiers  jours  de  la  nou- 
velle Lune;  outre  le  croissant  vivement  éclairé  par  le  Soleil, 
on  distingue  nettement  le  reste  du  disque  faiblement  éclairé  ; 
mais,  par  un  effet  d'irradiation,  le  croissant  semble  appar- 
tenu' à  un  disque  plus  grand  que  celui  de  la  Lune.  Cet  effet 
de  l'irradiation,  très-considérable  à  l'œil  nu,  est  beaucoup  ré- 
duit dans  une  lunette;  mais  il  n'est  jamais  complètement 
détruit. 

Fig.   107.  Fig.  108. 


\%:^ 


On  a  encore  attribué  à  la  même  cause  un  phénomène  im- 
portant qui  rend  difficile  l'observation  du  passage  des  pla- 
nètes sur  le  Soleil.  Supposons  qu'on  cherche  à  déterminer 
l'instant  précis  du  second  contact  intérieur.  La  planète  se  dé- 
tache très-nettement  comme  un  petit  cercle  noir  sur  le  disque 
brillant  du  Soleil.  Elle  est  encore  à  une  certaine  distance  du 
contour,  lorsque  l'observateur  voit  se  former  un  cordon  ou 
ligament  noir  {^fig.  109)  qui  va  en  s'élargissant  de  plus  en 
plus  jusqu'au  moment  où  les  deux  disques  semblent  tangents 
intérieurement.  L'observateur  reste  donc  incertain  du  mo- 
ment précis  où  a  eu  lieu  le  contact,  ne  sachant  s'il  doit  noter 
le  moment  où  s'est  fermé  le  filet  noir  {^fig.  109),  ou  celui  du 
contact  apparent  {Jig.  1 10). 


-  313  - 

Tout  (leviont  facile  à  explicjucr  si  l'on  n'marqiic  que  le 
Soleil,  pa»*  iiii  effet  trirradialioii,  ou  par  quelque  autre  cause 
senihlahie,  doit  nous  paraître  j)lus  «jjraud  qu'il  ne  l'est  en  réa  - 
lité.  Il  est  limité,  non  j)ar  son  contour  apj)areut  ,  mais  par 
un  (  (Mc  le  dnn  plus  petit  diamètre,  que  nous  indiquons  ])ai" 
une  liijjiie  ponctuée.  l,ors(pie  l;i  planète  arrive  à  cette  limite, 
le  contact  a  réellement  lieu,  tous  les  rayons  lumineux  venant 
de  cette  réijion  du  Soleil  sont  intercej)tés,  et  le  fdet  noir  doit 


Fig.    109. 


Fit;.  "0- 


se  former.  Les  mêmes  phénomènes  ont  du  se  produire  en 
.sens  inverse  au  premier  contact  intérieur.  Ainsi  donc,  pour 
les  contacts  intérieurs,  ce  qu'il  faut  observer  avec  soin,  c'est 
à  l'entrée  le  moment  où  le  filet  noir  se  brise,  à  1 1  sortie  celui 
où  il  se  forme.  T.eP.  TIell  a  .soigneusement  remarqué  ces  phé- 
nomènes en  I  7(39,  dans  son  observation  du  passage  de  Vénus: 
il  a  noté  fort  heureusement  l<>s  différentes  époques  où  le  bord 
du  (lisqu<'  jîarut  entamé,  celles  où  se  forma  et  celles  où  se 
brisa  \c  cordon  noir,  ce  qui  a  donné  un  excellent  moyen  de 
déterminer  le  moment  de  l'entrée  réelle.  Les  observations 
du  1'.  Tlell  avaient  été  décriées,  mais  |)Our  des  motifs  étran- 


—  31G  — 

gers  à  la  science.  Les  discussions  de  M.  Littrow  et  de  M.  Faye 
ont  prouvé  qu'elles  sont  exactes,  et  M.  Faye  a  été  jusqu'à 
dire  :  «  Il  nous  sera  difficile  de  faire  mieux  en  1874   »• 

A  l'occasion  du  dernier  passage  qui  a  eu  lieu  le  8-9  dé- 
cembre 1874?  on  a  apporté  la  plus  grande  attention  à  ces 
phénomènes,  mais  les  résultats  ne  sont  pas  encore  assez  con- 
nus pour  que  nous  puissions  donner  ici  ces  conclusions.  Ce- 
pendant, d'après  les  travaux  préliminaires  exécutés  à  l'Ob- 
servatoire de  Paris  et  à  celui  de  Greenwich,  il  paraît  que  ces 
apparences  tiennent  plus  à  des  défauts  de  la  lunette  qu'à  un 
phénomène  d'irradiation.  C'est  ce  qui  explique  que  certains 
observateurs  les  ont  constatées  pendant  c[ue  d'autres  n'ont 
rien  vu  de  semblable  ('). 

Ce  qu'on  observe  pour  les  planètes  se  vérifie  aussi  pour  la 
Lune  pendant  les  éclipses.  Soient  a,  b,  c  ' fig.  r  1 1  )  une  série 


(')  Le  P.  Hell  fait  remarquer  avec  raison  que,  des  quatre  contacts  qui  ont  lieu  au 
passage  d'une  planète  sur  le  Soleil,  on  ne  peut  utiliser  que  les  deux  qui  ont  lieu  à 
l'intérieur  du  disque  solaire.  Dans  les  deux  autres  ,  comme  on  ne  voit  pas  la  pla- 
nète, on  ne  peut  apprécier  le  contact  qu'après  qu'il  a  eu  réellement  lieu,  !^ous  avions 
annoncé  que  pour  les  prochains  passages  on  pourrait  aussi  tirer  parti  des  deux  con- 
tacts extérieurs,  en  employant  la  combinaison  hélioscopique  spectrale  que  nous  avons 
indiquée  précédemment.  Avec  cette  combinaison,  on  voit  la  chromosphère  rouge  qui 
entoure  le  Soleil  et  l'image  directe  du  Soleil,  et  l'on  pourrait  profiter  du  moment  oii 
la  planète  entame  cette  couche  rose  pour  préparer  l'observation  et  prendre  avec  préci- 
sion l'instant  exact  du  contact  avec  le  bord  solaire.  En  employant  ce  procédé,  nous 
avons  pu  voir  la  Lune  avant  qu'elle  entrât  sur  le  disque  du  Soleil  dans  l'éclipsc 
du  2j  mai  18/3. 

Quelle  que  soit  la  perfection  des  lunettes  que  l'on  construit  actuellement,  le  phé- 
nomène des  grains  de  chapelet  qu'on  observe  dans  les  éclipses  semble  prouver  qu'elles 
donnent  au  disque  solaire  un  diamètre  exagéré.  Il  est  maintenant  prouvé  que  l'hélio- 
scope  spectral  permet  d'éviter  ce  grave  inconvénient,  et  il  y  aurait  alors  un  double 
avantage  à  l'employer.  Rappelons  que  ce  système  est  différent  de  celui  qu'on  avait 
proposé  avant  nous;  l'ancien  produit  de  telles  déformations  qu'il  ne  permet  pas 
d'observer  les  bords  du  disque  et  des  taches;  avec  le  nôtre,  au  contraire,  on  peut 
distinguer  les  plus  petits  détails  aussi  bien  qu'avec  un  verre  coloré,  et  le  champ  est 
aussi  grand  qu'on  le  veut. 


-  317  - 


(le  proéniiiKMicr  liinairrs;  lorstjii'cllos  arriveront  au  bord  vé- 
ritable (lu  S()l<'il  iii(li([ii(''  par  la  li^iic  ponctuée,  elles  devront 
former  une  série  de  filets  noirs;  l'anneau  apparent  se  trou- 
vera ainsi  séparé  en  plusieurs  parties,  qui  prendront  facile- 
ment la  loi'me  de  grains  irrégulièrement  ai'rondis,  si  aii\  cir- 
constances ([ue  nous  Nenons  d'indi(juer  \ient  s'ajouter  une 
c(M'taine  imperfection  dans  la  lunette  ou  tlans  la  mise  au  point, 
(les  «crains  sont  bien  connus  sous  le  nom  de  Baily's  heach,  ou 


Fig.  III. 


chapelet  de  BaiK,  du  nom  de  l'astronome  anglais  qui  les  a 
signalés  le  premier. 

Dans  notre  observation  au  Desierto,  nous  avons  ^u  les 
pointes  très-effilées  du  croissant  se  briser,  mais  sans  que  les 
fragments  offrissent  l'apparence  des  grains  de  chapelet  ;  cela 
tient  à  l'absence  de  longues  chaînes  de  montagnes,  mais  aussi 
à  l'excellente  lunette  de  Fraunhofer  que  nous  avons  employée. 
M.  de  la  Rue  a  fait  les  mêmes  remarques,  et  tous  les  observa- 
teurs sont  unanimes  à  reconnaître  que  ces  illusions  diminuent 
beaucoup  lorsqu'on  a  soin  de  mettre  exactement  au  point  en 
faisant  mouvoir  de  temps  en  temps  l'oculaire,  à  cause  des 


-  318  - 

variations  de  la  longueur  locale  des  lunettes,  variations  qui 
sont  dues  aux  changements  de  température.  Elles  sont,  en  par- 
ticulier, très-sensibles  avec  les  tubes  en  métal,  et  il  faut  y  faire 
bien  attention,  surtout  pour  les  photographies. 

Pour  bien  étudier  la  disparition  du  croissant  il  faut  que 
r  oculaire  soit  garni  d'un  verre  gradué  ('  ),  et  l'on  doit  le  tenir 
à  la  main  afin  de  pou^  oir  en  modifier  la  position,  et  l'enlever 
au  dernier  instant.  On  reconnaît  alors  que  la  lumière  est  très- 
faible  auprès  du  bord.  Ainsi,  en  regardant  par  la  partie 
niovenne  de  notre  verre,  nous  aurions  jugé  que  le  Soleil  était 
disparu,  tandis  qu'il  était  encore  très-visible  dans  la  partie  la 
plus  mince.  Deux  ou  trois  secondes  avant  la  disparition  to- 
tale, nous  vîmes  la  couronne  encore  très-pàle,  mais  nette- 
ment formée. 

Le  dernier  filet  lumineux  ne  disparut  pas  avec  cette  instan- 
tanéité qu'on  observe  dans  l'occultation  des  étoiles;  il  dispa- 
mt  graduellement,  et  il  nous  fut  bien  difficile  d'évaluer  la 
fraction  de  seconde.  Au  moment  où  je  jugeai  l'occultation 
complète,  j'enlevai  le  verre  coloré,  mais  il  restait  encore  un 
filet  de  lumière  si  vif,  que  j'en  fus  un  instant  ébloui.  Il  dis- 
parut cependant  assez  vite  pour  que  je  pusse  continuer  mon 
observation,  et  je  le  vis  se  transformer  peu  à  peu  en  un  arc 
de  lumière  rose  terminé  par  une  infinité  de  pointes.  Celles-ci 
furent  éclipsées  à  leur  tour  au  bout  de  six  secondes,  et  alors 
parurent  les  protubérances  ou  flammes  rouges. 

Ces  détails  de  notre  observation  sont  conformes  à  ceux  qui 
ont  été  donnés  antérieurement  par  M.  Airy,  et  plus  tard  par 
le  P.  Cappelletti  et  M.  Stephan.  M.  Airy,  en  18/^2,  était  ac- 
compagné d'un  observateur  qui  regardait  à  l'œil  nu,  et  qui 


(')  Voir  p.  3',. 


('tait  chai'L;**  de  l'aM'i'tir  du  moinnil  on  le  Soleil  serait  sur  le 
|)oiiit  (le  disparaili'c.  Mais,  lors(|U On  lui  donna  le  signal  dent 
ou  liait  convenu,  M.  \ii\  axait  déjà  noté  linstaut  de  la  dis- 
parition :  aussi,  avant  enlexe  le  Ncrre  noir  de  la  lunette,  il 
lut  liappe  par  un  \  il  ra\on  de  lunnere.  MM.  Sieplian  et  lissc- 
land  \  lient  ([iiel(|ue  eliose  de  senii)lal)le  dans  lObserNation 
<pi  ils  tirent  au\  Indes  en  nSdS.  \'oici  counnent  ils  s'ex- 
priment :  '  l.e  lieuxiènie  eontaet  ne  lut  pas  sui\i  d  une  dis- 
parition brusque  de  toute  lumière  ^  ive.  Après  lu  disparition 
du  bord  du  Soleil,  la  Lune  nous  parut  encore  connne  bordée 
d'un  contour  lumineux  [leu  é[)ais,  d  un  ([uart  d<'  ininut(î 
einiron,  d'un  éclat  presque  comparable  à  celui  du  Soleil. 
Cet  anneau  est  tellement  l)rillant  (pTil  peut  induire  en  erreur 
sur  rexistence  véritable  du  contact.    > 

Le  P.  C'appellelti  dit  à  son  tour,  à  propos  de  l  éclipse  cpi  il 
observa  au  Cîliili,  le  2;)  avril  i865  :  «  Pendant  la  totalité,  la 
Lune  était  entourée  d'un  anneau  { anillo)  d'un  quart  de  mi- 
nute environ;  autour  de  c<'t  anneau  se  trouvait  la  couronne  » 

Cet  anneau  a  été  également  signalé  à  Mantawalok  en  1 8G8. 
Xous  avons  observé  les  mêmes  apparences  en  Sicile  pendant 
Téclipse  de  1870;  après  avoir  enlevé  le  verre  noir,  nous  vîmes 
encore  une  lumière  très-vive,  malgré  la  présence  d'un  image 
qui  se  j>récipitait  rapidement  sur  le  Soleil  et  le  couvrit  c[uel- 
ques  secondes  plus  tard. 

Nous  [)ourrions  ajouter  d'auti^es  témoignages,  mais  ceux 
([ue  nous  venons  de  citer  sufiiseiit  pour  montrer  qu'il  v  a 
entre  la  photosplière  et  la  couronne  une  couclie  très-bril- 
lante que  nous  retrouverons  également  dans  les  pbologra- 
pbies. 

Comme  cette  couche  brillante  est  bordée  de  lumière  rose, 
il  est  évident  qu'on  ne  peut  pas  faire  abstraction  de  la  teinte  fin 


—  320  — 

verre  eoldré  qu'on  emploie,  lorsqu'on  veut  comparer  diffé- 
rentes observations,  qu'il  s'agisse  des  éclipses,  du  passage  des 
])lanètes  ou  des  mesures  ordinaires.  Pour  nous  en  assurei", 
nous  avons  mesuré  le  diamètre  du  Soleil  en  employant  suc- 
cessivement un  verre  bleu  et  un  verre  rouge,  et  nous  avons 
trouvé  une  différence  de  deux  secondes  environ. 


Firr.   i  i: 


Pour  résoudre  complètement  cette  question,  nous  avons 
pris  le  diamètre  solaire  avec  le  spectroscope,  soit  avec  notre 
système  de  prisme  additionnel  placé  en  avant  de  la  fente,  soit 
avec  le  spectroscope  ordinaire.  Nous  l'avons  toujours  trouvé 
plus  petit  de  o,5*  à  0,6%  ce  qui  correspond  à  un  arc  de  7  à  1 1". 

Dans  la  dernière  observation  du  passage  de  Vénus,  M.  Tac- 
cliini  a  confirmé  d'une  manière  éclatante  le  résultat  de  nos 
observations.  En  observant  au  spectroscope,  il  a  noté  la 
sortie  de  la  planète  deux  minutes  plus  tôt  que  les  autres  ob- 


-  321   - 

servatclirs  (jiii  cniplox .tient  les  mctliodcs  ordinaires  11  y  a 
donc  une  dllfércnce  cc)nsidéral)Ic  dans  la  valeur  quo  l'on 
trouve  pour  \c  diamètro  solaire,  suivant  qu'on  observe  avee 
une  lunette  ordinaire  ou  avee  un  speetroseope.  Deux  éclipses 
ont  été  observées  au  speetroseope,  l'une  par  M.  Lorenzoni, 
l'autre  par  nous;  dans  les  deux  cas,  il  v  eut  un  retai'd  pour  le 
eoninieneenient  d»'  Teelipse,  tandis  (pie  la  fin  fut  avancée  : 
le  diamètre  solaire  parait  donc  pins  petit  lorsqu'on  observe 
au  spcvtroscope. 

De  tout  ce  que  nous  xcnons  de  dire  il  résulte  que  le  Soleil 
n'est  pas  limité  par  un  contour  géométrique  nettement  dé- 
fini ;  sur  ses  bords  il  y  a  luie  région  où  la  lumière  s'éteint 
rapidement,  mais  graduellement,  et  cette  région  a  une  éten- 
due de  quelques  secondes,  comme  nous  le  constaterons  en- 
core par  la  photographie.  Le  speetroseope  nous  apprend 
qu'une  portion  de  cette  bande  appartient  à  la  chromosphère, 
et  que  la  photosphère  a  un  diamètre  notablement  plus  petit. 

A  la  réapparition  du  Soleil,  les  phénomènes  se  reprodui- 
sent en  sens  inverse;  mais  quelques-uns  d'entre  eux  sont 
alors  plus  faciles  à  saisir,  l'œil  n'étant  plus,  comme  au  com- 
mencement, ébloui  par  la  lumière.  Par  exemple,  on  distingue 
plus  nettement  le  bord  dentelé,  de  couleur  rose,  qui  environne 
le  disque;  on  peut  même  continuer  à  voir  les  protubérances 
et  la  couronne  quelques  instants  après  la  réapparition  du  So- 
leil. En  1860,  M.  de  la  Rue  put  voir  une  protubérance  avant 
la  totalité,  en  regardant  le  Soleil  par  réflexion  sur  une  glace 
non  étnniée  :  M.  Bruhns  en  vit  une  deux  minutes  après  que 
l'éclipsé  eut  cessé  d'être  totale,  et  les  mêmes  phénomènes  ont 
été  observés  depuis  en  différentes  occasions.  D'ordinaire, 
cependant,  les  protubérances  ont  une  lumière  beaucoup  plus 
faible  que  celle  de  l'enveloppe  rose,  car  elles  ne  deviennent 
visibles  que  quand  celle-ci  est  éclipsée. 

1.  ai 


—  322  — 

JSous  parlerons  plus  tard  de  la  nature  et  des  formes  des 
protubérances;  qu'il  nous  suffise,  pour  le  moment,  de  si- 
gnaler une  illusion  d'optique  qui  s'est  produite  assez  souvent, 
et  dans  laquelle  l'imagination  joue  un  grand  rôle.  Comme  le 
mouvement  de  la  Lune  dévoile  successivement  chacune  de 
ces  flammes,  plusieurs  observateurs  ont  cru  qu'elles  se 
formaient  en  effet  sous  leurs  veux.  Nous  savons  maintenant 
que  les  protubérances  existent  indépendamment  de  l'éclipsé  : 
l'obscurité  ne  fait  que  les  rendre  visibles. 

Un  peu  avant  la  fin  de  la  totalité,  la  couronne  devient  gé- 
néralement plus  vive  dans  la  partie  du  Soleil  qui  est  sur  le 
point  de  reparaître,  et  l'on  voit  se  former  un  arc  rose,  d'une 
étendue  considérable,  embrassant  à  peu  près  un  sixième  du 
contour  solaire.  Schumacher  le  vit  avec  une  étendue  de  90  de- 
grés; le  P.  Cappelletti  n'en  vit  qu'une  longueur  de  5o  à  60  de- 
grés. Cette  étendue  dépend  de  la  différence  des  diamètres 
apparents  de  la  Lune  et  du  Soleil  ;  lorsqu'on  la  connaît,  on 
peut  calculer  la  hauteur  de  la  couche  rose,  et  c'est  ainsi  qu'on 
l'a  évaluée  à  i5  ou  20  secondes.  En  Espagne  cet  arc  occu- 
pait une  étendue  de  60  degrés.  Comme  j'observais  sans 
verre  coloré,  il  arriva  un  moment  où  la  lumière  devint  trop 
vive;  je  retirai  l'œil  de  la  lunette,  et  en  ce  moment  même 
le  Soleil  apparut;  il  brillait  au  milieu  du  ciel  comme  une 
lampe  électrique.  La  couronne  fut  encore  visible  pendant 
^ingt-cinq  secondes,  et  même,  en  cachant  avec  la  main  la 
partie  brillante,  je  pus  la  distinguer  pendant  quarante-cinq 
secondes  (').Les  ombres  étaient  parfaitement  tranchées,  mais 
vacillantes. 


{')  Ces  données  pourraient  servir  à  évaluer  le  pouvoir  éclairant  de  la  couronne; 
car,  au  moment  où  elle  disparaît,  son  intensité  lumineuse  est  égale  à  celle  du  faisceau 
de  rayons  qui  part  du  Soleil. 


-    323  - 

Il  iiii|)()i'i('  (le  i'('mar(|iit  T  (|ii  asaiil  la  réapparition  du  Soleil 
rcclal  (If  la  linnicrc  inc  Jorca  a  rclircr  I  iril  de  la  limcllc  ;  cet 
éclat  lie  j)ro\('iiait  pas  du  i)()i"(l  du  Soleil  liii-nicuK',  mais  scii- 
Icnient  de  celte  eoiielie  tres-hrillaiite  (jui  se  trouve  iinnié- 
diatenient  au-dessus  de  la  pliotos|)lK're.  Ce  fait  et  une  foule 
d  autres  ol)ser\ations  moiitriMil  (|U  a  1  i  lin  comme  au  lom- 
mencemeut  on  rem;ii'(jne  une  i^i'adalion  rapide,  mais  sensible, 
de  II  Unniere  entre  la  couche  rose  el  la  photosphère. 


^  l\  .  —  Phénomènes  physiques  observés  pendant  la  totalité. 

L'occultation  du  Soleil  est  toujours  accompagnée  d'un 
abaissement  sensible  de  température  et  d'une  foule  d'autres 
phénomènes  qui  sont  très-intéressants  à  étudier. 

lîeaucouj)  d'observateurs  ont  remarqué  de  grandes  oscil- 
lations au  bord  du  Soleil,  au  moment  de  sa  réapparition.  I^e 
P.  Cappellelti  dit  (pi'elles  lui  rappelaient  les  vagues  de  l'O- 
céan au  cap  Tlorn.  La  cause  de  ce  phénomène  se  trouve  cer- 
tainement dans  notre  atmosphère,  et  non  dans  le  Soleil  lui- 
même.  Le  refroidissement  anormal  qu'elle  vient  de  subir 
occasionne  souvent  des  brouillards,  des  nuages,  quelquefois 
même  des  halos,  connne  on  l'a  observé  au  Cliili  {//g.  112). 
Ce  phénomène  s'est  reproduit  à  Augusta,  en  Sicile,  pendant 
l'éclipsé  de  1870.  Les  nuages  placés  à  une  petite  distance  du 
croissant  solaire  et  fortement  illuminés  donnèrent  naissance  à 
de  magnifiques  irisations  dont  la  netteté  allait  en  aus^mentant 
à  mesure  que  le  croissant  devenait  plus  mince.  Les  nuages  irisés 
ne  sont  pas  rares,  même  en  dehors  d(\s  éclipses;  mais  la  i:;ran- 
deur  du  disque  qui  les  éclaire  est  un  obstacle  à  la  netteté  des 
teintes  développées  par  les  interférences.  La  surAice  éclai- 
rante diminuant   a    mesure  cpi'on  s'approche  de  la  totalité, 


—  324  - 

on  se  trouve  dans  dos  conditions  assez  semblables  à  celles 
([n'indique  la  théorie  pour  la  production  de  ces  phénomènes. 
L'arc  irisé  observé  à  Augusta  avait  environ  G  degrés  de  dia- 
mètre ;  la  couleur  rouge  était  à  l'extérieur,  le  bleu  à  l'inté- 
rieur. 

Les  Ijrouillards  et  les  nuages  sont  à  craindre,  surtout  dans 
la  saison  froide,  où  l'air  est  déjà  dans  un  état  voisin  de  la  sa- 
turation ;  peu  de  temps  après  l'occultation,  la  température 

Fig.   ii3. 


-^^t  ji^ZZ..     >j*ft*'  ^p^îi 


s'abaisse  d'une  manière  assez  sensible  pour  c[ue  l'air  soit  sa- 
turé, et  la  vapeur  d'eau  se  précipite  sous  forme  de  brume. 
C'est  ainsi  que  se  produisirent  les  nuages  qui  nous  empêchè- 
rent de  mieux  réussir  les  observations  que  nous  avons  faites 
à  Augusta. 

La  disparition  et  l'apparition  du  Soleil  sont  accompagnées 
d'ombres  vacillantes  et  de  franges  lumineuses  qui  paraissent 
traverser  l'horizon.  Cette  observation  a  été  faite  dans  beau- 
coup d'éclipsés,  mais  surtout  en  1842  et  en  1860.  Tout 
dernièrement,  le  P.  Faura,  à  Mantawalok,  a  cherché  à  re- 
présenter le  phénomène  par  le  dessin  que  nous  reproduisons 
dans  \^fig.  II 3;  mais  il  faut  remarquer  que  ces  lignes  ser- 


-  325  - 

jx'ntaiilcs   n'ont    pas  ivcllcnient    la    régularité  qu'on    leur  a 
donnée  dans  le  dessin. 

Pour  faire  cette  observation,  le  P.  Faura  avait  étendu  sur 
le  sol  une  grande  feuille  de  papier  blanc  sur  laquelle  s(; 
détachaient  les  lignes  ondulées  qu'il  a  essayé  de  reproduire. 
Ces  bandes  ont  été  observées  aussi  dans  les  deux  dernières 
éclipses.  Les  professeurs  Costa  et  Seguenza,  près  de  .Alessine, 
les  virent  courir  sur  un  mur  blanc  :  ils  ont  trouvé  que  le  dessin 
du  P.  Faura  représente  bien  le  phénomène  ;  d'après  leur  éva- 
luation, elles  j)ouvaient  avoir  de  G  à  8  centimètres  de  large. 
M.  Legnazzi,  à  Terranova,  en  Sicile,  vit  les  mêmes  bandes  se 
produire  sous  ses  yeux,  mais  avec  moins  de  régularité.  Du 
haut  du  phare  de  Capo  dell' Armi,  très-près  de  la  ligne  de  la  to- 
talité, -AI.  ]Marchisio  vit  venir  de  l'Etna  l'ombre  lunaire  bordée 
de  franges  ayant  environ  i  mètre  de  largeur  apparente.  On  ob- 
serva le  même  phénomène  à  ^Icssine,  en  dehors  de  la  zone  dv.  la 
totalité,  mais  très-près  de  ses  limites  ;  les  observateurs  éprou- 
vèrent la  même  impression  que  si  l'éclipsé  fût  devenue  totale 
pendant  un  instant,  ce  qui  ne  pouvait  avoir  lieu,  A  Reggio,  en 
Calabre,  dans  la  zone  de  la  totalité,  mais  très-près  du  bord, 
les  ondes  produisirent,  en  passant,  la  même  sensation  que  si 
la  Terre  avait  éprouvé  un  mouvement  d'oscillation  :  hommes 
et  chiens  en  furent  effrayés.  jM.  Escandon,  à  Xérès,  a  vu  les 
bandes  ondulées  traverser  le  spectre  qu'il  observait  en  ce  mo- 
UK'nt.  ]\[.  Oudemans  les  a  observées  dans  la  dernière  éclipse, 
mais  avec  une  forme  différente  de  celle  qui  est  représentée 
dans  le  dessin  du  P.  Faura. 

Quoi  qu'il  en  soit,  tous  les  observateurs  sont  d'accord  sur 
les  points  suivants  :  i°  les  bandes  existent  réellement;  2°  elles 
ont  une  grandeur  apparente  variable,  suivant  la  distance  de 
l'objet  sur  lequel  elles  sont  projetées  ;  3"  elles  sont  animées 
d'un  mouvement  d'oscillation  très-rapide;  4°  tdles  accom- 


-  326  - 

pagiuMit  l'ombre  et  paraissent  principalement  sur  son  con- 
tour; elles  s'inclinent  de  manière  à  être  tangentes  au  point 
(lu  croissant  solaire  qui  disparaît  le  dernier. 

Ces  phénomènes  ont  été  constatés  par  un  assez  grand 
nonil)ro  d'observateurs  pour  qu'on  ne  puisse  pas  douter  de 
1(HU'  existence,  mais  il  est  bien  difficile  d'en  donner  une  ex- 
plication satisfaisante.  On  a  voulu  les  attribuer  à  la  diffrac- 
tion ;  ils  seraient  produits  par  l'interférence  des  rayons  qui 
rasent  le  bord  du  disque  lunaire;  mais  cette  théorie  est  en 
contradiction  avec  les  j)rincipes  de  l'Optique.  D'abord,  pour 
produire  des  bandes  d'interférence,  il  faut  que  le  bord  du 
corps  opaque  (la  Lune  dans  ce  cas)  soit  éclairé  par  un  point 
lumineux  placé  derrière  lui,  tandis  que  le  Soleil  a  un  dia- 
mètre de  2"  degré.  De  plus,  dans  la  diffraction,  on  n'ob- 
serve que  trois  ou  quatre  franges,  régulièrement  colorées, 
dont  l'intensité  va  en  décroissant  depuis  la  première  jusqu'à 
la  dernière.  Ici  rien  de  pareil  :  on  a  compté  jusqu'à  dix, 
douze  et  vingt  franges,  et  généralement  elles  ne  sont  pas 
toutes  colorées. 

Il  n'est  donc  pas  probable  qu'elles  proviennent  d'une  in- 
terférence proprement  dite,  mais  elles  peuvent  bien  résulter, 
comme  la  scintillation  des  étoiles,  d'une  oscillation  des  ravons 
lumineux.  Le  point,  ou  plutôt  la  ligne  ravonnante,  c'est  le 
mince  croissant  du  Soleil.  Les  changements  dans  la  tempéra- 
ture de  1  air  et  les  variations  de  densité  qui  en  résultent  pro- 
duisent un  déplacement  alternatif  des  ravons,  les  renforçant 
en  un  point  pour  les  affaiblir  en  un  autre.  C'est  ainsi  que 
M.  Escandon,  à  Xérès,  a  vu  des  bandes  semblables  se  proje- 
ter sur  un  mur  placé  devant  lui,  pendant  qu'il  tournait  le  dos 
à  une  montagne  placée  à  distance  et  au-dessus  de  laquelle  ap- 
|>araissait  le  Soleil  levant.  Nous  avons  vérifié  en  partie  cette 
observation;  mais  les  bandes  que  nous  avons  aperçues  étaient 


-  327  - 

loin  (laNoir  le  parallélisme  i"ei;iiliei'  (jiroii  attriljiie  à  celles 
des  éclipses.  Cette  irrégularité  peut  cepentlant  tenir  aux  con- 
ditions atinosj)héri(|ues,  et  si  le  phénomène  a  été  si  saillant 
en  Sicile  pendant  1  éclipse  de  iH^o,  il  faut  peut-être  l'attrihuer 
à  la  grande  agitation  de  l'air  causée  par  le  violent  orage  qui 
lontlit  sur  ll-tna.  Les  bandes  \ues  a  lia\ei's  le  spectre  solaire 
semblent  eonllrmer  cette  explication,  car  elles  étaient  sem- 
blables à  celles  ([ui  traversent  les  spe(  li<'s  stellaires  auprès  d(î 
l'horizon. 

Ces  Iranges  sont  [)lus  Irappanles  et  plus  laciles  à  observei' 
près  des  bords  de  la  zone  où  l'éclipsé  est  totale,  et  même  en 
dehors  de  ses  limites.  C'est  que,  dans  ces  régions,  le  crois- 
sant solaire  conserve  plus  longtemps  une  faible  épaisseur, 
tandis  que  dans  les  régions  centrales  de  la  totalité  cet  état 
ne  dure  qu'un  instant. 

Quoique  cette  explication  nous  paraisse  exacte,  nous  at- 
tendrons cependant,  pour  nous  faire  une  opinion  définitive, 
(ju'on  nous  donne  des  descriptions  plus  précises  que  celles 
([ui  ont  été  faites  jusqu'à  présent,  et  c'est  pour  cela  que  nous 
attirons  sur  ce  point  l'attention  des  observateurs. 

Nous  avons  déjà  dit  qu'on  voit  l'ombre  de  la  Lune  s'avan- 
cer à  la  surface  de  la  Terre.  Nous  avons  rapporté  les  obser- 
vations de  Forbes  et  de  M.  Marchisio.  Le  capitaine  Pisloia, 
qui  observait  l'éclipsé  de  iSjo  sur  la  citadelle  d'Augusta, 
nous  a  donné  la  description  suivante  :  Lorsque  le  Soleil  s'é- 
clipsa complètement,  on  aperçut  dans  le  ciel  une  bande  ob- 
scure dirigée  du  sud-ouest  au  nord-est;  on  la  vit  disparaître 
rapidement  :  sa  teinte  était  sombre,  mal  terminée  sur  les  bords 
et  comme  estompée  isfumata)^  de  sorte  que,  dans  la  direction 
du  nord-ouest  au  sud-est,  le  ciel  présentait  cet  aspect  froid 
et  jaunâtre  qu'on  observe  en  \\\\vv  au  coucher  du  Soleil. 
Cette  bande  s'avança  rapidement  au-dessus  de  la  tète  de  l'ob- 


328  — 


servateur  vers  le  nord-est.  Avant  l'apparition  du  Soleil,  on 
vit  à  l'angle  sud-ouest  paraître  une  espèce  d'aurore  ;  la  bande 
sombre  avait  alors  l'aspect  représenté  dans  Isi  Jîg.  ii4  "•  il 


Fij.  114. 


parait  qu'un  ciel  brumeux  et  voilé  est  plus  propre  y  faire 
remarquer  ce  phénomène 


Fig.   II 5. 


Il  est  facile  de  se  rendre  compte  de  cet  aspect  crépuscu- 
laire. Pendant  l'éclipsé,  l'observateur  est  éclairé,  non-seule- 
ment par  la  couronne,  mais  aussi  par  la  lumière  qui  illumine 
au  loin  l'horizon.  Supposons  que  le  Soleil  soit  au  zénith  au 
points  [fig.  II 5),  o  étant  la  position  de  l'observateur.  Me- 


-  329  - 

lions  une  lion/oiilalc  (jiii  l'ciuoiilrcra  en  II  les  limites  de  l'at- 
nK)S[)licrc;  le  i-a\(»iio//  de  lOmln'c  lunaire,  vu  du  centre  C  de 
la  Terre,  ne  sous-lend  j^uere  ([u  un  ant;le  de  i  dcf^rc,  même 
dans  une  éclipse  de  six  minutes  de  durée,  tandis  que  la  lon- 
gueur oll  sous-tend  au  moins  7  degrés.  Donc,  au  point  o, 
l'observateur  sera  éclaire  paila  partie  de  1  atmosphère  située 
au  dessus  de  //Il  ;  mais  cette  lumién;  sera  nécessairement  très- 
faihle,  car  elle  provient  d'une  partie  assez  restreinte  du 
Soleil,  et,  de  plus,  elle  tondje  sur  une  région  élevée  et,  par 
consecpient ,  raréfiée  de  Tatmosplière.  De  là  cette  coloration 
jaune  que  présente  l'iiorizon  :  c'est  qu'il  est  éclairé  seule- 
ment par  les  bords  tlu  Soleil,  dont  la  teinte,  ainsi  que  nous 
l'avons  vu  précédemment,  est  d'un  jaune  fuligineux. 

Le  capitaine  lîuffa  a  mis  eu  évidence  cette  teinte  jaune  par 
une  expérience  intéressante.  U  exposa  en  plein  air  une  bande 
de  papier  sur  laquelle  étaient  peintes  les  couleurs  du  spectre 
solaire;  à  mesure  que  le  Soleil  s'éclipsait,  il  vit  disparaître 
progressivement  les  couleurs  les  plus  réfrangibles  ;  quelques 
instants  avant  la  totalité,  le  violet,  l'indigo  et  le  bleu  étaient 
devenus  invisibles,  tandis  que  les  autres  couleurs  étaient  voi- 
lées par  inie  teinte  sombre.  Il  arriva  au  même  résultat  avec 
des  étoffes  jjleues  et  jaunes  :  les  premières  étaient  presque 
invisibles,  tandis  que  les  autres  étaient  simplement  voilées. 
La  même  chose  arrive  au  coucher  du  Soleil,  car  on  voit  alors 
le  violet  et  le  bleu  disparaître  avant  les  autres  couleurs.  Tous 
ces  phénomènes  s'expliquent  facilement  par  la  théorie  que 
nous  venons  d'exposer. 


—  330 


CHAPITRE  IL 


DE   LA   COURONiNE. 


§  I.  —  Apparences  générales. 

Le  phénomène  qui  frappe  le  plus,  lorsqu'on  observe  une 
éclipse  à  l'œil  nu,  c'est  l'auréole  brillante  qui  entoure  la 
Lune  et  qui  a  reçu  le  nom  de  couronne.  Les  anciens  l'avaient 
remarquée,  et  ils  en  avaient  conclu  que  l'éclipsé  n'est  jamais 
totale.  Nous  lisons  dans  Plutarque  le  passage  suivant  :  «  La 
((  Lime,  encore  que  quelquefois  elle  cache  tout  le  Soleil,  elle 
«  (Téclipse)  ne  dure  pas  tant  de  temps,  ni  n'a  pas  telle  lar- 
'(  geur,  ains  apparaît  toujours  autour  de  sa  circonférence 
c  quelque  lueur,  qui  ne  permet  pas  que  les  ténèbres  soient 
«   bien  noires  et  profondes  et  parfaitement  obscures  (' ).  » 

Les  observateurs  la  mentionnent  toujours  comme  un  phé- 
nomène extraordinaire  et  constatant  avec  certitude  l'existence 
d'une  atmosphère  lunaire  ;  mais  nous  sommes  certains  main- 
tenant qu'il  faut  en  chercher  la  cause  dans  le  Soleil  lui- 
même. 

L'observation  la  plus  ancienne  où  l'on  trouve  ce  phéno- 
mène décrit  avec  quelques  détails  remonte  à  l'année  1239; 
elle  est  citée  par  Muratori  [Ann.  Re.  ItaL,  t.  XIV,  col.  1097). 
Le  chroniqueur  dit  qu'on  vit  un  cercle  autour  du  Soleil,  avec 


(')  Opéra  mornlia.  De  facie  in  orbe  Lunœ.  Tratluclion  d'Ainyot 


-  331  - 

un  Iroii  ciiflimiiiK'  dans  la  partie  inlcriciire  ('  \  Il  s'a<:;it  sans 
<lontc  (rniic  j)rolul)('raucc.  (.lasiiis  r()l)S('r\a  aussi  à  C.oïinhi'c 
le  ■>  [  aoiit  1 '»()(),  et  il  eu  parle  avec  siii'prisc. 

La  première  dcsc  rijition  laite  d'une  mauieic  scieiihfiquc 
est  due  à  Wassenius,  ([ui  ohserxa  le  .>  mai  17V);  il  remaivjua 
ou  même  temps  les  llauuues  rnui^es  (pie  uous  apj)el()us  main- 
tenant N's  protubéranees,  et  les  regarda  eomme  des  images 
flottant  dans  l'atmosplière  de  la  T.iuie.  A  partir  de  cette 
époque,  tous  les  observateurs  sont  d'accord  dans  leurs  des- 
crij)tions.  C'est  toujours  une  auréole  formée  de  rayons  diver- 
gents ;  ces  ravons  partent  d  un  anneau  qui  environne  la 
Lune,  ilnul  l'éclat  tivs-Nif,  d'un  blanc  argentin  ou  nacré,  s'é- 
tend a  une  distance  variable  avec  les  circonstances  atmosphé- 
ritpies,  mais  ordinairement  égale  au  diamètre  lunaire. 

On  a  essavé  d'évaluer  l'intensité  lumineuse  de  la  couronne, 
mais  les  résultats  obtenus  sont  très-différents  les  uns  des 
autres.  C'est  qu'en  effet  il  est  bien  difficile  de  faire  une  sem- 
blable é^alllati()n ,  à  cause  des  variations  extraordinaires  et 
exceptionnelles  que  présente  la  lumière  dans  une  éclipse.  Ce 
qui  est  certain,  comme  nous  l'îivons  déjà  noté,  c'est  qu'en 
1 8G0  nous  avons  pu  distinguer  la  couronne  quarante  secondes 
après  la  réapparition  du  Soleil.  On  peut  même,  sinon  lavoir, 
au  moins  constater  son  existence  pendant  un  temps  beaucoup 
plus  (  onsidérable,  six  ou  sept  minutes  en\iron  avant  et  après 
la  totalité.  Kn  effet,  si  l'on  j)rojette  sur  un  écran  l'image  du 
Soleil,  on  voit  qu'en  dehors  du  disfjue  solaire  on  distingue 
encore  nettement  la  silhouette  de  la  Lune  jusqu'à  une  dis- 
tance considérable.  Cela  tient  à  ce  que  le  disque  lunaire 
tranche  par  son  obscurité  complète  sur  la  région  voisine  du 
vSoleil  où  se  développe  l'auréole, 

(')    Qnoddam  foranion  erat  ijiiitum  iii  rirculo  Solis  ex  parte  inlVrioii. 


-  332  — 

D'après  notre  évaluation ,  le  pouvoir  éclairant  de  la  cou- 
ronne ne  doit  pas  être  inférieur  à  celui  que  possède  la  pleine 
Lune  dans  les  circonstances  les  plus  favorables,  par  exemple 
en  hiver,  lorsqu'elle  est  pleine  et  très-près  du  zénith.  En  effet, 
l'éclat  de  la  Lune  permet  de  voir  les  étoiles  de  première  et 
même  de  seconde  grandeur,  tandis  que  pendant  les  éclipses 
on  distingue  à  peine  les  plus  brillantes.  Ce  qui  fait  alors  pa- 
raître les  ténèbres  si  affreuses,  c'est  la  rapidité  avec  laquelle 
elles  se  produisent. 

Il  ne  faut  cependant  pas  oublier  que,  pendant  la  totalité, 
l'observateur  est  éclairé ,  non-seulement  par  la  couronne, 
mais  par  la  lumière  qui  provient  des  parties  lointaines  de 
l'air  a tmosphérique . 

L'éclat  de  la  couronne  dépend  beaucoup  de  l'état  de  l'atmo- 
sphère. Sous  le  beau  ciel  des  Indes,  pendant  l'éclipsé  de  1868, 
sa  lumière  était  très-belle,  et  à  sa  clarté  on  pouvait  facilement 
lire  des  caractères  de  moyenne  grandeur.  En  1842,  pendant 
que  Baily  observait  à  Paris  une  couronne  très-brillante,  M.  Airy 
la  voyait  très-paie  à  Turin,  où  le  ciel  était  brumeux.  En  i85i , 
à  Gottembourg,  en  Suède,  elle  était  très-belle,  tandis  qu'à 
Lilla-Edet,  en  Suède  également,  elle  était  faible  et  peu  étendue. 

Plusieurs  savants,  entre  autres  M.  Janssen  dans  son  expé- 
dition de  18'ji  aux  Indes,  ont  été  si  frappés  du  brillant  éclat 
de  la  couronne,  qu'ils  ont  cru  devoir  en  conclure  que  la  cause 
de  ce  phénomène  est  certainement  dans  le  Soleil.  Il  n'y  a  là 
rien  qui  doive  surprendre  les  personnes  qui  ont  été  comme 
nous  témoins  de  ce  spectacle  sous  le  beau  ciel  de  l'Espagne. 

A  part  ces  différences,  dues  à  la  transparence  de  l'air,  on 
peut  toujours  distinguer  dans  la  couronne  trois  régions  bien 
définies,  quoique  les  lignes  de  séparation  ne  soient  pas  nette- 
ment tranchées.  La  première  est  une  zone  très-vive  ayant 
3  ou  4  minutes  de  largeur,  possédant  la  couleur  et  l'éclat  de 


—  333 


l'argoiil.  \iitniir  (1(>  celle  ^wenùvvc  zoiu^  s'en  trouve  imo  se- 
conde dont  la  luiiiirrc  pi'ésciite  une  gradation  tics  rajjidc,  et 
dont  le  l)ord  ovtciicur  se  confond  avec  le  ciel.  Enfin  de   la 


\\r>. 


première  partent  un  certain  nombre  d'aigrettes  lumineuses, 
composées  de  lignes  brillantes  entrelacées,  et  dont  la  lon- 
gueur, variable  suivant  les  circonstances,  atteint  quelquefois 
le  double  du  diamètre  de  la  Lune. 

Jj-\/ig.  I  iG  montre  l'aspect  de  la  couronne  telle  que  nous 


-  334  — 

l'avons  observée  au  Desierto  de  las  Palmas,  en  18G0  ;  mais  cet 
aspect  est  loin  d'être  constant  dans  une  même  éclipse,  et  il 
varie  encore  beaucoup  plus  d'une  éclipse  à  l'autre.  Il  suffit, 
pour  s'en  convaincre,  de  comparer  ce  dessin  à  celui  de 
Baily  {fig-  loG;  et  à  celui  du  P.  Cappelleti  [Jig.  112).  Nous 
en  verrons  d'ailleurs  d'autres  exemples. 

Fig.  117. 


Dans  les  éclipses  postérieures,  on  a  fait  une  attention  parti- 
culière à  ces  apparences,  afin  d'en  découvrir  la  cause.  Dans 
les  observations  faites,  en  1869,  aux  Etats-Unis,  la  plupart 
des  dessins  donnés  par  les  différents  astronomes  peuvent  se 
ramener  à  un  tvpe  commun,  dont  ils  s'écartent  fort  peu  :  c'est 
une  espèce  de  carré  grossièrement  ébauché,  ayant  des  aigrettes 
aux  angles.  ha.Jig.  1 1 7  présente  la  forme  observée  par  ]M.  East- 
man, à  Des  Moines.  ]M.  Gould,  à  Burlington,  observa  d'abord 
une  forme  semblable;  mais,  deux  minutes  plus  tard,  il  la 
trouva  singulièrement  modifiée. 


-  335  - 

Dans  les  fipjiires  prérédcntcs,  la  zone  brillante  qui  cntouro 
inniic'diatcnioiit  le  discuic  de  la  Liiiic  possède  une  largeur  assez 
considérable.  Il  n'en  fut  pas  de  même  en  Sicile,  en  i.S-o  : 
cette  partie  ainiulaii-e  était  très-étroile,  de  sorte  (pie  les  ra\ons 
send)laieiil  partir  chi  Iiord  même  de  la  Lune.  La  fig.  \  iS  re- 

Fiff.  II 8. 


produit  le  dessin  exécuté  par  M.  Taccbini,  d'après  l'obser- 
vation qu'il  fit  à  Terranova.  Ce  dessin  est  assez  d'accord  avec 
la  description  donnée  par  le  P.  Serpieri.  Les  rayons  sont  nom- 
breux, nettement  détaches  les  uns  des  autres,  situés  sur  le 
j)rolongement  du  diamètre  de  la  Lune;  ils  vont  en  se  rétré- 
cissant, à  leur  extrémité,  en  forme  de  pointe.  jNIais  il  y  eut, 
pour  cette  éclipse,  une  grande  variété  de  dessins,  et  les  diffé- 
rences furent  si  grandes,  qu'on  fut  conduit  à  se  demander  si 


-  336  - 

les  apparences  décrites  et  représentées  par  les  différents  ob- 
servateurs ne  dépendaient  pas  de  la  structure  et  de  la  dispo- 
sition particulières  de  leurs  yeux.  Rappelons  cependant  que  le 
ciel  était  très-troublé  et  le  Soleil  assez  peu  élevé  au-dessus  de 
l'horizon  ;  par  conséquent,  si  les  apparences  n'étaient  pas  les 
mêmes,  il  faut  en  chercher  la  cause  dans  notre  atmosphère. 
Dans  l'éclipsé  observée  aux  Indes  en  1 8  j  i ,  il  y  a  plus  de  res- 
semblance entre  les  différents  résultats,  et  les  principaux 
rayons,  situés  sur  le  prolongement  du  diamètre,  ont  été  ^als 
])ar  plusieurs  observateurs  dans  les  mêmes  positions  avec  les 
mêmes  formes. 

Lorsqu'on  fait  ces  observations  à  la  hâte  et  à  l'œil  nu,  il  est 
difficile  qu'elles  soient  parfaites.  Si  l'on  se  sert  de  lunettes, 
les  résultats  obtenus  par  plusieurs  observateurs  pourront  être 
très-différents  les  uns  des  autres.  Si  l'on  emploie  un  fort  gros- 
sissement, la  couronne  paraîtra  beaucoup  moins  large,  com- 
posée d'un  simple  anneau  étroit,  diffus  et  sans  rayons 
(Maclear).  Pour  avoir  une  idée  exacte  de  ce  phénomène,  on 
doit  l'observer  avec  une  lunette  ayant  un  champ  considérable 
et  un  faible  pouvoir  amj^lifiant. 

Nous  ne  pouvons  reproduire  ici  tous  les  dessins  que  pos- 
sède la  science  ;  mais  nous  ne  pouvons  laisser  de  côté  celui 
que  M.  Liais  a  fait  au  Brésil.  Il  nous  a  paru  très-bizarre  au 
premier  abord,  mais  très-intéressant,  comme  nous  le  verrons 
bientôt.  On  v  remarque  [fig-  1 1  9)  quatre  feuilles  principales, 
presque  normales  au  bord  du  disque  lunaire.  Quelques  au- 
tres, moins  importantes,  sont  inclinées  et  accompagnées  de 
nuages  suspendus  entre  les  rayons.  Le  P.  Serpieri  parle  de 
quatre  coupes  renversées,  observées  dans  l'éclipsé  de  i8yo,  et 
dont  la  forme  rappelle  celle  de  ces  feuilles.  Le  dessin  de 
M.  Liais  présente  au  premier  abord  un  aspect  étrange,  mais 
nous  verrons  bientôt  qu'il  a  un  mérite  singulier. 


337  — 


3  ÏI.  —  Difjèrenlds  rci^ions  (li)n(  se  compose  la  couronne. 

La  prciuirrc  et  la  plus  vive  de  ces  i-(''j4i()iis,  c'est  raniicaii 
brillant  ([ui  se  troiixc  iinincdialciiiciil  en  ( onlact  am'v  la  plio- 
tosplicrc,    <'t   la  malicrc  rose  paiail   rire  en  Misixiisioii  dans 


cette  couche  elle-même.  Son  éclat  est  tellement  viF,  qu'il  peut 
occasionner  des  doutes  sur  le  moment  précis  de  la  totalité 
I  Cappelletli,  Stéphan,  Tisserand,  etc.).  Lorsque  les  circon- 
stances atmosphériques  sont  favorables,  cet  anneau,  quoique 
très-affaibli,  possède  encore  im  éclat  remarquable.  On  peut 
évahier  sa  largeur  à  i5  ou  20  secondes. 


—  338  — 

Autour  (le  cette  première  couehe,  et  eu  contaet  immédiat 
avec  elle,  se  trouve  uue  autre  régiou  oii  la  lumière  est  encore 
assez  vive,  dans  laquelle  se  produisent  les  protubérances,  et 
(|ui  s'étend  jusqu'à  une  distance  de  [\  ou  5  minutes.  Elle  est 
(l'un  blanc  d'argent,  et  tellement  brillante,  qu'elle  présente 
un  aspect  nacré.  Quelques  observateurs  parlent  de  couches  de 
lumière;  mais  cette  expression  n'est  pas  exacte,  car  l'intensité 
lumineuse  varie  par  gradation  insensible,  sans  qu'on  puisse 
assigner  de  limite  précise  entre  les  différentes  couches. 

La  couronne  est  parfaitement  concentrique  au  Soleil;  les 
r.pparences  cpi'elle  présente  pendant  l'éclipsé  ne  permettent 
pas  d'en  douter,  car  elle  est  beaucoup  plus  brillante  dans  la 
partie  où  le  Soleil  est  plus  voisin  du  bord  lunaire.  On  ne  peut 
donc  plus  l'attribuer  à  l'atmosphère  de  la  Lune,  et  il  faut 
nécessairement  la  regarder  comme  appartenant  au  Soleil. 

Au-dessus  de  cette  région  commence  l'auréole  proprement 
dite;  elle  est  souvent  irrégulière,  et  son  contour,  loin  d'être 
uniforme,  comme  on  l'avait  supposé  (^l'abord,  présente  sou- 
vent des  inégalités  et  quelquefois  même  des  cavités  très- pro- 
fondes .  Plusieurs  observateurs  avaient  déjà  fait  cette  remarque , 
et  surtout  Gillis  en  Amérique,  où  il  étudia  l'éclipsé  de  i858. 
Les  parties  les  plus  brillantes  correspondent  en  général  au 
voisinage  des  protubérances  et  à  la  base  des  aigrettes.  En  iS'yo 
et  en  1871,  on  a  observé  dans  certains  endroits  des  cavités 
très -profondes,  des  espèces  d'interruptions  qui  arrivaient 
presque  jusqu'au  Ijord  du  disque  lunaire  ;  c'est  ce  que  les 
Anglais  appellent  rifts  :  leiu-  position  a  été  déterminée  avec 
assez  d'exactitude  par  les  observations  optiques  et  surtout 
par  les  photographies.  On  les  trouvera  représentées  dans  les 
dessins  que  nous  reproduisons  un  peu  plus  loin. 

On  ne  peut  pas  beaucoup  compter  sur  les  observations  op- 
ti(|ues  pour  apprécier  exactement  ces  particularités.  D'abord 


-  33fl  - 

il  est  toujours  (liffic  ilc  d'cNiilucr  l'iulciisilc  duiic  lumici'c  dans 
CCS  circoiistaiiccs,  siiiloiit  l()is(|iril  u  \  a  p.is  de  contour  uct- 
tcinciit  tranclic.  Eu  second  lieu,  ces  ol)ser\ati()Us  sont  laites 
à  la  liàtc,  les  savants  étant  ociupcsa  des  clioscs  bien  plus  iin- 
|)orlantes.  Souvent  même  les  dessins  sont  laits  grossièrement, 
de  mémoire,  ioiscjne  ICclipse  est  terminée.  J.e  seul  moven 
d  a\()n"  des  mesures  exactes,  c'est  la  plioto^i'apliie,  et  nous 
allons  exposer  les  rcsidtals  obtenus  j)ar  ce  procède. 


^  111 .  —  Photographies  des  éclipses.  Etendue  de  la  couronne. 

En  18G0,  deux  expéditions  s'occupèrent,  pour  la  picmière 
fois,  de  photographier  l'éclipsé  :  j\L  \\  arren  de  la  Rue  à  Riva- 
bellosa,  et  nous  au  Desierto  de  las  P aimas,  en  compagnie  de 
l'expédition  espagnole  qui  était  dirigée  par  j\L  Aguilar. 

Les  photographies  de  ->E  W.  de  la  Rue,  obtenues  en  grossis- 
sant l'image  du  Soleil  avec  l'oculaire,  reproduisirent  admirable- 
ment les  protubérances  et  leurs  accessoir<\s;  mais  la  couronne 
n'v  est  visible  que  dans  sa  partie  la  plus  brillante  et  la  moins 
élevée.  Nous  avons,  an  contraire,  photographié  l'image  directe 
donnée  par  robjectif,  ce  qui  donne  luie  plus  grande  quantité 
de  huniere  et  un  chamj)  plus  étendu.  Tous  les  observateurs 
ont  depuis  emj)loyé  c<'  procédé,  car  il  j)resente  de  grands 
avantages,  sans  aucun  inc  <!n\enient,  puisqu'on  peut  toujours 
obtenir  ensuitedt^s  épreuves  agrandies.  Les  photographies  que 
nous  avons  exécutées  reproduisent  la  couronne  dans  tout  son 
éclat;  nous  les  conservons  toujoui's,  et,  dernièrement  encore, 
nous  les  avons  étudiées  en  détail. 

Nous  reproduisons  dans  \\\jig.  120  une  éjucuNC  que  nous 
avons  obtenue  en  quarante  second(\s.  La  ligne  XY  représente 
la  position  d'un  {A  tendu  dans  la  lunL'tte  et  destiné  à  donner 


—  3i0  — 

l'orientation  de  la  figure.  L'axe  polaire  du  Soleil  est  dirigé 
suivant  PP'. 

Une  étude,  même  superficielle,  de  cette  épreuve  montre 
que  la  couronne  n'a  pas  la  même  étendue  dans  toute  sa  cir- 
conférence. Dans  les  régions  polaires,  elle  est  plus  étroite,  et 

Tiç;.  150. 
P 


P' 


sa  hauteur  atteint  à  peine  la  moitié  de  celle  qui  correspond 
aux  régions  équatoriales.  La  différence  de  niveau  qui  existe 
entre  ces  régions  ne  se  produit  pas  par  une  gradation  continue 
et  insensible,  mais,  à  une  distance  d'environ  3o  degrés  des 
jiôles,  on  remarque  une  variation  qui  est  incompatible  avec 
toute  loi  de  continuité.  Il  y  a  en  ces  points  des  dépressions 
considérables,  puis  le  contour  se  relève  d'une  manière  irré- 
gulière et  rapide  jusqu'à  environ  !\5  degrés  de  l'équateur.  Le 


-  3H  - 

maximum  absolu  correspontl  à  cette  dernit'^re  position,  et  non 
à  l'équateur  proprement  dit,  rjuoifpi'il  v  ait  là  aussi  de  grandes 
variations  ;  mais  iei  les  irréj;ularités  du  contour  ne  présentent 
ni  symétrie  ni  règle  précise. 

T.es  taches  blanches  représeiilciil  les  protubérances;  elles 
sont  diffuses  et  semblent  pénétrer  dans  l'intérieur  du  disque 
lunaire  :  c'est  le  résultat  d'une  longue  exposition,  d'abord  à 
cause  du  déplaccMuent  de  la  T.une,  el  siu'tout  à  cause  de  la 
diffusion  de  l'action  chimique.  Quant  à  l'intensité  de  la  lu- 
mière, on  peut  aussi  remarquer  qu'elle  n'est  pas  la  même  dans 
foutes  les  régions,  et  qu'elle  n'est  pas  toujours  plus  grande 
dans  les  parties  où  la  eouroime  est  plus  étendue.  La  compa- 
raison de  nos  différentes  épreuves  nous  donne  le  moyen  d'ap- 
])récier  comment  varie  cette  intensité  .suivant  la  distance  au 
bord  du  Soleil.  Ainsi  une  exposition  de  six  secondes  nous 
donna  à  peine  une  trace  de  la  couronne;  une  exposition  de 
<louze  secondes  )ious  donna  ime  étendue  plus  considérable  ; 
en  quarante  secondes  nous  avons  obtenu  l'image  de  l'auréole 
dans  toute  son  étendue. 

Tous  ces  résultats  furent  confirmés,  en  i8(')8,  par  les  pho- 
tographies obtenues  dans  les  Indes  par  le  major  Tennant; 
mais  une  des  plus  belles  épreuves  est  due  à  M.  Whipple,  qui 
observait  récli|)se  du  y  août  iSGrj  à  Shelbvville,  au  Ren- 
tucky.  C'est  cette  photographie  que  nous  reproduisons  dans 
\^Jig.  12 r.  Elle  est  d'une  netteté  extraordinaire;  outre  les 
différences  de  hauteur,  qui  v  sont  aussi  bien  accusées  que 
dans  nos  observations  du  Desierto,  on  y  remarque  des  cour- 
bures très-prononcées,  qui  correspondent  à  de  véritables  jets 
lumineux,  dont  l'importance  est  très-grande.  Dans  la  région 
polaire,  sur  ini  rayon  de  i5  à  3o  degrés,  la  couronne  a  une 
élévation  peu  considérable;  puis  elle  se  soulève  brusquement 
en  formant  des  panaches  curvilignes,  dont  la  convexité  est 


-  342  — 

tournée  vers  les  pôles.  Il  y  a  partout  des  irrégularités  frap- 
pantes; mais,  eu  quatre  régions,  situées  à  environ  45  degrés 
de  l'équateur,  on  remarque  des  maxima  Lien  prononcés. 

hajig.  122  représente  la  couronne,  telle  qu'elle  a  été  pho- 
tographiée à  Cadix,  le  22  décembre  1870,  par  les  astronomes 
américains    Un  léger  brouillard  a  enlevé  à  l'image  la  netteté 


qu'elle  aurait  dû  avoir,  et,  de  pkis,  la  petitesse  du  diaphragme 
a  limité  l'étendue  de  l'auréole  dans  les  régions  équatoriales, 
I^e  bord  nettement  tranché  qui  la  termine  dans  ces  parties 
montre  avec  évidence  qu'elle  n'v  est  pas  représentée  tout  en- 
tière, tandis  qu'au  pôle  elle  est  bien  complète,  puisqu'il  reste 
un  intervalle  entre  elle  et  le  diaphragme.  Vers  l'ouest,  il  y  a 
une  cavité  très-prononcée,  qui  fait  ressortir  la  courbure  des 
rayons  émanant  de  la  couronne.  Dans  tous  les  autres  points 


-  3t3  - 

où  il  V  a  dos  solutions  de  continuité,  l'effet  du  brouillard  a  été 
troj)  considérable  j)our  qu'on  puisse  reconnaître  ces  détails. 
A  Syracuse,  iNI.  lîrotliers  a  obtenu  une  épreuve  dans  laquelle 
on  observe  des  cavités  ass(v.  semblables  à  celles  de  h^Jig.  122; 
mais,  conune  elle  a  été  prise  vers  la  fin  de  la  totalité,  l'image 
de  la  couronne  est  très-excentrique;  et  d'ailleurs  le  brouill.u'd 

Fi{j.   122. 


qui  régnait  au  moment  de  l'observation  ne  permet  pas  d'atta- 
cher une  grande  importance  aux  détails. 

La  couronne  est  donc  moins  élevée  dans  les  régions  po- 
laires, sur  ime  étendue  de  5o  ou  60  degrés;  mais  est-ce  un 
fait  accidentel  ou  une  loi  constante?  Cette  question  présente 
un  grand  intérêt,  et,  à  ce  point  de  vue  comme  à  beaucoup 
d'autres,  nous  attachons  le  plus  grand  ])rix  aux  épreuves 
photographiques  de  INI.  Davis,  que  loril  Lindsay  avait  envoyé 


—  3i4  — 

à  ses  frais  dans  les  Indes  pour  y  observer  l'éclipsé  du  12  dé- 
cembre 1871.  Lord  Lindsay  a  fait  reproduire  sur  verre  les 
photographies  agrandies  de  IM.  Davis;  puis,  ces  cjireuves  sur 
verre  étant  mises  dans  un  stéréoscope ,  il  en  a  fait  exécuter 
un  dessin  qu'il  a  publié  et  que  nous  mettons  sous  les  yeux 

Fiff.  123. 


du  lecteur  [^fig.  ii"^).  Nous  reviendrons  plus  tard  sur  ce 
dessin  pour  discuter  les  détails  qu'il  représente  avec  tant  de 
netteté. 

Les  figures  originales  sont  un  peu  ovales.  Ce  résultat  est 
dû  au  mouvement  de  la  Lune  qui,  en  se  déplaçant,  découvre 
à  l'est  une  partie  nouvelle  de  la  couroime,  tandis  qu'à  l'ouest 
elle  en  recouvre  une  partie  égale,  mais  qui  a  déjà  produit  une 


-  3r;  - 

impression  suffisante  sur  le  cliché.  La  puissance  actinique  tic 
la  lumière  est  si  grande  auprès  du  bord,  cpi'il  lui  suffit  d'un 
temj)s  très-court  pour  produire  une  impression  complète  :  la 
Lune  peut  bien  recouvrir  cette  réf|;ion,  mais  elle  ne  peut  pas 
effacer  l'image  qui  existe  déjà.  Il  en  résulte  (pie  son  disque 
parait  moins  large  dans  la  direction  de  son  mouvement,  ce 
qui  tlonne  une  figure  ovale. 

M.  Davis  a  pu  faire  cinq  éjn-euves  successives  pendant  la 
totalité  ;  mais,  dans  la  j)rennère  et  dans  la  cinquième,  la  dis- 
tribution des  aigrettes  est  un  peu  excentrique.  La  courbure 
des  l'ayons  est  facile  à  constater  dans  toutes  ces  images  ,  mais 
on  voit  que  les  arcs  des  pôles  sont  inégaux  :  celui  du  sud  est 
beaucoup  plus  large  que  celui  du  nord.  Ces  photographies, 
comme  toutes  les  précédentes,  nous  montrent  que  la  plus 
grande  hauteur  de  la  couronne  correspond,  non  à  l'équateur, 
mais  à  une  latitude  élevée. 

Les  épreuves  de  lord  Lindsay  offrent  une  particularité  très- 
curieuse  :  la  première  et  la  cinquième,  mises  ensemble  dans 
un  stéréoscope ,  produisent  un  reUef  très-surprenant.  Dans 
chacune  des  deux  images ,  la  Lune  est  ovale ,  et  elle  paraît 
parfaitement  ronde  dans  le  stéréoscope.  Les  rayons  se  déta- 
chent derrière  la  Lune  et,  les  deuv  figures  se  complétant  l'une 
l'autre,  on  distingue  parfaitement  leur  structure  saillante  et 
compliquée.  Le  grossissement  de  l'appareil,  combiné  avec  la 
transparence  délicate  des  épreuves,  fait  ressortir  les  moindres 
détails.  C'(\st  d'après  ce  relief  stéréoscopique  que  lord  Lind- 
say a  fait  exécuter  le  dessin  que  nous  reproduisons  dans  la 
Jig.  123.  ^Malgré  tous  les  efforts  que  nous  avons  faits  pour 
rendre  ce  dessin  aussi  exact  que  possible,  nous  devons  aver- 
tir le  lecteur  qu'il  est  loin  de  reproduire  l'effet  optique  des 
photographies  sur  verre.  Nous  y  attachons  une  si  grande  im- 
j)ortance  que  nous  croyons  de\oir  l'analyser  en  détail. 


—  3iG  — 

Ce  qui  frappe  d'abord  l'attention  ,  ce  sont  les  ouvertures 
arq  et  Ml  quc^  laissent  entre  eux  les  rayons  qui  tournent  leur 
convexité  vers  les  pôles.  Cette  courbure  est  nettement  pro- 
noncée, et  on  la  retrouve  sur  chacune  des  cinq  photogra- 
phies :  ce  n'est  donc  pas  le  résultat  de  la  vision  stéréo- 
scopique.  Nous  voyons  dans  le  cadran  nord -est  (^)  trois 
rayons  «,  h,  c.  Il  est  évident  qu'au  point  c  il  y  a  deux  rayons 
superposés,  ou  du  moins  il  y  a  une  branche  qui  se  tourne 
vers  le  point  b,  formant  ainsi  une  feuille  dans  l'intérieur  de 
laquelle  on  aperçoit  le  rayon  h  en  forme  de  fer  de  lance.  Au 
milieu  de  tous  ces  rayons  sont  suspendus  de  petit  nuages,  d^ 
trop  légers  pour  que  le  dessin  puisse  bien  les  représenter. 

\ers  l'est,  dans  la  région  équatoriale,  nous  voyons  une 
branche  ramifiée  e;  sa  forme  nous  rappelle  des  observations 
faites  pendant  les  éclij^ses  précédentes.  On  avait  aperçu  des 
rayons  semblables,  mais  on  les  attriljuait  à  une  illusion  d'op- 
tique :  tels  sont,  par  exemple,  le  bois  de  cerfwx  au  Desierto 
par  M.  Cepeda,  les  crochets  observés  par  Struve,  etc. 

Nous  voyons  ensuite  une  branche  droite  y,  avec  deux  ra- 
mifications dirigées  vers  le  sud,  l'une  plus  grande  et  sensible- 
ment recourbée,  l'autre  plus  petite  et  presque  droite. 

Les  rayons  suivants,  g  et  h,  dans  le  cadran  sud-est,  forment 
une  courbe  dont  les  concavités  sont  dirigées  l'une  vers 
l'autre;  il  en  résulte  une  espèce  de  feuille  semblable  à  celles 
qui  ont  été  observées  au  Brésil  par  M.  Liais. 

Dans  la  direction  du  pôle  sud,  on  remarque  la  grande  ou- 
verture i  qui  fait  le  pendant  de  celle  du  nord;  ces  deux  ca- 
vités nous  avaient  fait  deviner  la  direction  de  l'axe  polaire 
avant  de  connaître  l'orientation  de  la  figure. 


C)  Le  lecteur  rcmarquora  que,  sur  la  /ig.  133,  l'ouest  se  trouve  placé  à  droite  et 
l'est  à  gauche. 


-  317  - 

Dans  le  cadi-.iii  snd-oiicst  imiis  \n\()iis  les  i"a\niis  curvi- 
lignes /et  /,  (|iii  (Miihi'assciit  (litre  eux  deiiv  masses  très- 
l)rill;mles  et  loi'meiit  par  leur  eiiseinhle  une  autre  <»s])èc('  de 
feuille.  Du  c-ùté  d»'  l'ouest  il  \  ;i  d(nix  faisceaux  de  rayons, 
//?,  //,  Irès-lei^èfenieul  recoiulies  et  |)i*es(jue  |)er|)eiidi(ulaices 
à  re(|uateur,  iudi<|naiit  une  antre  leudle  :  ini  image  lég(^r  est 
suspendu  enti-e  eux. 

Knfln,  dans  le  cadran  nord-ouest,  nous  trouvons  les  ravons 
(),  p,  {]  foi'uiant  une  leuilli^  très-bien  circonscrite,  cpii  com- 
])lète  le  contour  iusipi  a  la  i;i"ande  ou\erture  /•.  Si  l'on  \('Ut 
examinei"  sans  parti  [iris  le  dessin  de]\I.  Liais  et  le  comparer 
à  celui  (pie  nous  \eiions  d'examiner,  on  reconnaîtra  fju'il  v  a 
entre  les  (hnix  des  points  de  ressemMaiice  bien  frappants.  (  )n 
doit  comprendi'e  qne,  dans  mi  examen  rapide  (pii  n'a  pu 
durer  (jue  cpielques  instants,  M.  Liais  n'a  pu  faire  une  cLudo 
j)arfaite  connue  celle  que  nous  faisons  à  tète  reposée  sur  une 
photographie. 

On  commettrait  donc  une  i;i"ande  (MTCur  si  l'on  admettait 
encore,  après  tous  les  détails  cpie  nous  venons  de  donner, 
que  la  couronne  se  compose  d  un  anneau  peu  épais  et  par- 
faitement uniforme,  connue  on  la  voit  dans  les  lunettes  puis- 
santes. Ces  instruments,  vu  leur  pouvoir  amplifiant,  sont 
incapables  de  faire  voir  un  objet  peu  lumineux;  ils  anéan- 
tissent, pour  ainsi  dire,  la  paifie  de  la  couronne  la  plus  exté- 
rieure (jui  est  moins  lumineuse,  et  qui  contient  les  détails 
irréguliers  que  nous  venons  de  décrire;  ils  ne  laissent  voir 
que  l'anneau  brillant  qui  entoure  immédiatement  le  Soleil, 
dont  la  conqiosition  est  à  peu  près  homogène,  comme  l'in- 
di(pieiit  les  photographies  ell(\s-mèmes.  La  couronne  ne  se  voit 
donc  bien  (pi'à  \\v\\  nu,  ona\ecuii  faible  grossissement  ;  et, 
même  alors,  il  est  bien  dilfîcile  d'en  étudier  les  détails,  car 
l'œil,  passant  brusquement  de  la  \\\v  lumière  du  jour  à  une 


-  348  — 

obscurité  assez  grande ,  n'est  pas  capable  de  distinguer  des 
nuances  aussi  délicates  :  on  ne  peut  les  étudier  à  coup  sûr 
qu'en  les  fixant  par  la  photographie. 

]M.  Maclear  a  déjà  fait  cette  remarque,  car,  ayant  observé 
successivement  avec  deux  lunettes,  il  trouva  qu'avec  la  plus 
faible  la  couronne  présentait  la  même  forme  qu'à  l'œil  nu , 
tandis  qu'avec  l'autre,  qui  avait  un  pouvoir  considérable, 
elle  se  réduisait  à  un  anneau  mince  et  vmiforme  (').  Du  reste, 
au  témoignage  de  tous  les  observateurs,  l'iiomogénéité  cesse 
à  une  distance  du  Soleil  égale  à  5  ou  6  minutes,  et,  en  réalité, 
la  plupart  des  ramifications  que  nous  venons  de  décrire  ne 
sont  nettement  sensibles  qu'à  une  distance  encore  plus 
fijrande. 

§  R  .  —  Des  aigrettes. 

Nous  appelons  aigrettes  ces  longs  panaches  rectilignes  qui 
se  détachent  de  l'auréole,  semblables  aux  rayons  de  lumière 
qui  sortent  entre  les  nuages  lorsque  le  Soleil  est  près  de  1  ho- 
rizon. 

Si  les  observateurs  sont  peu  d'accord  pour  fixer  les  limites 
de  l'auréole ,  ils  le  sont  bien  encore  moins  par  rapport  à  ces 
aigrettes  qui  s'en  échappent  et  se  prolongent  souvent  à  des 
distances  considérables.  Les  descriptions  diffèrent  d'une 
éclipse  à  l'autre,  et  pour  une  même  éclipse  il  semble  que  le 
phénomène  ait  été  différent  suivant  la  station  d'où  il  a  été 
observé.  Comme  cette  question  est  intéressante,  nous  l'exa- 
minerons avec  soin,  afin  d'engager  les  astronomes  à  l'étudier 
attentivement  dans  les  prochaines  éclipses. 


(')  Voir  Revue  scientifique,  et  Month.  Not.  R.  Astr.  Society. 


-  3t0  - 

Dans  les  obscM'vatlons  anciennes,  on  s'est  l)orné  à  nous  in- 
diquer l'existence  des  ravons  divergents,  en  évaluant  grossiè- 
rement leur  étendue.  En  1842,  les  descrij)tions  furent  détail- 
lées, mais  encore  assez,  défectueuses.  A  Turin  et  à  Pavie,  Airy 
et  Bailv  ne  font  aucune  mention  de  ce  phénomène.  A  Milan, 
Picozzi  et  ]Magrini  aperçurent  deux  faisceaux  d<'  ravons.  Dans 
la  France  occidentale,  on  signala  également  deux  faisceaux 
opposés.  Arago  vit  près  du  point  culminant  de  la  Lune  une 
large  tache  lumineuse  formée  de  jets  entre-croisés  qu'il  com- 
parait à  ini  écheveau  de  fils  entrelacés;  Peytal  les  comparait 
à  un  paquet  de  chanvre.  D'autres  observateurs  remarquèrent 
(|ue  le  prolongement  de  cesraNons  ne  passait  point  par  le 
centre  du  .Soleil,  ni  par  celui  de  la  Lune,  et  ([lie  plusieurs 
étaient  recoiu'bés.  A  Toulon,  on  distingua  trois  faisceaux;  les 
deux  principaux  étaient  sur  la  ligne  d'entrée  et  de  sortie  de 
la  Lune.  Petit  en  vit  également  trois,  ainsi  que  Struve,  qui 
leur  assigna  une  longueur  de  i'',5. 

On  le  voit,  ces  relations  sont  confuses  et  contradictoires. 
Il  est  impossible  de  reconnaître  d'inie  manière  précise  s'il 
s'agit  des  franges  de  l'auréole  ou  de  véritables  aigrettes.  Nous 
retrouvons  la  même  incertitude  pour  Péclipse  de  i85i  et 
poiu'  les  suivantes.  En  i8Gonous  n'observâmes  ce  phénomène 
que  très-raj)idement,  vers  le  milieu  de  l'éclipsé.  Les  aigrettes, 
dont  nous  avons  donné  le  dessin  ,  nous  parurent  tranquilles 
comme  les  ravons  qu'on  voit  entre  les  nuages  au  couclier 
du  Soleil.  M.  Cepeda,  qui  observait  près  de  nous,  vit  un  rayon 
l'amifié  comme*  un  bois  de  cerf;  mais  peut-être  cette  obser- 
vation se  rapporte-t-elle,  ainsi  que  les  suivantes,  à  la  région 
de  l'auréole.  M.  Fielitzch,  à  Castellon  de  la  Plana,  non  loin 
du  Desicrto ,  vit  deux  jets  lumineux  qu'il  comparait  aux 
branches  d'une  lyre.  M.  Struve,  à  Pobes,  vit  cinq  rayons  bien 
tranchés  :  l'un  d'eux   était  recourbé  en   forme  de  crochet. 


-  350 


Le  29  août  18G7,  M.  Groscli  vit  deux  grandes  masses  de 
rayons  dans  la  direction  de  l'équateur  solaire,  et  une  double 
aigrette  renversée  près  du  pôle. 


Fig.   124' 


En  1868,  on  vit  aux  Indes  de  grandes  irrégularités  dans  la 
couronne,  mais  nous  manquons  de  détails  précis.  Ijijig.  124 
a  été  dessinée  par  le  capitaine  Bullock,  qui  conduisit  à  Man- 
tawalok  les  professeurs  du  collège  de  Manille.  On  y  remarque 
surtout  un  rayon  transversal ,  qui  parut  seulement  deux  mi- 


-  XA   - 

mitos  aprrs  la  totalitr  et  persista  jiistiu'a  la  fin.  Sa  (lircctiou 
est  ()l)Ii([uc  j)ar  rapport  aux  autres  rayons  (pii  parunul  drs 
le  counniMucinciit.  Ca'  dessin  se  n'oomniandr  par  sa  i,'ran(l(' 
exactitude,  ear  il  a  été  eoiitrnlé  j)ar  d'autres  dessins  exécutés 
a  la  clianihrr  noire.  (  )n  iia  |ainais  l'éiissi  a  ph()t()<;rapiiier  les 
aigrettes;  c'est  poni' snpj)leei' à  celle  impuissance  de  la  plio- 
t()graj)hie  (pie  les  prolesseurs  de  Manille  ont  iniai^ine  !<■  j)ro- 
ccdv  suivant.  Ils  pre|)araient  d'aNance  des  feuilles  sur  les- 
quelles étaient  esijuissées  l'éclipsé  et  l'auréole  ;  de  cette 
nianièn^  en  introduisant  ces  feuilles  dans  la  chambre  noire, 
on  pouN.iil  en  loil  peu  de  temp.s  tracer  a\ec  exactitude  les 
figur(\s  <()i'resj»on(lant  aux  dilïerentes  phases. 

Nous  dexons  rappeler  ici  le  dessin  curieux  ([ue  le  P.  Cap- 
pelletti  exécuta  au  Chili  en  i8Gj  Jig.  i  12,  p.  'i2o).Le  rayon 
principal  était  loin  d'avoir  une  forme  symétrique,  et  il  diffé- 
rait complètement  des  autres.  Sa  lumière  était  ])lanche  et 
tres-\i\{';  l'un  de  ses  bords  était  nettement  terminé,  tandis 
que  l'autre  était  diffus  et  allait  en  s'évanouissant  progressive- 
ment. Enfin  le  P.  Cappelletti  fait  observer  que  ce  rayon  si 
remanpiable  correspondait  à  la  principale  des  protubérances. 
En  général,  si  l'on  étudie  sur  les  dessins  des  observateurs  la 
distribution  des  aigrettes,  on  v  reconnaîtra  à  peu  prés  la 
forme  d  un  carré  ou  d'un  hexagone  dont  les  angles  corres- 
pondraient aux  points  les  plus  élevés  de  lauréole.  Lors(ine 
le  ciel  est  sulfisamment  j)ur,  il  v  a  une  ressemblance  assez 
grande  entre  les  dessins  faits  par  différents  observateurs  ])en- 
dant  une  méuK»  éclipse.  Il  n'en  est  pas  de  même  lorsque  l'air 
est  troublé,  car  alors  il  v  a  des  différences  trè.s-considérables. 
Nous  avons  déjà  donne  /îg- 1  i  H)  le  dessin  exécuté  par  ^I.Tac- 
chini  à  Terranova  en  iHjo;  il  est  assez  d'accord  a\ec  le  phé- 
nomène observé  à  Capo  dell'  Armi  par  le  P.  Serpieri  ;  mais  la 
ressemblance  est  loin  d'être  pailaite. 


—  332  — 

Tels  sont,  en  résumé,  les  renseignements  que  nous  possé- 
dons sur  ces  curieux  appendices.  Quelle  est  leur  cause?  Faut- 
il  la  chercher  dans  le  Soleil,  dans  la  Lune  ou  dans  notre 
atmosphère?  Après  un  long  examen,  nous  sommes  convaincu 
que  leur  cause  première  est  dans  le  Soleil,  mais  que  leurs 
apparences  peuvent  être  notablement  modifiées  par  la  pré- 
sence de  la  Lune  et  par  les  circonstances  atmosphériques. 

Afin  de  nous  faire  comprendre  plus  facilement,  nous  rap- 
pellerons une  expérience  très-facile  à  répéter,  et  que  nous 
avons  faite  à  l'occasion  de  l'éclipsé  d'Espagne.  Qu'on  fasse 
au  volet  d'une  chambre  obscure  un  trou  grossièrement  ar- 
rondi, dont  les  bords  aient  des  dentelures  ;  qu'on  le  ferme 
imparfaitement  à  l'aide  d'un  bouchon,  et  qu'on  fasse  passer 
à  travers  les  interstices  un  faisceau  de  rayons  solaires.  En 
regardant  de  côté,  on  verra  une  série  de  rayons  parallèles  ; 
mais,  si  l'on  place  l'œil  sur  l'axe  même  du  faisceau,  on  verra 
une  couronne  de  ravons  divergents  s'étendant  à  une  grande 
distance  des  trous.  L'expérience  réussirait  également  si  l'on 
fermait  un  trou  parfaitement  rond  avec  un  bouchon  échan- 
cré  sur  son  contour.  Cette  apparence  est  un  simple  effet  de 
perspective ,  analogue  à  celui  qui  produit  les  rayons  que 
l'on  observe  entre  les  nuages  auprès  du  Soleil  couchant. 
Cette  expérience  nous  montre  qu'une  échancrure  très-petite 
peut  donner  naissance  à  un  ravon  d'une  très-grande  lon- 
gueur; cette  longueur  serait  encore  bien  plus  grande  si  l'air 
était  rempli  de  poussière  ou  de  fumée  d'encens. 

Appliquons  ces  résultats  aux  phénomènes  qui  se  produisent 
pendant  les  éclipses.  Le  Soleil  peut  donner  naissance  à  des 
rayons  semblables,  soit  par  ses  protubérances,  soit  par  les 
parties  les  plus  brillantes  de  la  couronne,  qui  agiront  autour 
de  la  Lune  comme  les  échancrures  du  volet  agissent  autour 
du  bouchon;  mais  on  se  tromperait  complètement  si  l'on  ju- 


-  3tid  — 

t;('ait  (les  ilinuMisioiis  de  la  mas:-.»'  Imiiincusc  qui  |)r()(liiit  ce 
pliciiomrnc  par  retendue  du  rayon  (jue  l'on  aperçoit.  ('.ett<' 
et<  lulue  dépend  beaucoup  du  pouNoir  réflecteur  de  l'atino- 
spliére  et  surtout  de  la  [)ositioii  de  l'observateur.  Liie  masse 
lumineuse,  dépassant  le  contour  de  la  I.une  de  (pielcpn's  se- 
condes seulemeni,  peut,  sui\ant  ICi  lai  (|u Clic  possède,  éclai- 
rer l'atmosphère  tciresire  à  une  piofondcui"  ( onsidérable,  et 
icU{'  profondeur  se  ti'aduira  par  une  /o/i^'^z/cwr  proj)ortionnelle 
du  ra\on  \isil)le.  La  T.une  elle-même,  a\ec  son  profil  dentelé, 
contribuera  à  la  production  du  phénomène  en  laissant  passer 
des  faisceaux  hnninenx  pins  ou  moins  larges,  plus  ou  moins 
nett<'ment  terminés.  La  foiine  des  ravons  dépendra  surtout 
(h'  la  position  de  l'observateur;  h's  effets  de  parallaxe  aui'ont 
une  influence  très-considéral)le,  et,  à  quelques  kilomètres  de 
distance,  on  pourra  voir  la  couronne  et  ses  rayons  sous  des 
aspects  très-différents. 

Enfin  l'atmosphère  terrestre  n'est  pas  toujours  susceptible 
d'être  également  éclairée  dans  tous  ses  points;  car,  en  cer- 
tains «'udroits,  elle  est  plus  transparente;  en  d'autres,  elle  est 
plus  chargée  de  vapeurs  :  de  là  résulteront  des  lignes  capri- 
eteu.ses,  produisant  un  effet  analogue  à  celui  des  rayons  lumi- 
neux qui  traversent  une  cliambre  obscure,  lorsqu'on  soulève 
<le  la  poussière  sin-  leur  passage.  L'analvse  spectrale  nous  ap- 
prend que,  si  l'air  atmosphérique  est  peu  transparent,  on 
observe  les  raies  propics  des  protubérances  à  une  grande  dis- 
tance du  Soleil,  et  jusque  sur  le  disque  de  la  Lune.  Rien  n'est 
plus  facile  à  comprendre  :  la  seule  lumière  qui  arrive  dans 
cette  direction  jusqu'à  l'observateur  vient  nécessairement  de 
la  couronne  et  des  protubérances;  mais  elle  est  réfléchie  et 
diffusée  par  l'atmosphère,  et  le  spectroscope  doit  révéler  sa 
présence  dans  tous  les  points  voisins. 

Telles  sont  les  idées  générales  que  nous  proposons  pour 

I.  23 


—  3o4  — 

expliquer  le  phénomène  des  aigrettes,  et  il  nous  semble  que, 
si  Ton  veut  les  contrôler  par  les  données  des  observations,  on 
reconnaîtra  qu'elles  sont  exactes  et  applicables  au  sujet  qui 
nous  occupe. 

Si  nous  examinons  les  dessins  donnés  par  les  différents  ob- 
servateurs, nous  trouverons  qu'ils  s'accordent  le  plus  souvent 
à  donner  aux  rayons  la  direction  des  principales  protubé- 
rances, surtout  dans  la  région  de  l'équateur  et  dans  celle  des 
taches.  Le  P.  Cappelletti  a  fait  cette  remarque,  et  elle  est  assez 
bien  vérifiée  par  les  dessins  de  3Ioesta  en  i853,  de  Gillis  en 
i855,  et  par  les  nôtres  mêmes,  quoique  nous  ne  prétendions 
pas  à  une  très-grande  exactitude.  Cette  coïncidence  est  par- 
faite dans  les  dessins  de  BuUock. 

En  18G0,  M.  Plantamour  observa  la  couronne  et  la  des- 
sina trois  fois,  au  commencement,  au  milieu  et  à  la  fin.  Dans 
le  premier  dessin,  outre  la  couronne,  il  a  tracé  trois  faisceaux 
de  rayons  correspondant  aux  protubérances  dans  la  région 
d'entrée;  dans  le  second,  il  y  a  cinq  faisceaux,  deux  à  l'est, 
trois  à  l'ouest;  enfin,  dans  le  troisième,  il  v  a  également  cinq 
faisceaux,  mais  ils  se  trouvent  tous  dans  la  région  de  sortie  et 
correspondent  aux  nombreuses  protubérances  qui  parurent 
dans  cette  région  à  la  fin  de  l'éclipsé. 

Cette  observation  est  d'accord  avec  celle  de  Mantawalok, 
où  le  capitaine  Bullock  vit,  deux  minutes  après  la  totalité,  se 
former  un  ravon  oblique  dirigé  vers  l'une  des  protubérances. 
D'autres  observateurs,  entre  autres  Pope  Hennessy,  assurent 
que  ces  ravons  paraissaient  animés  d'un  mouvement  facile  à 
constater.  Ce  mouvement  a])parent  s'explique  aisément  si  l'on 
se  rappelle  que  la  Lune,  en  changeant  de  position  d'un  instant 
à  l'autre,  fait  également  varier  la  position  des  parties  éclai- 
rantes par  rapport  à  l'observateur. 

Reste  à  expliquer  la  forme  courbe  que  possèdent  certains 


-  3aS  — 

IMNOIIS.  (Jllcl(|lics-ims  sont  lirs-cniirls  <•!  ne  sClciidriil  n.is  ;iij 
(Ifl.i  (les  limites  de  I  aiircolc  ;  nul  doute  (|tie  eeii\-lii  ir;i|)|);ir- 
tieinient  reelleineiit  au  Soleil.  Pour  les  j)liis  longs,  on  peut 
encore  faire  une  large  part  à  notre  atniosplière,  en  aclnictlant, 
connue  nous  l'axons  déjà  dit.  <|ne  (cs  coiu"l)es  dépendent  de 
la  manière  dont  la  v.i|)eur  est  dislrihuee  dans  l'air.  C.ette  cx- 
|)licaliou.  ([ue  nous  axons  proposée  jadis,  ne  laisse  pas  <pie 
d  èfi'e  plausible  ;  mais  il  laut  bien  reconnaître  (|ii(lle  ne  saii- 
l'ait  s  applupiei'  à  tous  les  cas.  Nous  eu  înous  actpiis  la  con- 
viction en  rellecliissaut  sui'  un  pliénoniène  dont  l'ohserN  ation 

Fig.   12."). 


est  due  à  M.  Tacchiui.  Ce  jeune  astronome  voyageait  sur  la 
^léditerranée,  à  Ijord  d'un  bateau  à  vapeur,  et  il  observait  le 
couclier  du  Soleil,  le  8  août  iSf)").  lls'apereut  cpie  le  di.sque 
solaire  était  comme  surmonté  de  deux  aigrettes  lumineuses, 
|)areilles  à  deux  boucles  de  cbexcux  renversé(\s  eu  sens  op- 
j)o.scs  (/?^.  I  2j).  Leur  liaut<'ur  au-dessus  du  disque  était  tout 
au  plus  égale  aux  -^  du  disque  lui-même,  jjitin  ces  aj)pen- 
dices  suivaient  assez  bien  le  mouvement  du  Soleil,  et  ils  s'en- 
foncèrent, connue  lui,  au-dessous  de  riiorizon. 

M.  Taccliini  nous  donna  avis  du  |)lienomène  dont  il  avait 
été  témoin,  et  immédiatemeiiL  nous  compulsâmes  le  registi'e 
où  sont  inscrites  les  obsersations  cpie  nous  faisons  i'('*guliéri'- 


—  3o6  — 

nient  sur  les  taches  solaires.  Nous  trouvâmes  que,  ce  même 
jour,  il  (le\ait  y  avoir  sur  le  bord  du  disque  une  tache  accom- 
pagnée d'une  grande  facule,  ayant  à  peu  près  la  forme  décrite 
par  M.  Tacchini  [fig-  12G);  nous  l'avions  observée  la  veille  à 
quelque  distance  du  bord,  et  elle  devait  y  être  arrivée  le 
8  août  au  soir.  Aussi  n'avons-nous  pas  hésité  à  admettre  que 
l'aigrette  observée  à  ce  moment  pourrait  bien  être  produite 
par  une  de  ces  masses  lumineuses  qui  accompagnent  les  fa- 
cules  et  deviennent  visibles  dans  les  éclipses. 

De  nouvelles  observations  sont  venues  confirmer  cette  idée. 

FifT.   126. 


IM.  Grosch,  au  Chili,  pendant  l'éclipsé  totale  du  29  août  iSG'y, 
a  observé  un  faisceau  de  rayons  recourbés,  tout  à  fait  sem- 
blable à  celui  qui  a  été  dessiné  par  M.  Tacchini  ('  ).  Tout  der- 
nièrement, un  voyageur  nous  a  assuré  que,  sur  la  fin  du  mois 
de  février  18G9,  il  a  vu,  à  Pœstuni,  le  Soleil  se  lever  avec 
une  aigrette  analogue  à  celles  qu'il  présente  dans  les  éclipses. 
Ilâtons-nous  de  dire  que  ces  explications  ne  reposent  plus 
miiquement  sur  quelques  faits   isolés  qu'on   pourrait    être 


('  )  Voir  BuUelin  rnétéorologiijne  du  Col/éife  Romain,  p.  87;  1SG7. 


-  357  — 

fente  de  i('\(K[ii('r  en  ddiitr.  Moiis  saxons  maintenant  (jii  il  se 
produit  dans  le  Soleil  de  \iolentes  éruptions  :  la  matière  qui 
le  compose  est  lancée  à  des  Iiaulenrs  considérables,  avec  des 
vitesses  qu'on  évalue  à  plus  de  i>oo  kilomètres  par  seconde. 
Si  ces  mouvements  avaient  li<'U  dans  le  vide  absolu,  les 
masses  projetées  avec  une  aussi  grande  vitesse  paiviendiaient 
à  des  bauteurs  incomparablement  plus  jurandes  (pie  la  lon- 
«jjueur  des  aigrettes.  T.a  résistance  de  latmospliére  (pii  enloui'e 
le  Soleil  doit  ralentir  bien  \ite  ces  mouvements;  mais  ell<' 
doit  cependant  permettre  à  la  matière  lumineuse  de  s'élever 
assez  liaut  pour  que  nous  puissions  expliquer  ainsi  la  pro- 
(hution  des  panacbes.  Nous  verrous  que,  avec  le  spectro- 
scope,  ou  a  pu  observer  des  protubérances  dont  la  hauteur 
atteignait  sej)t  et  huit  minutes;  et  cejx'iidant  les  observations 
spectrales  ne  font  voir  (jue  les  ])arties  les  plus  brdlantes. 

Les  ravons  obliques  seraient  produits  par  des  faisceaux  lu- 
mineux lancés  dans  leur  direction.  On  a  objecté  qu'il  est  im- 
possible d'admettre  que  la  longueur  réelle  de  ces  faisceaux 
surpasse  {  du  rayon  solaire.  La  raison  serait  que  plusieurs 
comètes  ont  passé  si  près  du  Soleil,  au  moment  de  leur  péri- 
bélie,  qu'elles  auraient  du  n-ncontrer  ces  ravons;  (pi(%  s'ils 
avaient  luie  aussi  grande  étendue,  le  mouvement  de  ces  astres 
aurait  dû  éprouver,  dans  ce  milieu  nécessairement  résistant, 
un  ralentissement  qui  n'a  jamais  été  constaté. 

Il  est  assez  facde  de  répoudre  à  cette  objection.  Quelques 
comètes  ont  dû  traverser  non-seulement  les  ravon>,  mais  la 
couronne  elle-même.  En  passant  ainsi  à  travers  l'atmosphère 
solaire,  elles  ont  pu  se  volatiliser  en  partie  et  s'échapper  en- 
suite, à  l'état  de  vapeur,  connue  font  les  bolides  et  les  étoiles 
filantes  dans  l'atmosphère  terrestre.  Pour  démontrer  que  les 
choses  n'ont  pu  se  passer  ainsi,  il  faudrait  connaître  la  partie 
de  l'orljite  (jui  précède  le  périhélie,  et  dans  les  cas  dont  il  est 


—  358  — 

ici  question  il  nous  est  im})ossible  de  la  connaître  d'une  ma- 
nière suffisante. 

Parmi  les  comètes  qui  ont  dii  pénétrer  dans  la  couche  où  se 
produit  l'auréole,  on  doit  citer  avant  tout  la  plus  célèbre, 
celle  de  i843,  qui  passa  à  une  distance  du  Soleil  égale  à  y  de 
son  rayon.  Elle  a  dû  nécessairement  produire  une  agitation 
considérable  dans  Fatmosplière  solaire.  Nous  nous  rappelons 
parfaitement  la  première  observation  que  nous  en  fîmes  à 
Lorette,  le  soir  même  où  elle  fut  visible  pour  la  première 
fois.  Une  circonstance  très-extraordinaire  accompagna  l'ap- 
parition de  cette  comète;  la  lumière  zodiacale  était  très- vive 
et  légèrement  teintée  de  rouge  :  aussi  y  eut-il  quelque  diffi- 
culté à  distinguer  ce  qui  appartenait  à  chacun  de  ces  phéno- 
mènes; la  comète  semblait  faire  partie  de  la  lumière  zodiacale 
et  s'en  détacher  connue  une  simjîle  ramification.  Les  mêmes 
apparences  furent  constatées  à  Nice  j^ar  un  astronome  très- 
distingué,  M.  Cooper.  Si  donc  on  observe  dans  certaines 
éclipses  des  rayons  de  forme  extraordinaire,  il  est  possible 
qu'ils  soient  produits  par  quelque  explosion  violente,  ou  bien 
par  le  passage  de  quelque  corps  étranger  à  travers  l'atmo- 
sphère solaire. 

Nous  ne  voulons  pas  dire  cependant  que  notre  atmosphère 
ne  joue  aucun  rôle  dans  la  production  de  ces  apparences; 
son  action  est,  au  contraire,  incontestable  dans  la  plupart  des 
cas,  et  elle  suffit  bien  souvent  pour  tout  expliquer. 


§  V.  —  Polarisation  de  la  lumière  de  la  couronne. 

La  couronne  est-elle  lumineuse  par  elle-même,  ou  bien 
nous  envoie-t-elle  par  réflexion  une  lumière  d'origine  étran- 
gère? Cette  question  peut  être  résolue  de  deux  manières  :  par 


-   ."CiO  - 

le  spcclroscopc  il  |);ir  le  |)(  (l.iiiM'opc.  Nous  xcri'ons  plus  l;u(l 
coinincnl  1  auaKsc  sjx'cir.ilc  jx'iit  nous  ^uidn-  dans  cette 
étude,  <'l  nous  serons  alors  ( onduils  a  regarder  connne  cer- 
tain (jue  la  couronne  esl  lumuieuse  par  elle-nièine,  et  (jue  la 
plus  grande  partie  de  la  lumi«'re  cpTelle  nous  en\oie  |)ro\ient 
(le  la  radiation  (pn  lui  esl  propi'e.  Alais  n'y  a-t-il  j)as  aussi 
([uel<pies  ra\ons  relleclns  mélanges  a\ec  ceux  (jui  émanent  de 
sa  propre  substance?  Le  polariscope  j>eut  seul  répondre  a  c<'tte 
(juestion. 

La  lumièn»  de  la  couronne  fut  étudiée  à  ce  point  de  vue, 
en  18G0  par  ^L  Pra/.mowski,  en  18G8  par  le  capitaine  Braun- 
iield  et  par  le  capitaine  llerschel;  ils  trouvèrent  tous  cpielle 
était  sensiblement  polarisée.  Nous-mème,  en  i8()o,  nous  trou- 
vâmes des  traces  de  polarisation;  mais,  comme  les  astronomes 
français  et  américains  assuraient  le  contraire,  la  question  ne 
pouvait  être  regardée  comme  résolue,  ni  dans  un  sens,  ni  dans 
l'autre.  Elle  fut  reprise  en  1870,  et  on  crovait  l'avoir  (.lélini- 
tivement  trancliée,  car  tous  les  savants  qui  s'en  étaient  occu- 
pés avaient  reconnu  l'existence  d'une  certaine  (juantite  de 
hniiiere  polarisée  :  ce  sont  MM.  Blaserna,  Ranvard,  Brett, 
Picquering,  Langlev,  etc.  ;  mais,  à  la  suite  des  observations 
faites  j)endant  l'éclipsé  de  1871,  les  avis  furent  de  nouveau 
partagés.  C'est  donc  une  question  à  rej)rendre,  ou  plutôt  il 
faut  cliercli('r  quelles  sont  les  causes  qui  amènent  des  diffé- 
rences aussi  grandes  ilans  1  étude  tlu  même  phénomène. 
Entrons  à  ce  sujet  dans  quelques  détails. 

Il  paraît  que  toutes  les  divergences  proviennent  des  instru- 
ments que  l'on  emploie  et  du  mode  d'observation.  M.  Praz- 
mowski,  observant  avec  un  double  quartz,  trouva  unt^  polari- 
sation radiale.  MM.  iilaserna  et  Ranvard  employaient  im 
polariscope  à  bandes  de  Savart,  et  comme,  avec  cet  instru- 
ment, il  est  difficile,  dans  de  semblables  circonstances,  de  dé- 


—  360  — 

terminer  le  plan  de  polarisation,  M.  Blaserna ,  à  Augusla,  ne 
j)ut  que  constater  l'existence  de  la  polarisation,  sans  pouvoir 
en  déterminer  le  plan.  D'après  lui,  la  quantité  de  lumière  po- 
larisée serait  très-considérable  et  à  peu  près  égale  à  celle  qu'on 
observedans  un  ciel  serein  à  4o  degrés  du  Soleil.  L'état  du  ciel 
n'était  pas  favorable  à  ces  observations,  car  il  était  un  peu 
l^rumeux;  grâce  à  cette  circonstance,  IM.  Blaserna  a  pu  re- 
garder ses  résultats  comme  plus  concluants  qu'ils  ne  le  sont 
en  réalité  :  nous  verrons  qu'on  peut  élever  des  doutes  à  ce 
sujet.  M.  Ranyard,  dans  une  station  voisine  d'Augusta,  mais 
où  le  ciel  était  pur,  trouva  une  polarisation  considérable  dans 
le  plan  radial  du  Soleil. 

Nous  ne  devons  cependant  pas  dissimuler  une  difficulté. 
]M.  Becker  (' )  et  ]M.  Picquering  (^)  nous  assurent  qu'ils  ont 
vu  les  franges  de  Savart,  non-seulement  sur  la  couronne,  mais 
jusque  sur  le  disque  de  la  Lune.  M.  Lockyer,  en  1871,  les  a 
Aues  partout,  toujours  parallèles  et  dans  la  même  direction, 
tandis  que  d'autres  observateurs  assurent  n'avoir  rien  vu  de 
semblable. 

En  présence  de  ces  témoignages  opposés,  il  ne  nous  appar- 
tient pas  de  prendre  un  parti  et  de  trancher  la  question  ;  mais 
on  nous  permettra  quelques  réflexions.  On  sait  qiie  l'air  atmo- 
s])hérique,  lorsqu'il  est  chargé  de  vapeurs,  produit  des  diffu- 
sions et  des  diffractions,  d'où  il  résulte  quelquefois  des  cercles 
irisés  qui,  pendant  les  éclipses,  acquièrent  un  éclat  extraor- 
dinaire; Les  rayons  lumineux  pourraient  bien  aussi  se  polari- 
ser en  traversant  une  couche  épaisse  d'air  humide  :  de  là  une 
cause  d'erreur  dans  les  observations  dont  il  est  ici  question. 
31.  Tyndall  a,  en  effet,  démontré  que  certaines  vapeurs  dif- 


(')  Monthlj  Notices,  t.  XXXI,  p.  5g. 
(-)  Nature,  t.  III,  p.  5g. 


-  3GI  — 

fusent  cl  pol.iriscnt  ctrangonicnt  les  rayons  lumineux  qui  les 
traversent,  et,  de  plus,  il  a  constaté  que,  au  coucher  du  So- 
leil, les  rayons  qui  passent  auprès  des  nuag(^s  peuvent  être 
polarisés  ('),  ce  qui  permet  d'élever  des  doutes  sur  la  légiti- 
mité des  conclusions  de  ceux  qui  ont  constaté  la  polarisa- 
lion. 

Les  phénomènes  observés  au  Soleil  couchant  se  produisant 
dans  des  conditions  assez  semblables  à  celles  des  éclipses,  on 
devra  v  attacher  de  l'importance  et  les  étudier  sérieusement. 
Nous  avons  fait  une  observation  toute  récente  à  l'occasion 
des  expériences  que  faisait  ]\I.  Blaserna  sur  la  lumière  élec- 
tii([ue.  Il  projetait  le  faisceau  lumineux  de  la  colline  du  \  inii- 
nal  sur  ]Monte-]Mario  ;  lorsque  les  rayons  passaient  au|)rès  de 
notre  observatoire,  sans  cependant  nous  arriver  directement 
de  manière  à  nous  faire  voir  le  point  lumineux,  nous  avons 
pu  constater  que  la  lumière  qui  éclairait  l'air  atmosphérique 
était  fortement  polarisée.  La  lumière  qui  rase  le  disque  lu- 
naire pendant  les  éclipses  pourrait  de  même  être  polarisée 
par  notre  atmosphère  qu'elle  traverse  ensuite. 

Dans  l'incertitude  où  nous  mettent  des  témoignages  con- 
tradictoires, nous  nous  contenterons  de  faire  remarquer  que 
les  faits  n'ont  pas  été  bien  constatés,  qu'on  n'a  pas  assez  bien 
déterminé  les  circonstances  dans  lesquelles  ils  se  produisent,  et 
qu'on  n'a  pas  les  éléments  nécessaires  pour  les  expliquer  et  en 
tirer  les  conséquences.  Ainsi  il  n'est  pas  prouvé  que  la  pola- 
risation observée  pendant  les  éclipses  soit  due  à  une  réflexion 
sur  les  molécules  de  l'atmosphère  solaire  ;  il  n'est  pas  prouvé 
que  la  couronne  nous  envoie  d'autre  lumière  que  celle  qui  lui 
est  })ropre. 


(■)  Les  Mondes,  t.  XIX,  j..  171. 


-  362  - 

Supposons,  en  effet,  que  l'air  atmosphérique  ou  Ja  vapeur 
d'eau  ait  le  pouvoir  de  polariser  la  lumière  par  transmission, 
mais  en  petite  quantité;  ces  quelques  rayons  seront  comme 
noyés  dans  les  torrents  de  lumière  que  le  Soleil  nous  envoie 
en  plein  jour  :  on  ne  pourra  pas  en  constater  l'existence.  Il 
n'en  sera  pas  de  même  pendant  les  éclipses,  lorsque  la  lumière 
du  Soleil  cesse  d'arriver  jusqu'à  nous.  Les  faisceaux  de  rayons 
à  peu  près  parallèles  qui  rasent  les  bords  de  la  Luné  pro- 
duisent sin'  nos  yeux,  comme  nous  l'avons  déjà  expliqué, 
l'effet  de  ravons  divergeant  en  forme  de  panaches.  Ces  rayons, 
par  l'action  des  molécules  de  gaz  qu'ils  rencontrent  en  les  ra- 
sant, pourront  se  polariser  d'une  manière  d'autant  plus  sen- 
sible que  l'air  est  plus  chargé  de  vapeurs. 

Ce  n'est  pas  une  théorie  que  nous  prétendons  exposer  ;  nous 
hasardons  une  hvpothèse,  et  nous  invitons  les  physiciens  à 
étudier,  avant  la  prochaine  éclipse,  cette  question  importante 
et  curieuse;  en  attendant  le  résultat  de  leurs  traAaux,  nous 
ne  pouvons  que  suspendre  notre  jugement. 


§  VI.  —  Considérations  générales  sur  la  couronne. 

Pour  terminer  l'étude  de  la  couronne,  nous  devrions  parler 
de  1  analvse  spectrale  de  sa  lumière;  mais  nous  nous  réser- 
vons de  traiter  spécialement  ce  sujet  dans  l'un  des  Chapiti^es 
suivants.  Bornons-nous  à  résumer  ici  les  conclusions  qui  ré- 
sultent de  tout  ce  que  nous  venons  de  dire. 

1°  Les  dessins  que  nous  avons  reproduits  montrent  d'une 
manière  évidente  que  l'étendue  de  la  couronne  est  loin  d'être 
uniforme.  Nous  l'afhrmons  sur  la  foi  des  épreuves  photogra- 
phiques. Il  est  bien  vrai  que  la  forme  de  l'image  ainsi  obtenue 
dépend  uniquement  des  radiations  actiniques;  il  est  cepen- 


-  363  - 

dant  impossil^le  d'aclmettre  qu'il  puisse  exister  des  inégalités 
semblables  dans  l'activité  chimique,  s'il  n'y  avait  pas  des  iné- 
galités de  même  nature  dans  les  radiations  lumineuses.  L'i- 
mage photographique  peut  donc  nous  donner  une  idée  exacte 
de  la  forme  réelle  de  la  couronne. 

2°  On  peut  se  demander  s'il  n'y  a  point  quelque  relation 
entre  ces  apparences  et  quelque  phénomène  solaire  déjà 
connu.  Au  premier  coup  d'oeil,  on  voit  que  la  plus  grande 
élévation  de  la  couronne  correspond  à  la  région  des  taches  et 
des  facules  ;  on  sait,  en  effet,  que  le  maximum  des  taches  se 
produit,  non  pas  à  l'équateur,  mais  dans  les  latitudes  qui  en- 
vironnent le  trentième  parallèle.  Il  faut  cependant  remarquer 
que  la  région  la  plus  élevée  de  l'aïu'éole  dépasse  considéra- 
blement la  zone  des  taches,  puisqu'elle  s'étend  jusqu'à  3o  de- 
grés des  pôles  et  quelquefois  plus  loin.  Nous  avons  cherché 
à  nous  expliquer  cette  différence,  et  nous  avons  reconnu 
qu'elle  tient  à  la  loi  de  distribution  des  protubérances  et  des 
facules.  On  admet  que  les  facules  accompagnent  généralement 
les  taches  ;  et  cependant,  en  étudiant  attentivement  la  surface 
du  Soleil,  dont  nous  projetions  l'image  dans  une  chambre 
parfaitement  obscure,  nous  avons  constaté  que  les  facules,  ou 
granulations  brillantes,  s'étendent  bien  au  delà  des  limites  des 
taches.  Très-souvent,  et  surtout  dans  les  périodes  de  grande 
activité,  elles  forment  autour  des  pôles  des  zones  bien  tran- 
chées et  parfaitement  visibles.  Il  semble  que  la  partie  la  plus 
élevée  de  la  couronne  s'étend  jusque-là,  et  nous  le  reconnaî- 
trons plus  clairement  encore  lorsque  nous  aurons  étudié  les 
protubérances. 

Une  longue  série  d'observations  nous  a  prouvé  que  cette 
distance  aux  pôles  est  très-variable  ;  à  l'époque  de  la  dernière 
éclipse  (i2  décembre  1871),  elle  était  si  faible  qu'on  voyait 
des  protubérances  jusque  sur  les  pôles,  où  d'ordinaire  il  n'y 


—  364  — 

en  a  pas.  Nous  verrons,  dans  les  éclipses  prochaines,  si  cette 
explication  est  fondée. 

3**  Quant  aux  ravons  curvilignes  de  l'auréole  qui  ont  été 
observés  directement,  et  dont  les  observations  photographi- 
cpies  ne  nous  permettent  plus  de  révoquer  l'existence  en 
doute,  ils  prouvent  que  les  parties  supérieures  de  l'atmosphère 
solaire  ne  sont  pas  occupées  par  des  masses  en  repos,  mais 
qu'il  V  a  dans  ces  régions  des  mouvements  extrêmement  ra- 
pides. Cette  conclusion,  qui  s'impose  à  tous  ceux  qui  exami- 
nent sans  prévention  les  photographies  de  lord  Lindsav,  avait 
vivement  frappé  M.  Janssen  pendant  ses  observations,  et  il  l'a 
hautement  proclamé  à  son  retour  des  Indes. 

Cette  couche  atmosphérique  doit  d'abord  être  animée  d'une 
circulation  calme  et  régulière,  analogue,  sauf  la  rapidité,  à 
celle  cpii  existe  dans  l'atmosphère  des  planètes  ;  mais,  en 
outre,  il  doit  y  avoir  des  mouvements  violents  et  irréguliers, 
de  véritables  explosions,  soudaines  et  gigantesques,  provenant 
de  masses  considérables  cpii  sont  lancées  de  bas  en  haut  par 
les  couches  les  plus  basses.  Au  miheu  de  la  circulation  géné- 
rale, il  doit  se  produire  des  actions  particulières  et  locales 
dont  l'influence  est  d'autant  plus  grande  qu'il  s'agit  de  masses 
énormes  portées  à  une  température  ti^ès-élevée.  Il  y  a  là  toute 
une  série  de  problèmes  qui  se  posent  naturellement  à  nous 
et  dont  la  solution  nous  conduira  sans  doute  à  des  consé- 
quences inattendues.  Qu'il  nous  suffise  pour  le  moment  d'ap- 
})rcndre  par  cet  exemple  combien  il  faut  être  réservé  lorsqu'il 
s'agit  de  rejeter  des  faits  constatés  par  des  hommes  éminents, 
pour  cette  seule  raison  que  nous  ne  pouvons  les  expliquer. 

On  trouve  une  différence  assez  grande  entre  les  figures  qui 
représentent  les  différentes  éclipses.  Nous  ne  devons  pas  en 
être  surpris,  et  il  ne  faut  pas  se  hâter  de  l'attribuer  aux  dé- 
buts des  observations.  Ces  différences  peuvent  exister  réelle- 


-  365  - 

ment,  aussi  bien  que  les  variations  des  taches  et  des  protubé- 
rances. La  dernière  éclipse  s'est  produite  à  une  époque  de 
grande  activité  solaire  :  c'est  pour  cela  peut-être  que  la  cou- 
ronne présenta  nlors  un  plus  grand  éclat.  Si  une  éclipse  se 
produisait  à  une  époque  de  calme,  les  apparences  seraient 
tout  à  fait  différentes. 

4°  On  ne  connaît  j)as  encore  avec  certitude  l'étendue  de  la 
couronne,  ou  du  moins  de  l'atmosphère  qui  en  est  le  siège. 
Nous  ne  connaissons  que  la  limite  qui  est  déterminée  par  le 
pouvoir  optique  de  nos  instruments,  par  la  sensibilité  physio- 
logique de  nos  organes  et  par  l'impressionnabilité  de  nos  pré- 
parations chimiques.  Pour  les  régions  qui  dépassent  ces  li- 
mites, nous  ne  savons  rien.  Il  peut  exister  là  une  matière 
plus  raréfiée  n'exerçant  aucune  action  appréciable  sur  nos 
sens.  On  a  supposé,  et  ce  n'est  pas  sans  raison,  que  cette 
atmosphère  s'étend  à  une  distance  très-considérable,  et  que 
c'est  elle  peut-être  qui  produit  la  lumière  zodiacale,  comme 
l'avait  déjà  soupçonné  Olbers;  mais,  sans  aller  aussi  loin, 
nous  pouvons  bien  penser  qu'elle  arrive  jusqu'à  l'extrémité 
des  aigrettes,  et  nous  verrons  qu'il  n'y  a  rien  d'impossible 
dans  cette  hy|:)Othèse. 

5**  Tout  le  monde  admet  à  présent  que  la  couronne  appar- 
tient au  Soleil  ;  mais  on  peut  se  demander  si  l'on  ne  pourrait 
pas  arriver  à  la  voir  en  tout  temps  par  un  procédé  quelconque, 
par  exemple  par  des  éclipses  artificielles.  Nous  savons  que, 
dans  des  circonstances  particulières,  M.  Tacchini  en  a  vu 
quelque  chose  auprès  de  l'horizon;  dernièrement  encore  il 
a  pu  la  voir  complètement  en  plein  jour.  Voici  ce  qu'il  nous 
écrivait  le  28  mai  1871  :  «  Au  zénith,  le  ciel  était  d'un  bleu 
très-foncé;  je  n'ai  jamais  rien  vu  de  pareil.  A  9  heures,  je 
regardais  vers  le  Soleil  en  cachant  son  disque,  et  j'ai  observé 
une  auréole  dont  voici  la  forme  [fig.  127).  Après  avoir  fait 


—  3G6  - 


cette  observation,  je  priai  M.  Delisa  d'en  faire  une  semblable, 
sans  rien  lui  dire  de  ce  que  j'avais  vu.  Au  bout  de  quelques 


Fig.  127. 


heures,  il  avait  terminé  son  dessin  ;  en  voici  la  forme  [Jig.  1 28). 

»  Le  changement  de  direction  que  nous  remarquons  dans 

le  plus  grand  panache  tient  sans  doute  au  mouvement  que  la 

sphère  céleste  avait  exécuté  dans  l'intervalle  des  deux  obser- 


—  367  - 


valions,  r.c  soir  le  Soleil  parut  à  l'Iiorizon  avec  une  traînée 
bien  sensible,  de  forme  triangulaire,  avant  une  couleur  jaune- 


Fig.   128. 


orange.  Cette  traînée  était  dans  la  din^ction  de  Jupiter  et  de 
A  cnus.    )) 

En  terminant  sa  lettre,  ÎNI.  Taccliini  reconnaît  l'importance 
du  ])rojet  que  nous  avions  proposé,  de  faire  des  observations 


_  368  - 

semblables  sur  l'Etna,  où  l'atmosphère  présente  une  teinte  si 
foncée.  Les  essais  que  nous  avons  faits  à  Augusta  à  l'époque 
de  l'éclipsé  nous  montrent  qu'il  y  aurait  là  pour  la  science  un 
intérêt  de  premier  ordre.  Le  ciel  de  la  Sicile  est  d'une  pureté 
admirable  ;  celui  de  Rome  parait  en  comparaison  sale  et  bru- 
meux. 

Signalons  encore  une  idée  qui  n'est  pas  sans  importance. 
La  science  moderne  a  constaté  qu'il  existe  des  amas  de  ma- 
tière cosmique,  analogues  aux  nébuleuses,  circulant  comme 
des  comètes  dans  l'intérieur  du  système  solaire,  et  qui,  au 
moment  du  périhélie,  se  trouvent  très-voisins  du  Soleil.  Ce 
fait  n'est  peut-être  pas  étranger  à  certaines  apparences  extra- 
ordinaires qui  se  présentent  pendant  les  éclipses.  Ne  serait-ce 
point  à  quelqu'une  de  ces  masses  cosmiques,  fortement 
éclairée  par  la  lumière  solaire,  qu'il  faudrait  attribuer  les 
ravons  et  les  arcs  recourbés  dont  nous  avons  déjà  parlé  plu- 
sieurs fois?  Le  temps  pourra  seul  faire  connaître  la  valeur  de 
ces  idées,  qui  ne  sont  en  ce  moment  que  de  simples  conjec- 
tures . 

La  couronne  a  donc  son  siège  dans  le  Soleil  et  non  dans 
la  Lune,  mais  c'est  un  phénomène  très-complexe.  Elle  est 
certainement  lumineuse  par  elle-même,  mais  on  n'a  pas 
encore  prouvé  qu'elle  est  incapable  de  réfléchir  la  lumière 
solaire.  Les  limites  apparentes  dépendent  principalement  de 
l'activité  du  Soleil,  mais  elles  subissent  aussi  l'influence  de 
notre  atmosphère.  Ses  limites  véritables  nous  sont  inconnues, 
et  elle  s'étend  probablement  jusqu'à  la  lumière  zodiacale. 


-  369  - 


CHAPITRE   III. 


DES  PROTUBERANCES  0 1:  PROEMINENCES  ROSES  QUON  OBSERVE 
PENDANT  LES  ÉCLIPSES  TOTALES  DE  SOLEIL. 


AVANT-PROl'OS. 

Le  phénomène  des  protubérances  est  maintenant  connu 
de  tout  le  monde  :  aussi  pourrait-on  penser  qu'il  est  inutile 
de  retracer  l'histoire  de  leur  découverte.  Nous  avions,  en  effet, 
l'intention  d'omettre  cet  article;  mais,  outre  l'importance 
réelle  du  sujet,  nous  trouvons  là  un  exemple  frappant  du 
procédé  analytique  employé  par  la  science  contemporaine. 
Nous  verrons  avec  quelle  patience  et  quelle  persévérance  elle 
a  su  étudier  les  plus  minces  détails,  et  arriver  à  des  décou- 
vertes admirables  à  l'aide  de  phénomènes  qui  paraissaient 
insignifiants  au  premier  abord.  C'est  ainsi  qu'on  voit  tou- 
jours avec  plaisir  les  sources  d'un  grand  fleuve. 


§  I.  —  Premières  observations  des  protubérances . 

Ce  fut  pendant  l'éclipsé  du  8  juillet  i8'|2  que  l'attention 
des  astronomes  fut  attirée  par  ces  protubérances,  qui  s'élan- 
cent autour  de  la  Lune  comme  des  flammes  gigantesques,  de 
couleur  rose  ou  fleur  de  pécher.  La  surprise  que  leur  causa 
ce  phénomène  inattendu  ne  leur  permit  pas  de  faire  des  ob- 
servations précises,  de  sorte  qu'il  y  eut  un  désaccord  com- 
I.  24 


-  370  — 


plet  entre  les  différentes  relations.  Baily  remarqua  trois  proé- 
minences très- vastes,  presque  uniformément  réparties  du 
même  côté  [Jîg.  loG,  p.  3io}.  Airy  en  observa  trois  en  forme 
de  dents  de  scie,  mais  placées  au  sommet  [fig.  i  29).  Arago  en 


Fig. 


vit  deux  à  la  partie  mférieure  du  disque  fig-  i3o).  Struve  et 


Fig.   i3a. 


Schidlofsckv  remarquèrent  les  mêmes  qu'Arago,  et  de  plus  ils 
notèrent  une  bande  rose  embrassant  un  arc  de  45  degrés  en- 
viron. A  Vérone,  ces  flammes  demeurèrent  visibles  quelque 
temps  après  l'apparition  du  Soleil. 

Ces    appendices    avaient   des    dimensions    considérables. 
L'astronome  français  Petit  mesura  la  bauteur  de  l'un  d'entre 


-  371  - 

eux  et  la  trouva  égale  à  l'A^'  ?  ^^  qui  équivaut  presque  à  6  dia- 
mètres terrestres,  e'est-à-dire  à  80000  kilomètres.  Les  appré- 
ciations des  autres  observateurs  variaient  entre  i  minute  et 
2  secondes. 

La  discussion  s'ouvrit  aussitôt  sur  la  nature  de  ces  protubé- 
rances. On  les  prit  d'abord  pour  des  montagnes;  mais  cette 
opinion  était  inconciliable  avec  les  observations  d'Arago, 
quelques-unes  de  ces  prétendues  montagnes  étant  très-incli- 
nées,  surplombant  même  assez  fortement  pour  que  l'équi- 
libre fût  impossible.  La  plupart  des  savants  les  regardèrent 
comme  des  flammes  ou  comme  des  nuages.  Quelques-uns, 
se  fondant  sur  le  peu  d'accord  qui  régnait  entre  les  observa- 
teurs, déclarèrent  que  c'étaient  de  pures  illusions  d'optique, 
des  effets  de  mirage  produits  à  la  surface  de  la  Lime  :  telle 
était  l'opinion  de  Faye,  de  Marquez,  de  Feilitzscb.  Il  était 
donc  indispensable  de  faire  des  observations  ultérieures,  de 
surveiller  avec  soin  les  éclipses  suivantes  et  de  recourir  aux 
observations  passées. 

En  réalité,  ces  phénomènes  n'étaient  pas  nouveaux  ;  mais, 
comme  il  arrive  souvent  pour  les  choses  extraordinaires  dont 
nous  n'avons  aucune  idée,  on  n'avait  rien  compris  aux  récits 
d'ailleurs  inexacts  et  exagérés  des  observateurs.  Ils  avaient 
parlé  d'échancrures  vues  dans^le  disque  lunaire,  de  flammes, 
d'éclairs,  de  nuages  et  d'orages  vus  dans  l'atmosphère  de  la 
Lune.  Cette  apparence  d'échancrure  notée  par  quelques  ob- 
servateurs est  due  à  un  phénomène  d'irradiation  ;  elle  se  pro- 
duit facilement  lorsqu'on  observe  à  l'œil  nu  ou  avec  un  faible 
grossissement,  comme  on  l'a  encore  remarqué  dans  l'éclipsé 
de  1868  (Hennessy,  Ray). 

De  toutes  les  observations  anciennes,  la  plus  détaillée  est 
celle  que  Wassénius  fit  à  Gothenbourg,  le  2  mai  lySS.  Dans 
la  couronne  qu'il  attribue  à  l'atmosphère  de  la  Lune,  il  crut 

24. 


—  372  — 

voir  flotter  plusieurs  nuages  rouges  ;  l'un  d'eux  paraissait  plus 
grand  que  les  autres,  et  semblait  composé  de  trois  masses 
superposées,  complètement  séparées  du  disque  lunaire.  [Philos. 
Transact.,  t.  XXXVIII,  p.  i35;  et  Astr.  ^achr.,  n°463.)  La 
fig.  i3i  montre  bien  que  ce  sont  des  nuages,  mais  il  reste 

Fi-.   i3i. 


à  savoir  s'ils  appartiennent  réellement  à  la  Lune  ou  s'ils  ne 
dépendent  pas  du  Soleil. 


Fiîî.   i3>. 


On  attendait  avec  impatience  l'éclipsé  de  i85i  qui  devait 
être  totale  en  Suède.  M.  Airy  organisa  une  expédition  et  pré- 
para des  instruments  destinés  à  prendre  des  mesures  précises. 
Au  moment  de  la  totalité,  il  observa  d'abord  une  protubé- 
rance a  [Jig.  i32)  ayant  la  forme  d'une  équerre  terminée  en 
pointe;  au-dessous  se  trouvait  un  petit  cône,  et  plus  loin, 
au  point  d,  un  petit  nuage  suspendu.  Un  peu  plus  tard  il 
distingua  une  pointe  c  ;  puis  au  bout  d'une  minute  la  protu- 


—  373  — 

bérancc  b  située  à  l'aiitre  extrémité  du  diamètre;  enfin  parut 
en  dernier  lieu  un  arc  rosé  e.  Les  autres  observateurs  remar- 
quèrent les  mêmes  phénomènes  avec  de  légères  différences  de 
formes.  La  figure  donnée  par  M.  C'arriiigton  est  presque 
identique;  on  y  remarque  seulement  un  léger  nuage  blan- 
châtre joignant  la  protubérance  principale  avec  le  nuage 
isolé  d.  Cependant  la  protubérance  a  n'a  pas  tout  à  fait  la 
même  forme  dans  les  dessins  exécutés  par  des  observateurs 
très-éloignés  les  uns  des  autres.  M.  Tlind  a  donné  le  dessin 
suivant  [fig.  i33).  M.  Dawes  a  donné  une  forme  intermé- 

Fiîî.  1.33. 


diaire  entre  les  deux,  et  de  plus  l'arc  e  [fig.  i32)  lui  parut 
beaucoup  plus  étendu.  iNL  Talbot,  placé  presque  à  la  hmite 
de  la  zone  de  totalité,  vit  ce  même  arc  rose  embrasser  une 
étendue  à  peu  près  égale  à  une  demi-circonférence. 

Ces  observations  nous  permettent  de  formuler  avec  certi- 
tude les  conclusions  suivantes  :  i°  Les  protubérances  ne  sont 
pas  des  montagnes;  cette  hypothèse  est  inconciliable  avec 
leurs  formes;  2°  on  doit  les  regarder  comme  des  masses  ga- 
zeuses, dont  la  forme  est  assez  analogue  à  celle  de  nos 
nuages;  leurs  courbures  rappellent  assez  bien  la  fumée  qui 
s'échappe  de  nos  volcans;  3°  la  variété  des  formes  attribuées 
à  une  même  protubérance  peut  tenir  à  des  variations  réelles; 


—  374  — 

mais  elle  peut  résulter  aussi  du  peu  d'exactitude  des  des- 
sins; 4°  il  y  a  une  relation  évidente  entre  ces  protubérances 
et  les  arcs  roses  déjà  observés  en  1842,  mais  qu'on  observa 
beaucoup  mieux  cette  fois  :  on  peut  légitimement  supposer 
que  ces  arcs  forment  la  partie  visible  d'une  couche  continue 
qui  enveloppe  complètement  le  Soleil;  5"  on  voyait  la  gran- 
deur des  protubérances  s'accroître  du  coté  que  quittait  la 
Lune  et  diminuer  du  coté  où  elle  s'avançait  :  donc  c'est  sur  le 
Soleil  que  se  trouve  le  siège  du  phénomène;  6°  tous  les  obser- 
vateurs n'ont  pas  vu  le  même  nombre  de  protubérances;  ils 
ne  leur  ont  pas  assigné  exactement  la  même  place.  Cela  tient 
à  la  rapidité  du  phénomène,  dont  la  totalité  dure  si  peu  de 
temps,  qu'il  n'est  pas  possible  d'examiner  le  contour  du 
disque  avec  l'attention  qu'on  y  apporterait  dans  d'autres  cir- 
constances. 

Ces  résultats  ne  parurent  pas  assez  sûrs  à  un  certain  nombre 
d'astronomes.  Les  mesures  semblaient  peu  exactes,  les  des- 
criptions peu  concordantes;  aussi  continua-t-on  à  regarder 
ces  phénomènes  comme  des  illusions  d'optique  et  des  effets 
d'interférence  et  de  mirage.  Pour  convaincre  tout  le  monde, 
il  fallait  des  témoignages  irrécusables,  des  mesures  d'une 
exactitude  toute  mécanique;  la  Photographie  pouvait  seule 
répondre  à  ces  exigences,  et  c'est  pour  cela  qu'on  y  attacha 
tant  d'importance  en  1860. 

A  part  ces  doutes  peu  fondés,  il  restait  encore  à  résoudre 
plusieurs  questions  importantes  :  1°  quelle  est  l'intensité  lu- 
mineuse des  protubérances?  1^  quelle  est  leur  couleur  pré- 
cise? 3*^  ont-elles  quelque  relation  avec  les  taches  et  les  fa- 
cules?  Pour  répondre  à  ces  questions,  il  faut  avoir  recours  à 
des  mesures  très-exactes,  mesures  que  la  Photographie  peut 
seule  exécuter  en  aussi  peu  de  temps.  Cependant,  comme  la 
Photographie,  surtout  dans  des  circonstances  aussi  excep- 


—  37-)   - 

tionnelles,  est  un  moyen  de  recherches  capricieux  et  peu  sur, 
on  eut  soin  de  contrôler  ses  indications  à  l'aide  d'instruments 
spéciaux  permettant  d'obtenir  directement  et  rapidement 
des  mesures  suffisamment  précises.  Pour  cela,  les  astronomes 
ont  proposé  différents  moyens  qu'il  ne  sera  pas  inutile  de  rap- 
peler ici.  Ces  procédés  ne  manquent  pas  de  valeur  ;  ils  n'ont 
rien  perdu  de  leur  importance,  et  ils  pourront  toujours  servir 
dans  les  circonstances  où  il  serait  difficile  d'employer  des  mé- 
thodes plus  parfaites. 

Pour  mesurer  les  dimensions  des  protubérances,  on  pro- 
posa de  diviser  le  champ  de  la  lunette  en  petits  carrés  par  des 
fils  assez  gros  et  tendus  suivant  deux  directions  rectangulaires, 
à  des  distances  mesurées  d'avance.  Ce  procédé  présentait  de 
grands  avantages,  mais  il  avait  l'inconvénient  d'encombrer  le 
champ  de  la  vision.  Nous  avons  réussi  en  employant  un  moyen 
un  peu  différent.  Le  champ  de  notre  lunette  fut  muni  de  deux 
fils  de  platine  médiocrement  fins,  faisant  entre  eux  un  angle 
assez  aigu  pour  qu'on  put  évaluer  les  dimensions  des  protu- 
bérances sans  faire  usage  de  vis  micrométrique.  Pour  prendre 
les  angles  de  position,  nous  mimes  à  l'oculaire  une  alidade 
portant  une  pointe,  et  mobile  devant  un  cercle  de  carton;  la 
pointe,  pressée  au  moment  convenable,  laissait  sur  le  carton 
une  trace  qu'on  pouvait  ensuite  étudier  à  loisir  pour  en  dé- 
duire l'angle  de  position. 

Le  succès  fut  complet,  comme  nous  le  verrons  bientôt,  et 
nous  recommandons  aux  observateurs  ces  moyens  sûrs  et  ex- 
péditifs.  Seulement,  la  Photographie  ne  nous  apprenant  rien 
sur  les  couleurs,  il  fallut  y  suppléer  par  des  observations  di- 
rectes; mais  tous  les  observateurs  n'éprouvent  pas,  en  pré- 
sence du  même  objet,  des  impressions  identiques  :  leurs  yeux 
ne  sont  donc  pas  des  instruments  comparables.  Cependant  ils 
s'accordaient  tous  à  dire  que  les  protubérances  étaient  d'un 


—  376  — 

rouge  plus  ou  moins  clair,  mélangé  d'un  violet  analogue  à 
celui  de  la  fleur  de  pêcher.  On  remarqua  cependant  que  la 
protubérance  recourbée  de  i85i  était  blanche  à  sa  base,  et 
cette  remarque  s'applique  également  aux  protubérances  de 
1860;  le  rose  était  la  couleur  dominante,  mais  sur  les  bords 
on  voyait  des  nuages  jaunes  parfaitement  marqués,  la  base 
étant  blanche.  M.  de  la  Rue  fit  la  même  observation.  Cet 
astronome  avait  préparé  des  étoffes  de  différentes  couleurs, 
qui  devaient  servir  de  terme  de  comparaison  ;  mais  cette  mé- 
thode ne  put  donner  aucun  résultat,  faute  de  lumière  pour 
éclairer  les  étoffes.  On  pourrait  employer  des  flammes  colo- 
rées ou,  mieux  encore,  des  tubes  de  Geissler  éclairés  par  un 
courant  électrique;  mais  l'analvse  spectrale  a  fait  abandonner 
tous  ces  projets.  On  n'a  cependant  pas  dit  le  dernier  mot  sur 
cette  question.  Dans  l'éclipsé  que  nous  avons  observée  en  Si- 
cile, nous  avons  vu  une  magnifique  protubérance  couronnée 
par  un  beau  sommet  jaune,  et  notre  observation  a  été  confir- 
mée par  le  P.  Denza  :  il  faudra  voir  si  c'est  un  fait  isolé  ou 
s'il  s'en  reproduit  de  semblables  dans  les  éclipses  prochaines, 
et  la  Photographie  ne  peut  rien  nous  apprendre  à  cet  égard. 
Dans  d'autres  circonstances,  on  a  trouvé  sur  les  épreuves  pho- 
tographiques des  protubérances  que  personne  n'avait  obser- 
vées directement,  d'où  il  faudrait  conclure  qu'il  y  en  a  qui 
n'émettent  que  des  rayons  chimiques.  De  plus,  il  y  aurait  lieu 
de  comparer  les  résultats  de  l'observation  directe  avec  ceux 
de  l'observation  spectrale.  Aussi,  quels  que  soient  les  progrès 
de  la  science  et  la  perfection  de  nos  procédés,  malgré  l'emploi 
si  précieux  des  méthodes  photographiques,  il  ne  sera  pas  inu- 
tile, dans  les  prochaines  éclipses,  de  faire  aussi  de  bonnes  ob- 
servations optiques  des  protubérances. 


-  377  - 

§  II.  —  P/iolograp/iies  obtenues  en  Espagne  pendant 
l' éclipse  de  1860. 

Afin  de  mettre  le  lecteur  au  courant  des  moyens  employés 
par  les  astronomes  pour  photographier  les  éclipses,  nous  ex- 
poserons en  détail  les  préparatifs  qui  furent  faits  en  18G0  et 
les  résultats  qu'on  obtint  alors.  Quelques  essais  avaient  déjà 
été  faits  précédemment;  mais  cette  tentative  est  la  première 
qui  ait  été  couronnée  d'un  succès  véritable.  Pour  les  expédi- 
tions suivantes,  nous  nous  bornerons  à  enregistrer  les  résul- 
tats. Nous  avons  déjà  dit  que  deux  expéditions  furent  organi- 
sées pour  observer  photographiquement  l'éclipsé  de  i8(Jo  :  la 
j)remière  par  M.  de  la  Rue,  la  seconde  par  nous,  avec  la  colla- 
boration de  M.  Aguilar,  directeur  de  l'Observatoire  de  Ma- 
drid, et  de  M.  le  professeur  jMonserrat,  de  Valence.  M.  de  la 
Rue  choisit  Rivabellosa,  près  de  l'Atlantique,  tandis  que  nous 
avions  pris  position  au  Desierto  de  las  Palmas,  auprès  de  la 
^Méditerranée. 

Nous  avions  tous  les  deux  une  grave  difficulté  à  vaincre, 
car  nous  ignorions  complètement  le  pouvoir  photogénique 
que  possède  la  lumière  pendant  les  éclipses;  nous  ne  savions 
donc  pas  s'il  nous  serait  possible  d'obtenir  des  épreuves  en 
opérant  avec  la  rapidité  qu'exigeaient  les  circonstances.  M.  de 
la  Rue  avait  adopté  l'hèliographe  de  Rew,  et,  comme  les  images 
formées  directement  au  foyer  de  l'objectif  étaient  très-petites, 
il  préféra  les  agrandir  avec  l'oculaire.  Nous  préférâmes,  au 
contraire,  prendre  l'image  directe  donnée  par  l'objectif  de 
Cauchoix.  Cette  image,  ayant  2%  millimètres  de  diamètre, 
donnait  déjà  des  résultats  parfaitement  visibles,  et  d'ailleurs 
il  nous  restait  toujours  la  ressource  de  l'agrandir  par  l'un  des 
procédés  connus.  Deux  raisons  nous  portèrent  à  préférer  cette 


—  378  — 

méthode  :  i°  la  faible  intensité  de  la  lumière,  qui,  en  la  sup- 
posant égale  à  celle  de  la  pleine  Lune,  semblait  devoir  exiger 
une  minute  d'exposition  si  nous  agrandissions  l'image  :  en 
opérant  sur  l'image  directe,  nous  trouvions  plus  de  sûreté  ; 
2°  cette  méthode  nous  permettait  de  faire  un  plus  grand 
nombre  d'épreuves  dans  le  même  temps,  et,  par  conséquent, 
de  fixer  un  plus  grand  nombre  de  phases. 

Le  résultat  a  prouvé  que  les  deux  systèmes  sont  excellents 
et  que  chacun  d'eux  a  ses  avantages.  On  distingue  plus  de 
détails  dans  les  images  agrandies;  mais  l'image  directe  fixe 
une  plus  grande  étendue  de  la  couronne. 

Notre  première  plaque  ne  fut  exposée  que  pendant  six  se- 
condes, et  cependant,  outre  les  protubérances,  elle  montre 
une  trace  parfaitement  sensible  de  la  couronne.  La  deuxième 
fut  exposée  pendant  vingt  secondes  environ  ;  mais  trois  se- 
cousses imprimées  à  l'équatorial  pendant  ce  temps  ont  pro- 
duit autant  d  images  distinctes  et  séparées  des  protubérances  : 
il  faut  en  conclure  qu'avec  un  objectif  de  6  pouces,  comme  le 
nôtre,  un  temps  très-court  suffit  pour  la  reproduction  de  ces 
appendices.  Le  choix  de  la  méthode  dépend  donc  du  but 
qu'on  se  propose;  mais,  avec  les  moyens  si  délicats  dont  on 
dispose  aujourd'hui,  on  peut  abréger  la  durée  de  l'exposition, 
et  il  n'est  pas  nécessaire  d'employer  de  très-grandes  lunettes. 
Lord  Lindsay  a  obtenu  des  résultats  merveilleux  en  agran- 
dissant des  images  qui  n'avaient  que  8  ou  lo  millimètres  de 
diamètre.  Pour  les  protubérances,  si  l'on  veut  les  photogra- 
phier avec  l'objectif  seulement,  elles  seront  toujours  brûlées, 
à  moins  que  l'exposition  ne  dure  qu'un  instant  ;  aussi  vaut-il 
mieux  les  agrandir  avec  l'oculaire.  Si  l'on  n'emploie  que  l'ob- 
jectif, avec  une  exposition  absolument  instantanée,  on  pourra 
parfaitement  distinguer  les  détails  des  protubérances. 

Un  an  après  l'éclipsé,  nous  avons,  avec  M.  de  la  Rue  lui- 


11 


-  379  - 

même,  agrandi  nos  petites  photographies,  de  manière  à  obte- 
nir des  épreuves  ayant  les  mêmes  dimensions  que  les  siennes, 
et  nous  avons  trouvé  une  identité  parfaite  dans  les  détails  les 
plus  délicats.  La  seule  différence  consistait  en  ce  qu'à  Riva- 
bellosa  les  protubérances  supérieures  étaient  j)lus  hautes, 
tandis  qu'elles  étaient  un  peu  plus  petites  au  Desierto;  le  con- 
traire avait  lieu  pour  les  protubérances  de  la  partie  infé- 
rieure. Ce  phénomène  était  dii  à  une  petite  différence  de  pa- 
rallaxe, les  observateurs  étant,  l'un  un  peu  au  nord,  l'autre 
un  peu  au  sud  de  la  ligne  centrale  de  la  totalité  [voir  les  Mé- 
moires de  robsen'aloire  du  Collège  Romain,  i8G3). 

Il  suffira  donc  de  décrire  nos  photographies  et  de  les  com- 
parer avec  celles  du  savant  anglais.  Nous  reproduirons  ici  les 
trois  plus  importantes,  la  première,  celle  du  milieu  et  la  der- 
nière. 

Iu3i  Jig.  i34  représente  la  première  épreuve  prise  immédia- 
tement après  le  commencement  de  la  totalité.  Elle  contient 
sept  protubérances  principales  : 

A.  Protubérance  ayant  deux  sommets  très-rapprocliés  et 
peu  élevés.  Dans  les  photographies  de  jM.  de  la  Rue,  elle  est  à 
peine  visible,  on  n'aperçoit  que  les  deux  sommets;  cela  tient, 
comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  à  un  effet  de  parallaxe. 

C.  Grande  j^rotubérance  en  forme  de  nuage,  inclinée  de 
45  degrés,  arrondie  à  sa  base,  pointue  au  sommet,  ])ossédant 
une  structure  hélicoïdale,  comme  le  montre  la  figure  agrandie 
de  M.  de  la  Rue. 

E.  Petits  nuages  très-déliés  dont  l'ensemble  forme  une 
corne  recourbée,  ayant  une  hauteur  d'environ  n' l\o" .  Cette 
protubérance,  retrouvée  à  la  loupe  dans  nos  petites  photo- 
graphies, décida  M.  de  la  Rue  à  les  agrandir  pour  les  compa- 
rer aux  siennes.  Cette  circonstance  prouve  la  précision  de  nos 
clichés.  Malheureusement,  de  INIadrid  on  fit  circuler,  immé- 


—  380  — 

diatement  après  l'éclipsé,  des  épreuves  sur  papier  assez  défec- 
tueuses, ce  qui  nuisit  beaucoup  à  nos  photographies,  dans 
l'esprit  même  des  savants,  jusqu'au  moment  où  la  reproduc- 
tion, faite  sous  les  yeux  de  M.  de  la  Rue  lui-même,  vint  jus- 
tifier ce  que  nous  avions  avancé  sur  l'identité  de  nos  résul- 
tats comparés  aux  siens. 

Fig.  i34. 


H.  Amas  compliqué  de  petits  nuages  dont  la  partie  infé- 
rieure forme  une  espèce  de  croix. 

G.  Amas  énorme  de  matière  brillante  qui  a  solarisé  les 
épreuves,  de  sorte  que  les  détails  intérieurs  ont  disparu.  Sa 
forme  arrondie  prouve  qu'elle  n'était  pas  en  contact  immédiat 
avec  le  Soleil,  mais  suspendue  dans  son  atmosphère.  Vue  dans 
la  lunette,  elle  offrait  parfaitement  l'aspect  d'une  chaîne  de 
montagnes,  par  les  dentelures  et  les  pointes  jaunâtres  qui  la 
terminaient  à  son  sommet.  On  peut  remarquer  que  cette  pro- 


—  381  — 

tubérance  semble  pénétrer  dans  le  disque  de  la  Lune  et  y  for- 
mer une  entaille.  Cette  apparence  est  due  au  mouvement 
même  de  la  Lune  pendant  la  durée  de  l'exposition  de  la 
plaque,  La  Lune,  avançant  dans  la  direction  où  se  trouve  la 
protubérance,  ne  pouvait  détruire  l'impression  déjà  produite 
par  la  partie  brillante,  tandis  que  sa  présence  empêchait 
l'action  de  la  couronne  qui  n'est  pas  aussi  rapide.  Dans  les 
photographies  agrandies,  on  voit  que  les  bords  de  la  protu- 
bérance sont  parfaitement  tranchés,  tandis  que  celui  de  la 
Lune  reste  indécis.  Cette  circonstance  explique  aussi  un  phé- 
nomène curieux  qu'on  a  remarqué  dans  les  photographies  de 
M.  de  la  Rue  :  les  plaques  ayant  été  exposées  une  minute,  le 
mouvement  de  la  Lune  s'est  fait  sentir  plus  fortement  ;  aussi 
son  bord  parait-il  double,  et  c'est  à  l'intérieur  de  son  disque 
qu'on  voit  l'arc  rosé  dont  nous  avons  parlé 

L  Flamme  gigantesque,  ou  plutôt  énorme  cumulus,  dans 
lequel  on  distinguait  des  nuances  de  jaune  et  de  rouge.  M.  de 
la  Rue  la  comparait  à  un  arbre  abattu. 

R.  Proéminence  à  deux  sommets,  dont  l'un,  plus  délié  et 
moins  vif,  se  prolonge  en  forme  de  corne.  Cette  protubé- 
rance est  plus  petite  dans  nos  photographies  que  dans  celles 
de  M.  de  la  Rue,  pour  une  cause  analogue  à  celle  qui  a  pro- 
duit l'effet  contraire  au  point  A, 

Dans  toute  la  partie  gauche,  on  ne  voit  encore  aucune  pro- 
tubérance. 

La  ligne  noire  XY  représente  un  fil  tendu  dans  la  lunette 
et  dirigé  suivant  le  parallèle  céleste,  afin  de  relever  la  position 
des  protubérances  par  rapport  à  l'équateur  solaire. 

La  deuxième  photographie  {^fig-  i35)  avait  d'abord  été  reje- 
tée comme  inutile,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  ci-dessus,  car,  à 
cause  d'un  choc  donné  à  la  lunette,  il  s'était  produit  des  im- 
pressions multiples,  mais  en  réalité  elle  est,  par  cela  même, 


-  382- 

très-précieuse  :  elle  prouve  d'une  manière  évidente  la  puis- 
sance actinique  de  ces  flammes,  car  quelques-unes  de  ces 
impressions  ont  été  produites  en  moins  de  trois  secondes  [*). 
La  troisième  photographie  {/ig.  i36)  a  demandé  trente  se- 
condes d'exposition.  Les  protubérances  commencent  à  mon- 
trer leurs  sommets  du  côté  gauche,  et  elles  deviendront  de 
plus  en  pkis  distinctes.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  remarquable  dans 

Fis.  i35. 


cette  figure,  c'est  la  couronne.  Elle  est  très-irrégulière,  mais 
on  peut  remarquer  qu'elle  présente  une  étendue  plus  consi- 
dérable à  droite  et  à  gauche  que  dans  les  autres  directions, 
c'est-à-dire  qu'elle  est  plus  développée  dans  le  plan  de  l'é- 
quateur  que  suivant  la  ligne  des  pôles,  et  plus  encore  à  la  la- 
titude de  4o  à  5o  degrés.  Nous  avons  déjà  relevé  ces  détails 
en  parlant  de  la  couronne;  mais  nous  devons  ajouter  ici  que 


(')  Lajîg.  i35  représente  les  protubérances  en  noir,  comme  elles  sont  dans  les  cli- 
chés, tandis  que  toutes  les  autres  figures  les  représentent  en  blanc,  comme  on  le  voit 
dans  les  épreuves  positives. 


-  383 


la  «gravure  est  iiu  apahlc,  malgré  le  talent  merveilleux  des 
artistes,  de  reproduire  toutes  les  nuances  qu'on  observe  dans 


les  originaux. 


La  dernière  de  nos  photographies  est  représentée  dans  la 
fig.  137.  A  la  suite  (lu  point  K,  on  reiuontre  une  petite  proé- 
minence, et,  entre  les  deux,  une  autre  encore  plus  petite. 


Fij;.   i3ri. 


Elles  ne  sont  pas  visibles  dans  les  épreuves  de  M.  de  la  Rue, 
à  cause  de  la  différence  de  parallaxe  que  nous  avons  déjà 
signalée. 

L  est  une  protubérance  très-élevée  dont  le  sommet  est  net- 
tement tracé  dans  toutes  les  photographies. 

En  Q  est  un  arc  rosé  très-étendu  ;  il  est  solarisé  dans 
notre  épreuve,  et  il  n'a  pas  été  mieux  réussi  dans  celle  de 
M.  de  la  Rue.  Heureusement  que  nous  pouvons,  par  des  ob- 


-  384  — 

servations  directes,  rétablir  les  détails  qui  sont  effacés.  Un 
instant  après  le  milieu  de  la  totalité,  je  regardai  la  région  où 
le  Soleil  allait  sortir  du  cône  d'ombre;  je  vis  paraître  une 
série  de  flanunes  vivement  colorées  en  jaune  et  en  rouge,  et 
surtout  je  remarquai  un  nuage  allongé  de  couleur  rose,  par- 
f;iitement  suspendu  dans  l'intérieur  de  la  couronne.  J'en  don- 

Fig.  1,37. 


nai  immédiatement  avis  à  mes  collègues,  afin  qu'ils  pussent 
contrôler  mon  observation,  et  je  fis  aussitôt  le  dessin  qui  est 
reproduit  dans  \^fig.  i38. 

Cette  forme  était  pour  moi  du  plus  grand  intérêt,  car  je  la 
regardais  alors  comme  décisive  au  point  de  vue  de  la  théorie  ; 
elle  confirmait,  d'une  manière  éclatante,  des  idées  que  nous 
pouvons  maintenant  appuyer  sur  des  bases  encore  plus  solides . 

Il  est  regrettable  que,  dans  cette  phase,  les  deux  séries  de 
photographies  se  soient  trouvées  imparfaites;  mais  enfin  nous 


—  38rj  - 

possétloiis  1rs  (l()("iMn(Mils  nécessaires  pnui-  constat*  r  ce  (|ne 
nous  désirions  connaître.  La  encor»'  nons  reniar(|U(!ns  (|ue  les 
protubérances  empiètent  sur  le  (listjue  de  la  Lune,  (  oiunie 
nous  l'aNonsdejà  lait  ol)ser\<'r.  Nous  retrouvons  aussi  la  j)r()- 
tubéiance  K,  la  dernière  (jue  nous  a\ons  signalée  dans  le 
dessin  d<'  \d  Jti(.  liS. 

Afin  de  j)on\  oir  comparer  nos  pliotographios  avec  celles  de 
M.  de  la  Rue,  nous  les  a\()ns  agrandies  de  manière  à  obtenir 
une  figure  de  même  dimension  c[ue  les  siennes;  puis,  après 
avoir  builé  une  épreuve  pour  la  rendre  transparente,  nous  les 
avons  superposées  et  nous  avons  pu  constater  une   identité 

T\a.  1.18. 


parfaite,  sauf  les  détails  indiqués  ci-dessus;  aussi  croyons- 
nous  iiuitile  de  reproduire  les  dessins  de  M.  de  la  Rue. 

De  ces  importantes  observations  on  peut  évidemment  tirer 
les  conclusions  suivantes  : 

1°  Les  protubérances  ne  sont  pas  de  simples  apparences 
produites  par  des  illusions  d'optique  :  ce  sont  des  pliénomènes 
réels  avant  leur  siège  dans  le  Soleil.  Nos  observations  a\ant 
été  faites  à  deux  points  distants  l'un  de  l'autre  d'une  centaine 
de  lieues,  il  est  impossible  de  suppONcr  (pie  des  figures  aussi 
nettes  et  aussi  identicjues  soient  produites  par  un  pbénomène 
de  mirage  ou  par  quebpie  autre  cause  semblable. 

2°  Les  j)rotubérances  sont  des  amas  de  matière  lumineuse 
ayant  une  grande  vivacité  et  possédant  inie  activité  photogé- 
nique très-remarquable.  Cette  activité  est  si  grande,  que  j)lu- 
sieurs  des  protuljérances  que  nous  voyons  sur  nos  épreuves, 


—  386  — 

et  précisément  hi  protubérance  E  {Jig.i?>l\),  n'ont  pu  être 
observées  directement,  même  avec  de  bons  instruments  :  c'est 
peut-être  parce  qu'elles  n'émettaient  que  des  rayons  chimi- 
ques et  peu  ou  point  de  rayons  lumineux. 

S**  Il  y  a  des  amas  de  matières  protubérantielles  suspendus 
et  isolés  comme  des  nuages  dans  l'atmosphère.  Si  leur  forme 
est  variable,  les  variations  se  sont  produites  assez  lentement 
pour  qu'il  ait  été  impossible  de  les  constater  durant  un  inter- 
valle de  dix  minutes. 

4°  Outre  les  protubérances,  il  existe  une  couche  de  la 
même  matière,  et  qui  enveloppe  le  Soleil  de  toutes  parts.  Les 
protubérances  proviennent  de  cette  couche  :  ce  sont  des 
masses  qui  se  soulèvent  au-dessus  de  la  surface  générale  et 
s'en  détachent  même  quelquefois  (' ).  Quelques-unes  d'entre 
elles  ressemblent  aux  fumées  qui  sortent  de  nos  cheminées  ou 
des  cratères  des  volcans,  et  qui,  arrivées  à  une  certaine  hau- 
teur, obéissent  à  un  courant  d'air  en  s'inclinant  horizonta- 
lement. 

S*'  Cette  conclusion  ressort  évidemment  de  la  protubé- 
rance C  ;  elle  avait  déjà  été  mise  en  évidence  par  les  nom- 
breuses protubérances  observées  en  i85i  et  surtout  en  i855. 

6°  Le  nombre  des  protubérances  était  incalculable.  Dans 
l'observation  directe,  le  Soleil  nous  parut  tout  environné  de 
flammes;  elles  étaient  tellement  multipliées,  qu'il  nous  parais- 
sait impossible  de  les  compter.  L'observation  photographique 
a  pleinement  justifié  cette  première  impression  (^  ). 

7°  La  hauteur  des   protubérances  est  très-considérable, 


(')  Cette  conclusion  fut  alors  regardée  comme  une  hypothèse  hasardée;  c'est 
maintenant  une  vérité  qu'on  vérifie  tous  les  jours. 

(')  Nous  savons  maintenant  que  le  nombre  des  protubérances  est  très-variable 
avec  le  temps.  En  iSCo,  le  Soleil  était  dans  une  époque  de  grande  activité. 


I 


—  387  — 

surtout  si  l'ou  remarque  que,  pour  l'évaluer,  il  faiit  tenir 
eompLe  dv,  la  j)artie  éclipsée  par  la  Lune.  Ainsi  la  protubé- 
rance E  n'a  pas  moins  de  3  minutes  de  hauteur,  ce  qui 
correspond  à  ro  fois  le  diamètre  de  la  Terre;  les  autres  ont 
pour  la  plupart  de  i  à  2  minutes  d'élévation. 


§  111.  —  Obseivations  poslcrieiires  des  protubérances.  —  Leurs 
relations  avec  la  couronne. 

Les  phénomènes  observés  en  18G0  ont  été  confirmés  par 
toutes  les  observations  postérieures.  J^^fig.  iSc)  est  tirée  des 
photographies  du  major  Tennant,  photographies  exécutées  à 
Ountoor,  dans  les  Indes,  pendant  l'éclipsé  de  1868,  et  repro- 
duites à  Londres  par  M.  de  la  Rue.  On  y  voit  la  route  suivie 
j)ar  la  Lune,  ainsi  que  son  contour  au  commencement  et  à  la 
fin  de  la  totalité.  On  y  voit  également  la  position  de  l'équateur 
solaire  et  celle  des  pôles  (').  Dans  la  gravure  anglaise  on  avait 
exagéré  la  grandeur  des  taches.  Nous  leur  avons  restitué  leur 
position  et  leur  grandeur  véritables,  d'après  les  observations 
faites  le  même  jour  au  Collège  Romain. 

O^tte  figure  parle  assez  par  elle-même  et  fait  voir  quelles 
sont  les  dimensions  des  protubérances.  Par  l'observation  di- 
recte, on  avait  trou\  é  pour  la  corne  A  une  hauteur  de  3  mi- 
nutes; il  résulte  de  l'observation  photographique  que  cette 
hauteur  est  réellement  de  3' 22",  plus  de  10  fois  le  diamètre 
de  la  Terre,  environ  65oooo  kilomètres. 

Dans  cette  éclipse,  le  nombre  des  protubérances  n'était 
pas  moins  grand  qu'en  1860.  De  plus,  les  observateurs  étant 


(")  Monthlj  Notices  ofastr.  Soc,  t.  XXIX,  p.  3. 

25. 


—  388  — 

échelonnés  sur  une  ligne  très-longue,  leurs  observations  em- 
brassent un  intervalle  de  temps  plus  considérable.  Or  on 
trouve  que  la  grande  protubérance  photographiée  à  Aden  par 
Texpcdition  allemande  diffère  un  peu  de  celle  qui  a  été  pho- 
tographiée à  Guntoor.  On  a  donc  la  preuve  d'un  mouvement 

Fig.   139. 


intérieur  qui  s'est  produit  d'une  manière  sensible  pendant  un 
intervalle  de  quarante  minutes.  La  réalité  de  ce  mouvement 
et  des  changements  qui  en  sont  la  conséquence  parait  d'ail- 
leurs confirmée  par  les  dessins  des  différents  observateurs. 
Ainsi,  à  ^Malacca,  les  observateurs  français  représentent  la 
protubérance  A  inclinée  vers  la  droite.  Deux  heures  quarante 
minutes  plus  tard,  à  ^Nlantawalock,  elle  apparaissait  comme 
une  tour  droite  avec  une  pointe  dirigée  dans  le  sens  op- 


-  389  - 

posé  ( //i,'".  1  'lo.l)  .  A  \(l(Mi  rllc  paraissait  inclinéeàdroilc,  tandis 
(|u'à  Lal)()uan  elle  se  (Iiii<;eait  vors  la  gauche.  Du  reste  les  ob- 
servations opti(|ues  s'accordcnl  avec  les  photographies  pour 
la  représenter  avec  une  structure  spirale,  comme  l'indique  la 
fig.  i4o,  due  au  major  Tennant.  La  réalité  de  ces  variations 
ne  peut  plus  être  révo([uée  en  doute. 

On  a  également  remarqué  dans  les  photographies  les  traces 
de  l'arc  rosé  et  une  nébulosité  assez  vive  s'étcndant  de  l'ccjiia- 
teur  solaire  jusqu'à  la  région  des  taches,  observation  cpii  jus- 
tifie ce  que  nous  avions  dit  en  1860  de  la  forme  elliptique  de 
l'atmosphère  solaire.  Cette  atmosphère  est  indiquée  dans  la 


fig.  i3f)  par  un  trait  ])oiictué.  En  i8Gj,  le  P.  Cappelletti  avait 
observé  dans  la  même  région  une  hmiière  plus  vive,  et  il  avait 
jîu  faire  cette  remarque  malgré  un  voile  de  nuages  qui  cou- 
vrait la  couroiuie. 

Les  astronomes  américains  ont  fait  d'intéressantes  photo- 
graphies pendant  l'éclipsé  de  1869.  Ils  ont  obtenu  des  impres- 
sions directes  en  une  seconde,  ce  qui  montre  une  fois  de  plus 
la  grande  activité  chimique  de  la  lumière  des  protubérances. 
Il  faut  aussi  en  conclure  qu'on  peut  photographier  un  grand 
nombre  de  phases  de  la  même  éclipse  en  se  servant  de  châssis 
qui  permettent  de  produire  plusieurs  impressions  successives 
sur  les  différentes  parties  d'un  même  cliché  :  on  évite  ainsi 
la  perte  de  temps  qui  est  inséparable  de  l'opération  lorsqu'on 
est  obligé  d'enlever  le  châssis  pour  en  mettre  un  autre  à  sa 
place.  Nous  avions  préparé  nos  appareils  pour  suivre  cette  mé- 


—  390  — 

tliode  au  20  décembre  1 870,  mais  l'état  du  ciel  ne  nous  permit 
pas  de  réussir,  l^^fig- 1 4 1  montre  quelle  était  ce  jour-là  la  distri- 
bution générale  des  protubérances  et  l'élévation  considérable 
qu'elles  atteignaient.  Celles  qui  sont  désignées  par  les  chiffres 
4  et  5  avaient  une  hauteur  de  2'i5",  c'est-à-dire  environ 
8- fois  le  diamètre  de  la  Terre.  Elles  ressemblent  à  des  jets  de 
matière  gazeuse  ou  à  des  nuages  entraînés  par  les  courants 

Fig.  i^i. 


violents.  La  photographie  reproduisit  les  arcs  lumineux  au 
delà  des  limites  qui  leur  étaient  assignées  par  les  observations 
optiques.  Ces  épreuves  furent  oljtenues  directement  au  foyer 
de  l'objectif.  Le  D'"  Curtis  obtint  les  siennes  en  agrandissant  les 
images  avec  l'oculaire  ;  elles  donnent  au  contour  des  protubé- 
rances une  structure  vaporeuse  qui  convient  parfaitement  à 
de  véritables  nuages. 

Tels  sont  les  résultats  auxquels  on  est  parvenu  en  étudiant 
ces  phénomènes  dans  les  occasions  si  rares  et  si  aventureuses 


-  391  - 

(les  éclipses;  nous  pouvons  les  nvsunicr  de  la  nianirrc  sui- 
vante. 

Le  Soleil  est  environné  d'une  atmosphère  très-élevée,  dont 
la  hauteur  est  au  moins  éiiale  à  la  moitié  de  son  ravon.  Elle 
est  plus  étendue  à  l'équatcur  qu'aux  pôles,  et  de  plus  sa  hau- 
teur et  son  é(  lat  présentent  deux  maximum  de  part  et  d'autre 
de  ré([uateur  entie  3j  et  4'>  degrés  de  latitude.  Dans  cette 
atmosphère  flotte  une  couche  continue  de  matière  rose,  pos- 
sédant un  grand  pouvoir  photogénique,  dont  la  hauteur  est 
^ariable  et  le  contour  irrégulier.  Cette  matière  se  soulève 
quelquefois  et  forme  tantôt  des  colonnes  verticales,  tantôt  des 
nuages  isolés  ;  ces  colonnes  et  ces  nuages  sont  entraînés  d'une 
manière  très-appréciahh^  par  des  courants  atmosphériques. 
La  couche  rose  possède  une  hauteur  plus  considérable  et  une 
plus  grande  activité  photogénique  dans  la  région  des  taches, 
là  même  où  nous  avons  déjà  constaté  la  plus  grande  élévation 
de  température. 

j\Iais  il  aurait  fallu  bien  des  siècles  pour  arriver  à  connaître 
la  structure  de  cette  couche  et  les  mouvements  dont  elle  est 
le  siège,  sans  l'heureuse  découverte  qui  nous  permet  mainte- 
nant de  l'observer  tous  les  jours  et  d'étudier  à  chaque  in- 
stant sa  composition  chimique  et  les  variations  capricieuses 
qu'elle  subit.  Les  premiers  pas  faits  dans  cette  voie  méritent 
d'être  connus,  et  c'est  pour  cela  que  nous  allons  exposer  en 
détail  l'historique  de  cette  découverte. 


—  392 


1 


CHAPITRE    lY, 

OBSERVATIONS    SPECTRALES    FAITES    PENDANT    LES    ÉCLIPSES. 


§  I.  —  Xalure  chimique  des  protubérances . 

Avant  l'année  18G1,  on  aurait  regardé  comme  impossible 
de  déterminer  la  nature  chimique  des  substances  qui  se 
trouvent  dans  les  corps  célestes;  mais,  depuis  les  découvertes 
de  MM.  Bunsen  et  Kirchhoff,  depuis  les  progrès  de  l'analyse 
spectrale,  ce  problème  est  devenu  du  même  ordre  que  ceux 
que  le  chimiste  résout  chaque  jour  dans  son  laboratoire. 
Nous  ne  reviendrons  pas  sur  les  premiers  principes  de  cette 
science,  que  nous  avons  exposés  précédemment. 

A  l'approche  de  l'éclipsé  de  1868,  on  se  proposa  d'étudier 
particulièrement  la  nature  des  protul)érances  en  profitant  des 
nouvelles  découvertes  de  l'analyse  spectrale.  Les  questions 
à  résoudre  étaient  les  suivantes  : 

1°  Les  protubérances  sont-elles  composées  de  matières  so- 
lides et  doit-on  les  comparer  à  des  nuages  simplement  incan- 
descents, ou  bien  sont-elles  des  masses  véritablement  ga- 
zeuses? 

2°  Quelles  sont  les  substances  qui  entrent  dans  leur  com- 
position ? 

La  première  de  ces  deux  questions  devait  être  résolue  aus- 
sitôt qu'on  dirigerait  un  spectroscope  vers  les  protubérances  ; 
il  s'agissait  simplement  de  voir  si  le  spectre  était  continu  ou 
non.  Nous  savons,  en  effet,  qu'une  matière  simplement  incan- 


~     393  - 

descente  produit  un  spectre  continu  :  c'est  ce  qui  arrive  pour 
le  charbon  qui  se  trouve  en  suspension  dans  la  flamme  d'une 
bougie.  Les  gaz  eux-mêmes  peuvent  donner  un  spectre  con- 
tinu lorsque  leur  température  est  extrêmement  élevée;  mais, 
toutes  les  fois  qu'on  obtient  un  spectre  composé  de  raies  bril- 
lantes séparées  les  unes  des  autres  par  des  espaces  noirs,  on 
a  certainement  affaire  à  une  matière  gazeuse  dont  la  nature 
chimique  peut  être  déterminée  par  le  nombre  et  la  position 
des  raies.  Le  problème  était,  en  pratique,  plus  difficile  qu'on 
ne  l'avait  supposé  d'abord;  mais  ces  difficultés  n'effrayèrent 
pas  MM.  Janssen,  Rayet,  Herschel,  Weisse  et  Tennant  qui  se 
dévouèrent  à  ce  travail . 

Il  fallait  avoir  des  lunettes  puissantes,  capables  de  former 
des  images  assez  nettes  des  protubérances;  de  plus,  ces  lu- 
nettes devaient  avoir  un  mouvement  automatique,  afin  que 
les  images  produites  sur  la  fente  du  spectroscope  v  fussent 
retenues  pendant  un  temps  assez  considérable.  Les  spectro- 
scopes  devaient  avoir  un  pouvoir  dispersif  assez  grand  pour 
séparer  les  raies  ;  il  fallait  cependant  éviter  d'exagérer  leur 
pouvoir,  afin  de  perdre  le  moins  de  lumière  possible.  Il  y  avait 
donc  lieu  d'étudier  les  meilleures  conditions  pour  bien  obser- 
ver, et,  comme  il  était  impossible  de  faire  des  essais  prélimi- 
naires, on  devait  croire  que  la  ])remière  éclipse  servirait  sur- 
tout à  faire  l'épreuve  des  différentes  méthodes.  En  vue  de 
faciliter  le  succès,  nous  proposâmes  d'employer  un  spectro- 
scope simplifié,  réduit  à  un  simple  prisme  à  vision  directe 
placé  entre  l'objectif  et  l'oculaire  (').  En  observant  ainsi,  on 
aurait  décomposé  la  lumière  des  protubérances  comme  on 
fait  pour  la  flamme  d'une  lampe  à  alcool  dans  laquelle  brûlent 


('  )  Comptes  re/idi/s  des  séances  de  V  Académie  des  Sciences,  t.  I.XVI,  p.  l^oi. 


-  394  — 

plusieurs  sels  différents.  On  n'a  employé  ce  procédé  que  plus 
tard;  mais,  avec  d'autres  méthodes,  on  a  obtenu  de  bons  ré- 
sultats, comme  nous  le  verrons  bientôt. 

Toutes  ces  difficultés  ne  découragèrent  pas  les  astronomes, 
et  leurs  efforts  furent  couronnés  par  un  magnifique  succès. 
Les  observateurs  les  plus  heureux  furent  ]M.  Janssen  à  Gun- 
toor,  M.  Rayet  à  ]Malacca,  le  capitaine  Herschel  et  le  major 
Tennant  à  Guntoor,  M.  Weisse  à  Aden.  L'éclipsé  présenta 
des  circonstances  très-favorables;  l'énorme  protubérance  A 
(fig.  i39  et  i4o)  fut  immédiatement  aperçue  par  les  observa- 
teurs qui  dirigèrent  vers  elle  tous  leurs  instruments  et  consta- 
tèrent immédiatement  un  spectre  discontinu  formé  d'un  petit 
nombre  de  raies  brillantes.  La  première  partie  du  problème 
était  donc  résolue  :  on  avait  acquis  la  certitude  que  les  pro- 
tubérances sont  des  masses  gazeuses. 

Il  s'agissait  alors  de  reconnaître  la  nature  des  substances 
qui  les  composent,  et  cette  seconde  question  n'était  pas  aussi 
simple  que  la  première;  car  il  s'agissait  de  fixer  la  position 
des  raies  par  rapport  à  une  échelle  quelconque,  en  prenant 
pour  terme  de  comparaison  le  spectre  d'une  substance  connue 
ou  celui  du  Soleil.  Il  y  eut  dans  cette  partie  des  observations 
une  incertitude  bien  pardonnable,  vu  la  difficulté  de  l'entre- 
prise, difficulté  qui  fut  encore  accrue  par  la  présence  des 
nuages. 

L'analyse  la  plus  détaillée  est  celle  de  M.  Eavet.  Il  observa 
dans  le  spectre  de  la  protubérance  A  sept  raies  principales, 
dont  quelques-unes  avaient  une  telle  vivacité  qu'elles  produi- 
saient une  espèce  de  queue  dans  le  champ  de  l'instrument.  La 
Jig.  iL\'2  est  la  reproduction  de  celle  qui  fut  publiée  dans  les 
Comptes  rendus  des  séances  de  V Académie  des  Sciences.  Dans 
cette  figure,  on  a  employé  les  mêmes  lettres  que  Fraunhofer 
pour  désigner  des  raies  que  l'on  croyait  coïncider  avec  les 


-  39a  - 

siennes;  mais  il  y  tut  (|ii(l(|uc's  incxarliludes  dans  cette  appré- 
ciation. On  a  désigne  par  1>  la  raie  qui  correspond  réellement 
à  la  raie  C  de  Fraindiofer  ;  quant  à  celle  qu'on  a  marquée  D,  sa 
position  n'est  qu'approchée,  ainsi  que  celle  de  G.  La  position 
de  F  est  rigoureusement  exacte.  Janssen  et  Herschel  ont  si- 
gnalé la  vraie  position  de  C;  Herschel  ne  put  cependant  la 
donner  d'une  manière  précise  à  cause  des  nuages  qui  gênèrent 
ses  observations. 

iNI.  Rayet  mit  successivement  la  fente  de  son  spectroscope 
dans  deux  directions  rectangulaires;  aussi  sommes-nous  par- 
faitement certains  que  le  spectre  ainsi  observé  appartient  bien 

b      F, 


Il     I      I 


réellement  à  la  protubérance.  Dans  une  seconde  observation, 
il  analysa  la  lumière  d'un  second  point,  et  il  ne  trouva  plus 
qu'une  seule  raie  située  dans  le  violet,  d'où  il  faudrait  con- 
clure que  toutes  les  protubérances  n'ont  pas  la  même  compo- 
sition chimique. 

L'existence  de  la  raie  F  étant  parfaitement  constatée,  on 
était  bien  sur  que  le  gaz  hydrogène  était  l'une  des  ma- 
tières composant  cette  protubérance  ;  mais  il  fallait  déterminer 
la  nature  des  gaz  auxquels  appartiennent  les  autres  raies.  La 
température  était  évidemment  très-élevée  et  comparable  à 
celle  que  produit  le  passage  de  l'étincelle  électrique  dans  les 
tubes  de  Geissier.  Du  reste  cette  comparaison  sert  à  expli- 
quer la  couleur  rose  des  protubérances,  puisque  l'hydrogène 
se  colore  ainsi  lorsque,  après  l'avoir  raréfié,  on  l'illumine  par 
une  décharge  électrique. 


n 


-  396  — 

Cette  étude  était  cependant  incomplète,  car  il  fallait  s'as- 
surer de  l'identité  des  différentes  raies.  Cette  détermination 
paraissait  exiger  qu'on  attendit  une  nouvelle  éclipse  ;  mais 
M.  Janssen  nous  a  dispensés  de  cette  longue  attente  par  une  dé- 
couverte de  la  dernière  importance.  Il  fut  vivement  frappé  du 
brillant  éclat  de  quelques-unes  des  raies  des  protubérances,  et 
il  se  demanda  alors  si  ces  mêmes  raies  ne  seraient  pas  visibles 
en  plein  jour.  Malheureusement  le  ciel  se  couvrit  de  nuages 
peu  de  temps  après  l'éclipsé,  et  il  lui  fut  impossible  ce  jour- 
là  de  vérifier  sa  conjecture.  Dès  le  lendemain  il  se  mit  à 
l'œuvre,  et  il  eut  l'insigne  bonheur  de  voir  en  plein  jour  les 
raies  des  protubérances.  La  fente  de  son  spectroscope  étant 
exactement  tangente  au  bord  du  Solf^il,  à  un  endroit  où  la 
veille  il  avait  remarqué  une  flamme,  il  aperçut  une  raie 
brillante  colorée  en  rouge,  correspondant  à  la  raie  C  de 
Fraunhofer;  puis,  dans  le  bleu,  une  autre  raie  brillante  cor- 
respondant exactement  à  la  raie  F.  Ces  deux  raies  sont  pré- 
cisément celles  de  l'hydrogène,  et,  par  conséquent,  ce  gaz 
est  la  principale  des  substances  qui  composent  les  protubé- 
rances. 

Le  jour  même  où  cette  nouvelle  arriva  en  Europe  (20  oc- 
tobre), M.  Lockyer  amionçait  que,  de  son  côté,  il  avait  pu 
voir,  sur  le  bord  du  Soleil ,  les  raies  de  l'hydrogène  accom- 
pagnées d'une  raie  inconnue  située  près  de  la  raie  D.  Cette 
découverte  était  assez  importante  pour  qu'on  s'occupât  im- 
médiatement de  la  vérifier,  et  il  nous  fut  possible  d'y  réussir 
le  jour  même  où  la  nouvelle  nous  parvint.  Les  recherches 
furent  alors  poursuivies  avec  ardeiu'  par  un  grand  nombre 
d'astronomes.  MM.  Lockyer,  Zôllner,  Rayet,  Wolf  se  mirent 
à  l'œuvre  pour  exploiter  ce  champ  fécond,  et  nous  avons 
essayé  de  rivaliser  de  zèle  avec  eux.  Nous  parlerons,  dans  le 
Chapitre  suivant,  de  l'abondante  moisson  qui  a  été  le  fruit  de 


397  — 


ce  travail  :  nous  devons  en  ce  moment  exposer  la  suite  des 
études  qui  ont  été  faites  sur  le  même  sujet  pendant  les 
éclipses. 


^   IL—  Spectre  des  protubérances  et  du  bord  solaire 
dans  les  éclipses  postérieures  de  iS-yo  et  de  iByi. 

I/étude  des  protubérances  pendant  les  éclipses  présente 
toujours  un  grand  intérêt ,  ne  lïït-ce  que  pour  constater  l'i- 
dentité des  raies  qu'on  observe  dans  les  deux  cas,  et  l'exac- 
titude des  formes  déterminées  par  l'observation  spectrale. 
Cette  étude  fut  donc  reprise  en  1869  par  M.  Harkness  à  Des 
Moines  en  Amérique,  et  par  M.  Young  à  Burlington  ;  ils  em- 
ployèrent pour  l'observation  des  protubérances  des  méthodes 
plus  parfaites  et  des  instruments  plus  puissants  que  tous  ceux 
dont  on  avait  disposé  jusqu'alors. 

L'appareil  se  compose  de  deux  lunettes  unies  ensemble  et 
dont  les  axes  sont  parfaitement  parallèles;  l'une  des  deux  est 
munie  d'un  spectroscope ,  l'autre  est  disposée  auprès  de  la 
première  comme  un  chercheur ,  mais  elle  est  plus  puissante 
que  ne  le  sont  les  chercheurs  ordinaires  :  il  serait  même  bon 
que  son  pouvoir  amplifiant  fût  égal  à  celui  de  la  lunette  spec- 
trale. Elle  contient  un  réticule  composé  d'une  pointe  très- 
aiguë  ou  de  deux  fils  très-fins  croisés  à  angle  droit,  et  l'appa- 
reil doit  être  assez  bien  centré  pour  que  le  même  objet  forme 
son  image,  d'une  part  à  la  croisée  des  fils  du  réticule  dans  le 
chercheur,  d'autre  part  sur  la  fente  du  spectroscope  dans  la 
lunette  principale.  L'astronome  peut  donc,  au  moyen  d'une 
échelle  convenablement  éclairée  et  bien  fixée  dans  le  spec- 
troscope, examiner  sans  préoccupation  les  raies  qui  s'offrent 
à  ses  yeux,  pendant  que  son  aide,  se  servant  du  chercheur, 


—  308  — 


dirige  siiccessivemoiit  rappareil  sur  les  différentes  protubé- 
rances qui  environnent  le  disque  de  la  Lune. 

La  /?"•.! 43  représente  la  position  exacte  et  la  grandeur 
approchée  des  protubérances  observées  ce  jour -là  par 
M.  Eastman.  C'est  à  cette  figure  que  se  rapportent  les  lettres 


FiîT.  i13. 


contenues  dans  le  tableau  suivant  avec  la  position  des  raies 
correspondantes,  indiquée  d'après  l'échelle  de  Kirchhoff. 


PROTLBÉRA.NCES. 

POSITION    DF.S    UAIES    d' APRÈS    l'ÉCUELLE    DE    KIUCUIIOFF. 

a 

69.3 

loo; 

i'i'j: 

„ 

,/ 

// 

C 

693 

1007 

i'(97 

n 

2069 

" 

0 

Ggj 

1007 

•497 

I6II 

2069 

2770 

f 

6)3 

1007 

'I97 

// 

2069 

2770 

Couronne  seule. 

" 

// 

•'.97 

// 

/' 

II 

La  raie  GyS  correspond  à  C  de  Fraunhofer  ou  Ha  de  l'hy- 


—  309  — 

(Iro^t'iK*.  A  la  pl.K  <' (le  loo-,  il  laut  sans  doiilc  lue  mi-,  (jui 
correspoiul  à  la  raie  jaune  des  protubérances.  Cette  raie,  noin- 
méc  1)3,  est  à  une  distance  de  !)'  du  sodium  nn  jxii  plus 
ijjrande  (|ue  le  double  de  ICspae»'  ("onipns  entre  ces  deux 
lignes.  La  raie  1/197  t^'st  probablement  identique  à  celle  de  la 
couronne,  (pii  correspond  à  i.]'^!\.  Le  nombre  2oG()  coires- 
pond  à  IIj3  de  lliydro^ène,  i(")ii  apparti»  nt  au  magnésium 
ou  peut-être  au  fer,  2770  correspond  probablement  à  Hy  de 
riivdrogène.  La  position  de  toutes  ces  raies  n'est  pas  rigou- 
i-eusement  exacte;  mais  les  divergences  sont  assez  faibles  poui" 
qu'on  puisse  les  attribuer  aux  erreurs  d'obser\ation  (pii 
sont  inévitables  dans  ces  circonstances  (  *). 

Le  tableau  que  nous  avons  mis  sous  les  veux  du  lecteur 
conduit  à  admettre  que  les  raies  ne  sont  pas  les  mêmes  dans 
toutes  les  protubérances;  mais  M.  Ilarkness  exj)liquc  cette 
tlifférence  j)ai'  les  circonstances  mêmes  de  l'observation.  Une 
même  protubérance  ne  donne  pas,  en  effet,  le  même  nombre 
de  raies  suivant  le  point  qu'on  examine  :  il  v  en  a  plus  à  la 
base  et  moins  au  sommet.  Il  parait  probable  qu'elles  doiuie- 
raient  le  même  spectre  si  on  les  observait  toutes  à  la  même 
hauteur. 

Quelques  observateurs  ont  aperçu  d'autres  raies  que  celles 
qui  sont  contenues  dans  le  tableau  précédent;  mais  ils  n'en 
ont  pas  fixé  la  position  d'une  manière  précise,  ce  qui  enlève 
à  leurs  observations  une  grande  partie  de  leur  valeur. 

En  1870,  quoique  les  astronomes  fussent  principalement 
occujiés  à  étudier  la  couronne,  on  ne  négligea  cependant  pas 
l'étude  des  protubérances.  MM.  Nobili  et  Lorenzoni  à  Terra- 
nova  et   ]\I.  lUu'ton   à   Aui^usta  obsiM'vèrent   des  raies   très- 


(')  foir  la  coUcctioa  intitulée  :  Rci>orts  f)ubl.  bj  corn.  Sands,  p.  G4. 


-  400  - 

nombreuses  ;  mais  la  présence  des  nuages  ne  leur  permit  pas 
d'en  fixer  la  position  d'une  manière  précise.  Pour  nous, 
comme  nous  avions  pris  la  direction  des  opérations  photo- 
graphiques, il  nous  fut  impossible  de  nous  occuper  des  ob- 
servations spectrales,  si  ce  n'est  à  la  fin  de  la  totalité,  comme 
nous  le  dirons  dans  le  paragraphe  suivant. 


§  III.  —  Décomerles  dues  à  F  étude  spectrale 
du  bord  solaire. 

Les  découvertes  les  plus  importantes  qui  furent  faites  pen- 
dant les  éclipses  de  1870  et  de  1871  sont  celles  qui  firent  con- 
naître la  constitution  des  bords  du  disque  et  révélèrent,  par 
conséquent,  la  nature  intime  de  la  couche  la  plus  extérieure 
du  globe  solaire. 

Occupés,  comme  nous  l'étions,  à  l'exécution  des  photogra- 
phies, il  nous  fut  impossible  d'observer  le  spectre  pendant  la 
plus  grande  partie  de  l'éclipsé;  mais  aussitôt  que  la  totalité 
fut  terminée,  en  quelques  secondes  seulement,  grâce  à  un 
mécanisme  très-simple,  nous  pûmes  diriger  notre  spectro- 
scope  vers  la  pointe  effilée  du  croissant  solaire,  Nous  fûmes 
très-surpris  de  voir  un  spectre  tout  à  fait  discontinu,  et  nous 
pensâmes  immédiatement  que  la  fente  du  collimateur  était 
sans  doute  chargée  de  poussière.  Nous  n'aurions  pas  dû 
nous  arrêter  à  cette  pensée,  car  la  ]:)0ussière  aurait  produit 
des  lignes  longitudinales,  tandis  que  les  raies  brillantes  que 
nous  avions  sous  les  yeux  étaient  perpendiculaires  à  la  lon- 
gueur du  spectre  ;  sans  prendre  le  temps  de  la  réflexion, 
nous  regardâmes  la  fente  pour  la  nettoyer;  mais  nous  trou- 
vâmes qu'elle  était  très-élargie  :  on  l'avait  ainsi  disposée  pour 
étudier  directement  les   protubérances.    Nous  reconnûmes 


—  401  — 

alors  que  nous  avions  sous  les  yeux:  un  phénomène  jusqu'a- 
lors inconnu,  et,  après  avoir  rétréci  la  fent(>,  nous  dirigeâmes 
de  nouveau  l'instrument  vers  l'angle  du  croissant  solaire.  La 
discontinuité  subsistait  encore ,  mais  beaucoup  moindre 
qu'auparavant;  au  bout  de  quelques  secondes  elle  cessa  com- 
plètement et  le  spectre  reprit  sa  structure  ordinaire.  Nous 
avions  donc  observé  un  spectre  d'une  nature  toute  particu- 
lière, composé  d'une  multitude  de  lignes  brillantes  et  ren- 
versées, qu'il  nous  fut  impossible  d'analyser,  et  qui  appar- 
tient exclusivement  au  mince  filet  du  bord  solaire. 

M.  Young  fut  plus  heureux  ;  occupé  exclusivement  de  l'é- 
tude spectrale,  il  put  observer  complètement  le  phénomène 
que  nous  n'avions  fait  qu'entrevoir. 

Voici  ses  propres  paroles  :  «  Quelques  instants  avant  la 
totalité,  j'avais  disposé  la  fente  tangentiellement  au  bord  so- 
laire, et  je  regardais  la  raie  i474  ^^li  menait  de  s'illuminer 
ainsi  que  celle  du  magnésium  et  du  fer.  A  mesure  que  le 
croissant  devenait  plus  mince,  je  notais  l'évanouissement  suc- 
cessif de  toutes  les  raies  situées  dans  le  champ  de  l'appa- 
reil, mais  rien  ne  m'annonçait  le  beau  phénomène  dont  je  fus 
témoin  à  l'instant  où  la  Lune  couvrit  complètement  toute  la 
photosphère.  Alors  le  champ  se  remplit  subitement  de  raies 
lumineuses  qui  brillèrent  comme  un  éclair  et  disparurent  peu 
à  peu;  au  bout  de  deux  secondes,  il  n'en  restait  plus  rien, 
si  ce  n'est  les  deux  que  j'avais  aperçues  tout  d'abord.  Je  ne 
puis  pas  sans  doute  assurer  que  toutes  ces  lignes  brillantes 
occupaient  dans  le  spectre  la  même  position  que  les  raies 
noires  qui  les  avaient  précédées  ;  je  crois  cependant  en  être 
certain,  car  j'eus  le  temps  de  remarquer  cette  identité  dans 
différents  groupes,  et  je  fus  frappé  de  l'intensité  relative  et  de 
la  disposition  générale  de  ces  raies  comme  d'une  chose  qui 
m'était  bien  familière.  Cette  observation  confirme  l'existence 

I.  2G 


—  402  — 

du  spectre  continu  trouvé  par  Secchi  au  bord  du  disque,  et 
je  crois  qu'elle  appuie  les  idées  de  Rirchhoff  sur  la  constitu- 
tion du  Soleil  et  sur  l'origine  des  raies  du  spectre  {*).  » 

Telles  sont  les  paroles  de  M.  Young.  Nous  reviendrons 
bientôt  sur  sa  dernière  réflexion.  Nous  devons  en  ce  moment 
continuer  le  récit  des  observations  faites  sur  le  même  sujet. 

Le  phénomène  signalé  par  Young  était  trop  important  pour 
qu'on  ne  prit  p:is  des  mesures  afin  de  l'observer  de  nouveau 
en  1871,  et  il  fut  en  effet  l'objet  des  recherches  de  plusieurs 
savants.  Dans  l'impossibilité  où  nous  sommes  de  reproduire 
toutes  les  observations  qui  ont  été  publiées,  nous  croyons 
devoir  donner  ici  le  texte  même  du  Rapport  de  M.  Maclear, 
le  plus  heureux  de  tous  les  observateurs  : 

((  Au  moment  du  premier  contact,  aucun  changement  ne 
fut  signalé  dans  le  spectre  En  maintenant  pendant  un  quart 
d'heure  la  fente  du  collimateur  tangentiellement  à  la  pointe 
septentrionale  du  croissant,  on  vit  la  ligne  C  très-brillante 
dans  toute  sa  longueur;  la  ligne  F  était  aussi  lumineuse, 
mais  faible.  La  fente  ayant  alors  été  disposée  perpendiculai- 
rement au  croissant,  quatre  lignes  brillantes  devinrent  vi- 
sibles près  de  la  raie  C  qui  conserva  son  éclat  :  l'une  était 
à  sa  droite,  à  une  distance  plus  petite  que  10  unités  de  Kircli- 
hoff  ;  les  trois  autres  étaient  du  côté  du  rouge,  à  une  distance 
plus  petite  que  20  unités  (^).  Les  longueurs  de  ces  lignes 
variaient  d'un  instant  à  l'autre,  mais  non  pas  simultané- 
ment; en  moyenne,  elles  occupaient  {  de  la  hauteur  du 
spectre  visible. 

»   A  6^'5 1"\  temps  moven,  vingt-cinq  minutes  après  le  pre- 


(')  \  o\r  American  Journal  of  Science,  febr.  iS'7!,  el  Nature,  i  febr.  1871. 
(')  Ces  ligues  seiiiblciu  être  celles  qui   deviennent  très-noires  dans  le  spectre   des 
taches. 


-  403  - 

mier  contact,  le  spectroscope  étant  dirigé  vers  une  large  pro- 
tubérance, on  vit  la  raie  C  s'allonger  jusqu'à  occuper  la  moi- 
tié de  la  hauteur  du  spectre.  Neuf  minutes  plus  tard,  la  pointe 
du  croissant  coïncidnit  avec  une  autre  protubérance  située  à 
environ  i3  degrés  du  nord. 

»  A  y**  8™,  avec  un  spectroscope  à  vision  directe  dont  la  fente 
était  dirigée  suivant  un  rayon  du  discpie  solaire,  je  vis  une 
raie  brillante  un  peu  plus  réfrangible  que  la  bande  de  l'azote, 
située  entre  b  et  F.  Vers  i83o  de  l'échelle  de  Rirchhoff,  il  y 
avait  une  raie  très-faible  qui  disparut  bientôt  ;  mais  presque 
aussitôt  la  raie  F  parut  se  dédoubler  sur  une  hauteur  à  peu 
près  égale  à  sa  hauteur  ordinaire,  \  du  spectre. 

»  A  7'' 23™,  observant  de  nouveau  avec  le  spectroscope  à 
six  prismes  dont  la  fente  était  perpendiculaire  au  croissant, 
j'ai  vu  les  raies  de  l'hydrogène,  puis  D,  E  et  6  de  même  épais- 
seur dans  toute  leur  étendue,  et  en  même  temps  plusieurs 
autres  raies  commençaient  à  devenir  visibles  :  autant  que  j'ai 
pu  en  juger,  c'étaient  toutes  les  raies  du  fer  situées  dans  l'in- 
tervalle compris  depuis  la  demi-distance  de  D  à  E  jusqu'au 
delà  de  b.  Ces  raies  du  fer  conservant  leur  éclat  et  devenant 
plus  nombreuses,  j'appelai  M.  liOckyer  pour  le  rendre  témoin 
de  ce  phénomène;  nous  le  summes  ensuite  pendant  deux  ou 
trois  minutes,  jusqu'au  moment  où  il  fallut  se  disposer  à  ob- 
server la  totalité.  Pendant  ces  deux  ou  trois  minutes,  les 
pointes  du  croissant  avaient  passé  de  nord  38  degrés  est  à 
nord  70  degrés  est.  Les  raies  demeurèrent  d'ailleurs  visibles 
juqu'au  moment  où  je  déplaçai  la  lunette  pour  disposer  la 
fente  tangentiellement  au  point  où  devait  se  produire  le  pre- 
mier contact  intérieur.  Le  champ  du  spectroscope  était  alors 
rempli  de  lignes  brillantes  se  détachant  sur  un  spectre  coloré  et 
éclairé  juste  assez  pour  montrer  les  lignes  noires  bien  connues 
du  spectre  solaire.  Au  moment  de  la  totalité,  la  lumière  dimi- 

26. 


—  40i  — 

niia,  et  les  raies  brillantes  augmentèrent  rapidement  en  nombre 
et  en  éclat.  A  partir  de  ce  moment,  elles  pâlirent ,  non  pas 
instantanément,  mais  assez  vite  pour  qu'il  me  soit  impossible 
d'indiquer  l'ordre  de  leur  disparition.  Toutefois,  les  raies  de 
l'hvdrogène  D  et  ^,  et  quelques  autres  comprises  dans  l'in- 
tervalle qui  les  sépare,  restèrent  visibles  plus  longtemps. 
Celles-ci  ayant  disparu  à  leur  tour,  le  champ  devint  complè- 
tement obscur.  » 

Telle  est  la  relation  de  31.  Maclear.  La  seconde  partie 
de  l'éclipsé  fut  malheureusement  perdue  pour  lui  ;  mais 
M.  Pringle  et  le  capitaine  Fyers  ont,  pendant  cette  seconde 
phase ,  observé  en  partie  le  même  phénomène  ;  plusieurs 
autres  observateurs  ont  également  aperçu  des  raies  brillantes. 
M.  Respighi ,  qui  observait  avec  un  simple  prisme  placé  en 
avant  de  l'objectif,  ne  vit  aucune  raie  au  commencement  de 
la  totalité;  mais  il  les  observa  au  moment  où  elle  allait  cesser. 
M.  Pringle  nous  fait  connaître  une  circonstance  importante  : 
après  avoir  vu  une  multitude  de  raies  brillantes,  il  observa 
pendant  quelques  instants  un  spectre  continu  très-faible  et 
d'une  étendue  peu  considérable.  M.  Respighi,  observant  près 
du  bord  lorsque  le  croissant  était  encore  très-mince, remarqua 
que  les  raies  de  Fraunhofer  étaient  sensiblement  plus  noires 
que  de  coutume. 


§  IV.  —  Conclusions  qui  résultent  des  obsen-aiions 
précédentes. 

Tous  ces  faits  sont  extrêmement  intéressants  pour  la  théorie 
du  Soleil.  Déjà  nous  \  avons  fait  allusion  en  exposant  com- 
ment nous  avons  pu  reconnaître  l'existence  d'une  couche 
dont  le  spectre  est  continu;  nous  avons  expliqué  comment. 


-  405  - 

par  un  renversement  partiel,  cette  couche  fait  disparaître  les 
raies  noires  :  c'est  cette  observation  que  rappelle  M.  Young 
à  la  fin  du  passage  que  nous  avons  cité  plus  haut.  La  région 
du  bord  solaire,  dans  laquelle  toutes  les  raies  du  spectre  se 
renversèrent  successivement,  doit  en  effet  donner  un  spectre 
continu  lorsqu'on  l'observe  en  dehors  des  éclipses,  car  l'éclat 
lumineux  des  raies  directes  doit  compenser  l'obscurité  des 
raies  d'absorption.  Nous  savons  d'ailleurs  que  M.  Pringle, 
avec  un  appareil  moins  puissant,  a  vu  en  effet  un  spectre 
parfaitement  continu. 

M.  Janssen,  dans  ses  observations  de  18G8,  a  cherché  en 
vain  la  couche  dans  laquelle  on  doit,  d'après  la  théorie  de 
Kirchhoff,  apercevoir  les  raies  renversées.  Il  s'attendait  à 
la  voir  avec  une  épaisseur  considérable,  ainsi  que  l'annon- 
çait ]M.  Kirchhoff;  aussi,  n'ayant  pu  rien  voir  de  semblable, 
de  ce  résultat  purement  négatif  il  crut  pouvoir  conclure  que 
cette  couche  n'existe  pas  et  que  l'absorption  se  produit  dans 
la  photosphère.  Il  est  malheureux  qu'il  ne  s'en  soit  pas  tenu 
à  l'idée  qu'il  avait  émise  lui-même,  que  cette  couche  est  très- 
peu  élevée,  ce  qui  est  parfaitement  exact. 

Il  résulte  donc  de  toutes  ces  observations  que  la  théorie  de 
Kirchhoff  doit  être  admise  comme  démontrée,  avec  une  seule 
modification,  c'est  que  la  couche  absorbante  n'est  pas  aussi 
élevée  qu'il  le  supposait.  Ajoutons  cependant  que  cette  mo- 
dification n'a  pas  une  aussi  grande  portée  qu'on  pourrait  le 
croire.  Il  est  bien  vrai  cjue  la  partie  de  cette  atmosphère  qui 
est  assez  lumineuse  pour  donner  un  spectre  ne  s'élève  pas 
très-haut;  mais  rien  ne  prouve  que  la  diffusion  des  vapeurs 
s'arrête  là,  et  tout  nous  porte  à  croire  qu'elles  s'étendent 
beaucoup  plus  loin,  mais  à  un  état  qui  ne  leur  permet  pas 
de  nous  envover  de  radiations  lumineuses  assez  considérables 
pour  que  nous  puissions  les  observer  dans  les  circonstances 


-  406  - 

ordinaires.  Nous  savons,  en  effet,  que  M.  Respiglii,  obser- 
vant avec  un  simple  prisme,  a  vu  un  spectre  parfaitement 
continu  s'étendant  à  une  grande  distance  des  bords. 

C'est  ainsi  que,  par  les  observations  importantes  qu'elles 
ont  permis  de  faire,  les  éclipses  ont  complété  la  théorie  de 
l'origine  des  raies  de  Fraunhofer  et  amené  le  triomphe  des 
idées  de  Stoney  et  de  Rirchhoff.  Le  Soleil  est  donc  entouré 
d'une  atmosphère  véritable,  composée  de  vapeurs  métalliques 
qui,  à  cette  température  élevée,  sont  vraiment  à  l'état  de  gaz. 
Les  raies  de  Fraunhofer  se  produisent  par  absorption, 
comme  la  bande  noire  qui  se  produit  dans  le  spectre  de  l'arc 
voltaïque  lorsqu'on  y  brûle  une  masse  un  peu  considérable 
de  sodium  ou  de  thallium. 

Qu'il  nous  soit  permis  de  rapporter  ici  une  remarque  que 
nous  avons  faite  en  i855  en  étudiant  l'étincelle  électrique  ('). 
Frappé  de  la  discontinuité  des  spectres  que  donne  dans 
cette  étincelle  la  vapeur  des  métaux,  nous  fûmes  conduit 
à  poser  nettement  cette  question  :  le  Soleil  n'est-il  pas  ga- 
zeux? Nous  n'hésitions  pas  à  dire  dès  ce  moment  que,  vu  les 
raies  dont  son  spectre  est  sillonné,  il  doit  être  entouré  d'un 
fluide  élastique  absorbant.  Nous  étions  alors  bien  loin  de 
devancer  Rirchhoff  en  formulant  avant  lui  la  théorie  que 
nous  venons  d'exposer;  mais  le  seul  fait  de  la  discontinuité 
nous  avait  tellement  frappé  que  nous  n'hésitions  pas  à  en 
tirer  la  conclusion  que  nous  venons  de  rappeler. 


(')  Nttoi'o  Ciinento  di  Pisa,  t.  I. 


I 


—  407  — 

§  y.  —  Analyse  spectrale  de  la  couronne. 

Dans  les  premières  observations  spectrales  des  éclipses,  on 
n'a  pas  su  distinguer  les  raies  qui  appartiennent  à  la  cou- 
ronne de  celles  qui  sont  dues  aux  protubérances.  En  i  8G8,  le 
major  Tennant  étudia  la  couronne  en  donnant  à  la  fente  de 
son  appareil  une  largeur  assez  considérable  :  il  trouva  un 
spectre  continu  et  faiblement  éclairé.  M.  Janssen  n'observa 
non  plus  aucune  raie,  ni  noire,  ni  brillante.  M.  Rzliia  avait 
disposé  un  spectroscope  ordinaire  pour  analyser  la  lumière 
de  la  couronne  pendant  la  totalité  ;  il  ncij  it  aucune  raie,  peut- 
être  à  cause  de  la  faiblesse  de  la  lumière.  M.  Rennoldson, 
observant  avec  un  simple  prisme  en  avant  de  sa  lunette,  dis- 
tingua dans  la  couronne  différentes  teintes  :  rouge,  jaune 
verdâtre,  bleu,  violet  (M.  Il  ne  dit  pas  si  ces  différentes  régions 
étaient  séparées  l'une  de  l'autre  ou  bien  si  elles  se  succé- 
daient sans  interruption.  On  crut  alors  pouvoir  conclure  que 
la  lumière  de  la  couronne  est  due  à  la  réflexion  des  rayons 
émanés  du  globe  solaire. 

Ces  observations  n'étant  pas  satisfaisantes,  on  se  proposa 
de  faire  de  nouvelles  études.  En  1869,  ■^^-  Harkness  remar- 
qua qu'aux  points  où  il  n'y  avait  pas  de  protubérances  la 
couronne  avait  un  spectre  tout  particulier,  consistant  en  une 
simple  raie  verte  située  tout  près  de  la  raie  E  du  fer.  M.  Young 
la  regarda  comme  identique  avec  la  raie  i474  attribuée  au  fer 
par  Rirchboff,  et  il  assure  que  l'incertitude  ne  dépasse  pas 
celle  qui  existe  entre  C  et  Ha  de  l'hydrogène,  car  il  la  voyait, 
dans  le  champ  de  son  instrument,  se  confondre  avec  la  raie 


C)  l'oir  l'excellent  Recueil  de  M.  "VVeiss  sur  cette  éclipse,  p.  3i. 


-  408  — 

noire  correspondante.  La  longueur  d'onde  de  cette  raie  1474 
est  o'"™,ooo53i6. 

Outre  cette  ligne  verte,  M.  Harkness  crut  en  voir  deux 
autres  plus  faibles.  M.  Young  les  remarqua  aussi  et  leur  assi- 
gna des  positions  voisines  de  i:25o  et  i35o  de  l'échelle  de 
Rirchhoff;  la  première  (i25o)  coïnciderait  à  peu  près  avec 
une  raie  observée  par  M.  Winlock  dans  la  lumière  de  l'aurore 
boréale.  Déplus,  à  la  base  de  la  couronne,  les  mêmes  obser- 
vateurs aperçurent  un  spectre  continu  faiblement  éclairé. 

Ces  observations  excitèrent  l'attention  des  savants,  et  l'on 
attendait  l'éclipsé  de  1870  pour  lever  tous  les  doutes  et  tran- 
cher les  questions  non  résolues,  M.  Harkness,  à  Syracuse,  fut 
contrarié  par  la  tempête  et  ne  put  éclairer  l'échelle  de  son 
spectroscope  :  il  dut  se  contenter  de  regarder  les  raies  sans 
pouvoir  en  fixer  la  position.  M.  Young  put  déterminer  la  po- 
sition de  la  raie  la  plus  importante  avec  une  précision  qui 
paraît  satisfaisante.  M.  Lorenzoni  l'observa  trois  fois  et  lui 
assigna  une  position  comprise  entre  i463  et  1467,  ce  qui  dif- 
fère très-peu  du  résultat  trouvé  par  jM.  Young;  les  circon- 
stances dans  lesquelles  il  se  trouvait  l'empêchèrent  de  voir 
autre  chose.  Le  R.  P.  Denza  observait  à  Augusta  avec  un 
spectroscope  adapté  à  un  chercheur  de  comètes  à  très-grande 
ouverture,  ce  qui  lui  permettait  d'avoir  beaucoup  de  lumière. 
Pendant  les  quelques  instants  où  le  ciel  se  découvrit  à  moi- 
tié, il  remarqua  deux  raies,  la  principale,  très-brillante,  dans 
le  vert,  et  une  autre  moins  réfrangible  située  entre  E  et  D; 
des  recherches  postérieures  lui  font  admettre  1 246  pour  posi- 
tion de  cette  seconde  raie,  ce  qui  est  d'accord  avec  la  déter- 
mination de  jNL  Young.  Il  ne  resterait  donc  à  vérifier  que  la 
troisième  (i35o  K.).  On  ne  doit  pas  être  surpris  de  voir  des 
différences  dans  les  spectres  décrits  par  les  différents  obser- 
vateurs :  la  composition  de  la  couronne  peut  n'être  pas  la 


—   400  — 

même  à  toutes  les  époques  et  clans  tous  les  points  observés; 
certaines  vapeurs  qui  s'y  trouvent  à  un  moment  n'y  sont  peut- 
être  pas  toujours. 

La  même  éclipse  de  1870  a  donné  lieu  aune  observation 
très-intéressante.  M.  Tupmann  dirigeait  la  lunette,  tandis  que 
M.  Ilarkness  observait  au  s[)eetroscopc.  Comme  on  se  proj)o- 
sait  d'étudier  spécialement  la  couronne,  il  fallait  éviter  les 
protubérances.  Or,  malgré  le  soin  que  prit  M.  Tupmann  de 
s'éloigner  autant  que  possible  de  ces  flammes  rouges,  le 
spectre  de  l'hydrogène  se  mêla  toujours  avec  celui  de  la  cou- 
ronne ;  et  cependant  le  capitaine  Tupmann  est  certain  d'avoir 
réussi  un  grand  nombre  de  fois  à  amener  la  fente  du  spec- 
troscope  dans  une  région  éloignée  de  toute  protubérance.  Ce 
n'est  donc  pas  accidentellement  que  le  spectre  de  l'hydrogène 
s'est  trouvé  superposé  à  celui  de  la  couronne.  On  a  voulu 
expliquer  ce  phénomène  par  la  diffusion  due  à  l'atmosphère 
terrestre  ou  par  d'autres  illusions;  mais  ces  explications  ne 
sauraient  être  admises,  et  nous  verrons  c[ue,  en  réalité,  le 
spectre  de  la  couronne  est  plus  compliqué  qu'on  ne  l'avait 
cru  d'abord. 

Dans  les  observations  faites  aux  Indes,  pendant  l'éclipsé 
de  1871,  M.  Janssen  a  vu  la  raie  verte  se  projeter  sur  un 
spectre  impur,  dans  lequel  il  a  \ni  constater  des  raies  noires 
d'absorption,  et  en  particulier  celle  du  sodium.  Il  ne  faudrait 
donc  pas  admettre  le  résultat  des  observations  précédentes 
dans  lesquelles  on  n'avait  pas  vu  de  raies  noires;  cela  peut 
tenir  à  ce  qu'on  avait  donné  à  la  fente  une  trop  grande  ouver- 
ture. Dans  ces  recherches,  on  doit  éviter  deux  excès  opposés  : 
i*^  une  trop  grande  dispersion  et  une  fente  trop  étroite  rendent 
les  observations  difficiles,  faute  de  lumière;  2°  une  fente  troj) 
large  et  une  dispersion  trop  faible  permettent  difficilement  de 
distinguer  les  raies  et  d'en  fixer  la  position. 


-  410  - 

L'atmosphère  terrestre  peut  encore  être  une  cause  d'erreur, 
si  elle  n'est  pas  bien  transparente.  Lorsqu'elle  est  chargée  de 
vapeurs,  elle  peut  diffuser  la  lumière  de  la  couronne  et  ac- 
croître son  étendue  apparente.  C'est  ainsi  que,  à  Cadix,  le 
P.  Perry  observa  le  spectre  des  protubérances  jusque  sur  le 
disque  de  la  Lune;  pour  la  même  cause  sans  doute,  M.  Hark- 
ness  aurait  vu  les  raies  vertes  à  5o  minutes  du  bord,  ce  qui 
rend  vraisemblable  l'observation  de  M.  Winlock,  qui  les  a 
vues  à  une  distance  de  20  minutes. 

M.  Abbay  nous  assure  qu'il  n'a  vu  aucune  ligne  noire.  11 
les  vit  disparaître  successivement,  et  elles  furent  ensuite  rem- 
placées par  les  raies  brillantes  des  protubérances  (  '  ).  Celles-ci 
disparurent  à  leur  tour  au  bout  de  quelques  secondes;  il  ne 
resta  que  la  raie  F  et  une  autre  moins  réfrangible  que  b, 
située  entre  1464  et  i494  '•  c'était  sans  doute  la  fameuse 
raie  i474- 

Eq  1870,  M.  Pye  a  étudié  l'intensité  relative  des  différentes 
raies,  et  il  l'a  exprimée  d'une  manière  approchée  par  les  nom- 
bres suivants  :  C  =  8,  5;  D3  =  5,5  ;  i474  =  10,0;  F  =:  3,o. 

La  raie  i474  ^st  la  seule  qu'on  ait  trouvée  aux  Indes  dans 
le  spectre  de  la  couronne. 

Nous  devons  citer  en  terminant  l'observation  très-impor- 
tante de  M.  Respighi.  11  avait  simplement  mis  en  avant  de 
l'objectif  de  sa  lunette  un  seul  prisme  avant  un  angle  réfrin- 
gent assez  petit.  C'est  une  excellente  idée  et  un  perfectionne- 
ment heureux  apporté  à  la  méthode  que  nous  avions  pro- 
posée en  18G8.  Nous  proposions  de  regarder  à  travers  vui 
prisme  à  vision  directe  placé  auprès  de  l'oculaire;  le  prisme 
objectif  est  préférable  :  c'est  le  meilleur  moyen  surtout  lors- 


(')  Mo/ich.  Not.ofastr.  Soc,  t.  XXX,  p.  60. 


-  m  — 

qu'on  observe  avec  une  petite  lunette.  En  emplovant  cette 
méthode,  on  voit  quatre  images  de  chaque  protubérance, 
correspondant  aux  quatre  raies  de  l'hydrogène,  de  même 
qu'on  voit  trois  images  séparées  lorsqu'on  observe  la  flamme 
d'une  lampe  à  alcool,  après  avoir  mis  sur  la  mèche  des  sels 
de  sodium,  de  lithium,  de  thallium  ou  de  cuivre. 

Lorsque  le  Soleil  disparut,  M.  Respighi  vit  quatre  cercles 
très-brillants  et  diversement  colorés  :  un  rouge,  un  jaune,  un 
vert,  un  bleu,  et  les  traces  d'un  cinquième  de  teinte  violette. 
Sur  ces  cercles,  qui  étaient  ceux  de  la  chromosphère,  se  déta- 
chaient les  images  monochromatiques  très-vives  des  protubé- 
rances; ces  images  étaient  parfoitement  semblables,  seule- 
ment celles  du  bleu  et  du  violet  étaient  ])lus  basses  que  celles 
du  rouge  et  du  jaune.  Le  fond  général  du  champ  était  un 
spectre  mal  défini  et  faiblement  éclairé.  L'auréole  se  déta- 
chait au-dessus  de  la  chromosphère,  formant  autant  de  cer- 
cles distincts.  Le  plus  large,  le  plus  diffus,  et  en  même  temps 
le  plus  régulier,  était  le  vert,  celui  de  la  raie  il\']l\.  Le  cercle 
rouge  était  aussi  très-étendu,  mais  irrégidier  sur  son  contour. 
Le  cercle  bleu  et  le  jaune  étaient  moins  étendus  et  moins 
lumineux  :  nous  avons  déjà  dit  que  les  images  des  protubé- 
rances correspondant  à  ces  couleurs  étaient  plus  basses. 

Il  résulte  de  cette  observation  que,  si  la  couronne  envoie 
principalement  des  rayons  correspondant  à  la  raie  i474?  ^^1^ 
contient  cependant,  en  outre,  une  assez  grande  quantité  d'hy- 
drogène, qui  y  est  entraîné  par  son  pouvoir  de  diffusion. 
C'est  ce  qui  explique  l'observation  de  jVL  Harkness,  qui  aperçut 
les  raies  de  ce  gaz,  même  en  dehors  des  protubérances.  Cette 
observation  nous  apprend  également  que  la  couronne  con- 
tient quelques  autres  vapeurs  qui  donnent  un  spectre  général 
très-composé  et  mal  défini. 


-  412  — 


§  YI.  —  Conclusions  générales  relatives  à  la  couronne. 

De  tontes  ces  recherches,  il  résulte  que  la  couronne  pos- 
sède une  lumière  qui  lui  est  propre,  c'est-à-dire  qu'elle  est 
composée  de  substances  dont  la  température  est  assez  élevée 
pour  qu'elles  soient  lumineuses  par  elles-mêmes.  Ces  sub- 
stances sont  principalement  l'hydrogène,  le  corps  qui  corres- 
pond à  la  raie  Dg,  qu'on  a  appelé  hélium,  et  le  corps  inconnu 
qui  correspond  à  la  raie  il\']l\.  De  plus,  la  couronne  nous  en- 
voie une  certaine  quantité  de  lumière  diffuse  dont  nous  par- 
lerons à  la  fin  de  ce  Chapitre. 

Nous  disons  que  la  substance  qui  produit  la  raie  verte  est 
inconnue.  Rirchhoff  a  dit  que  i474  correspond  au  fer;  mais 
nous  avons,  avec  une  lampe  électrique,  projeté  le  spectre  du 
fer  sur  celui  de  la  lumière  solaire,  et  nous  n'avons  jamais  ob- 
servé cette  raie;  si  d'autres  phvsiciens  l'ont  obtenue,  cela 
tenait  peut-être  aux  échantillons  de  fer  sur  lesquels  ils  opé- 
raient; aussi  avons-nous  peine  à  admettre  que  la  vapeur  de 
ce  métal  existe  dans  l'atmosphère  solaire.  Nous  n'osons  cepen- 
dant pas  le  nier.  Les  expériences  de  r\I.  Cornu  nous  ont  ap- 
pris que  les  raies  métalliques  ne  se  produisent  pas  et  ne  se 
renversent  pas  toutes  à  une  même  température;  ne  serait-ce 
pas  là  ce  qui  produirait  les  différences  dans  les  résidtats? 
D'ailleurs  le  fer  se  rencontre  abondamment  dans  les  taches, 
et  c'est  un  des  métaux  dont  les  raies,  même  renversées,  s'ob- 
servent facilement  sur  le  Soleil,  en  dehors  des  éclipses.  Nous 
attendrons  donc  qu'on  ait  fait  de  nouvelles  recherches. 

Quant  aux  autres  raies,  elles  présentent  beaucoup  d'incer- 
titude. Plusieurs  observateurs  ont  signalé  la  raie  I24(^,  qui 
serait  identique  à  celle  de  l'aurore  boréale.  Ce  fait  serait  très- 


—   il3  — 

intéressant,  s'il  venait  à  se  confirmer  parfaitement.  Mais  à 
quoi  est  dû  le  spectre  des  aurores  polaires?  Ce  spectre  nous 
offre  plusieurs  raies,  mais  elles  sont  toutes  variables,  à  l'ex- 
ception d'une  seule,  qui  est  bien  constante;  sa  longueur 
d'onde  est  o""",  0005571  :  elle  est  située  presque  à  moitié  de  la 
distance  comprise  entre  C  et  D.  Quant  aux  autres  raies,  voici 
la  description  qui  en  a  été  donnée  par  quelques  observateurs  : 


mm 


«'longueur  d'onde,  de 0,000640  à  63o  Proctor. 

a  longueur  d'onde 0,0005571  constante  :  Angstrom  et  tous 

les  autres. 

h  longueur  d'onde o,ooo5546    \ 

G  longueur  d'onde o.ooo53i5   f 

■  \  Winlock  et  Clarck. 

«  près  de  t,  longueur  donde.  .      0,0000210   l 

e  près  de  G,  longueur  d'onde.  .      0,0004649  > 

Dans  la  magnifique  aurore  du  4  février  1872,  on  a  constaté 
partout  que  la  raie  d'Angstrom  était  visible  sur  toute  la  sur- 
face du  ciel;  mais  il  n'en  était  pas  de  même  des  autres  :  on 
ne  les  voyait  qu'en  certains  points  où  la  lumière  était  plus 
vive.  Il  est  très-remarquable  que,  dans  certaines  régions  d'un 
rouge  très-prononcé,  on  ne  voyait  pas  trace  de  la  raie  rouge, 
quoiqu'elle  fût  très- visible  en  d'autres  endroits.  On  a  cru 
observer  les  raies  de  l'iiydrogène,  mais  on  n'a  pas  déterminé 
leur  position  d'une  manière  satisfaisante.  On  a  même  vu  des 
portions  de  spectre  continu.  Dans  les  moments  où  le  phéno- 
mène était  plus  brillant,  nous  avons  entrevu  plusieurs  raies, 
et,  dans  le  vert,  une  partie  du  spectre  nous  a  présenté  l'appa- 
rence cannelée  que  possède  celui  de  l'azote.  On  voit  donc 
que  la  lumière  de  l'aurore  polaire  est  très- variable,  et  il  n'y  a 
là  rien  qui  doive  nous  surprendre.  Le  spectre  de  l'éclair  est 
également  très-variable  :  quelquefois  il  est  cannelé  comme 
celui  de  l'azote,  quelquefois  c'est  un  spectre  de  second  ordre 


—  414  — 

semblal)le  à  celui  de  ce  métalloïde  ;  dans  certaines  décharges 
il  y  a  de  l'hydrogène,  et  plusieurs  fois  nous  avons  aperçu 
un  nombre  immense  de  raies.  L'aurore  se  produisant  dans 
les  régions  les  plus  élevées  de  l'atmosphère,  son  spectre  doit 
dépendre  de  l'état  de  raréfaction  et  peut-être  de  la  nature 
chimique  des  gaz  qui  occupent  ces  régions.  De  tout  cela  il 
résulte  que  le  spectre  de  l'aurore  est  bien  différent  de  celui 
de  la  couronne  solaire. 

Nous  ne  connaissons  pas  l'origine  de  la  raie  princi])ale  de 
l'aurore.  M.  Zollner  l'attribue  à  l'oxygène  à  une  basse  tem- 
j)érature  (' )  ;  quoi  qu'il  en  soit,  elle  n'occupe  certainement 
pas  la  même  position  que  la  raie  principale  de  la  couronne, 
et  lors  même  qu'elle  coïnciderait  avec  une  des  plus  faibles,  il 
n'en  est  pas  moins  vrai  que  nous  ignorons  complètement  son 
origine. 

On  a  dit  aussi  que  la  raie  principale  de  l'aurore  polaire  est 
la  même  que  celle  de  la  lumière  zodiacale;  mais  le  spectre  de 
la  lumière  zodiacale  n'est  pas  véritablement  linéaire,  il  est 
complètement  diffus.  On  sait  d'ailleurs  que  toutes  les  lueurs 
bleuâtres  paraissent  monochromatiques,  quoiqu'elles  soient 
réellement  composées  ;  c'est  ce  qui  a  lieu  pour  les  étoiles, 
pour  les  corps  phosphorescents,  pour  les  vers  luisants.  Il  est 
donc  impossible  de  rien  dire  sur  l'origine  de  ces  raies  ni  sur 
leurs  rapports  avec  celles  de  la  couronne  solaire. 

Quelques  savants  ont  pensé  que  l'existence  d'une  raie  com- 
mune dans  le  spectre  de  l'aurore  polaire  et  dans  celui  de  la 
couronne  prouverait  que  cette  seconde  lumière  doit,  comme 
la  première,  être  attribuée  à  un  phénomène  électrique.  Nous 
ne  voulons  pas  nier  l'existence  de  l'électricité  dans  le  Soleil, 


(';   Nature,  t.  III,  p.  3^6. 


-  Uo  - 

mais  nous  ferons  remarquer  que  l'électricité  n'a  pas  la  pro- 
priété spécifique  de  donner  des  raies  qui  puissent  servir  à  la 
caractériser;  en  traversant  les  gaz,  elle  ne  fait  que  les  rendre 
lumineux  par  la  chaleur  qu'elle  développe.  Ces  gaz  devenus 
lumineux  donnent  j)ar  l'analyse  spectrale  des  raies  qui  dé- 
pendent uniquement  de  leur  nature  chimique  et  de  leur  état 
physique,  mais  qui  sont  complètement  indépendantes  de  la 
cause  qui  les  a  échauffés.  La  température  du  Soleil  étant 
extrêmement  élevée,  il  n'y  a  pas  besoin  d'une  autre  cause 
pour  expliquer  l'incandescence  de  son  atmosphère.  Les  gaz 
ont  des  spectres  différents,  suivant  les  températures  aux- 
quelles ils  sont  portés  :  c'est  un  fait  incontestable.  M.  Zollner 
pense  que  la  raie  de  la  couronne  est  due  à  un  gaz  dont  la  tem- 
pérature est  peu  élevée;  c'est  parfaitement  possible,  et  l'expé- 
rience ne  peut  ni  vérifier,  ni  contredire  cette  affirmation,  car 
à  une  basse  température  et  sous  une  faible  épaisseur  les  gaz 
ne  donnent  certainement  aucun  spectre;  mais  il  en  peut  être 
autrement  lorsque  l'épaisseur  devient  très-considérable,  et 
c'est  ce  qui  a  lieu  pour  la  couronne  dont  l'épaisseur  est,  par- 
tout où  nous  l'observons,  plus  grande  que  le  diamètre  solaire. 

Dans  les  premières  éclipses,  on  avait  remarqué  que  les  pro- 
tubérances correspondaient  aux  parties  les  plus  brillantes  de 
la  couronne.  Pourvoir  si  cette  loi  est  générale,  nous  avons 
tracé,  sur  un  même  dessin,  les  protubérances  observées  à 
Rome  et  la  couronne  photographiée  à  la  même  époque  pen- 
dant Téclipse  totale  des  Indes.  Il  résulte  de  cette  comparaison 
que  la  coïncidence  n'a  pas  toujours  lieu,  car  il  v  a  des  protu- 
bérances qui  correspondent  à  des  dépressions  de  l'auréole. 

M.  Respighi,  en  observant,  comme  nous  l'avons  déjà  dit, 
avec  un  prisme  placé  en  avant  de  sa  lunette,  a  trouvé  que  la 
couronne  avait  sensiblement  la  même  épaisseur  dans  toute 
son  étendue  ;  il  en  a  conclu  qu'on  se  trompe  lorsqu'on  parle 


-  41G  — 

de  ses  inégalités,  des  rayons  et  des  panaches  recourbés  qui 
l'accompagnent,  etc.  Nous  croyons  qu'il  a  été  induit  en  er- 
reur par  le  mode  d'observation  qu'il  employait.  M.  IMaclear 
et  d'autres  astronomes  ont  déjà  fait  remarquer  que  la  cou- 
ronne paraît  irrégulière  dans  son  contour  et  accompagnée  des 
rayons  que  nous  avons  décrits,  lorsqu'on  l'examine  à  l'œil  nu 
ou  avec  un  chercheur  d'un  faible  pouvoir  grossissant,  mais 
que  dans  une  grande  lunette  elle  se  réduit  à  un  anneau  étroit 
ayant  une  épaisseur  de  5  à  6  minutes.  iNI.  Respighi  évalue  à 
6  ou  7  minutes  la  largeur  des  cercles  qu'il  a  observés,  ce  qui 
coïncide  bien  avec  l'évaluation  de  31.  jVIaclear.  Évidemment, 
à  travers  son  prisme,  il  n'a  pu  voir  que  la  partie  la  plus  bril- 
lante qui  forme  à  peu  près  un  anneau  régulier;  le  reste  étant 
très-peu  lumineux,  et  se  projetant  sur  le  spectre  diffus  qui 
remplissait  le  champ,  ne  pouvait  produire  une  impression 
sensible  sur  l'œil  de  l'observateur.  Les  nombreuses  photo- 
graphies qui  ont  été  faites  pendant  les  éclipses  ne  nous  lais- 
sent aucun  doute  sur  l'irrégularité  du  contour  extérieur  de  la 
couronne,  et  il  faut  remarquer  que  ces  photographies  peu- 
vent être  considérées  comme  des  images  monochromatiques, 
car  elles  ne  dépendent  que  de  l'activité  des  rayons  chimiques; 
et  cependant,  toutes  les  fois  que  l'air  est  bien  pur,  leurs 
formes  sont  presque  identiques  avec  celles  qu'on  observe 
directement.  Il  n'y  a  donc  pas  d'iUusion  possible,  quoique 
l'action  actinique  de  la  lumière  puisse  être  différente  de  son 
action  physiologique. 

Il  n'est  pas  aussi  facile  de  dire  quelle  est  l'origine  de  la 
lumière  diffuse  qui  produit  le  spectre  continu  de  la  couronne. 
Il  est  bien  certain  qu'on  ne  peut  l'attribuer  ni  à  la  Lune,  ni  à 
l'atmosphère  terrestre.  On  a  supposé  alors  que  c'était  le  résul- 
tat d'une  réflexion  produite  par  les  molécules  des  fluides 
élastiques  qui  composent  la  couronne  elle-même.  Cette  lu- 


-  417  - 

niière  continue  ne  [jrovicndi'ait-t'llc  j^as  simplement  de  l'in- 
candescence  des  gaz  qui  cuNcloppcnt  le  Soleil?  Nous  regar- 
dons cette  hypothèse  comme  fort  probable. 

On  a  étudié  la  couronne  au  polariscope,  mais  les  résultats 
de  cette  observation  sont  trop  équivoques  pour  trancher 
la  question;  car,  même  en  admettant  qu'il  y  ait  des  traces  de 
polarisation,  il  serait  difficile  de  prouver  que  ce  phénomène 
n'a  pas  d'autre  cause  qu'une  réflexion  produite  par  l'atmo- 
sphère solaire. 

M.  TTarkness,  s'appuvant  sur  la  faiblesse  du  pouvoir  réflec- 
teur que  possèdent  les  gaz,  attribue  cette  lumière  à  l'hvdro- 
géne  et  à  des  vapeurs  simplement  incandescentes.  Lorsque  le 
gaz  hydrogène  brûle  à  une  basse  tempér.iture,  sa  flamme 
donne  un  spectre  continu  ;  dans  le  bleu,  on  remarque  la  raie  F 
qui  est  très-faible  et  qui  n'est  certainement  pas  due  aux  im- 
puretés du  gaz.  On  pourrait  invoquer  ce  fait  pour  confirmer 
l'opinion  de  31.  Harkness,  qui  pense  que  toute  réflexion  est 
impossible  dans  une  substance  purement  gazeuse.  Sans  vou- 
loir trancher  la  question  d'une  manière  définitive,  nous  pen- 
sons que  ce  spectre  pourrait  bien  être  dû  à  des  masses  sim- 
plement incandescentes,  qui  doivent  sans  doute  se  former  dans 
La  couche  la  plus  élevée  de  l'atmosphère  du  Soleil. 


27 


449  - 


NOTE. 


PROBLEMES  RELATIFS  A  LA  ROTATION  DU  SOLEIL. 


Problème  I.  —  Trouver  la  distance  liéliocenLriijue  d' une  taclw 
à  la  Terre,  connaissant  sa  distance  géocenlri//ue  au  centre  du 
disque  solaire. 

Soient  T  le  centre  de  la  Terre  [Jig.  i44)i  O  le  centre  du  Soleil; 
C  le  point  correspondant  au  centre  du  disque,  où  la  droite  TO  ren- 
contre la  surface^  M  la  position  d'une  tache  :  il  s'agit  de  déterminer 
l'angle  MOT,  connaissant  l'angle  MTO. 


Fig.  i4.'| 


jNous  pouvons  écrire 


ou  bien 


ou  encore 


Or 


sinOMT        sinMTO 


OT 


xMO 


sin  OMT  =  ^  sin  MTO, 


OT 
sin  (MOT  4- MTO)  = sinMTO. 

^  '       OM 


OT        OT 


OxM       ON        tangR 


27. 


420  — 


eu  appelant  R  le  rayon  du  Soleil  réduit  en  minutes.  Posons 


nous  aurons 


sia  (p  -T-r) 


tans  11 


Les  angles  R  et  ;■  étant  très-petits,  nous  pouvons  remplacer  le 

sin  /•  I    •    1  '  1»  '  •        1      • 

rapport par  celui  des  arcs  -  ?  et  1  équation  devient 


d'( 


sin  (p  -f-/-j 


p  -4-  /•  =  arcsin  -^5      ou     p  :=  arcsm  - 


Reninrque  I.  —  En  remplarant  le  rapport par  celui  des 


arcs  -5  on  commet  une  erreur  qui,  dans  les  cas  les  plus  délaNora- 
1)1  es,  est  égale  à  quelques  centièmes  de  seconde  seulement  :  on  peut 


donc  la  négliger 


R 


eniaraae 


11.  —  On  détei 


de  \i 


itc  le 


'que  11.  —  un  acterminera  ue  la   manière  suivante  les 
coordonnées  équatoriales  :  la  déclinaison  sera  Ad  ^=  Mn  {Jig.  i45) 


Fijj.  1^5. 


\                 r. 

m7\ 

/M 

e\ 

et  l'ascension  droite  Ax  =  KM  r=  C//  ^^^  i5f  cosd,  t  étant  le  nombre 
de  secondes  qui  s'écoule  entre  le  passage  de  la  taclie  et  ci-lui  du 
centre. 


-  421  - 

L'aiigle  de  position  P  =  QiCM  [fig-  '45)  se  déduira  des  équa- 
tions suivantes  : 

^  ,^  Cn        iS/cos^ 

tang  P  :^  cet  MC«  = 


/•=CM 


cosP        sinP 


Problè:me  11.  —  Tvnnsforviev  les  coordonnées  équatoriales 
d' une  iaclie  en  coordonnées  prises  par  rapport  à  Vécliptique : 
c'esi-à-dire,  des  différences  Aa  et  Ao,  déduire  les  différences 
de  longitude  et  de  latitude  AL  et  AA. 

Soient  Q^Q'  le  cercle  parallèle  à  l'équateur  céleste  qui  passe  par  le 
centre  du  disque  5  EE'  l'écliptique  j  G  =  ECQ  1  angle  de  ces  deux 
plans.  Nous  pouvons  écrire 

^L  =  Cp  —  CMcosMC7>r=CMsin(Q,CM  -r-  ECQ)-- /sin  (P -f- G}, 
A  A  =  Mp  —  CM  sin  MCp  =  CM  cos(  Q,  CM  -^  ECQ)  =  r  cos(P  -^  G  ). 

L'angle  G  est  égal  à  celui  que  font  entre  eux  les  cercles  de  latitude  et 
de  déclinaison  se  croisant  au  centre  C  du  disque  solaire  [fig.  ^^Q  • 
Si  donc  Qt  représente  l'équateur  solaire,  dont  le  pôle  est  cn  Q, 

Fij.    146. 

Q.(P.Eq.) 
E.CP-Ecl.) 


et  TE  l'écliptique,  7zCQi  sera  le  cercle  de  déclinaison,  et  EjC/? 
celui  de  latitude-,  l'angle  G  sera  QjCE,  =:/2Ce,  Cet  angle  aura 
pour  complément  TC/z  =  ci  ;  mais  cot  ç-  =^  tang  G  T«  cos  CT  \  donc 

tang  G  =  tang  w  cos  ©, 

O  étant  la  longitude  du  Soleil  et  w  l'obliquité  de  l'écliptique. 


Problème  III.  —  Connaissant  les  coordonnées  géocentriqiies 
d'une  tache  par  rapport  a  V équateiir  céleste,  trouver  ses  coordon- 
nées héliocentriques par  rapport  à  Vécliplique. 

Soient  O  [fig-  147)  1<^  centre  du  Soleil  5  C  le  centre  du  disque  vu 

Fig.  ,/J7. 


de  la  Terre,  de  sorte  que  le  rayon  OC  prolongé  passe  par  le  centre 
de  la  Terre.  Soient  ECE'  l'écliptique;  CB  le  parallèle  céleste;  QT 
l'équateur.  La  longitude  de  la  Terre  vue  du  Soleil  TOC  =  Ô  sera 
égale  à  O  -h  180°.  Le  triangle  sphérique  mÇ^n  donne  l'équation 

tang  C  n  =  tang  C  m  ces  m  C  «, 

et,  en  employant  les  mêmes  notations  que  dans  les  problèmes  pré- 
cédents, nous  aurons,  en  posant  Qn  =  r, 

tang  r,  =  tang  p  sin  (  P  +  G), 

et,  pour  la  valeur  de  la  longitude  A, 

A=  T0/^=  TOC  +  /^0C=:  6  -hn  =  i8o°-t-  Q  -hr,; 

pour  la  latitude  /. 

sin^  =  sin  nin  =  sin  p  ces  (P  -i-  G). 

Dans  le  calcul  de  ces  coordonnées  on  devra  observer  la  règle  des 
signes. 


-  423  — 

ProblIme  ]\  ,  —  Connaissant  les  coordonnées  lièliocentriques 
7'af)portées  à  l'écliptique  de  trois  positions  d'ime  même  tache,  dé- 
ternii/ier  les  éléments  de  la  rotation  solaire,  c  est-à-dire  la  lonsri- 
tude  du  nœud  ^,  l'inclinaison  I  de  l'equateur  céleste  sur  l'éclip- 
tique et  la  duiée  de  la  rotation. 

Soient  El  le  pôle  de  Téeliptique  [fig-  148)7  S,  celui  Je  l'équaleur 


solaire 5  M  la  position  d'une  tache ^?N  l'intersection  de  l'équateur 
solaire  et  de  l'écliptique.  On  aura 

CCS  s, M  =  cosE,M  cosS,E,  —  sinE,  M  sinSiE,  cosS,E,]M, 
S,  M  =  90°  — Mr  =  90°  — a', 

À'  étant  la  latitude  liéliograpliique,  c'est-à-dire  prise  par  rapport  à 
l'équateur  solaire  5 

S,E,M  =  S,E,N-F]NE./;  =  90°—  «£,«  =  90  -^  v, 

V  étant  la  distance  de  la  taclie  au  nœud,  distance  comptée  sur  l'éclip- 
tique, de  sorte  que 


d'où 

et,  en  substituant. 


T  «  =  T  N  H-  N  «  —  ^ 

V  =  A  —  N, 


sin  \'  =  sin  \  ces  T  —  ces  \  sin  I  sin  (  A  —  >'  ) 

=  sinX  cosi  —  cosX  sini  sin  A  cos>'  -~  cosa  sini  ces  A  sinX. 


—  iU  — 
Divisons  les  deux  membres  de  l'équation  par  cos  I, 
sinX' 


cosi 
Posons 


r=  sinX  —  cos  À  sinAtangIcosN  -i-  ces/  cos  A  tanelsinN. 


1 


sm>.  T        ^-  *       T   •     ^T 

^  .r,      tan"I  cos  A  =-  >•,      tangl  sin  _N  =  z; 

cosI 


sin).  =  A,        cosi.  sin  A  =^  B,       cosXcosA^=C; 

l'équation  dc\ic'nt 

j:=  A  —  Br  +  Cz. 

Chaque  observation  donnant  des  valeurs  correspondantes  /.  et  A, 
trois  observations  fourniront  trois  équations  cjui  ser\ iront  à  déter- 
miner a:,  r  et  r.  11  n  v  aura  plus  qu'à  résoudre  les  équations 

"  ~-  Y  . 

tant;  X  ^  -  ,      tang  1 7=  - — -  =  -— -  ,      sin  ).'  =  x  cos  I. 
^  j  sai  _\        cos  A 

Sil  v  a  plus  de  trois  observations,  on  emploiera  la  méthode  des 
moindres  carrés. 

Pour  la  durée  de  la  rotation,  on  l'obtiendra  de  la  manière  sui- 
vante :  le  triangle  sphérique  SiEiM  nous  donne  l'angle  au  pôle 

E,  S,  M       90"  —  >"S,  M  =  90"  —  S. 

De  là  on  déduit 

sinE,S,^I  _  sin  S,E,M        cosH  __  cos(A  — N) 
sinE,.M  sinS,_M  cos  À  cos  X' 

cos  A  cos  (A  —  N) 
cos  S  = '-—. • 


cos  A 


Pour  une  autre  position,  on  aura 

cos  A,  cos(  A,  —  N) 
cosf(,= \, ': 

cos  A , 

on  en  déduira  la  valeur  de  ^i  —  ,3  qui  correspond  à  l'intervalle  de 


423 


temps  T' —  T^  la  cIuix'l'  crunc  i(jtalion  cnliiTt'  Z  sera  donnée  i)ar  la 
proportion 


P  -6 

r.  -  T 


36o 


Dans  l'état  actuel  d(;  la  Science,  ces  déleiininations  absolues  ne 
sont  plus  nécessaires  ^  comme  l'élude  des  dillérentes  taches  conduit 
à  des  résultats  dillérents,  il  vaut  mieux  employer  une  méthode  plus 
oxpéditive,  dans  laquelle  on  peut  giouper  j)lusieurs  taches,  comme 
nous  allons  li"  \oir. 

PiioiîLicME  \  .  —  Connaissant,  les  élcnienls  a/ip/uchcs  de  la 
rotalLon  solaire,  calculer   leurs  corrections. 

^  oici  la  solution  de  M.  Carrington. 

Soient  Si  ifig-  149)  le  pôle  de  rotation  du  Soleil  5  M  la  position 

Fig.  .^9. 


d'une  tache;  (^j  le  pôle  nord  de  la  sphère  céleste;  Ej  celui  de 
l'écliptiquc;  C  la  position  de  la  Terre  vue  du  Soleil,  la  droite  OC 
passant  par  le  centre  de  la  Terre;  ADK  l'équateur  solaire;  Si  C  le 
méridien  qui  passe  par  le  centre  de  la  Terre.  ADK  =_  L  sera  la 
longitude  liéliograpliique  de  la  Terre,  comptée  sur  l'équateur  so- 
laire à  partir  du  nœud  A,  et  CK  =  D  sera  sa  latitude;  AD  =  /  sera 
la  longitude  liéliograpliique  de  la  tache  M,  comptée  également  à 
partir  du  nœud  A,  et  DM  ■=-.  ).'  sera  sa  latitude.  Appelons  X  l'angle 
-MCSi  compris  entre  l'arc  de  position  MC  de  la  tache  et  le  méri- 


dien  solaire  qui  passe  par  la  Terre.  Le  triangle  sphérique  SiMC 
donnera 

cosMS,  =  cosMG  cosCS,  +  sinMCsinCS,  cosMCS,, 
ou 

(i]  sinÀ'^=:  cosp  sinD -r  slnp  cnsD  cosX 


et 


ou 


sinMS.C        sin  MCS| 


sin  MC  sin.MS, 


.    ,  sin  p  sin  X 

(  2  )  .sin  L  -  /)  =  —fl— ^. 

^     '  ^  cos  ). 

L'angle  Sj  CM—-  X  est  composé  de  trois  parties  :  i"  MCQi  =  P, 
c'est  l'angle  que  forme  l'arc  p  avec  la  direction  du  pôle  céleste  ^ 
2°  QiCEi=r^G,  c'est  l'angle  que  forment  les  deux  grands  cercles 
menés  du  point  C  au  pôle  de  la  Terre  et  à  celui  de  l'écliptique^ 
S*'  El  CSi  =  H,  c'est  l'angle  que  fait  le  méridien  passant  par  le  pôle 
solaire  avec  celui  qui  passe  parle  pôle  de  l'écliptique.  Ces  angles 
se  calculeront  delà  manière  suivante. 

Soit  TAC  l'écliptique  {fig.  i5o),  C  étant  toujours  la  direction 


(Eq.Ôi 


dans  laquelle  la  Terre  est  vue  du  centre  du  Soleil  :  traçons  le  cercle 
de  déclinaison  CQj,  le  cercle  de  latitude  céleste  CEi  et  le  cercle  de 
latitude  solaire  CSj  ;  ce  dernier  coupera  l'équateur  à  angle  droit  au 


-  4-21  - 

point  1",  iL  le  Lriauj^le  Al'C  rc;cLan|^k'  en  F  donnera 

tany  AF  ^^  tang  AC  cos  FAC. 

D'ailleurs 

AC  —  TC  -  TA  =  ô  -  i\  =  i8o  +  O  —  N 
et 

FAC  =  I. 

Donc 

(3)  tangL-^  tang (O— N) cos T, 


et 


sin  YC         si  11  AC 


sin  FAC       sin  90" 

(4)  sinD  — sin(Q— N)sinl. 

Le  même  triangle  nous  donne  encore 

FCA  =  90°  —  FC  7  =  90"  —  H, 
d'où 

(  5 )  cot  FCA  =  tang  H  =--  tang  I  cos  [Q  —^). 

L'angle  G  sera  donné  par  la  formule  déjà  trouvée 

(6)  tang  G  =  tang  w  cos  O, 

d'où 

X=P-+-1I4-G. 

Les  valeurs  de  L  et  D  seront  données  par  les  formules  (3)  et  (4)  '-, 
ensuite  ou  calculera  X'  avec  la  formule  (1)  et  (L  —  /)  avec  l'équa- 
tion (  2  ) ,  d'où 

L  — (L  — /)  =/, 

Alors,  en  partant  d  un  premier  méridien,  avec  le  nombre  g  de 
jours  écoulés  et  avec  la  valeur  ^  de  l'arc  de  rotation  diurne  adopté 
primitivement,  on  calculera  la  valeur  de  ^^  et  l'on  verra  la  diffé- 
rence /  —  g'^  qui  donnera  la  correction  de  la  durée  adoptée  pour 
la  rotation. 


—  4-28  — 

Dans  le  travail  de  Carriiiglon,  on  a  adopté  pour  durée  de  la  rota- 
lion  25J,38.  Pour  un  intervalle  de  ^  jours,  on  doit  donc  avoir 

a5 ,  38    _  5" 
36o     "  "/  ' 

/  étant  compté  à  partir  de  la  coïncidence  du  méridien  moLile  avec 
le  nœud. 

La  correction  des  autres  éléments  demande  des  calculs  trop  longs 
pour  que  nous  puissions  les  donner  ici.  On  pourra  consulter  l'Ou- 
vrage de  Carrington,  page  232  et  suivantes;  on  trouvera  dans  le 
même  Ouvrage  des  Tables  qui  abrègent  beaucoup  le  calcul.  Nous 
devons  cependant  avertir  le  lecteur  que  de  nombreuses  fautes  d'im- 
pression se  sont  glissées  dans  l'Ouvrage  de  _M.  Carrington,  surtout 
dans  les  pages  12  et  i3. 


rm  DE  LA  PRE.AIIERE  PARTIE. 


Paris.  —  l:iiprimeiie  de  GAI' riUrK-VILLARS,  53,  quni  des  Augusiins. 


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UNIVERSITY  OF  TORONTO  UBRARY 


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